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      Il était une fois, la Garonne, fleuve tranquille mais parfois tumultueux coulant au bord de La Réole.      Début 1990, monsieur le ma...

    Il était une fois, la Garonne, fleuve tranquille mais parfois tumultueux coulant au bord de La Réole.

    Début 1990, monsieur le maire, Bernard Castagnet, voulut réactiver, redonner vie à cet espace et connaissant l'existence d'un sport consistant en une course de radeaux comiques sur la Garonne en région Toulousaine "La Garona", proposa à Christian Clémençon de bien vouloir instaurer ce genre de manifestation sur la Garonne à La Réole.
    Christian Clémençon étant déjà président de la Fédération des Sociétés Réolaises, se lance sur cette idée, il a déjà un bureau formé sur La Réole et cogite à une nouvelle aventure après avoir participé à une édition Toulousaine en 1991 pour inspirer son nouveau projet.

Pourquoi ne pas faire une descente de la Garonne sur des radeaux
entre Marmande et La Réole ?

    Christian Clémençon, Marmandais de naissance, connaît du monde dans cette ville.
    Pour l'aider à réaliser cette aventure, il contacte Titou Person qui régirait les Marmandais et les communes environnantes pendant que Christian régirait les Réolais et les communes voisines pour constituer un comité "Marmando-Réolais" afin de réaliser cette manifestation.

    Ce comité décida que cette descente nautique ne serait pas une course comme celle de Toulouse, mais plutôt une manifestation, non chronométrée- chacun avance à son rythme- sécurisée, festive, costumée, humoristique, conviviale où toutes les idées de confection de radeaux seraient fabriquées selon l'imagination des radélistes.
    
    Un règlement intérieur définit la sécurité assurée par les bateaux de pompiers qui sillonnent les 
flots tout au long de la manifestation pour intervenir rapidement le cas échéant et s'appellera "Les Radofolies Marmande-La Réole" sur une distance de 25 kilomètres. Les radeaux ne doivent pas avancer avec des moteurs mais seulement avec la force humaine, des rames, moulins à aube, bicyclettes, voiles etc... propulsions inventées par les radélistes. Il est décidé que cette manifestation se déroulerait chaque dernier dimanche du mois d'août.

    Après diffusion du projet dans les villes et les campagnes, l'idée fut reçue avec enthousiasme et les jeunes se mirent à construire des radeaux pendant les week-ends de l'année 1992. Les imaginations fusèrent pour trouver un sujet à traiter. Une foison de radeaux émergent des idées concrétisées.

    L'idée géniale a gagné les commerçants, les artisans, les entreprises locales qui construisirent également leur radeau avec leurs employés pour participer à cette réjouissance et qui contribua à réaliser une recette conséquente pour chaque commerce par la vente de matériaux nécessaires aux différentes constructions.

 Il y a déjà 30 ans

    La première descente débuta en 1992 avec la participation de 47 radeaux au départ du Pont de Marmande, suivi de 72 radeaux en 1993, puis 100 radeaux en 1994 soit 1000 radélistes sur l'eau cette année là qui constitua le record de participants de l'ensemble des "Radofolies" de 1992 à 2007.



Déroulement d’une journée


A 8h00, le pont de Marmande est le point de départ de la manifestation dans le sens du courant de la Garonne vers La Réole.

L’ Armada s’élance sur les flots...




Déjà, dès le départ, l’affrontement des radélistes s’active, il y en a eu pendant toute la journée... 


La propulsion du radeau est faite par roue à aube activée par des pédaleurs sur vélos réformés

Les idées fusent, les radeaux sont magnifiques...







Un monde fou envahissait les ponts pour suive le déroulement de ce carnaval sur l’eau.


Vers 10h00, un arrêt est organisé à Couthure sur Garonne pour un peu de repos.





Puis c’est à nouveau le départ pour la suite du parcours. 







A midi un deuxième arrêt est prévu pour le déjeuner installé
sur le terrain de camping de Meilhan sur Garonne. 



14h, l’Armada reprend la route, dernier tronçon avant l’arrivée.



Le bateau des secours veille sur la sécurité. 




Vers 17h, arrivée à La Réole !
A chaque manifestation, on estime une foule de 5.000 spectateurs à l’arrivée
sur les berges et les quais de La Réole





Puis c’est la remise des récompenses 




Le samedi soir suivant, un grand repas dansant avec Bandas est organisé
au gymnase Colette Besson de La Réole, pour finaliser dans la joie, ces Radofolies.



Les principaux organisateurs des Radofolies.


Le tee-shirt porté par tous les Radélistes pendant toutes ces 16 années de 1992 à 2007 

Récit et photos : Yves Vaillier et Christian Clémençon

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Extrait des "Cahiers du Réolais" n° 66 

La Procession sur l’eau 

C'est une de nos traditions les plus vénérables; celle en tous cas à laquelle les Réolais tiennent le plus. 

L'origine en est très lointaine. On a voulu y voir une survivance de joutes païennes, mais il est plus probable que c'est une suite des Rogations, et que les Bénédictins l'ont instituée : après avoir demandé au Ciel de protéger les travailleurs de la terre et de leur donner d'abondantes récoltes on Le priait d'accorder bonne pêche à ceux qui vivaient du fleuve.

Il ne faut pas oublier que les Bénédictins donnaient à ferme chaque année les pêcheries de la Garonne, et le contrat stipulait que la première alose (coulac), la première lamproie et le premier esturgeon le premier saumon de l'année devaient être remis au Prieur.

Pour la première fois en 1611 le registre de la Jurade mentionne la procession dans un rapport où il est dit que "de tous temps et ensienneté la jeunesse de ceste ville a coustume de courrir la pourcession quy se faict sur la rivière le jour de l'Ascension, une troupe est conduicte par ung chef appelé le Prinse, l'autre par ung cappiteyne menant des arquebuziers". 

Remarquons, en passant, que, déjà, la manifestation avait un caractère "folklorique" autant que religieux.

Avant la Révolution, la procession sortait de l'église St Pierre où les jurats, les chanoines de St Michel, les Jacobins et les Cordeliers s'étaient joints aux Bénédictins. 

Elle était précédée de la croix d'or de ces derniers. Après le débarquement, on montait la côte de Castelgaillard pour aller faire une station à la croix de la Porte de Gironde, dite croix des Squirs (1) ; on rentrait ensuite au monastère où les moines devaient donner un repas aux jurats, servis par les valets de ville en livrée. 

Les Bénédictins se refusant chaque année à servir ce repas, sous des prétextes divers, ou n'offrant aux magistrats municipaux que des "plats dignes à peine de crocheteurs", ce fut une source de procès qui ne cessèrent qu'à la Révolution.

A une époque plus rapprochée de nous, le clergé, les autorités civiles et militaires et les habitants partaient de l'église paroissiale à l'issue de la grand messe, descendaient la Grand Rue et la Rue Ste Colombe, faisaient un arrêt à la croix du Port (2), puis s'embarquaient dans un bateau appelé "Poste", décoré de guirlandes et de drapeaux . 

Après avoir fait neuf tours sur la rivière, au son du fifre et du tambour, et mêlé au chant des cantiques les notes allègres de "Jean de la Réoule" jouées par le fifre, la procession débarquait devant les Quat' Sos et se réformait.

L'après-midi était alors souvent largement entamée ! On remontait la Côte de Pirly pour rentrer à l¹église en chantant le Te Deum.

Jadis la même procession se faisait dans quelques communes voisines, riveraines de la Garonne, Bourdelles et Ste Bazeille par exemple. Mais c'est seulement à La Réole que la tradition s'est perpétuée presque sans interruption jusqu'à nos jours.

Jean-Pierre LUC


1) elle existe encore au pied de la Côte de Frimont, en face de "Bagatelle". Il y avait là autrefois un cimetière. 

2) c'est la croix des quais. Trop près de la route, elle a été déplacée et réédifiée à l'emplacement actuel en 1938.



  LA REOLE. LARREULE. LA REOULE. (Cahiers du Réolais)      En plus de notre ville de LA RÉOLE ( Regula ad Garumnam ), deux autres localités ...

 LA REOLE. LARREULE. LA REOULE. (Cahiers du Réolais)

    En plus de notre ville de LA RÉOLE (Regula ad Garumnam), deux autres localités du Sud-Ouest sont nées d'une fondation bénédictine.
    Ce sont LARREULE, canton d'Arzac (Basses-Pyr.), Regula silvestris, et LARREULE, canton de Maubourguet (Htes Pyr.), Regula Bigorritana.
    Tout un quartier de Fleurance (Gers) et divers lieux-dits dans un rayon de 5 km autour de cette ville portent le nom de LA REOULE. Il est établi que c'était la propriété d'une famille venue dans le pays au début du XV° siècle, et dont un membre, Arnaud de La Réoule, (Arnoldus de Regula) était substitut du procureur du Roi en 1465.
    Il n'y eut jamais de monastère bénédictin à Fleurance ou dans le voisinage. Ces lieux ont pris, comme on en connaît maint exemple, le nom de la famille à qui ils appartenaient, et qui avait elle-même pour patronyme le nom de sa ville d'origine.
    Nous avons signalé dans nos Cahiers n° 51 que le nom de REGULA est encore porté par des descendants de huguenots réolais, émigrés à la révocation de l'Edit de Nantes et fixés en Rhénanie. 
    Un membre de cette famille, Herbert Regula, explorateur, donna en 1938 son nom à la chaîne de montagnes qu'il découvrit dans l'Antarctique ("Regula Ketten").

Cahiers du Réolais n° 51 : LES MONTS REGULA 
Monsieur le Pasteur Jordan de Marmande nous a communiqué plusieurs lettres du  Dr W. REGULA  d'Offenbach am Rhein (Hesse) Conseiller d'Etat de l'Allemagne Fédérale, Docteur ès Sciences Naturelles d'où nous résumons les renseignements suivants : '' Lors de la révocation de l'Edit de Nantes (1685), une famille de huguenots réolais du nom de Rigolet (ou Rigoulet) s'expatria pour aller se fixer en Rhénanie où les descendants habitent encore. 
Certains membres de la famille échangèrent leur patronyme en celui de RÉGULA, en souvenir de leur ville d'origine.
Un descendant de ces huguenots réolais, Herbert REGULA, accompagna l'expédition allemande. dans l'Antarctique {1938-39) et baptisa "REGULA KETTEN"  (Monts Regula), en hommage à la ville d'origine de sa famille, des montagnes découvertes près du Pôle par cette expédition,
Ainsi le nom de REGULA est-il connu jusqu'au Pôle Sud
Dans Wikipedia Allemand :
https://de.wikipedia.org/wiki/Herbert_Regula
Vous pouvez

Permis de chasse à l’arquebuse

    Le duc de Mayenne et d'Aiguillon, pair et grand chambellan de France, gouverneur lieutenant général pour le Roi du pays et duché de Guyenne,
    NOUS, en vertu de nostre pouvoir, avons permis & permettons au sieur des Appas, à présent jurat de la ville de La Réolle, à luy et ses serviteurs de chasser, tirer de l'arquebuse aux oyseaux, canards de rivière, tours et tourtes & autres gibiers non deffendus par les ordonnances tant dans l'estendue de ses terres que sur les estangs, marais et rivières du Roy, sans en abuser.
    En témoignage de quoy nous avons signé la présente ycelle. 
    Faict vu et signé par l'un de nos secrétaires ordinaires et y apposé le cachet de nos armes.

    A  Agen, le vingt-septieme de febvrier mil six cent dix neuf. 
par Monseigneur, Le Hardy Henri de Lorraine
Arch. Mun. de La Réole. C.C.36

Centenaire des sapeurs-pompiers


Par arrêté du 19 juillet 1861, M. le Préfet a créé dans la ville de La Réole une compagnie de sapeurs-pompiers composée de 58 individus qui ont bien voulu se dévouer à cette œuvre d'utilité publique.
    Le Conseil Municipal a voté le 11 août la somme de 780 Fr en faveur de cette organisation.
Par décret impérial du 10 août, ont été nommés 
M. M.  Sabatier, capitaine 
           Chapoulie père, lieutenant 
           Fortain aîné, sous-lieutenant.
    M. Sabatier, usant du droit que lui confère le décret organique sur la garde nationale, a nommé les sous-officiers que M. le Maire a également fait reconnaître, puis il a donné à chaque sapeur un exemplaire du règlement fait par lui le 18 juin et approuvé par M. le Préfet le 18 juillet.
Journal "L'UNION" du 22 sept 1861
    Des manifestations auront lieu à La Réole au cours du mois de septembre 1961 pour commémorer ce centenaire.







En 1932, le 16 juillet, Marcelle Beylard épouse Lucien Patient Les mariés Marcelle et Lucien et les enfants de Daniel & Alice Chardon :...

En 1932, le 16 juillet, Marcelle Beylard épouse Lucien Patient

Les mariés Marcelle et Lucien et les enfants de Daniel & Alice Chardon : Michèle et Monique, de Roger & Jeanne Chardon : Colette, José et Régine ainsi que Mireille Izary (enfant plus grande avec un chapeau).

André Patient, frère du marié a filmé le mariage avec une caméra 16mm, et Joelle Patient, fille des mariés nous a transmit le film du mariage qui a été numérisé.

Cliquez sur le triangle au milieu de l'image pour voir le film

Découpage du film :

- 00:23 - la mariée Marcelle Beylard (épouse Patient) avec son père Marcel (Joseph) Beylard.
- 00:26 - Enfant costume marin Pierre Andrieux Laclavetine, la petite fille Michèle Chardon (future épouse d'André Maurin)
- 00:58 - Derrière colonne de pierre Daniel (Lucien) Chardon et son épouse Alice Chardon (parents de 3 enfants Michèle, Monique et Claude)
- 01:14 - à gauche demoiselle d'honneur Mireille Izary (future épouse de Jean Petiteau)
- 01:25 - A droite Daniel et Alice Chardon, derrière eux Georges Laclavetine (nœud papillon)
- 01:33 - Derrière Alice Chardon, Raymonde Izary (béret blanc)
- 01:49 - Les mariés Marcelle et Lucien et les enfants de Daniel & Alice Chardon: Michèle et Monique, de Roger & Jeanne Chardon: Colette, José et Régine ainsi que Mireille Izary (enfant plus grande avec un chapeau).
- 02:20 - 2:25  - Alice Chardon
- 02:25 - 2:28   - Andrée Laclavetine (chapeau sombre, lunettes) 
- 02:39 Marcel Beylard (chapeau)
- 02:45  - Georges Laclavetine à droite (nœud papillon)
- 03:03 - À droite de la mariée : Roger Chardon (frère de Daniel) et devant lui son fils José 
.- 03:08 - À gauche : André Patient (frère du marié Lucien) la personne qui a fait le film et à qui appartenait la caméra.
- 03:12 - À gauche sa femme Denise Patient.
 
A droite Daniel et Alice Chardon, derrière eux Georges Laclavetine (nœud papillon)



Marcelle Beylard avant son mariage (fin 1920)

Marcelle Beylard avant son mariage, avec Pierre Andrieux-Laclavetine

Toute sa vie Marcelle Patient (née Beylard) parlant de La Réole disait  :   Mon pays !

Les familles Beylard, Patient, Chardon, Laclavetine étaient apparentées


Extrait des cahiers du Réolais n° 6 à 16

Folklore réolais : le Mariage 
( Cahiers du Réolais n°6 )

Le lit

    Quelques jours s'écouleront entre la signature du contrat et la cérémonie du mariage. On en profitera pour transporter le lit de la fiancée chez le futur époux, ce qui donnera lieu à des réjouissances auxquelles prendront part tous les jeunes gens et jeunes filles du voisinage, amis des fiancés.

    On devine que le jour du mariage n'est plus éloigné à certaines familiarités que se permet le jeune homme : ne l'a-t-on pas surpris, en effet, défaisant le cordon du tablier de sa belle ou tirant sur les pans de son foulard de tête. Il est temps d'accomplir les cérémonies rituelles.

    Vers la fin de la journée, quand les travaux des champs sont terminés, on amène une charrette à bœufs devant la maison de la fiancée. Elle est recouverte d'un drap blanc, supporté par des cerceaux et décoré de feuilles de laurier épinglées en croix, de fleurs, de branches de buis et de myrte. Sous ce dais, on dispose la literie. Le meuble lui-même est fourni par l’époux. L'aiguille de la charrette, ornée d'une quenouille aux rubans de vives couleurs, témoigne du talent de fileuse de la future et de ses qualités de bonne ménagère. 

    Les jeunes filles s'installent dans la charrette sur le devant, les jeunes gens l'escortent à pied, et dès que le cortège s’est mis en marche, un chant plaintif s’élève : 

Nobi, diourès bien ploura :                                   Fiancée, tu devrais bien pleurer  
Quas lou toun leyt que li s’en bay                        Voilà ton lit qui s'en va   

Après avoir répété ces vers sept ou huit fois, on enchaîne :

Lou leyt de la nobi à l’air bay                               Le lit de la fiancée va à l'air
Lou ben des mounts lou eyt ana                         Le vent des monts le pousse ( le fait aller )
Lou leyt de la nobi à l’air bay qu’ès                     Le lit de la fiancée est à l'air

Puis, s’adressant à chacun des objets qu’elles accompagnent, les jeunes filles ( les garçons n’ont d’autre rôle que de conduire l’attelage ) :

Broyes courtines, broy matelas                             Belles courtines, beau matelas
Es bien doumatge qu’anguis ount bas                   Quel dommage d'aller où tu vas
Broye perpunte, broy matelas                                Belle couverture ( couvre-pied ), beau matelas
Es bien doumatge qu’anguis ount bas                   Quel dommage d'aller où tu vas ...

La couette, la paillasse, les draps de lit rejoignent ainsi tour à tour cette apostrophe. En arrivant près de la maison, avec une intention plus marquée : la présence du jeune homme paraît exciter la verve des chanteurs :

Oubritz la porte nobi d’engan                              Ouvrez la porte, époux de cette année
Aqui lou leyt que bous portan                              Voici le lit que nous portons
D’aous linçous blancs coumo papey                   Des draps de lit blanc comme du papier
Poten en d’aquet gardouley                                 Nous portons à ce dégoûtant

Malgré cette apostrophe peu courtoise, l'époux vient sans rancune ouvrir lui-même la porte et préside à la réception et à l’installation de la dot dans la chambre nuptiale, dont il a eu le soin d'aplanir le sol en terre battue, car il n'y a ni carrelage, ni plancher.

    Le bois du lit est déjà en place, un double rang de sarments va servir de support à la paillasse, sur laquelle les jeunes filles disposent le matelas, la couette, les draps et enfin la couverture en chantant

:

Lou linçous de Fleurtette                                      Les draps de Fleurette

Lou tour dou leyt                                                  Le tour du lit

Nobi, tes amourettes                                           Épouse, tes amourettes

 Perdes aneyt                                                        Tu les perds aujourd'hui


Les amis de l’époux sont venus assister à l'arrivée du lit. La cérémonie terminée, garçons et filles se mettent à table. On répète les chansons déjà citées, puis les jeunes filles remercient leurs hôtes en ces termes : 

De bounes gens nous an troublat nous an baillat   De bonnes gens, nous avons trouvé,
Boun pan, boun bin,   …..                                     Bon pain, bon vin, ils nous ont donné
Sous complimens que nous an eyt                         Les compliments qu'ils nous ont faits
Nous an boutades à la neyt                                     Nous ont mené jusqu'à la nuit

Les jeunes gens chantent à leur tour: 

Aqui ya pan, aqui ay bin                                        Ici il y a du pain, ici il y a du vin
Faou damoura dinca"ou matin                                Il faut demeurer jusqu'au matin
Aqui ya pan, aqui ay bin                                         Ici il y a du pain, ici il y a du vin
Faou damoura dinca douman                                  Il faut demeurer jusqu'à demain

Peu de chose suffit pour les contenter, le repas est frugal, mais le vin réchauffe. Ils se retirent assez tard dans la nuit et vont faire le tour du village ou des métairies du voisinage. Arrivés devant les maisons, ils interpellent ainsi les habitants :

Sortis dahors lous de l’oustaou                                 Sortez gens de la maison
L’ombre dous tioules bous ara maou                        L'ombre des tuiles vous ferait mal

Point de réponse, les habitants se tiennent enfermés chez eux. Seconde invitation de la part des jeunes gens :

Sourtis dahors lous de deden                                   Sortez gens de dedans
Si nous aout"aren sourtiren                                      Si nous y étions, nous sortirions

Toujours même silence, troisième attaque :

Sourtis dahors lous ahumats                                   Sortez, les enfumés
Beyrats passa lou bien couhats                               Vous verrez passer les bien coiffés

Les " enfumés " prennent cette épithète pour une injure et ils se décident à sortir et répliquent en ces termes :

De ma cahute suy sourtit                                         De ma cahute, je suis sorti
Ey bis passa p… et bandits !                                   J'ai vu passer p... et bandits !

Après échange de quolibets, voire d'injures, le calme se rétablit et chacun regagne son logis.

                                                                     Mme A. TOUZET


Folklore local  : le Mariage    ( suite )  
(Cahiers du Réolais n° 7 )
La couronne 

    La veille de la noce, la nuit venue, les jeunes filles vêtues de blanc décorent avec soin une petite corbeille; elles la garnissent de rubans, de boutons de rose, de myrte, de buis, de laurier. Contre les parois sont symétriquement rangées une douzaine de bougies; au milieu reste une place vide pour  la couronne. Bleue, verte ou rouge, blanche presque jamais, elle est ornée de petits brillants d'acier fixés par une tige mobile qu'agite le souffle le plus léger. Elles vont la porter en grande pompe pour faire hommage à leur amie. Mais cet honneur n’est pas accordé à toutes les épouses : il faut en être digne et l'avoir méritée. On chante en se rendant chez la fiancée :

Disen que soun naou mille                                On dit que nous sommes neuf mille
Pr’accompagna couroune                                  Pour accompagner la couronne
Aouen, aouen, aouen cabalerie                      Nous avons, bis, ter, de la cavalerie
La daouan                                                          Elle est devant nous


   En effet, les cavaliers revêtus de leurs plus beaux habits, ouvrent la marche, d’ailleurs assez bruyamment, car la gaieté déborde : au deuxième couplet, ils ne sont plus que huit mille. Au troisième sept mille, puis six mille, au neuvième et dernier couplet mille seulement, tandis qu’en réalité, elle se grossit sans cesse de nouveaux arrivants qui veulent assister à la remise de la couronne et prendre part au modeste repas qui suivra.

    Devant la porte de l’épouse, le cortège s'arrête et chante en cœur, mais en les modifiant, les paroles qu’on a déjà adressées à l’époux en lui apportant le lit :  

Oubrits la porte nobi d’engan                        Ouvrez la porte, épouse de cette année
Qui la couroune que bous pourtan                Voici la couronne que nous vous portons


   L'épouse ouvre la porte.  Elle est vêtue de blanc et s’attend à l’honneur qui lui est fait, toute heureuse d’en être l’objet. Elle-même a précédemment participé à la même cérémonie envers quelque compagne. Les chants continuent : 

Broye couroune nous aout’ pourtan               Belle couronne, nous vous portons
Si Broye floura nous baillen pas                    Si un beau bouquet, on ne vous donne pas
Broye couroune nous ban tourna                   Belle couronne, nous allons remporter


    Et l’épouse qui tient à avoir la couronne promet de donner " broye flour ", c’est à dire un brin de buis ou un bouquet attaché avec un long ruban. Plus tard, les fleurs artificielles détrôneront les fleurs des champs.

    Après ce préambule, le couronnement commence : les douze petites bougies sont allumées, l'épouse s'assied sur une chaise. La couronnelle ( c’est à dire que l’on nomme la jeune fille qui portait la corbeille, place la couronne sur la coiffe de l’épouse et chante en attachant la première épingle : 

Boutan l’y couroune                                     Mettons lui la couronne
La que suon pay l’y doune                           Que son père lui donne
Tap bien l’y esta                                           Elle lui va si bien
Lous eils de la noubiette                              Les yeux de la petite épouse
Diouren ploura                                             Doivent pleurer

    Après quoi, chaque jeune fille met son épingle, puis les garçons ensuite. Tous chantent le même refrain. L’époux lui, ne chante pas, arrivé en cachette, pour jouir du bonheur de sa prétendue, il attache la dernière épingle, mais ne peut vraiment pas l’inviter à pleurer à cause de lui. 

    Si l'épouse a les larmes faciles et le cœur sensible, elle verse quelques pleurs. Si non, elle se tamponne les yeux avec un mouchoir et cela suffit. La cérémonie est terminée, on lui ôte la couronne et le souper peut commencer.                           

A. TOUZET

Folklore Réolais   ( suite )

( Cahiers du Réolais n° 8 )


Jour de la noce – toilette de la mariée 
    La toilette qu’elle revêtira le jour de sa noce est pour chaque mariée l’objet de la plus grande attention. On la prépare longtemps à l'avance. À la campagne, une ou plusieurs chemises, une coiffe , un mouchoir donné par la marraine, une paire de souliers, cadeau du parrain, voilà le trousseau. Ce dernier, du reste, sera conservé avec un respect quasi religieux : devenue mère de famille, l’épouse ne se servira de ses vêtements de noce que les jours de grande solennité et marchera le plus souvent nu-pieds, en portant ses souliers à la main, pour les faire durer plus longtemps.

     L'époux ne se ruine pas en cadeaux. Il ne fournit que l'anneau nuptial, de cuivre jaune ou d'argent si ses moyens le permettent. Quant au reste de l’habillement ( " de cap à pé "  selon la formule ) les parents de l’épouse sont tenus de lui en faire hommage.

    Quoique simple, la toilette de la mariée est assez longue. Ses compagnes viennent y présider et lui servent de dames d'atours. On commence en chantant :

           Habillan la nobi, habillan la bien Habillons l'épouse, habillons la bien

           Habillan la nobi, questi tan bien Habillons l'épouse, qu'elle soit bien



    Un jupon de laine rouge est recouvert d'une jupe indienne. Une brassière aux formes collantes     " lou juste ", un tablier d'escot ou de staff vert ou gros bleu; autour du cou, un mouchoir rouge éclatant, jaune serin ou écarlate et une collerette de gase ( gaze ? ), une coiffe de mousseline fortement empesée, étroite dans le bas et s’élargissant en montant à une hauteur prodigieuse et dont le sommet s’arrondit en volute comme un cimier de casque de dragon, complètent cet ajustement qui a demandé tant de soins.

     Ces vêtements sont confectionnés par un tailleur. Lorsqu’il vient remettre à la mariée les chefs d’œuvre de son art, on chante : 

          Habille la nobi, taillur leougé                         Habille l'épouse, tailleur léger

          Habille la nobi, de cap à pé                          Habille l'épouse de la tête aux pieds



    Le parrain met la dernière main à la toilette de sa filleule en lui attachant la boucle de sa ceinture. Pendant l’opération, les jeunes filles chantent en riant : 

        Boucle la nobi, peyrin joulit                           Ceint l'épouse, beau parrain

        Boucle la nobi, daou bout daou dit               Ceint l'épouse, Du bout des doigts

        Boucle la nobi, leougé

        Boucle la nobi, daou bout daou pé                    etc....      etc...


    Et si le parrain s’acquitte gauchement de cette tâche, les assistants ne lui épargnent pas les lazzi.

    La couronne seule manque à la toilette. La couronelle qui, la veille, l’avait placée sur la tête de l’épouse, l'attache maintenant sur la coiffe, en répétant les couplets déjà cités :

         Boutan li la couroune, etc...


    Puis vient la description de la couronne :

         Aqueste couroune qu’a naou brillans                Cette couronne a neuf brillants

        Cade brillan qu’a soun peou rous                       Qui ont chacun un fil d'or

        Aney la nobi a sous amous                                 Aujourd'hui l'épouse a ses amours


     C'est le moment des larmes. Tout le monde doit pleurer. Le père d’abord :

             Nobi, toun paï te ploure,                                Épouse, ton père pleure,

             Tan per et ere boune                                       Tant pour lui tu étais bonne

             Adare t’en bas !                                              Maintenant tu pars

             Et ploura, nobi, ploura,                                  Et pleurer, épouse, pleurer

             Ne podes pas                                                  Tu ne peux pas


    La mère, les frères et les sœurs pleurent à leur tour. L’épouse seule n’a pas versé de larmes. Elles viendront seulement, quand elle donnera à sa famille la " liougère ", le bouquet orné de rubans. Elle fleurit d’abord son père, tandis qu’on chante :

             Espie, nobi, coume pouyras                           Voyons, épouse, comment

             Flouri toun pay san ploura                             Tu fleuriras ton père sans pleurer

             Ta tchic que l’aymes, pouyras pas !               Si tu l'aimes, tu ne pourras pas!


   

Comme les larmes s’obstinent à ne pas couler, les chanteurs continuent :

            Beleou qu’à toun pay pouyras                          À ton père, tu pourras peut être

            Mes à la may, ne pouyras pas !                         Mais à ta mère, tu ne pourras pas


    L’épouse fleurit sans pleurer son père, sa mère, ses parents et amis ; elle les embrasse et reçoit en échange une petite offrande destinée à payer les frais de noce. Voici l'instant solennel : l’épouse va franchir le seuil de la maison. Lorsqu’elle y reviendra, elle ne s’appartiendra plus. C’est alors qu’elle s’attendrit. Quand ses amis se mettent à chanter :

            Espie, nobi, coume pouyras

            Passa la porte sans ploura !


    L’émotion l’emporte et elle verse enfin des larmes abondantes.

           La nobi a les pies mouillats                               L'épouse a les pieds mouillés

           La rous ne les a pas trempats,                            La rosée ne les a pas trempés

           Mais les larmes qu’a toumbat.                           Mais les larmes qu'elle a versées 


   Après quoi, ayant essuyé ses larmes vraies ou fausses, la mariée prend la tête du cortège qui se dirige vers l'église.

    Jusqu’à la fin du XVIII° siècle, la bénédiction religieuse était le seul lien qui unissait les époux. Le mariage civil, institué en 1792, ne comporta, par la suite, aucune cérémonie ayant un caractère local ou traditionnel.                                                                

             

 A.TOUZET Folklore Réolais   ( suite )

( Cahiers du Réolais n° 9 )

 Départ pour l’église


L’épouse franchit dans la tristesse le seuil de la maison paternelle. Les premiers chants qu’on va entendre ne sont pas faits pour la consoler : Nobi, lui dit-on :

           Nobi, boune la man saou cap                            Épouse, mets la main sur la tête

           Digues, boun tens oun es anat ?                        Dis, bon temps, où es-tu parti ? 

           La man saou cap, lou pé saou fou                     La main sur la tête, le pied sur le four 

           E digues adiu à tous bets jous                           Et dis adieu à tes beaux jours


    (Les deux derniers vers ne sont guère que des chevilles. Ils sont là pour le " retruc" )


     Le cortège se met en marche vers l'église, précédé de cavaliers, comme pour la cérémonie de la couronne, et au chant du même air : Disen que soun naou mille, etc. Ces couplets se répètent plusieurs fois, mais toujours avec quelques variantes, ainsi on passe de neuf mille à huit mille, puis à sept et ainsi de suite jusqu’à mille. Puis, c’est avec le père et la mère que les invités vont à la noce, avec les frères, les sœurs, les oncles, etc., en ayant soin d’augmenter le nombre des parents suivant la distance à parcourir de la maison à l’église.

    Immédiatement après les cavaliers, des jeunes filles vêtues de blanc, précédées par un violoneux, portent la " juncade "  -  la jonchée ( seul usage ayant subsisté jusqu’à nos jours ). Elles répandent la "juncade" composée de feuilles de laurier, de buis, de fleurs et de boutons de roses, en chantant ce quatrain que Jasmin a recueilli dans un de ses poèmes :


           Touts lous camis diouren flouri                        Tous les chemins doivent fleurir

           Tan broye nobi bay sourti                                 Si belle épouse va sortir

           Diouren flouri, dieuen grana                            Doivent fleurir, doivent grainer 

           Tan broye nobi bay passa                                 Si belle épouse va passer


    L'épouse vient ensuite, en toilette de couleurs vives, au milieu d’un groupe d’invités. Au XVIII° siècle, le costume de la mariée était, partout en France, multicolore avec prédominance de rouge. Ce n'est que vers la fin du XIX° siècle que ces couleurs ont été remplacées par le blanc.

    À la même époque apparaît le voile, blanc lui aussi, d’abord très long, puis de plus en plus court, et qui tend aujourd’hui à disparaître.

    La jeune fille donne le bras à sa marraine, si le temps est beau. S'il pleut ou si les chemins sont boueux, elle est à cheval, portée en croupe par son parrain. Des coups de fusils retentissent : c'est l'un des usages le plus caractéristique du cortège de noce à l'aller comme au retour. ( complètement disparu depuis la fin du XIX° siècle ), le bruit étant un élément essentiel des noces. Les coups de fusil, comme la sonnerie des cloches, étaient " une manifestation de publicité nécessaire pour situer un phénomène social restreint dans la vie sociale commune ".  ( Van Gennep )

    Quand le cortège approche de l'église et que le carillon des cloches se mêle au bruit de la mousqueterie, on chante :


               Besin la gleyze                                             Nous voyons l'église 

               Noun pas l’aouta                                          Et pas l'autel 

               Ou la nobi bay s’agenouilla                         Où l'épouse va s'agenouiller

               Besen la gleyze, l’aouta luzis                       Nous voyons l'église, l'autel luit 

               Ou la nobi bay dise : oui                              Où l'épouse va dire oui


    L'époux arrive de son côté, accompagné de ses parents et de ses amis. Il a reçu de son parrain ses souliers de noce et de sa marraine la chemise et la cravate. 

    L'épouse donne un bouquet blanc à l'époux, qui la fleurit à son tour et l'embrasse. Puis le cortège entre dans l'église.                                                                            

                                                      A. TOUZET


Folklore Réolais -  Le mariage   ( suite )   

Cahiers du Réolais n° 10 

    Le cortège est parvenu à l’entrée de l’église, les chants cessent.
Le silence est cependant interrompu par le carillon des cloches et aussi le bruit retentissant de la fusillade, manifestation de la joie générale.

    L'encens répand son parfum près de l'autel. Les époux avancent triomphalement, conduits par leurs parrains et marraines jusqu'à leur prie-Dieu. Les parents, les amis, tous les invités se groupent autour des époux. Les jeunes filles restent seules devant la porte. Avant de pénétrer elles-mêmes dans le saint lieu, elles font retentir les airs de ces touchantes paroles : 


           La Bierge es couronnade                                  La vierge est couronnée

           Dessus l’aouta ;                                                Sur l'autel ; 

           Pren garde à tu,  noubiette                               Prends garde, épouse

           De l’offensa                                                      De l'offenser


           Si tu l’as offensade                                           Si tu l'as offensée 

           Daouan l’aouta,                                                Devant l'autel,

           Nobi, ta coulerette                                            Épouse, ta collerette 

           Que bay cambia                                                Va changer de couleur


    Une semblable métamorphose ne se produit pas. Les jeunes filles n’ont donc pas eu tort de croire à la vertu de leur compagne ; elle est digne, à tous égards, de la couronne qu’elle a reçue.

    Les jeunes filles, entrées à leur tour, reprennent en chœur, sur un air lent et religieux, ce dernier couplet, consacrant par ce chant de circonstance, l’acte important qui va se dérouler et modifier totalement la vie des jeunes gens :


         Espouset, Espousette,                                        Époux, épouse

         Bailllats bous la manette,                                  Donnez vous la main

         Per un moment                                                  Pour un moment

         Arats qu’un co, qu’une ame                              Vous ne ferez qu'un cœur, qu'une âme

         Aou Sacremen.                                                  Au sacrement.

                                                         

A . TOUZET Folklore Réolais -  Le mariage religieux  ( suite )    ( Cahiers du Réolais n° 11 )


    Après ce dernier couplet, dans un profond silence et un grand recueillement, on présente au prêtre, sur un plateau, le treizain et l'anneau. Ce treizain est constitué par treize pièces de monnaie d'or ou d'argent, ou simples sous selon la fortune de l'épouse. Le prêtre bénit ces pièces et en garde une pour lui. Les douze autres seront soigneusement conservées par les époux.

    La mariée, seule, recevait un anneau. Ce n'est que vers le milieu du XIX° siècle que s'est introduit l'usage d'un second anneau pour l'époux. On y a vu d'abord une façon de montrer la richesse du mari, puis l’échange des anneaux est devenu un geste symbolique.

    Après ces préliminaires a lieu la bénédiction nuptiale qui ne comporte aucun caractère d’ordre folklorique particulier et qui est suivie d’une messe solennelle.

    Cette bénédiction n’appartenait pas au rituel chrétien primitif, précisément parce ce qu’un acte religieux de ce genre était de coutume chez les Romains : " Aucune loi ecclésiastique n’obligeait les chrétiens à faire bénir leur mariage. La bénédiction était affaire de coutume, de convenances. Elle finit par passer en règle, mais sans jamais devenir une condition de validité ; le mariage est indépendant du rite ". ( D’après Mgr. Duchesne, cité par A. Gennep : Folklore Français ).

    Le symbole d’union consacrée est par excellence la bague ou alliance. Il est d’usage universel en France depuis l’époque Gallo-romaine au moins, sinon même antérieurement.

    La règle générale, est, qu’après la bénédiction de l’anneau ( celui-ci d’or, d’argent ou de cuivre ), c’est au marié à glisser la bague à l'annulaire gauche de la mariée. La bénédiction confère à l’anneau un caractère sacré, aussi est-il d’usage que la femme ne doit jamais s’en séparer.

     Aussitôt après la messe, les époux se rendent à la sacristie pour assister à la rédaction de leur acte de mariage et payer Monsieur le curé. Les invités se sont réunis sous le porche et prennent Monsieur le curé à partie. Ils lui chantent à tue-tête : 


         Bous remercien Moussu Curé                           On vous remercie M. le curé

         Que n’ats pas eyt arés per moué;                       Qui n'avez rien fait pour moi,

         Moussu Curé lou barbe roux                             M. le curé à la barbe rousse 

         Un tchic de messe a dit sous espous ;                A dit un bout de messe aux époux, 

         Moussu curé barbe flourit                                 M. le curé à la barbe blanche

         Un tchic de messe nous a dit ;                           Si peu de messe nous a dit  ;

         Moussu Curé n’es pas counten                          M. le curé n'est pas content

         Boudré la nobi et mey l’argent,                         Il voudrait l'épouse et l'argent,

         Moussu Curé n’es pas caduc                             M. le curé n'est pas sot

         Boudré la nobi et mey l’escut.                           Il voudrait l'épouse et l'écu.


    Les curés n’ont pas toujours reçu d’honoraires pour les mariages. Moyennant la dîme qui leur était payée, toutes les cérémonies du culte, dans nos contrées du moins, étaient gratuites.

    Les époux vont rejoindre le cortège. Dès que le mari paraît, on lui recommande en ces termes de payer le sacristain :


         Pague, nobi, lou marguilley                               Paie, époux, le sacristain

         Te hara dicha la nobi darey                                Il te fera laisser l'épouse derrière

         Pague lou, nobi, de boun argen                          Paie-le, l'époux, de bon argent

         Te hara dicha la nobie deden.                             Il te fera laisser l'épouse dedans.


    L’époux paie le sacristain et amène sa femme. Quelques personnes lui chantent :


         Pren la nobi gran lourdes                                    Prends l'épouse, grand lourdaud

         Pren la nobi are que l’as                                      Prends l'épouse maintenant que tu l'as


 D’autres plus polies disent, en parlant de l’épouse :


         Soun pay l’a jougade                                           Son père l'a jouée

         A la carte birade                                                   À la carte retournée

         Aou rey de flou                                                    Au roi des fleurs (trèfle)

         Lou nobi l’a gagnade                                           L'époux l'a gagnée

         Aou jog d’amous                                                  Au jeu de l'amour


 

    Le mariage se remet en marche dans le même ordre, la cavalerie toujours devant, les jeunes filles répandant des fleurs, les violons " rigaçant " quelque vieil air connu. 

Le parrain a cédé son droit à l'époux, qui, monté sur un coursier aux harnais fleuris, porte sa femme en croupe derrière lui. 

                                                

A. TOUZET


Folklore Réolais -  Le mariage  ( suite ) 

(Cahiers du Réolais n° 12)


Retour à la maison

    Les paysans ne sont pas blasés sur le plaisir ; la moindre cérémonie ne manque jamais de piquer leur curiosité, aussi se portent-ils en foule sur le passage du cortège. Si le mariage n'est pas assorti, que l’épouse soit jolie et l’époux un peu disgracieux, ils disent tout haut :


         La nobi es broye coume un soureil                      L'épouse est jolie comme un soleil

         Lou nobi es ranci et put acu bieil                         L'époux est rance et sent le vieux


    Si la mariée au contraire est vieille et le marié beau et bien fait, ils retournent malicieusement le compliment.

    Parfois, dans quelques paroisses, des enfants tendent sur le passage de la noce des rubans ou des guirlandes de feuillage, et reçoivent quelques pièces de monnaie.

    Durant le parcours, dans les chemins plus ou moins carrossables, parmi les badauds ayant pour un instant abandonné leurs travaux champêtres, le cortège, au son des violons et au bruit de la mousqueterie, arrive en vue de la maison. On chante alors : 


         De luyn besen huma                                           De loin, nous voyons fumer

         Que nous apresten lou dina                                On nous apprête le dîner

         Boutats la taoule, lou touaillon,                           Mettez la table et la nappe,

         Lou gens de la noce aqui soun                           Les gens de la noce sont là


À leur arrivée, les invités font appeler le beau-père de l’épouse :


         Ount es lou meste de l’oustaou,                           Où est le maître de la maison

         P’rentra la nobi coume faou ?                               Pour introduire l'épouse comme il faut?

         Ount es lou meste de la maysoun,                       Où est le maître de maison

         P’rentra la nobi en possessioun ?                         Pour mettre l'épouse en possession ?


    Le beau-père (meste de l’oustaou ) concourait autrefois à une cérémonie à laquelle on tenait beaucoup. Avant de faire son entrée dans la maison du mari, l’épouse était solennellement remise par le maître qu’elle quittait ( meste de la maysoun ) au nouveau maître chez lequel elle entrait.

    Celui-ci la présentait au beau-père qui l’introduisait dans son domicile. Des compliments plus ou moins bien tournés, suivant l’inspiration, étaient adressés à l’épouse ; et celui qui avait débité sa harangue tout d’un trait, sans même se donner le temps de reprendre haleine, était admiré et respectueusement proclamé grand orateur.

    Cette coutume a disparu ; elle n’est plus de ce siècle. On la concevait, alors que les paysans exploitaient de génération en génération les biens confiés à leur travail. Ils appartenaient presque à la famille de leur maître.

    Cependant, la porte de la maison conjugale est fermée. L’épouse frappe trois coups et dit :


         Adichats moun beou payr’                                     Bonjour mon beau-père

         Suy aci ;                                                                 Me voici 

         La porte qu’es barrade                                           La porte est fermée

         Benets m’oubri.                                                     Venez m'ouvrir.


    On lui répond de l’intérieur : 


         Adichats nouste nore,                                            Bonjour notre bru,

         Moun co conten ;                                                   Mon cœur est content ;

         Nouste porte es d’oubride,                                     Notre porte est ouverte,

         Entrats deden.                                                         Entrez.


    L’épouse continue :


        Coure serey entrade,                                               Quand je serai entrée,

        Que dirats bous,                                                      Que direz-vous?

        Moun Diou, bousets adare                                      Mon Dieu, vous êtes maintenant

        D’un grand secous.                                                 D'un grand secours.


                                                        Mme A. TOUZET

    Folklore Réolais  - le Mariage  ( suite )

( Cahiers du Réolais n° 13 )


    Après ce dialogue chanté, l’épouse pénètre dans sa nouvelle demeure et trouve un balai placé en travers du seuil. C'est une épreuve. S’est-elle baissée pour le prendre et le remettre en place, la mariée sera active et laborieuse.
Si dans son trouble, elle ne l'a pas aperçu, c'est qu'elle sera paresseuse et on augure mal de l'avenir.

    À peine entrée, l'épouse fleurit son beau-père, sa belle-mère, ses nouveaux parents et tous les invités de son mari, en ayant soin de tendre la main pour recevoir quelque argent. On la conduit ensuite dans la chambre nuptiale, où elle retrouve tous les objets qu’elle a envoyés la veille.

    Voici donc terminés les rites qui précédaient et faisaient suite à la cérémonie du mariage religieux, usages aujourd’hui disparus et dont l’origine nous échappe.
Les recherches de A. Van Gennep dans toutes les provinces de France, notamment en Guyenne et Gascogne, précisent cependant certains points ; on retrouve par exemple les mêmes usages dans des régions très éloignées, entre autres "le tourin", dont il sera parlé à son heure, dénommé ailleurs "roties".

    Pour l'instant, voici les convives réunis. À l'appel de la cloche qui sonne l’Angélus, ils vont se mettre à table pour le repas de midi.


Le dîner

    L’heure, les chants, le trajet parfois assez long ont aiguisé l’appétit des convives qui crient en chœur :


         Trempe la soupe, cousiney,                                    Trempe la soupe, cuisinier,

         A la mingea jou t’ayderey,                                     À la manger, je t'aiderai

         Trempe la soupe, boute bouilloun,                        Trempe la soupe, mets du bouillon,

         Les gens de la heste aqui soun.                              Les gens de la fête sont là.


    Le couvert est dressé en plein air si le temps est beau ;  dans une grange, si la pluie menace.
La table, formée de plusieurs planches reposant sur des barriques renversées, est chargée de tous les plats qui doivent composer le festin. Il n’y a qu’un seul service : une soupe aux haricots blancs ; de la morue accompagnée de petites assiettes remplies d'ail et de persil hachées (assaisonnement local) ; des œufs durs ; des carottes en sauce rousse ; des pommes ou des fruits de saison ; du fromage de Hollande. Ce menu ne varie jamais, quelle que soit la fortune des nouveaux mariés. Autour de la table se pressent les invités, souvent au nombre de cent et plus : les familles étaient nombreuses et se dispersaient peu.    

    Pour ce jour-là, contre l’ordinaire, chacun a son assiette, sa cuiller et sa fourchette et, s'il n'a pas oublié de s'en munir, son couteau. Mais il n'y a qu'un verre pour dix. En général, une pièce de toile s'allonge sur les genoux des convives et sert de serviette.

    Dès qu'on a mangé la soupe, l'épouse se lève et, précédée du violoneux, fait le tour de la table, en demandant à chacun quelques sous pour payer son écot.

                            


 Mme A. TOUZET


Folklore Réolais   ( suite )

( Cahiers du Réolais n° 14 )


    Dans quelques paroisses, il était d'usage, afin de subvenir aux frais de ce dîner, de faire une collecte en nature. L'épouse, escortée de ses mentors et montée sur un cheval, portant devant elle une besace et un baril, allait de maison en maison demandant des œufs, du blé, des pommes de terre et du vin. 

Le nombre des invités était alors fixé en relation directe du produit de la quête, considérable si elle avait été abondante, restreinte au contraire si le produit n’avait pas été avantageux    .

Pendant le dîner, la gaieté règne, les chants commencent dès le début : 


         Aqueste taoule que bay bien,                                Cette table est bien,

         Semble la taoule d’un presiden.                           On dirait celle d'un président


    Exagération moins forte dans le second couplet :


         Aqueste taoule que bay plan,                               Cette table va bien

        Presta la taoule d’un paysan.                                Pour être celle d'un paysan. 


    Et les chants continuent :


         Pouyr’esta la d’un seignou                                  Si c'était celle d'un seigneur 

         Que pouyre pas este meillou                               Elle ne pourrait pas être meilleure

         Aqueste taoule qu’a naou plats,                           Cette table, qui a neuf plats

         Naou plats et naou cuyeys d’argent,                    Neuf plats et neuf couverts d'argent,

         Embirounade d’houneste gens.                            Entourée de braves gens.


    Le vin aidant, on a vite fait de passer des compliments à des propos moins agréables. C’est ainsi qu’on se moque des commis de la ferme, assis au bout de la table, fort occuper à satisfaire leur faim.


         Cap de taoulade, ventre de loup,                          Bout de table, ventre de loup

         Seras tu pas jamai sadou ?                                    Quand seras-tu rassasié? 

         Cap de taoulade, ventre de can,                            Bout de table, ventre de chien,

         Mingeras-tu dinca douman ?                                Mangeras-tu jusqu'à demain ?

         Si damoures dinca deman,                                    Si tu restes jusqu'à demain,

         Nous faudra ben tourna lou pan                            Nous devrons refaire du pain



    Décrivons maintenant une cérémonie originale, qui se pratiquait encore au siècle dernier.

    Les cuisinières d'un repas de noce faisaient bénévolement leur service; il était d'usage qu'elles se fassent rétribuer en offrant un brin de buis ou de myrte aux invités, qui en échange, leur donnaient une pièce. Cela s'appelait "porter la junca".

    Au dessert, voici donc venir les cuisinières, au nombre de quatre. La plus jolie ouvre la marche, la seconde porte une corbeille pleine de buis ou de myrte ; la suivante tient deux assiettes placées l'une sur l'autre, entre lesquelles on glissera la pièce de monnaie ; la quatrième brandit une de ces grandes cuillers à queue recourbée, que les paysans appelaient " Gahe ": si un invité refusait de payer, la cuisinière l'accrocherait par le manche de sa cuiller et le secouerait jusqu'à ce qu’il s’exécute.

    La première cuisinière prend un bouquet qu'elle attache à la boutonnière des hommes ou au mouchoir de tête des femmes, puis elle les embrasse après avoir chanté : 


        

        Moussu, ma dame bouts qu’ets en taoule,                Monsieur, Madame qui êtes bien à table,

        Per bien dina,                                                            Pour bien dîner,

        La junca se presente,                                                 La jonchée se présente, 

        Lou faou paga,                                                           Il faut payer,

        Ne boli pas deneys ni sos,                                         Je ne veux denier ni sous,

        Aré que pèces de bin sos.                                          Rien que des pièce de vingt sous.

  

 

    Au maître de la propriété, on dit :


        A bous, Moussu, qu’es générous,                               Vous, Monsieur, qui êtes généreux,

        Bailles-nous qu’aoucun d’aquets rous,                       Donnez nous quelques louis dorés,

        Abous, moussu, qu’es plats galant,                             Vous, monsieur, qui êtes galant

         Bailles-nous qu’aoucun d’aquets blancs                    Donnez-nous quelques écus blancs

   


    Au cas où certains convives ne comprendraient pas le patois, c'est en français qu'on leur adresse le compliment :


          Monsieur de la table d'honneur, 

          Je vous porte ces jolies fleurs, Je vous porte la fleur du Roi,

          Ouvrez la bourse et payez-moi,

          Ouvrez la bourse sans regret, 

          Payez-moi mon joli bouquet.


    Sous la Révolution, on remplaça " la fleur du Roi " par ces vers de circonstance : 

          Nous vous portons la Liberté, 

          L'Amour et la Fraternité.


    Tous ces refrains étaient coupés de " Tra la la la la laire ", repris en chœur par toute l'assistance.

                                                

Mme A. TOUZET


Folklore Réolais - le Mariage      ( suite )

 ( Cahiers du Réolais n° 15 )


    L'offrande aux cuisinières était forcée. Si parfois, quelque mauvais plaisant s'obstine à ne pas délier les cordons de sa bourse, que ce soit par avarice ou envie d'égayer la société, la première cuisinière dit à celle qui porte la louche: " Gahe-lou! ". Aussitôt le récalcitrant est accroché par sa cravate, sa boutonnière ou son mouchoir (madras) et secoué jusqu'à ce qu’il se soit exécuté sous les lazzi que l’on devine. On lui chante :


         Bourri pas qu’est-èce lou dit                                      Je ne voudrais pas être ledit

         Que m’esparraquesssin pr’ un hardit.                       D'voir été déchiré pour un liard.


    (Remarquons l’énergie du terme gascon " esparraqua ", si expressif et qui évoque le bruit d’une déchirure).

    Après le dîner commencent les danses. Quand la mariée est sur le point de se retirer, un couplet l'avertit des déceptions qui peuvent l'attendre. Si elle est malheureuse en ménage, elle aura l'avantage d'avoir été prévenue : 


         Nobi, toun pay regrette                                               Épouse, ton père regrette

         Que sies maou plaçade ;                                             Que tu sois mal placée ;

         Sey pas qu’y ha ;                                                        Je ne sais qu'y faire ;

         T’es hèse bien caouside                                              As-tu été bien choisie,

         Qu’ec poudez ha.                                                        Ce qui pouvait se faire.


Puis, viennent les conseils :


         Te hisis pas, nobi, à barba rousse,                          Ne te fie pas à sa barbe rousse,

         Que sera trayte et bien jalous;                                Il sera traître et jaloux;

         Te hisis pas, nobi, à barba blanque,                       Ne te fie pas à sa barbe blanche,

         Que sera trayte et bien mechan.                            Il sera traître et méchant. 

         Coure seras ‘hors, et sera dedan,                          Quand tu seras dehors, il sera dedans


         Het sera pas jamay counten.                                   …. jamais content

         Sabes pas, nobi, coum het bay ha,                         Tu ne sais pas ce qu'il va faire,

         S’ras pas seytade, te fara leoua.                             À peine assise, il te fera lever.


     En effet, à la campagne, c’est toujours le tour de l'épouse d’obéir. Le mari est le maître; elle ne l'appelle jamais que " noste meste "( notre maître ), alors que lui dit " noste cousineyre " ( notre cuisinière ).

    Vers 9 heures, les danses sont suspendues. L'épouse va se retirer. Les amies, qui, le matin, l'ont habillée, la conduisent à sa chambre et l'aident à se déshabiller. On lui ôte d'abord la couronne.


         Tiran li la couroune                                                        Ôtons lui la couronne

         De naou brillans ;                                                           De neuf brillants ;

         Jamay per qu’este nobi                                                  Jamais à cette épouse

         N’y tournaran.                                                                Nous le referons.


Puis les jeunes filles se retirent en chantant les vers suivants, dont le sens est éminemment philosophique :


         Descaouse-te, nobi, pr’ana droumi,                               Déchausse-toi et va dormir,

         Quitte la rose, pren lou souci,                                        Quitte la rose, prends le souci, 

         Quitte la rose daou casaou                                             Quitte la rose du jardin

         Et pren lou souci de l’oustaou.                                      Et prends le souci de la maison.

        

    Pendant le premier sommeil des époux, les invités ne restent pas inactifs. Ils vont préparer le Tourin dans une maison voisine et iront le porter aux mariés, dès qu'ils auront découvert l'endroit où se passe la nuit de noce.
Rite folklorique répandu dans toute la France, avec des variantes suivant les régions. L’idée populaire est de faire boire aux mariés quelque chose d’épicé qui renouvellera leurs ardeurs, mais on avait sans doute à l’origine un autre but : " socialisation " du mariage, dit Van Gennep, la communauté tenant à s’assurer que les époux n’ont pas manqué au premier de leurs devoirs, celui que l’on nomme " le devoir conjugal ".

    Montaigne signale la coutume comme une des plus anciennes de la Gironde, et lui donne le nom de "réveillon". Elle a persisté jusqu’à nos jours, mais l’ancienne soupe à l’ail, fortement épicée, est parfois remplacée par un bouillon de poule au vin rouge.


 Mme A. TOUZET


Folklore Réolais - le Mariage  (fin)

( Cahiers du Réolais n° 16 )


    Pendant la préparation et la cuisson du Tourin, au bouillon, au vin rouge ou simplement à l’ail – dûment poivré et épicé ! - les invités transformés en cuisiniers et mis en gaîté chantent les vers :


         Touri, touri, dan lou soun pay                                 Tourin,Tourin avec son père,

         Touri, touri, que nous faou ha,                                Tourin,Tourin   qu'il nous faut faire,

         Faou pas parla de nous ‘ana,                                   Ne parlons pas de partir,

         Touri, touri,em puy bin blanc,                                 Tourin Tourin… et vin blanc

         Douman passat nous an iran.                                   Après demain nous partirons.


    Aussitôt prêt; le Tourin est placé dans une corbeille entourée d'un fin drap de lit. Un cortège se forme, qui, de la maison où le tourin a été préparé, a gagner la chambre des époux. En tête, un des invités porte un pot à eau et une cuvette. On chante :


         Que pourtats à la nobi,                                                Que portez-vous à l'épouse,

         Nobi, nobiaout ?                                                          À l'époux, à l'épouse,

         Que pourtats à la nobi ?                                               Que portez-vous à l'épouse ?

         Un bet touri li porty,                                                    Un beau Tourin je lui porte, 

         Nobi, nobiaout.                                                            À l'époux, à l'épouse.


    Ces premiers vers sont suivis d’un certain nombre de couplets arrangés suivant la fantaisie des chanteurs. On arrive ainsi à la porte des époux, solidement barricadée, car ils s'attendent à cette visite. Trois sommations leur sont adressées en français : 


         Le chœur : Ouvrez la porte, ouvrez, la belle mariée. 

         L’épouse :  Comment pourrai-je ouvrir, je suis au lit couchée,

                            Auprès de mon époux qui me tient embrassée ? 

         Le chœur : Ouvrez la porte, ouvrez la belle mariée

         L’épouse :  Attendez un moment que je sois levée.

         Le chœur : Ouvrez la porte, ouvrez la belle mariée

         L’épouse :  Attendez un moment que je sois habillée.


    Les époux ouvrent enfin la porte. Ils se lavent les mains et les essuient au drap qui entoure la corbeille, mangent le tourin et le même drap leur sert de serviette. Tous les invités mangent avec eux, boivent du vin blanc, puis dansent des rondes dont les paroles varient à l'infini, mais sont toujours plus ou moins grivoises. La fatigue seule vient suspendre les danses. Avant le départ, une dernière plaisanterie est adressée aux mariés :


         Nobi pren gar’en quet aousel                                  Époux, prends garde à cet oiseau

         Que s’es paousat su toun capel                               Qui s'est posé sur ton chapeau

         Es un aousel bien répandut                                     C'est un oiseau très répandu

         Aou bet tems nou cante COUCUT                         Au beau temps il chante COCU

         Aquel aousel es insolen                                          C'est un oiseau insolent,

         Insulte les houneste gens                                        Il insulte les braves gens.


    La mariée, elle aussi, est prévenue :


         La nobi ploure et qu’a résoun                                  L'épouse pleure, elle a raison,

         Cret d’aouge trobat un capoun                                Elle croit avoir un chapon, 

         S’es un capoun,faou lou tua                                     Si c'est un chapon, tuons le,

         S’es un beguey, faou lou garda                                Mais un coq, il faut le garder.


Avant de se retirer, les invités chantent encore :


         Anen nous en dan lou soun pay                                Partons avec son père,

         Amen nous en praoube perduts,                                Partons, pauvres perdus,

         Perden la nobi mey lous escuts,                                Nous perdons épouse et écus, 

         Aco ne nous ey pas de duil,                                       Cela ne nous fait pas deuil,

         Aré que lou leyt et linceous.                                      Rien que le lit et les draps.


    La fête est terminée. Après quelques ultimes libations, les époux sont enfin laissés seuls.

    Ainsi se déroulaient les cérémonies du mariage, dont il ne subsiste que quelques traces de nos jours. Nous les avons décrites avec toute la précision possible, pour perpétuer le souvenir des anciens usages de La Réole en Bazadais.

                                                                                                        Mme A. TOUZET


Bibliographie sommaire :  – Lamarque de Plaisance, Usages et chansons populaires de l’ancien Bazadais ( Bordeaux 1845 ). 

– P.L. Jacob, Croyances populaires au Moyen-Age. – Mensignac, Notes sur les coutumes, usages, etc du département de la Gironde ( Bordeaux. 1888-1889 ). 

–- Van Gennep, Manuel de Folklore Français contemporain. ( Paris. 1937 )




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