Le lancement d'un pont de bateaux à La Réole
Pour joindre les deux rives de la Garonne, momentanément séparées par l'accident survenu au pont métallique, les militaires, en cinq heures, ont réalisé une liaison nouvelle
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(DE NOTRE ENVOYE SPECIAL)
On sait que, le 28 mai dernier, un culot de retenue des câbles de soutènement du pont suspendu de La Réole ayant cédé, la circulation des véhicules fut suspendue, les piétons seuls gardant le droit de passage.
Huit jours plus tard, un autre culot s'ouvrait à son tour, provoquant le fléchissement d'un second cable ; et, dès lors, l'accès du pont fut interdit à tous, piétons, automobilistes, charretiers, la traversée en barque restant le seul moyen de liaison entre l'Entre-Deux Mers réolais et le Bazadais.
Emu de cette situation, extrêmement pénible pour les populations, tant réolaises que bazadaises, M. le député de La Réole, René Thorp, fit tant et tant avec obstination et volonté, qu'il parvint à obtenir la réalisation d'une liaison provisoire des deux rives par un pont de bateaux.
C'est ce pont-là qui a été jeté dimanche, en cinq heures, par le génie militaire, avec une activité, une célérité, une réussite complètes.
Grâces en soient rendues au dévoué député de La Réole qui, en la circonstance, a bien mérité de ses commettants.
L'installation du pont de bateaux
C'est un détachement de 196 hommes du 6e génie d'Angers qui a mené à bien l'établissement du pont.
Le matériel nécessaire à l'entreprise était arrivé dans la semaine par voie ferrée.
Samedi 15 juillet, à 10 heures, 61 hommes, dont 1 officier, 9 sous-officiers et 51 soldats, arrivaient à leur tour.
Le même jour, à 15 heures, un nouveau contingent de 4 officiers et 135 hommes, sous-officiers et soldats, se trouvaient à pied d'œuvre, à côté de leurs camarades.
Dès samedi soir, les têtes de pont, rive droite et rive gauche, étaient solidement ancrées. Dimanche matin, dès le jour, les sapeurs du 6° génie se mettaient à l'ouvrage et, avec une déconcertante rapidité, les bateaux s'alignaient, les poutres de soutènement se jointaient, le plancher s'allongeait,
Les hommes en bourgeron* blanc, munis du plastron de kapok dit de sauvetage, s'affairèrent cinq heures durant sous la conduite immédiate du sous-lieutenant Trièze, cheville ouvrière de tout ce jeune monde en travail, en bel et bon travail,
Les embarcations, glissant sur le fleuve, se plaçaient si vite, si vite, qu'on en perdait le compte; le tablier de fers à U s'échaffaudait sur les barques; le plancher recouvrait les fers a U.
Vers midi, l'ouvrage était presque à point.
Les coups de marteau ou de maillet assuraient la finission des jointures; les ancrages des barques se faisaient définitifs : 160 mètres de pont flottant étaient hardiment réalisés.
Travail prestigieux, accompli avec une sûreté méthodique qui remplit d'étonnement et d'aise les quelques quatre ou cinq mille curieux accourus, tant au bord de la digue rive droite que sur les terrains de rive gauche.
Et comme une expérience aussi instructive ne saurait assez être exploitée, M. le colonel du 6° génie, tandis que les bateaux s'ajoutaient aux bateaux, fit une conférence érudite à de nombreux officiers de réserves convoqués à cet effet.
*Courte blouse de toile que portent les ouvriers, les soldats, pour certains travaux
La parade
A 1 heure de l'après-midi, la jonction était réalisée. Au coup de sifflet des chefs, les pontonniers s'étant placés à la pointe des embarcations, levèrent leurs avirons droit vers le ciel; et bor dés à babord et à tribord par ce garde à vous spécial, M. le colonel chef d'état. major de la région; M. le colonel commandant le 6° génie; M. le commandant Froissard, du génie de Bordeaux; M. le député René Thorp; M. Grillon, maire de La Réole, et ses adjoints, MM. Trey et Laporterie ; MM. Valentin Maurin, conseiller général de Pujols-sur Dordogne, et Cyprien Lacoste, maire et conseiller général de Saint-Symphorien; M. l'ingénieur en chef du service vicinal Ballan; M. Ingénieur Godichon, de La Réole; M. Vion, sous-préfet suivis de nombreuses notabilités locales, effectuaient, aller et retour, le premier passage.
Après quol, les chefs s'étant placés sur la promenade du Port, les sapeurs, soudain transformés, impeccables sous leur capote bleue, rapidement échangée contre les treillis de travail, jambières aux mollets, marchant alignés comme à la parade, défilèrent, fiers et dégagés, pour rejoindre leur réfectoire où un repas confortable, arrosé de bons vins vieux offerts par l'édilité réolaise.
Un repas cordial
A l'hôtel Terminus, les officiers et officiels se retrouvèrent en un repas cordial, mais animé et de choix.
Les officiers de réserve avaient leur table ; aussi les sous-officiers du 6e génie.
Aux personnalités déjà citées, s'étaient jointes des notabilités locales ou régionales, parmi lesquelles M. Carrier, président du Syndicat des automobiles de place et de garage de la ville de Bordeaux; M. Monnusseins; les conseillers municipaux de La Réole, etc., etc.
Dîner soigné, vins excellents, ambiance parfaite.
Au dessert, M. le député René Thorp exprima avec chaleur sa reconnaissance au 6° génie, à son colonel éminent, à ses officiers, à ses sapeurs experts, et se félicita du moyen de communication, si nécessaire, entre les deux rives garonnaises heureusement et brillamment réalisé.
M. le colonel du 6° génie, en une allocution remarquable, marquée au coin de l'érudition la plus éclectique, répondit au député et rendit hommage à ses sapeurs, fiers de leur arme et de leur science, l'une et l'autre vouées au profit des autres armes, selon le mot du président Daladier. Il termina par un hommage délicat à la terre girondine, par un toast à la France, vigilante et sûre de sa force.
M. Grillon, maire de La Réole, en quelques paroles amicales, remercia M. le député Thorp de son action efficace pour la réalisation du pont de bateaux de La Réole, et eut des mots fort aimables pour le 6e génie, ses sapeurs et son chef éminent.
Pour finir
C'est sur ces aimables paroles que se termina une journée importante pour la région réolaise puisqu'elle a pratiquement supprimé son demi-isolement avec le Bazadais.
Le pont de bateau réalise, en effet, la jonction de La Réole, par Fontet, avec Aillas, Grignols et Bazas.
Ajoutons que la journée se déroula sous le signe du variable: les averses succédant au soleil, celui-ci cédant aux averses. Il paraît, au dire des augures, que c'est promesse de succès dans les entreprises.
Celle d'aujourd'hui a été conclue pour une durée de trois mois, et pour un passage de véhicules jusqu'à 11 tonnes de poids total.
D'ici là, le pont métallique doit être réparé, ce qui est possible, non pas certain. Mais comme 35 sapeurs du 6e vont rester à La Réole, pour veiller aux grains et aux barques, envisageons les jours qui viennent avec confiance !
Dans l'après-midi, le nombre de piétons qui traversa le nouveau pont, fut considérable.
On a beau faire le malin, une plateforme au ras de l'eau, bien que ce ne soit point dangereux, ça fait tout de même quelque chose, au moins les premiers jours.
Max G.-L.
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