Rechercher dans ce blog

Tous les  articles  du blog  :   ici En 1978, le journal " Elle" lance une grande enquête sur les femmes en France. Pour la Giron...

1978 - Michèle Perrein - article pour le journal "Elle" sur les femmes de Gironde

Tous les articles du blog : ici


En 1978, le journal "Elle" lance une grande enquête sur les femmes en France.

Pour la Gironde c'est Michèle Perrein qui en est la rédactrice 


ELLES EN FRANCE 


Raconter par la voix d'une romancière les Françaises, leurs soucis, leurs rêves, ce qui est drôle et irritant dans leur vie quotidienne et, surtout, ce qui a changé profondément dans leur sensibilité et leur manière de vivre: tel est le but que nous nous proposons dans les six semaines à venir.

Aujourd'hui voici Michèle Perrein avec les femmes de la Gironde. Des femmes qu'elle connaît bien, elle qui est née à La Réole, elle dont la famille habite la région depuis 300 ans.

Devenue parisienne, elle n'a pas voulu corriger son accent et elle retourne souvent au pays. Parce qu'elle se sent sur ces lieux des instincts de propriétaire, parce qu'elle en aime le haut degré de civilisation. Michèle Perrein, qui s'est passionnée pour la cause des femmes (son prochain livre « Entre chienne et louve» sort le 1er février 1978 chez Grasset) a été bouleversée par l'importance des changements qu'elle a rencontrés. C'est ce qu'elle a voulu

vous transmettre.



LA GIRONDE


par Michèle Perrein, Photos Henri Elwing


Il n'est pas facile de parler de ce qu'on aime. Même pas ce qu'on aime, ce qu'on a dans le sang et qui est pire Dans mon sang il y a une Gironde, une Guyenne, une Gascogne et quelquefois je ne sais plus mois même où ça s'arrête ni comment ça s'appelle.  Ça prend sa source où prend sa source la Garonne et ça se jette en large estuaire dans Océan.

Jusqu'à l'Océan qui est à moi, jusqu'aux forêts de pins landais.

 Dans ce que j'appelle mon pays le suis comme un navigateur et comme un propriétaire terrien, je barre et j'arpente.

 Je surveille la couleur des vignes, j'aime les nuances noires, violettes, rousses ou roses de la terre nue, je respire l'odeur du tabac suspendu, je regarde monter l'orage, je souffre si les longs toits de tuile romaine se gondolent. J'admire la blondeur des pierres.

 Le régisseur mental de la propriété c'est moi. Les petites routes que je connais m'appartiennent mais celles que je découvre deviennent mes nouveaux trésors. Je ne me lasse pas d'être de "là" de me sentir filles de l'inondation et du feu, ces fléaux qui habitent mes souvenirs d'enfance et dont personne ne peut me dissocier.


Quelque chose a changé


Mais "là" où est-ce ? Je suis faite de triangles de plus en plus petits inscrits dans un plus grand triangle. Le plus petit a pour centre La Réole où je suis née. Il pousse une pointe nord-est dans l'Entre-Deux-Mers par l'abbaye de Saint-Ferme, file vers l'ouest jusqu'à Sauternes, descend sud ouest à la cathédrale, la place à arceaux de Bazas, attrape Meilhan, Couthures et ses aloses, à l'est. 

"Là" est mon plus petit pays, celui que j'inspecte le plus jalousement.

 Personne encore n'y construit de centrale nucléaire (comme à Braud-et-Saint-Louis) mais déjà des immeubles modernes éclatants de blancheur crayeuse sont venus défigurer des sites, offenser la beauté de la pierre, cette pierre que Mlle Maymeudon, antiquaire qui a fui  Paris puis Cannes pour venir s'installer espère faire davantage aimer et restaurer. L'autoroute nous écornera bientôt mais nous délivrera peut-être de la folle circutation des poids lourds sur la nationale 113.

 Au fil de l'eau, sur le canal latéral à la Garonne, glissent les péniches, des écluses s'ouvrent et se ferment au rythme d'autrefois et les maisons fragiles d'éclusiers sont ombragées par des platanes centenaires et royaux.

 J'ai vu des vaches poussées, pour rentrer à l'étable par une 2 CV au pas qui collait à leur croupe et sur l'aérodrome des avions grands comme des sauterelles se sont mis à proliférer mais personne ne vole plus jamais comme Marcel Doret sous le pont suspendu


Ça change. Quelque chose a changé. 

A côté de la grande tradition - et la grande tradition reste le vin même si des Américains, des Allemands se sont appropriés certains grands crus - à côté du long village de Morizès au bord du Dropt où des tuiliers travaillent encore à l'ancienne, cuisant de leurs mains les carreaux roses et blonds de Gironde je pense aux David, oncle et neveu, voisins et ennemis. mais artisans précieux se vit toute une mutation mentale. Oui, le goût du vin, le sens du vin demeure notre don essentiel et nous parons notre boutonnière même si nous ne sommes pas vignerons des Saint-Emilion, des Saint-Estèphe-du-Médoc -mon royaume contre une bouteille de sauternes-parce que nous avons besoin de conserver en nous ce que nous sommes, des vieux civilisés, des amateurs de cuisine, des romanesques, des médisants parce que la médisance est imagina- tion comme l'est notre capacité flemmarde de regarder couler le fleuve afin d'y saisir ce que nous allons devenir.

- Pourquoi dans votre roman - Le Buveur de Garonne-, m'a demandé d'un ton inquisiteur un jeune professeur, les femmes. ont-elles toutes de la personnalité ?


Les femmes existent


Je n'ai pas su répondre, pourtant c'est vrai que, dans mon pays, les femmes existent. Sous beaucoup d'histoires que l'on m'a racontées, j'ai trouvé des mères et des mères terribles. Mais quoi, avant moi, François Mauriac, le maître de Malagar, ne l'avait-il pas dit ?

Si sa Thérèse Desqueyroux n'avait pas été prototype, comment expliquer que toute la Gironde se soit reconnue dans cette presque criminelle ? Or, empoisonneuse, elle n'a tenté de l'être que parce que la pression de la société. à son époque, était telle qu'une personnalité féminine n'arrivait pas à s'exprimer et parfois explosait. Chez d'autres femmes, dans l'avant-guerre de Mauriac, le commandement s'exprimait. Seulement, il ne s'exprimait qu'avec l'âge mûr et la propriété. Cette femme dont je parle, c'est celle qui s'appelle en gascon la dauna - (prononcer daoune), c'est la maitresse. Maîtresse de la terre, maîtresse de l'argent, maîtresse de la tradition, maîtresse de la maison. Autrefois la force comprimée des femmes n'arrivait au jour qu'assez tard, avec le pouvoir.


Eh bien, il en existe encore des "daunas", mais les filles ne se laissant plus faire, elles sévissent de moins en moins. Si les filles ne se laissent plus grignoter par les mères, elles n'auront plus besoin d'attendre l'âge des daunas - pour exprimer à leur tour une personnalité, et cette personnalité ne sera plus négative. A qui est-ce que je pense, est-ce à Suzanne, est-ce à Hélène ou à ces sages élèves du lycée de La Réole qui suivent les cours d'occitan?

Elles étaient dix dans la classe de M. Laliman, assises sur les tables, et l'heure de gascon est passée comme cinq minutes intenses tant paraissait profonde en ces filles de quinze ans la recherche de leurs propres racines. C'est une démarche à laquelle on ne pense pas à Paris mais essayer d'extirper de soi les mots qui y sont enfouis, qui ont été occultés depuis la propre enfance des pères, des mères et parfois des grands-pères, est un premier travail de reconquête. Savoir de quels mots on est faite, de quelle poésie, où sont ses sources, est le premier pas en avant, celui à partir duquel on pourra tenter tous les autres.


La liberté par l'expression


Mais Suzanne, mais Hélène ? Ni Suzanne ni Hélène n'ont éclairci leur vie par ce retour aux sources, pourtant Suzanne et Hélène aussi sont significatives d'une modification. féminine bien qu'il puisse paraître saugrenu que je les compare dans la mesure où Suzanne pourrait être largement la mère d'Hélène qui a vingt-trois ans. Si je les compare, c'est parce qu'elles sont des filles, restant dans leur conscient et subconscient gravement liées à des mères. La mère de Suzanne a quatre-vingt-dix ans maintenant, elle fut l'exemple le plus éclatant de la dauna qui, et sans le savoir, a tout fait pour que sa fille n'arrive pas a construire sa vie. Suzanne s'est mariée quatre fois, a eu trois enfants mais, à travers les avatars de sa vie, elle s'est accrochée à un seul élan stable : la peinture. Ses dessins d'abord, ses toiles qu'on peut dire de plus en plus figuratives ont été non pas la bouée à laquelle on s'accroche mais l'identité de Suzanne. Une identité chèrement payée qui demeure et qu'on respire, apaisée, dans la maison en forme de navire dominant à Meilhan le point où Garonne et canal se frôlent. Hélène parle aussi de sa mère, parle de son père. On la sent partagée entre un désir d'imiter le père fort, de comprendre la mère douce. Douce ou cachée ?

- Ma mère ne m'a jamais rien confié.

Hélène, elle, parle et c'est par la parole, sans doute, qu'en effet la liberté viendra aux femmes. Par l'expression. Parce qu'Hélène aurait aimé que sa mère lui parlât d'elle pour comprendre peut-être la vie, elle a osé ce qu'on n'ose guère en province, elle a voulu revendiquer au grand jour une sexualité libre. A dix-huit ans, elle est partie avec sa petite valise, non comme on partait de mon temps c'est-à-dire loin, elle est partie près. Elle est partie comme on dit "j'existe". avec ses goûts, ses sentiments, son indifférence au mariage, ses rêves de travail. Quand on connaît le pays dont je parle, sa capacité de vous coincer dans la réprobation, on ne peut que constater le courage d'Hélène, son petit panache. Prendre des risques lorsqu'on est une femme, ce n'est pas si banal. Mais les filles jeunes n'ont pas fini de m'étonner. Françoise - la sensible, la réfléchie Françoise, qui a vingt et un ans, qui est licenciée de philosophie, qui a aussi choisi sa vie bien qu'elle hésite encore entre sa nature contemplative et sa nature active, qui n'est pas attirée par le mariage, m'a dit ce que j'ai mis quinze ans à comprendre pour mon compte, qu'il ne faut pas, dans un couple, prendre l'autre pour le sauveur permanent, le régulateur, c'est-à-dire à la limite le dépotoir. Cette existence brusque et si claire de l'autre en tant qu'autre dans l'esprit d'une fille de cet âge m'a, je l'avoue, comblée, je ne croyais pas qu'elles en étaient déjà là. L'amour n'est plus la panacée, l'amour n'est plus compensation, l'amour va pouvoir être amour.


Et Maritchu? Avec son prénom basque, Maritchu n'est pas Basque et elle a la trentaine. Comme les femmes qui précèdent, elle s'est confiée à moi si simplement que j'ai le souci de ne pas la trahir. Elle travaille et ce qu'elle entreprend lui réussit. Elle est homosexuelle depuis qu'à vingt ans elle a eu la révélation brusque que son corps aimait les femmes et non les hommes. Elle vit ses goûts avec simplicité, sans ostentation, dans une ville où, il n'y a pas une génération, le seul homosexuel repéré était contraint d'aller vivre ses amours à la grande ville. Est-ce la province qui a changé ? Est-ce que ce sont les mœurs ? Est-ce que ce sont les pulsions et les goûts? Pulsions et goûts ont toujours existé mais autrefois on les barrait. Parce que Maritchu a su vivre simplement sa nature, elle a su l'imposer et cela lui a semblé facile.

Pour être ensemble


Il y a donc rupture aujourd'hui avec l'image conventionnelle de la femme. Déjà l'accueil que j'ai reçu, la confiance que l'on m'a faite étaient signés. Où était donc passée cette fameuse rivalité, cette jalousie des femmes entre elles? Je ne l'ai pas rencontrée. Je ne l'ai pas rencontrée par exemple à Gironde-sur-Dropt, où des femmes. actives mais sans profession se sont groupées. Pourquoi ? Pour être ensemble. Pour faire trois kilomètres de marche à pied le matin, pour bridger, pour enseigner le catéchisme aux enfants, pour visiter les monuments de la région qui pullulent, pour lire et discuter des livres lus. Dirais-je leurs noms? Impossible de les citer tous. 

Elles s'appellent Mme Comblat, Mme Rual, Mme Bienvenu, Mme Dubroca, Mme Monguay.... Chacune mériterait un article entier dans cette histoire qui est à suivre. Parmi le groupe de Gironde, se trouve - étonnement - une Vietnamienne. Chuc-Dung Dang Tran a trente-sept ans, elle en paraît vingt-huit. D'Hanoi, où elle est née, à la Gironde, le périple est long mais il recoupe très exactement mon propos. Si elle est partie du Viêtnam, c'est bien pour ne vivre que sa propre identité puisqu'elle refusait de se laisser marier de manière traditionnelle avec le premier inconnu présenté par la famille. Étudiante à Paris, elle travaille trop, tombe très vite malade, est expédiée en Savoie où elle rencontre un jeune Vietnamien qu'elle aimera et avec lequel elle s'est mariée. L'histoire de ce mariage est une longue bataille épistolaire qu'elle a menée contre sa famille catholique très pratiquante et de gauche qui ne voulait pas du fiancé parce qu'il descendait d'un mandarin honni. 

L'histoire de Roméo et Juliette, c'est la leur, moins la mort. Le couple Dang Tran a maintenant des enfants et il a choisi de vivre dans le Sud-Ouest parce que, petite fille, Ohuc-Dung en avait entendu parler comme d'un lieu idyllique, ensoleillé. L'est-ce ? Elle ne se plaint pas. Elle est contente d'avoir été bien accueillie à Gironde où comme disent ces femmes 

: - Quand le dimanche arrive, nous ne réclamons plus à nos maris de nous sortir ! Nous sommes aussi fatiguées qu'eux !


Une femme en mutation


L'accueil fait à Mme Dang Tran signifie-t-il que la Gironde n'est pas raciste ? Il y a de ça. Les régions de Garonne, depuis des siècles, ont vu un tel brassage de Celtes, de Romains, d'Ibères, d'Anglais et plus récemment d'immigrés italiens et espagnols, que l'étranger ne choque pas. Il est phagocyté.             Phagocytée ainsi la championne d'aviron qu'est Dominique Cologni. Elle a vingt-cinq ans, elle est blonde comme les Italiens d'Udine dont elle descend. Ses parents sont arrivés avant la guerre de 39, avec les métayers potentiels d'alors. Dans un an, elle sera professeur d'éducation physique. Calme, douce, énergique, elle considère qu'elle a tenté de faire de sa vie le maximum de ce qui lui était possible aujourd'hui, souhaite cependant trouver une respiration plus large que celle d'un banal chauvinisme. Dominique manifestement, elle aussi, est une femme en mutation, consciente d'être.

En ai-je rencontré qui ne le soient pas ? Non, mais j'ai rencontré des femmes qui n'ont pas conscience de leur modification intérieure bien qu'elles vivent comme elles n'auraient pu le faire il y a vingt ans. Celles- là n'ont pas eu à attendre l'âge des "daunas” ni le veuvage ou l'argent pour se lancer dans l'entreprise. Comme elles n'ont pas eu à ronger leur frein pour exprimer leur énergie, elles n'auront pas non plus à faire payer cette énergie à l'entourage.

 Venue de Paris, c'est dans ce groupe qu'on trouve Mme Régaud. En quatre ans, elle a mis sur pied une fabrique de vêtements de poupée. Installée à Pondaurat dans une ancienne laiterie, sa société emploie plusieurs ouvrières et marche remarquablement, alors que rien ne prédestinait à ce métier.

            Mme Régaud qui, avec son mari. dirigeait auparavant un cours privé à Paris. Dans le même groupe, je place Simone Barrau, coiffeuse à Bazas. Partie de rien du tout, simple apprentie sans capitaux, à force d'avoir le goût de faire, elle a créé un vrai salon, le gère en professionnelle au fait de tout. A ce groupe encore, j'associerais Luce Douence dont le mari est médecin et maire de Castets-en-Dorthe.

Elle s’est lancée dans la culture des fraisiers Gorella - qui sur un hectare ornent comme un parterre vert sa très belle maison dominant la plaine - et elle projette une plantation de noyers le long du canal qui se jette, là, dans la Garonne.

 Denise Fazembat, pour sa part, parce qu'elle a constaté que les revenus de sa famille avaient été engloutis une année par la sécheresse - le troupeau de vaches avait énormément souffert - et l'année suivante par l'inondation du Dropt - cette fois, c'était le maïs qui ne s'en était pas relevé - s'est lancée, à côté de l'élevage des volailles à rôtir (22 000 pintades, 9000 dindes), dans le gavage des canards, ce qui était jusqu'alors une spécialité landaise.

Puis, avec d'autres femmes agricultrices et décidées, elle est en train de créer à Auros une coopérative, de manière à ce que l'éviscération des bêtes, la cuisine, les conserves soient faites en un lieu précis. sous une marque précise, et que la diffusion s'effectue facilement.


Défendre toute forme de vie


Toutes ces femmes, je peux le garantir, n'habitaient pas mon enfance. Si, à la campagne, elles travaillaient comme des bêtes de somme, jamais on n'aurait pu imaginer

que les filles acquerraient ce sens de l'organisation, cette imagination dans le goût de vaincre. Et c'est sans doute à cause de cette modification du comportement puisqu'il ne s'agit à mon sens que de la montée de ce qui se camouflait autrefois que de plus en plus de femmes sont élues maires de leurs villages.

            A Camiran par exemple où Mme Bortot, le maire, est entourée de quatre conseillères municipales, de quatre conseillers et assistée d'une irremplaçable secrétaire de mairie, Mme Cuvillers, on peut dire que ça bouge.

- Mais comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu plus d'hommes élus ?

- Les hommes n'ont pas le temps.

Peut-on croire qu'ils n'aient pas ou plus le temps de faire ce qu'ils faisaient ? Ou bien se sont-ils aperçus que les femmes, malgré leurs propres et multiples occupations, étaient prêtes à prendre la relève ? Depuis que Mme Bortot se débat à la mairie, l'école a été organisée avec les deux villages voisins de Loubens et Bagas, le car de ramassage fait ses navettes, les classes fonctionnent partout, la question des associations de chasse est posée, celle de l'enlèvement du "bourrier" (1) aussi et on se casse la tête pour trouver la manière de retenir les jeunes couples au pays ou de les y attirer. On cherche des idées pour inventer la vie.

- Surtout, surtout, dit Mme Pauly, maire de Saint-Sève venue en voisine, ne jamais accepter de rattacher les villages à la grande ville voisine (La Réole, 5 000 habitants). Ça, ils l'ont fait autour de Marmande et ils en meurent.

Les deux grands mots sont lâchés la vie et la mort. J'ai eu l'impression pendant tout ce reportage que, de nouveau mais autrement, c'était pour défendre une forme de vie que se mobilisaient les femmes. Plus seulement pour la mise au monde mais pour la défense de qui a été mis au monde, y compris elles. Contre la mort, elles se revendiquent dans leur originalité et leurs goûts, pour éviter la fin du couple elles ont compris qu'il fallait exister à part entière, contre la ruine imposée par les fléaux naturels celles qui ont du caractère se débattent, contre le sommeil des villages les femmes paient de leur personne.

-  Pendant des années on a été paumées. 

-  Je voulais m'occuper des débiles profonds

-  Ma crise d'adolescence, je l'ai faite à des vingt ans.

-  On cherchait on ne savait pas quoi.

Bernadette et Michel Bruneau, qui se renvoient la balle dans la cuisine où ils ont seulement gratté la pierre d'une belle cheminée, ont vingt-huit et vingt-neuf ans. Je les ai rencontrés dans la plaine de Barie, lieu-dit Maucousinat (mal cuisiné), où ils sont devenus cultivateurs-maraîchers après une longue quête d'eux-mêmes.  Bernadette berce sur ses genoux Antoine leur fils qui a deux ans - Lévinia et Suzy ont cinq et trois ans - , Michel tranquillement gratte une carotte énorme, coupe la citrouille pour la soupe avec un grand couteau.


Une réussite en couple


Dans le Réolais, j'ai une tendresse spéciale pour cette plaine de Barie dont on ne montre la photographie en double page, dans les grands magazines, qu'en cas d'inondation catastrophique. De nombreuses fermes portent encore à leur premier étage la marque jamais dépassée de la montée de l'eau en 1930. Cette plaine enfermée dans deux grandes boucles de Garonne, aucun consortium américain, aucun seigneur allemand ne la convoitent.


Elle ne vaut pas un prix astronomique à l'hectare, ne donne aucun grand cru - mais un vin groseillé que j'aime - et c'est cette terre légère qui s'effrite au toucher en grains fins, terre riche de l'alluvion des catastrophes, que cultivent Michel et Bernadette.


Pourquoi est-ce que je parle d'eux ? Parce qu'on est bien chez eux et avec eux.

Qu'on aime les voir dans toutes leurs activités, les entendre parler. Que Bernadette cueille des choux de Bruxelles ou ramasse des salades, que Michel engrange son maïs dans le silo ou baigne les radis noirs et rouges, les poireaux pour le marché du lendemain sur les quais de La Réole, il se dégage d'eux une telle entente, on sent avec tant de force combien leur recherche a été sincère qu'on ne peut plus s'en aller ou du moins qu'on revient. Leur démarche personnelle les a conduits à pratiquer l'agriculture biologique comme on choisit de vivre proprement et on ne peut s'étonner qu'ils ne veuillent souiller ni la terre ni l'air, n'utilisent que des matières naturelles à la place des engrais chimiques puisqu'ils n'ont pu vivre entre eux et ne peuvent vivre avec les autres que dans un rapport sain. 

Vu de loin, un tel rapport pourrait paraître gentil et utopique s'il n'existait réellement, si l'on n'éprouvait violemment que les Bruneau sont une réussite intérieure et si l'on ne constatait en outre que leurs produits - tous les produits! - sont magnifiques. Il est vrai que Michel et Bernadette ne sont pas seulement rivés à leur terre, ils vivent leur temps.

Le soir où Bernadette bûchait avec des amis écologistes la question nucléaire parce qu'une réunion municipale devait avoir lieu sur le sujet, Michel se dépêchait d'aller chanter dans la chorale à laquelle il appartient. 


Avec eux, tout se fait harmonieusement, dans le respect spontané de l'autre, et si je vous parle insistante de cet homme, de cette femme, c'est parce qu'ils sont plus qu'une mutation, une petite révolution. Je n'ai jamais rencontré une femme - envie de dire une jeune fille - aussi libre dans sa parole, son jugement que Bernadette. Je n'ai jamais rencontré un homme - un garçon - moins petit chef, moins misogyne, plus rayonnant que Michel, Si, selon Aragon, la femme est l'avenir de l'homme, Bernadette l'est, mais Michel, parmi les hommes, est un cadeau inattendu.  

      M.P.


Michèle Perrein a obtenu le Grand Prix du Roman des Lectrices de ELLE en 1971 pour "La Chineuse" et le Prix des Libraires en 1974 pour "Le Buveur de Garonne"



Quelques scans des pages du journal Elle

  

 




 
Le photographe de cet article était Henri Elwing, né en 1925, qui a photographié toutes les stars de l'époque. Cliquez ici

Nané et Michel Bruneau ont récupéré des diapositives que j'ai numérisées, si d'autres personnes dans cet article ont reçu des diapositives de Henri Elwing, je peux numériser leurs photos.


Tous les articles du Blog : cliquez ici









.




0 comments:

Sommaire-tous-les-articles      De 1909 à 1931 un riche banquier, Albert Khan , se propose de faire un inventaire visuel du monde qu'il ...

Autochromes 1920- La Réole il y a un siècle


    De 1909 à 1931 un riche banquier, Albert Khan, se propose de faire un inventaire visuel du monde qu'il nomme : "Inventaire de la planète".
    Son projet s'arrête avec sa ruine  en 1931.
Un Musée Albert Kahn  a été créé dans les Hauts de Seine et les autochromes¹ réalisés à cette époque sont mis à la disposition du public.
    C'est Jean Pierre Teissier qui m'a fait connaître cette collection.
En juin 1920 une série d'autochromes a été réalisée à La Réole : en voici les copies.

¹ Autochromes : L'autochrome est un procédé de restitution photographique des couleurs breveté le 17 décembre 1903 par les frères Auguste et Louis Lumière et mis au point par Gabriel Doublier.


Autres autochromes dans la région

Bazas

Langon


Bordeaux

Bordeaux Porte Cailhau



4 comments:

sommaire-tous-les-articles Michèle Perrein Michèle Perrein , née Michèle Barbe le  30   octobre   1929  à  La Réole  en  Gironde  et morte l...

Michèle Perrein et "Le buveur de Garonne"

sommaire-tous-les-articles


Michèle Perrein

Michèle Perrein, née Michèle Barbe le  à La Réole en Gironde et morte le  à La Réole, est une journaliste et écrivaine française, lauréate du prix Interallié en 1984.

Fiche Wikipédia

Michèle Perrein lors de la fête du Lycée de La Réole juin 2000
   

Biographie

    Michèle Barbe est la fille de Roger Barbe, un entrepreneur de travaux publics, et de Anne-Blanche Perrein.
    Elle fait des études classiques au Collège de La Réole,

Souvenirs du collège (le 4°mur)

 suivies de deux années à la Faculté de droit de Bordeaux. À Paris, elle travaille comme secrétaire en expédiant des voitures vers l'Amérique du Sud tout en suivant en parallèle des cours du soir au Centre de formation des journalistes.

    Hélène Lazareff, directrice du magazine Elle, trouve que son patronyme « Barbe » est difficile à porter, elle décide alors de prendre celui de sa mère « Perrein ».
    Son métier de journaliste la conduit à suivre plusieurs procès, certains pour lesquels elle publie des articles dans Elle (Affaire Minou Drouet 1955) où elle met en doute l'authenticité des œuvres de Minou Drouet, ou Paris Match (Affaire Patrick Henry).
    Mariée avec Jacques Laurent, avec lequel elle entretiendra jusqu'à la mort de celui-ci une indéfectible amitié, elle divorce quelques années plus tard pour suivre sa propre voie de romancière .
    C'est en Gironde, que Michèle Perrein trouve l'inspiration pour beaucoup de ses œuvres littéraires, dont Le Buveur de Garonne et Les Cotonniers de Bassalane sont les plus connues.     Côté théâtre, elle fait jouer sa pièce, L'Hôtel racine, à la Comédie des Champs-Élysées. Elle est également coauteur du scénario et des dialogues du film d'Henri-Georges ClouzotLa Vérité. Elle réalise également des reportages, enquêtes, interviews ou chroniques pour CombatElleArts et SpectaclesVotre beauté et rédige certains articles pour Paris MatchMarie ClaireF Magazine.
    Après le décès brutal de son compagnon Michel Adam, dit Adam Thalamy (avec lequel elle a coécrit Ave Caesar en 1982), elle cesse son activité de romancière et se retire dans la ville de son enfance. Elle meurt des conséquences de la maladie d'Alzheimer.

Féministe d'avant-garde et indépendante

    Très tôt intéressée par les relations entre les sexes, son écriture s'attache à les dépeindre au travers des carcans qui à ses yeux limitent l'homme et la femme dans leur épanouissement réciproque.
En avance sur l'avènement du Mouvement de libération des femmes, dans lequel elle ne se reconnaîtra ni dans la manière d'agir ni dans celle de penser, elle refusera toute opposition à l'autre sexe pour faire reconnaître un droit naturel à l'équité.

« Je suis devenue féministe par amour des hommes »

    De l'innocence coupable de la Sensitive (1956) à Ave Caesar (1982) où un homme ose sa mise à nu, en passant par La Partie de plaisir (1971) qui revendique avant la loi de 1975 le droit à l'avortement, Michèle Perrein s'est attachée à une meilleure reconnaissance des spécificités comme des similitudes parfois refoulées des deux sexes.

Œuvres

Romans
  • 1956 : La Sensitive (Julliard) – Prix des quatre Jurys 1957
  • 1957 : Le Soleil dans l'œil (Julliard)
  • 1960 : Barbastre (Julliard)
  • 1961 : La Flemme (Julliard)
  • 1962 : Le Cercle (Julliard)
  • 1965 : Le Petit Jules (Julliard)
  • 1970 : La Chineuse (Julliard)
  • 1970 : M'oiselle S. (Julliard)
  • 1971 : La Partie de plaisir (Flammarion)
  • 1973 : Le Buveur de Garonne (Flammarion) – Prix des libraires 1974
  • 1975 : Le Mâle aimant (Julliard)
  • 1976 : Gemma Lapidaire (Flammarion)
  • 1978 : Entre chienne et louve (Grasset)
  • 1980 : Comme une fourmi cavalière (Grasset)
  • 1982 : Ave Caesar - rencontre avec Adam Thalamy (Grasset) – Grand prix de littérature de la ville de Bordeaux, 1982
  • 1984 : Les Cotonniers de Bassalane (Grasset) – Prix Interallié 1984
  • 1984 : La Sensitive ou l'innocence coupable (Grasset)
  • 1989 : La Margagne (Grasset)

Pièces de théâtre
  • 1966 : L'Hôtel Racine jouée à la Comédie des Champs Élysées
  • 1968 : Un samedi, deux femmes (Ein sonntag, zwei frauen / Stück)
Articles de Presse

Entre Garonne et féminisme
La romancière, essayiste et journaliste Michèle Perrein s'est éteinte à La Réole (33) (11/02/2010)

    Une sale maladie, celle qui met les femmes et les hommes hors le monde et les réduit à un corps sans passé et privé d'avenir, aura eu raison de Michèle Perrein. La romancière, essayiste et journaliste s'est éteinte à la fin de la semaine dernière à La Réole (33), où elle était née en 1929.

    Fin d'autant plus douloureuse que Michèle Perrein était la vivacité même, toujours prête à s'enflammer pour un sentiment, pour une cause, pour un lieu. Ce n'est pas par hasard que son premier roman, publié dès 1956, avait pour titre  "La Sensitive". Par-delà la métaphore florale, elle y avait déjà mis beaucoup d'elle-même.

    Fille et petite-fille d'industriels installés à La Réole, elle commence des études de droit à Bordeaux avant de s'échapper vers Paris où elle vivra quelque temps de petits boulots, tout en suivant les cours du Centre de formation des journalistes.

"Le Buveur de Garonne"
    Elle sera vite attirée par les faits divers, et surtout par le théâtre judiciaire qui la passionnera tout au long de sa vie et lui vaudra de collaborer avec Clouzot au scénario et aux dialogues de "La Vérité", film qui réunissait Gabin et Bardot alors au faîte de leur carrière.

    Romancière « lancée » comme on dit alors, journaliste sollicitée, épouse de Jacques Laurent, alias Cécil Saint Laurent elle va jusqu'au début des années 70 publier une dizaine de romans (entre autres "Barbastre",  "Le Petit Jules", "La Chineuse",  "La Partie de plaisir"...). Le dixième, précisément, "Le Buveur de Garonne" va rencontrer un grand succès public et sera couronné par le prix des libraires.

Prix Interallié
    Paradoxalement, c'est à ce moment-là que la journaliste va reprendre le dessus sur la romancière et publier une suite d'essais et de réflexions sur la condition féminine: "Le Mâle aimant", "Entre chienne et louve", "Ave Caesar" vont faire d'elle une avocate de la cause des femmes, en marge cependant du courant militant de l'époque alors dominé par le MLF.

    Elle reviendra au roman en 1984 avec "Les Cotonniers de Bassalane", largement inspirés d'un lieu précis du bassin d'Arcachon, le domaine de Certes, et qui cette fois lui vaudront le prix Interallié.
    D'une manière générale la Gironde, les Landes où elle aimait se retirer dans la forêt, près de Garein, auront servi de cadre à beaucoup de ses œuvres. Elle trouvait là des lieux, des paysages qui étaient à la fois défi et refuge pour des personnages en quête d'eux-mêmes. Comme s'il fallait toujours partir ou rêver au loin pour mieux revenir.

    Depuis vingt ans et "La Margagne", Michèle Perrein n'avait plus rien publié. Très affectée par le décès brutal de son compagnon, Michel Adam dit Adam Thalamy, avec qui elle avait écrit "Ave Caesar", elle s'était séparée de l'abbaye de Saint-Ferme dans la restauration de laquelle elle avait investi autant d'énergie qu'elle en mettait à écrire.

    Ses obsèques se dérouleront ce matin, à 10 h 30, en l'église de La Réole

Thomas La Noue (Sud-Ouest) 

Interview vidéo :
Le Buveur de Garonne




Le premier livre de Michelle Perrein
en 1957 dédicacée à Lucien Jamet


L'apprentie et la sorcière

Ecrit à Saint-Ferme, en Gironde, et à Garein, dans les Landes, le sixième roman de M. Perrein raconte une histoire universelle.
    MICHELE PERREIN appartient à la catégorie des gens doués pour l'hérésie. Hérétique elle l'est en littérature comme elle l'est en féminisme. Faire bande à part n'est pas chez elle une attitude, c'est une nécessité.

    Naguère, on la croyait bien ancrée dans le roman dit réaliste, le roman de société. Mais en 1976, avec "Gemma lapidaire", elle s'installe près du récit symbolique, non loin du fantastique. La critique, gardienne sourcilleuse de l'orthodoxie, fait alors les gros yeux et se dit prête à pardonner pour peu que l'accusée fasse amende honorable. La réponse a mis quatre ans à venir parce qu'entre-temps il y a eu d'autres questions à poser et d'autres réponses à esquisser - et elle vient comme un défi le contraire eût été étonnant. "Comme une fourmi cavalière" est dans le droit fil de "Gemma lapidaire" mais se révèle plus achevé et porteur d'une plus grande force. C'est la confirmation éclatante d'un choix sans ambiguïté.

    Au commencement de ce dixième roman de Michèle Perrein, il y a Rhada, la fille d'Osman et de Djinnih. La tribu lui a tracé sa voie séculaire et sans surprise; personne n'a jamais manqué à ses règles. Personne? Si. Osman et Djinnih précisément, qui à deux reprises ont dû affronter le regard des autres. Chez la petite fille Rhada, il s'est fait blessure, puis interrogation.
Et c'est pour trouver une ou des réponses qu'elle fuit sur un cheval noir, flèche filant vers une cible imprécise placée quelque part derrière les montagnes, et derrière l'horizon.

    Son parcours est bien sûr jalonné d'épreuves et de rencontres; pourtant "Comme une fourmi cavalière" est moins un roman initiatique qu'un roman d'apprentissage. Dans sa cavalcade obstinée, Rhada naît au monde. Mais difficilement. Car l'apprentie qui refuse la loi reconnue par le plus grand nombre n'est jamais loin d'être prise pour une sorcière. A travers les expériences qu'elle vit avec Yané, le nomade, le soldat, l'ermite, et Prisko, l'homme enfant qui va partager son errance, elle découvre l'essentiel : Eros et Thanatos et leur éternelle dame de compagnie, la violence. Elle identifie ainsi le pouvoir sous toutes ses formes et redécouvre sans cesse l'exigence de liberté.

    "Comme une fourmi cavalière" n'a rien d'une œuvre anecdotique. Tendue, vibrante, elle est toute de sensibilité. Rhada ne raisonne pas au sens intellectuel du mot, elle entre en résonance avec son interlocuteur ou le milieu. Entre elle et le monde, c'est une histoire d'ondes, de courant qui passe ou ne passe pas. Dans ce domaine, Michèle Perrein est parfaitement à l'aise : c'est elle qui prête à Rhada cette capacité à comprendre d'un regard ou d'un geste, à dire d'un silence. Laquelle des deux saisit ce «regard en appel, ce regard en détresse, ce regard profond comme les victimes seules savent en avoir et jamais les bourreaux» ?

    Ce regard-là est celui des prisonniers du temple, un lieu de nulle part comme les déserts, les montagnes, les cimetières de camions que traverse Rhada, un lieu de nulle part comme l'hôpital à la blancheur aveuglante et stérilisante, des lieux de nulle part que nous reconnaissons quand même : ce sont ceux que nous habitons.

    Du dernier livre de Michèle Perrein, nous retiendrons une musique grave et dépouillée, où s'entendent parfois des accents plus sereins, presque joyeux, les mouvements successifs d'un chant profond accompagnant une quête impossible et cependant fructueuse.

Patrick Berthomeau.

Texte transcodé ci dessous

Le souffle du Bassin
par Jean-François Mézergues

Dans le silence de la lande, où elle a achevé son dernier roman, Michèle Perrein parle des "Cotonniers de Bassalane", dont nous avons publié de "bonnes feuilles ", il y a quinze jours.

ON NE SE JETTE PAS dans les Cotonniers de Bassalane comme on fait trempette. Au départ, j'ai éprouvé quelques craintes. Dans la situation du baigneur qui redoute l'eau froide autant que la gifle des rouleaux et que l'immensité effraie. L'appréhension surmontée, je n'en suis plus sorti. Porté par l'ampleur du récit, bercé ou balloté par son rythme, je me suis abandonné au plaisir de la découverte. Piégé et pas mécontent de l'être.

"Les Cotonniers de Bassalane" n'ont pas la force tranquille, presque immobile, du Buveur de Garonne. lis sont plus nerveux, peut-être plus denses.

"Les Cotonniers de Bassalane", c'est d'abord Marthe, un caractère, un tempérament, ancrée dans le passé et baignée par ses souvenirs mais tendue vers l'avenir. Marthe à qui son fils Julien échappe inexorablement. Marthe que harcèle la mort de Vania, l'amour-ami Marthe qui déroute Martin Gahus, l'amant-copain, un peu paysan, un peu pêcheur, un peu chasseur, même pas parqueur... Espèce de bricoleur, ramendeur de filets, ramasseur de cépes, peintre, plombier, autant dire rien du tout ! Travailleur au noir, bouche trou, citoyen à la manque, flambeur. Marthe qu'Alexis, le mari d'avec lequel elle a divorce, visite par téléphone. Marthe qui ne renonce jamais et qui se bat avec le temps, contre le temps.

"Les Cotonniers de Bassalane". c'est encore une foule de personnages typés, authentiques. Et, en toile de fond, ou au premier plan, le Bassin, avec ses odeurs particulières, ses bruits, sa respiration. Ses roseaux, sa vase, ses oiseaux et ses poissons. Un monde qui échappe au regard des vacances et qui renaît chaque année quand le dernier touriste a tourné le dos.

Sous l'auvent de sa maison landaise, enfouie au nord de Mont-de-Marsan, dans une mer de pins, Michèle Perrein parle de ses personnages avec des tendresses et une passion complices. Elle confesse la naissance du livre, les doutes et les chutes de tension, les relances de réditeur et la bagarre quotidienne pour tracer le mot fin dans les délais.

"Comme j'avais eu envie de parler de Garonne, le fleuve, j'ai voulu montrer le Bassin que j'aime et que les touristes ne connaissent pas. J'y ai vécu sept mois l'hiver. Un hiver. La durée du roman. J'ai accumulé et compulsé une documentation énorme. Puis, j'ai commencé en février 1983. Je me suis arrêtée. Et je m'y suis remise au début de l'été. De nouveau, une sorte d'entracte. Stimulée par l'éditeur qui m'a poussée comme la marée, j'ai repris en décembre 83".

L'écrivain est un joueur

Dès lors, obéissant à un emploi du temps rigoureux, elle a écrit tous les jours.
Lever 6 heures, papier blanc et stylo de 8 heures à 17 heures ou 17 h 30. "Pas de plan. Je crois au déterminisme de la page. Elle appelle la suivante et je me laisse porter. Ce livre, ce sont les êtres, les gens du Bassin, ces hommes et ces femmes, qui me l'ont écrit".

Que ceux-ci ne s'inquiètent pas. Michèle Perrein ne les a pas trahis. Ils sont auprès d'elle quand elle confie. "Ah, si je pouvais devenir écrivain !" Elle ne les reniera pas, même si elle nourrit d'autres projets et n'oublie pas ses autres livres. "On va ressortir la Sensitive, auquel j'ai ajouté une partie. C'était le plus jeté, le plus violent".

Au dehors, la pluie s'est tue. Michèle Perrein se promène et bavarde sans contrainte : loin de Paris qui ne lui manque pas - "Pour mol, ce n'est pas celui des cocktails et des mondanités, mais celui des cinés du théâtre et des musées quand j'en ai envie, le Paris de l'anonymat qui me plaît" - elle prolonge ses retrouvailles avec le Sud-Ouest de son enfance.

Avant l'heure de la séparation, une ultime confidence. "L'écrivain est un joueur, il ne sait jamais s'il réussira son coup. Et c'est toujours le lecteur qui décide".
Rassurez-vous, madame, on aimera vos Cotonniers de Bassalane ».
_______
Michèle Perrein, les Cotonniers de Bassalane Grasset.


Texte transcodé ci dessous
5 MARS 1978

Le mirador et la palombière

MICHELE PERREIN
ENTRE CHIENNE ET LOUVE Grasset

    En ces temps de campagne électorale où le langage s'affole comme une boussole dans le triangle des Bermudes, il n'est pas de cause bonne ou moins bonne dont les maîtres ou les aspirants-maitres ne s'emparent dans l'espoir de grappiller, çà et là, quelques-unes des précieuses voix qu'ils convoitent. Les jeunes, le troisième Age, les handicapés ont fait naguère l'objet de toutes les sollicitudes : c'est aujourd'hui le tour des femmes.     De tout bord. c'est à qui sera le plus féministe. Les femmes-ministres, jolies plantes destinées à masquer la tristesse du paysage, ont bien poussé ces derniers mois et tous les leaders de parti, la main sur le cœur, protestent de leur bonne volonté. En substance, tous expliquent que ces dernières années leur mouvement a fait un effort considérable, que le nombre des femmes dans les instances dirigeantes est passé de deux à deux et demi pour cent, et que s'ils viennent ou s'ils restent au pouvoir, on va voir ce qu'on va voir.
    Il n'est pourtant pas besoin d'être grand clerc pour prévoir que les règles, les coutumes, les habitudes, tout l'acquit culturel qui régit les relations entre les hommes et les femmes ne céderont pas sous la poussée de deux jours de congé de maternité supplémentaires et de trois allocations de plus.

    Pour cette raison électorale et pour quelques autres, "Entre chienne et louve" est un livre qui vient à temps pour faire le point sur cette cause des femmes bien malmenée et devenue si confuse. Comment s'y retrouver entre les femmes alibis qui viennent à la rescousse du pouvoir masculin et les pétroleuses de choc qui prêchent la guerre des sexes comme d'autres en d'autres temps prêchaient la guerre sainte ? J'ai envíe de répondre en lisant Michèle Perrein.

L'os de l'injustice

    On pas que son livre soit un livre raisonnable, une de ces œuvres de juste milieu, insipides, inodores et sans saveur. "Entre chienne et louve" est un livre ardent, un livre de passion où l'on retrouve Intacte toute l'énergie de l'auteur du Mâle aimant et tous les hommes qui ont souffert à la lecture de cet essai sauront de quoi je veux parler. Mais cette énergie est mise ici au service d'un plaidoyer pour l'avenir, la dénonciation de la situation héritée n'étant qu'un moment de la réflexion.

    C'est pour cette raison qu'il faut éviter la chausse-trappe qu'est ce titre "Entre chienne et louve" ; le prendre à la lettre serait une erreur. Loin de signifier qu'il n'existe qu'une alternative, qu'un seul choix entre la soumission et l'état sauvage, il rappelle simplement que cette alternative est celle dans laquelle les femmes se sont toujours fait piéger.
"Entre chienne et louve" vous pouvez toujours chercher la femme, vous ne la trouverez pas en tout cas, vous ne trouverez pas celle que Michèle Perrein appelle de ses voeux, cette femme en projet qui lui permet d'écrire : "Je demeure persuadée de la nécessité pour toute femme, non pas d'avoir à rester soi, mais bien de le devenir".

    Voilà ce qui sous-tend son propos, lequel s'appuie sur une démarche qui "consiste à rester à ras-de-conscient", mais fait intervenir aussi bien l'histoire que l'anecdote, le fait divers que l'expérience personnelle. Pour cette femme qui se demande si elle n'est pas née avec l'os de l'injustice en travers du gosier, une gifle, une agression dans la rue, les camps et les massacres, la mort d'un père et d'une mère sont autant d'occasions, de provocations à lire et à dire l'ordre du monde, cet ordre de violence et d'intolérance, cet ordre des hommes-entendez des mâles. Et c'est cet ordre-là, et rien d'autre, qu'il faut briser.
    Les femmes irlandaises, catholiques et protestantes mêlées, qui descendent dans la rue "pour crier qu'elles en ont assez du massacre de leurs enfants" ne montrent-elles pas la vole, une des voies ? "Cette histoire irlandaise, ajoute Michèle Perrein, a surtout prouvé la différence des objectifs masculins et féminins. Les hommes se tuent pour des droits, pour des idées; les femmes se réveillent pour crier qu'on n'a pas le droit de tuer leurs enfants.
Et le monde les applaudit, le monde des hommes et des femmes qui n'est pas irlandais, car celui qui est irlandais les prend pour des vendues. (...) Il est très facile d'applaudir ce courage féminin à condition qu'il se manifeste chez les autres."

    Du viol aussi, il est bien sûr question. Sujet à la mode dira-t-on, comme s'il y avait une mode pour les drames. Michèle Perrein y voit un point limite, une aberration révélatrice, le détour par le crime permettant d'éclairer la situation générale. La femme, dit-elle, peut porter un enfant de son tortionnaire, "c'est-à-dire que dans l'enfant, sa création privilégiée, le signe de sa puissance spécifique, la femme une fois de plus peut-être eue. (...) Les femmes n'ont pas pris tous les risques parce qu'elles seules couraient le pire des risques, celui qui, passant par le viol, leur faisait mettre au monde l'enfant de la force, donc l'enfant haï."

Pour l'utopie et le désarmement


    Loin du stalinisme en jupons que dénonce avec vigueur mais de manière un tantinet élitaire Annie Le Brun (1), "Entre chienne et louve" et un livre qul, partant et parlant des femmes, parle d'oppression, donc de liberté. Il est significatif de notre époque parce que lucide et sans illusion. Au bout du combat, il n'y a pas la terre promise des femmes, pas plus que celle des hommes : il y a la nécessité de voir clair en soi, en l'autre, la nécessité d'essayer dès maintenant d'inventer de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, donc de changer le visage des sociétés.
    L'utopie, ce mot pris non pas dans le sens politicard et péjoratif qu'on lui donne habituellement, mais dans son sens littéral, le lieu de nulle part, devient la seule forme possible de l'espoir. "Notre planète, je ne parle pas de quelques pays, mais de presque tous, se présente comme un immense camp, dont les barbelés sont plus ou moins serrés, plus ou moins pointus, les miradors plus ou moins espacés, plus ou moins camouflés de feuillage pour nous faire croire qu'ils ne sont pas miradors mais palombières".
    J'aime cette dernière phrase parce qu'elle nous rappelle que Michèle Perrein reste avant tout écrivain et écrivain venu de quelque part en l'occurrence du Sud-Ouest et qu'il lui importe moins d'élaborer une doctrine où seraient désignés les bonnes et les méchants, que de témoigner. Elle nous donne à voir, à travers son expérience, à travers ses mots et ses images. Elle nous invite à faire avec elle un bout du chemin qu'elle connaît pour l'avoir déjà fait. Quant à sa proposition de « désarmement », je ne peux pas m'empêcher, par les temps qui courent, de trouver cela violent.

Patrick Berthomeau.
(1) Lâchez tout ! Editions du Sagittaire

Texte transcodé ci dessous

"L'autre vérité des mots écrits"

Avec « Ave Caesar», Michèle Perrein règle de nouveaux comptes. Pour cette nouvelle bataille, elle a trouvé un compagnon d'écriture.

NOTRE IDEE de départ était simple puisque nous sommes des fous de parole, pourquoi ne pas écrire tous ces débats d'idées auxquels nous nous livrons depuis dix ans. Mais en commençant par “Ave Caesar”, Michèle Perrein et son compagnon Adam Thalamy ne soupçonnaient pas qu'ils s'y impliqueraient aussi profondément, aussi intimement.

Je pensais que ce serait un livre facile à écrire dit-elle qu'en trois mois nous en viendrions à bout. En fait, il nous a fallu plus d'un an de lettres, de travail, de remise en question.

Nous nous sommes livrés à une analyse sauvage, sans l'aide d'un analyste, et ce fut d'autant plus éprouvant que chacun de nous était directement engagé. Un ami psychiatre, d'ailleurs, a baptisé ce livre notre enfant épistolaire Nous avions quant à nous le sentiment d'être entrés dans un étrange jeu de la vérité car les mots écrits ont une autre force, une autre résonance que les paroles. Tous les problèmes actuels sont des problèmes de communication. On perd l'habitude d'écrire parce qu'il est plus pratique de se téléphoner. Or, c'est en écrivant, en se retrouvant seul face à une feuille blanche, sans le secours du regard, de la voix pour convaincre, pour tricher ou pour nuancer sa pensée que l'on peut extirper tout au fond de soi, ses vérités cachées.

Nous sommes allés si loin dans notre mise à nu que je suis tombée malade. Et l'affrontement a été si fort que nous avons failli rompre

Avec Ave Caesar Michèle Perrein imaginait poursuivre un dialogue homme-femme à travers une pensée construite. Elle ne supposait pas que leurs actes passés, les événements et les choix qui avaient marqué leur enfance et leur vie d'adultes devraient ressurgir et qu'ils auraient à s'en expliquer. voire s'en justifier.

J'ai été dépassée par ce que l'écriture va plus loin que la parole. On essaie d'être un individu et l'on découvre au fil des lettres toutes les couches sédimentaires qui nous écrasent, tous ces gènes familiaux, toute cette pesanteur sociale qui ont modelé notre personnalité. J'avais besoin, en tant que femme, de comprendre où, comment et pourquoi le femme était piégée par la société, et j'ai découvert que je m'étais sur-conditionnée, que je m'étais piégée moi-même et que l'homme avait autant, sinon plus, de démons à exorciser »

Ave Caesar c'est précisément la (re) naissance de l'homme et c'est une femme qui raide à s'accoucher du petit César qui vit en lui. Tout au long du livre, même si elle s'en défend, c'est elle qui mène le jeu. J'ai l'impression de mener un combat avec la vie pour lui faire cracher le plus de choses possibles, reconnaît Michèle Perrein, qui dans chaque livre se donne avec la même passion et la même fougue.

Pour moi, ajoute-elle, chaque roman est une construction qui appelle une autre construction. Ave Caesar est, en conscient, la suite de “Comme une fourmi cavalière” en inconscient. Le prochain sera le roman de l'inconscient dans le concret, la rencontre du “Buveur de Garonne” avec “Gemma lapidaire”

Adam Thalamy a délivré César, Michèle Perrein elle aussi a accouché d'Eve...

Recueilli par Régine Magné.

Michèle Perrein ; Ave César Grasset

En 1978, le journal "Elle" lance une grande enquête sur les femmes en France.
Pour la Gironde c'est Michèle Perrein qui en est la rédactrice.

ELLES EN FRANCE

Raconter par la voix d'une romancière les Françaises, leurs soucis, leurs rêves, ce qui est drôle et irritant dans leur vie quotidienne et, surtout, ce qui a changé profondément dans leur sensibilité et leur manière de vivre: tel est le but que nous nous proposons dans les six semaines à venir.

Aujourd'hui voici Michèle Perrein avec les femmes de la Gironde. Des femmes qu'elle connaît bien, elle qui est née à La Réole, elle dont la famille habite la région depuis 300 ans.

Lien vers l'Article complet

Cliquez ici 


4 vidéos sur Michèle Perrein 



OBSÈQUES RELIGIEUSES DE MICHÈLE PERREIN

Annie Grillon

Le 16 Février 2010 à 10 heures 30

Parents, amis, voisins, nous voici réunis nombreux, ce matin dans notre belle église St Pierre, pour accueillir Michèle Perrein, journaliste et écrivaine de talent, ravie à l'affection des siens à l'âge de 80 ans, et lui rendre un dernier hommage.

Michèle Perrein, (Michèle Barbe pour l'état-civil) naît le 30 octobre 1929 à La Réole. La fratrie se compose de 3 enfants dont elle est l'aînée de 2 frères, Alain et Jean-François. Son père est entrepreneur de Travaux Publics (extraction des graviers dans la Garonne). Sa famille réside dans la belle demeure « Les Charmettes », route de Marmande.

Elle fait des études brillantes au collège de La Réole jusqu'au baccalauréat avec son ami Edouard Molinaro, metteur en scène internationalement connu. Elle poursuit deux années à la Faculté de Droit de Bordeaux. 

Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille : dans son enfance et son adolescence, la disparition de plusieurs de ses proches dont celle accidentelle de son père la marquent profondément.

Elle travaille à Paris comme secrétaire et suit en parallèle des cours du soir au Centre de Formation des journalistes. Elle choisit de s'appeler Michèle PERREIN, nom de jeune fille de sa mère, famille honorablement connue sur La Réole depuis 1850.

Ses talents, en tant que journaliste judiciaire, l'amènent à suivre plusieurs procès, notamment ceux de Minou Drouet en 1955 et l'affaire Patrick Henry. Elle réalise des reportages, enquêtes, interviews ou chroniques pour Combat, Elle, Arts et Spectacles, Votre Beauté, et certains articles sur Paris-Match, Marie-Claire et Femme Magazine.
Côté Théâtre : une pièce en 1966: "L'hôtel Racine" jouée à la Comédie des Champs Elysées et en 1968 : "Un samedi, deux femmes"  Elle est également coauteur du scénario et des dialogues du film de Georges-Henry Clouzot "La Vérité".

Ses talents de romancière :
Parmi ses 18 romans : le premier La Sensitive obtient en 1957 le Prix des 4 Jurys.
A propos du 3° roman Barbaste, le critique du Monde Henri Henriot, la compare à Flaubert.

Suivent   Le Buveur de Garonne   en 1973, Prix des Libraires en 1974, Ave Caesar, écrit sous forme épistolaire avec son compagnon Michel Adam.  Grand Prix de la Littérature de Bordeaux en 1982.

En 1984, Les Cotonniers de Bassalane Prix Interallié. Merveilleux reportage sur la vie des marins et des gens du bassin d'Arcachon  Un monde dur où les femmes accomplissent le même travail que les hommes.

Elle fait de nombreux voyages dans le Sahara dont elle n'oublie pas la lumière, en Israël, aux Etats-Unis et en Extrême-Orient.

Elle épouse à Paris en 1966 Jacques Laurent plus connu sous le pseudonyme de Cécil Saint Laurent et père de la série des « Caroline Chérie »>.

Ils se séparent, mais, Michèle entretien jusqu'à la mort de celui-ci, une amitié très profonde.

Elle s'installe en 1980 à St Ferme avec son compagnon Michel Adam qu'elle épouse en 1985. Malheureusement, la mort subite de celui-ci et celle de son frère Alain la laisse en plein désarroi.

Elle décide alors de retrouver ses racines à La Réole, avenue Jean Jaurès où elle peut contempler sa belle Garonne.

La personnalité de Michèle en quelques mots : sa grande intelligence, sa vivacité d'esprit, sa franchise, son caractère bien trempé, son dynamisme, sa simplicité, son amour de la mer et de la nature qu'elle décrit si bien dans ses livres. Elle a des yeux rieurs et malicieux.

Son état de santé se dégradant, elle rejoint la résidence des Jacobins, puis la maison de retraite de La Réole où elle s'est endormie dans la Lumière et la Paix du Christ, entourée par l'amour de sa famille et de ses proches amis.

Seigneur, ajoute un couvert à ta table, aujourd'hui, tu as une convive de plus, reçois- là bien chez toi, car elle est notre amie.

Annie Grillon







0 comments:

Anciens articles

Recevoir les nouveaux articles

Nom

E-mail *

Message *