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Sur cette photo  colorisée   des année 60 nous pouvons voir au deuxième rang 4° et 5° à partir de la gauche, Mme et Mr Outteryck, professeur...

Famille Outteryck et La Réole


Sur cette photo colorisée des année 60 nous pouvons voir au deuxième rang
4° et 5° à partir de la gauche, Mme et Mr Outteryck, professeurs de Latin et Maths-Physique.

Daniel Outteryck, un des fils Outteryck, a acheté le livret ci dessous sur ebay.
    Son père Charles Outteryck, a été écarté de l'Education Nationale par le régime de Vichy fin 1941 pour avoir appartenu à une loge de Francs Maçons à Dunkerque dans sa jeunesse.
    Réintégré à la fin de la guerre, prof de Math respecté, il a marqué des générations d'élèves avant de quitter le lycée fin 1966 pour Toulouse, ville natale de Mme Outteryck, afin de favoriser les études de leurs enfants. 

A la fin de cet article une lettre de Pierre Outerryck


Noter que sous Vichy, La Réole était en Lot et Garonne, 
donc dans l’Académie de Toulouse

Vous pouvez afficher le livret entier 
en cliquant sur la couverture ou ICI


La liste des enseignants 


Beaucoup de noms connus parmi les élèves 
et en Sixième Edouard Molinaro au tableau d'honneur 


Lettre de Pierre Outerrick 


    Notre père Charles Outteryck était professeur au lycée de Calais (62), son épouse Margaux Outteryck-Bécuwe (enterrée au cimetière de La Réole) y était institutrice dans une école publique.

    Notre père, capitaine de réserve, avait subodoré dès l'année 39 le désastre militaire que connaîtra l'armée française au printemps 40. Il avait préparé le repli de sa famille à Bon-Encontre, commune limitrophe d'Agen (47).
    En septembre 40, il a été nommé comme professeur de mathématique au lycée de La Réole et son épouse à l'école communale des filles.

    À partir de cette date, il logeait au Rouergue face à la pharmacie Laroubine (M. Laroubine était son collègue au lycée).

    Après avoir traversé le pont suspendu, vous tourniez à droite, l'habitation de mon père était la première maison après avoir passé le coin.

    En mai 1941, notre père a été victime des lois répressives du gouvernement de collaboration de Vichy.
    En effet, durant l'été 40, le gouvernement de Vichy, dirigé par Pétain, a édicté des lois antisémites visant les populations juives sur les territoires français, des lois anti-ouvrières interdisant grèves et manifestations et interdisant les deux centrales syndicales (CGT et CFTC), enfin lois anti-laïques et antimaçonniques (fermeture des écoles normales, mise au pas de l'enseignement public, aide à l'enseignement confessionnel, interdiction et fermeture des obédiences maçonniques et de leurs loges).

    En mai 1941, notre père fut révoqué (sans salaire) de l'Éducation nationale, étant considéré comme dignitaire maçon. Il appartenait à la Grande Loge de France et à l'Atelier Aurore de Dunkerque (59).

    Nous ne pouvons oublier que notre demi-sœur, Michèle, était lourdement handicapée (trisomique). Mon père resta sans salaire jusqu'à octobre 1944.

    À cette date, il fut nommé au lycée du Cateau-Cambrésis (59), son épouse et sa fille restant à La Réole (Margaux Outteryck n'ayant pas eu de mutation).

    Margaux Outteryck décéda d'une leucémie en 1946. Notre père rencontra Gilberte Pailhès, professeur de lettres classiques au lycée de La Réole qu'il épousa.

    Je suis né le 13 février 1951.

    À cette date, mes parents habitaient toujours le Rouergue

    Mes parents ont déménagé au printemps 1951 pour s'établir au 57, rue du général de Gaulle à La Réole.

    J'ai, jusqu'à notre départ de La Réole, (1966) souvent fréquenté le Rouergue, en particulier la demeure de Mme Picon, que nous appelions affectueusement Dada et que nous considérions comme une véritable grand-mère.

    La maison d'Antoinette Picon était située face à la demeure de la famille Lamaison au pied de laquelle sur le trottoir, il y avait une pompe à eau publique.


La pompe du Rouergue dont parle Pierre
La pompe au Rouergue

Commentaire de Christo Laroque :
    J'ai eu l'honneur (et le plaisir) de compter M. et Mme Outteryck parmi mes "maîtres" jusqu'en classe de 1ère !
    Lui, très forte personnalité, cachant un humour ravageur sous un caractère bien trempé !     Elle, un vrai puits de culture qui m'a fait aimer le latin (ce qui n'était pas gagné au départ!)...Je vois très bien leurs visages, et j'entends quelquefois leurs voix dans mes souvenirs !     
    Le célèbre " Bon sang d'bonsoir !" de M. Outerryck résonne encore dans ma mémoire !
    M. Laroubine (Camille) était également pharmacien à La Réole !
    M. Taurines était évidemment surnommé "Tautau " !!
    Quant à M. Malaroche, prof d'anglais, c'était un personnage haut en couleurs qui venait l'hiver avec une bouillotte cachée sous son veston pour ne pas prendre froid !! 
    Toute une époque !
Christo Laroque.

Daniel Outteryck, parti de La Réole en 1966, à l'âge de 12 ans était resté amoureux de sa ville natale et collectionnait les documents comme le livret "Palmarès 1940-41" et une formidable collection de cartes postales sur La Réole :


    Daniel Outteryck était venu à La Réole en septembre 2020 et nous avions rencontré Suzy Labadens, Jeannette Carrareto, Françis Virepinte et Christo Laroque
.
De G à D : Daniel Outteryck, Francis Virepinte, Christo Laroque, Alain Lamaison

Pierre Outteryck nous a appris son décès par crise cardiaque cette semaine.
Daniel sera enterré à Toulouse lundi 29 novembre 2021.

Commentaire de Jean Pierre Sanfourche, ancien élève du Collège de La Réole
    Charles Outteryck a été mon prof. de maths de la sixième (1945) à Maths Elem. (1952) et je dois dire que si j’ai fait une carrière professionnelle somme toute honorable, c’est bien grâce à lui (+ M.
Laroubine) !
    J’avais eu le grand plaisir de le revoir en 1972 alors qu’il était venu me rendre visite à Toulouse – j’étais à ce moment-là au CNES – pour me demander des conseils pour son fils qui était en prépa aux
Grandes Ecoles.
    Tous ces documents d’un seul coup me rajeunissent !






4 comments:

  RÉOLAIS CURES THERMALES et voyages en Chemins de Fer ( Fin du XIX° et début du XX° siècle ) 1 - CHEMINS DE FER      En 1877, pour la pr...

Réolais, Cures Thermales et voyages en Chemins de Fer

 

RÉOLAIS
CURES THERMALES
et voyages en Chemins de Fer

(Fin du XIX° et début du XX° siècle)

1 - CHEMINS DE FER

    En 1877, pour la première fois de leur vie, les parents (propriétaires terriens) de mon arrière grand-père prennent des vacances et "vont faire un voyage circulaire de vingt jours aux Pyrénées", se déplaçant grâce aux chemins de fer ; une année plus tard, ils visiteront Paris. Leur fils et son cousin voyageront davantage encore.


Pau, 1877 le 12 juillet    

    Mon cher fils, je t’écris ces quelques mots pour te faire savoir de nos nouvelles.     Je te dis que nous sommes en parfaite santé et nous désirons que la présente vous trouve de même. Je te dirai que nous avons fait ce parcours avec le plus grand plaisir depuis que nous sommes partis de La Réole. Dans le train express, je te promets qu’on fait de la route.             Ainsi donc, nous sommes arrivés à Toulouse à 2 heures. Nous avons pris un bouillon et ensuite nous sommes allés rejoindre une personne qu’on nous avait indiquée, frère de Mme Seriac, employé en ce moment à La Réole. Il nous a fait parcourir tout ce qui est le plus remarquable dans la ville. De là, nous sommes partis de Toulouse à 11 heures du matin et nous sommes arrivés à Luchon toujours par l’express, à 2 heures 50.

    Là, nous avons respiré la fraîcheur des neiges, qui certes n’est pas rare pour la saison.     Je te dirai que ta mère s’est trouvée bien étonnée de voir des masses de terre de cette façon. Seulement, je te dirai une chose, il y a des hôtels tout aussi beaux et même plus beaux qu’à Bordeaux, tout construits à neuf et presque tout en marbre. Et j’ai à te dire qu’il n’y fait pas beau passer beaucoup de temps, car il faut avoir la bourse ferrée.     Enfin, nous sommes partis, après avoir visité un peu les montagnes ; seulement, l’idée ne m’a pas pris de grimper au sommet. Je me suis contenté de monter voir la cascade de Montauban, parce qu’il y a une route assez large avec une galerie et là, on y va facilement.

    Nous sommes partis de là-haut à 11 heures 25 et sommes arrivés à Pau à 4 heures 50.               Pau est encore plus distingué que Luchon: pour les hôtels, on ne peut pas se faire une idée, il faut avoir des millions pour faire construire des édifices dans ce genre. Je ne te dis pas davantage pour le moment. Nous partons ce matin pour Bayonne et je pense que dimanche prochain nous serons à Arcachon

    Ainsi donc, mon cher fils et ma chère fille, nous vous embrassons à tous de cœur.
Guillaume

Paris, 1878  le 7 juillet

    Cher fils, je viens, par la présente, te donner de nos nouvelles, nous sommes bien portants. Je te dirai que j’ai fait le voyage de Paris s’en éprouver aucun dérangement, après tant de voyages, tant de fatigue, j’ai toujours été bien d’appétit.     Et nous avons été très bien soignés. Ainsi, nous avons parcouru, pour ainsi dire, tous les plus beaux monuments: le Louvre, le château du Luxembourg, le Panthéon, l’académie nationale de Musique ou grand opéra, le Palais de l’industrie, les Champs-Élysées, le ministère des affaires étrangères, les Invalides, le corps législatif, le Parc Monceau, le Bois de Boulogne, le château de Versailles et son parc, le Trianon, l’exposition universelle, deux jours (et nous n’en avons pas suivi la moitié), dont le Trocadéro qui est une pièce des plus remarquables: musée de toutes les antiquités que l’on a pu découvrir.     Ainsi donc, il est impossible de faire une idée combien c’est beau et combien c’est curieux à voir. Il faut le voir pour le croire.      Tu feras des compliments à Lanoire (ami réolais) et tous ceux qui s’informeront de moi. Adieu mon cher fils, je t’embrasse de cœur, au revoir.

Guillaume

    (Après la défaite de Sedan et la Commune de Paris, la République française souhaite organiser une troisième Exposition universelle à Paris en 1878, pour prouver au monde sa vitalité intellectuelle, économique et industrielle. Elle a lieu du 1er mai au 31 octobre sur le Champ de Mars, où est exposée la tête de la statue de la Liberté. 

    Le Palais de l'Exposition, comparable à une longue serre en damier, occupe une surface de 420 000 m2. Il renferme les envois de toutes les nations. 

    Le Palais du Trocadéro est construit pour cette exposition. C'est là que le président Mac Mahon reçoit avec faste les ambassadeurs et les princes étrangers.…) Paris, 1889 le 18 octobre Voyage de leur fils Jean pour visiter l'exposition universelle.

(L'Exposition universelle de 1889 est répartie sur cinquante hectares à Paris: le Champ de Mars et le Palais du Trocadéro accueillent l'Art et l'Industrie, tandis que l'esplanade des Invalides est dédiée aux expositions des colonies françaises et du ministère de la guerre.     On peut y voir :  - Le Palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux. Le Palais des Industries, premier bâtiment à utiliser de l'électricité. - Le spectacle "Wild West Show" de Buffalo Bill, au succès énorme.


-
La galerie des Machines, la plus importante structure métallique d'Europe, mettant en évidence la révolution industrielle en marche. - Un village de quatre cents indigènes, grande attraction de l'exposition.   - Le chemin de fer, une des attractions préférées des visiteurs. Il circule entre le Champ de Mars et les Invalides sur une distance de trois kilomètres.

- La tour Eiffel est la réponse de Gustave Eiffel au concours organisé par le ministère de l'Industrie et du Commerce pour célébrer le centenaire de la Révolution Française et les progrès des sciences et techniques effectués en France depuis 1789. Soixante douze noms de savants sont d'ailleurs inscrits sur la tour. Elle est inaugurée le 31 mars 1889, après deux ans et deux mois de travaux. Elle accueillera deux millions de visiteurs jusqu'à la clôture de l'exposition.  


Londres, 1896
du 9 au 15 août : Excursion d’un cousin, en seconde classe avec l'”Agence des voyages économiques”.  Conditions du billet d'excursion de cette agence de voyage :      "Il donne droit aux transports (en chemin de fer, bateaux à vapeur, voitures, omnibus) au programme de ce voyage; ainsi que chaque jour, pendant toute sa durée: à une bonne chambre d'hôtel, service et bougie compris; au petit déjeuner du matin, composé de café au lait, thé ou chocolat avec du pain et beurre, toutes les fois que le déjeuner à la fourchette sera servi après 10 heures 30 du matin; au déjeuner à la fourchette et au dîner de table d'hôte, et suivant l'usage du pays, à une demi bouteille de vin ou une bouteille de bière ou de cidre à chacun de ces repas; aux voitures et omnibus à l'arrivée et au départ dans toutes les villes où cela est nécessaire; aux moyens de locomotion indispensables pour les visites indiquées aux entrées dans les musées et monuments portés au programme; aux soins de ses agents conducteurs et interprètes"


Pyrénées, 1896 du 16 au 21 septembre : Voyage de Jean et sa femme avec visite de Gavarnie (voyage circulaire: 261,2 francs).


Pays basque, 1897 du 13 au 16 septembre : Voyage en train de Jean et son cousin


Italie, 1898 du 3 au 16 avril :

Excursion du cousin, grâce à "l'Agence des voyages économiques", Faubourg Montmartre, 17° - Paris. Bureau de vente: 10 rue Auber

                "Monsieur (rue Saint Martin à La Réole)

        Nous venons de recevoir (le 1er avril 1898) votre télégramme, ainsi conçu, avec réponse payée "Excursion des vacances de Pâques en Italie part-elle ? Réponse de suite.:         
    Quoique cette dépêche indique l'expédition de La Réole hier soir à 6 heures, elle nous est parvenue seulement aujourd'hui à 2 heures 15 de l'après-midi et nous adressons à ce sujet une réclamation à la Direction des Postes et Télégraphes. Nous vous avons répondu immédiatement par la dépêche suivante: "Départ assuré, prière télégraphier nombre de places demandées et envoyer montant par courrier." . 
        
    Il nous sera très agréable de vous compter au nombre de nos excursionnistes pour cet intéressant voyage, dont nous vous remettons le programme sous ce pli. Si nous avons sollicité votre décision par le télégraphe, c'est dans le but de gagner du temps pour envoyer un ordre complémentaire à nos hôtels correspondants, pour réserver le logement dont vous avez besoin et surtout à Rome, où les hôtels sont bondés pendant la Semaine Sainte. 
    Comme nous nous servons d'un billet spécial créé au départ de Paris pour les Fêtes de Pâques à Rome et établi dans des conditions fort avantageuses, il est nécessaire que vous preniez le voyage également au départ de Paris.
En attendant vos ordres, nous vous prions, monsieur, d'agréer nos salutations distinguées".


 Paris, 1898 du 19 au 26 septembre

Voyage en train de Jean et son cousin ALGÉRIE et TUNISIE, 1899 en avril Excursion du cousin, de Jean, sa femme et leur fils Lundi 10 avril 1899 : départ de La Réole à 9 heures du matin (Retour à La Réole le 28 avril à 21 heures).      Déjeuner dans le train. À Cette (Sète), changement de train. Arrivée à Nîmes à 8 heures du soir (11 heures de voyage !!). Dîner et nuit à l’hôtel Terminus, en face de la gare.     Après dîner, au clair de lune et des lampadaires à gaz, visite des rues et des places, où l’eau coule sans interruption. La gare est située à la hauteur d’un deuxième étage.     Un immense viaduc d’environ 7 à 800 m, avec arceaux en maçonnerie, permet aux voitures de traverser la ligne sans obstacle. En face du jardin public, une belle avenue droite, large comme les boulevards de Bordeaux. Mardi 11 : ce matin, visite de Nîmes, trois églises, vu en passant le beau lycée ; les arènes, que l’on restaure ; la Maison Carrée, transformée en musée d’antiquités (statues de marbre et de bronze, médailles, vases étrusques de grandes dimensions; jardin public avec ses cascades et escaliers à balustres, fontaines, où l’eau coule constamment (petit Versailles !).     Départ de cette ville à 11 heures le matin. Passage à Beaucaire, puis traversée du Rhône ; arrêt à Tarascon, où nous avons pris le train arrivant de Paris ; puis plaine caillouteuse de la Cran. La ligne est protégée du vent sur les deux côtés par un rideau de cyprès ; longé l’Étang de Berre, qui a l’aspect d’un golf, à cause de sa grande étendue. Enfin, après avoir traversé un long tunnel, pour lequel les lampes des wagons ont été allumées, arrivée à 4 heures le soir à Marseille (5 heures de voyage). Visite du vieux port, la cathédrale, style oriental ; le port de la Joliette, où nous voyons le "Eugène Pereire", qui, demain, nous emportera à Alger. Visite de la Canebière, large comme les Allées de Tourny, un rang d’arbres de chaque côté, puis les Allées de Meilhan, qui lui font suite, mais plus larges, dont le milieu est aussi planté d’arbres. Couché à Marseille. Mercredi 12 : dans la matinée, visite du château d’eau, où l’eau provient de la Durance en grande quantité et alimente la ville, ses fontaines et les cascades du jardin ; puis une belle église gothique neuve (!!), et le jardin zoologique ; la préfecture, monument remarquable.     Allé déjeuner, puis embarquement. Départ de Marseille, à midi ½. Grande émotion pleine d’imprévues au départ : vent très violent, il faut se cramponner sur le pont supérieur, mer houleuse au sortir du port. Tangage et roulis combinés, nous obliquons dans la direction du vent et des lames. Passé près du château d’If et des îles voisines. La houle augmente en s’éloignant de la côte. Avant de la perdre de vue, mal de mer pour ma femme et l’enfant, qui, à tort, se sont précipités dans la cabine, ce qui n’a fait que l’augmenter et a duré jusqu’aux côtes de l’Algérie. Cousin et moi avons résisté. Jeudi 13 : arrivée à Alger à 4 heures du soir, où nous resterons deux jours (27 heures de voyage). De loin, sa partie supérieure donne l’impression d’une vaste carrière avec de gros blocs de pierre de forme cubique. Nous débarquons et allons à l’Hôtel des Familles, près de la poste et le palais de justice. Nous traversons un petit square, où nous voyons des bambous de 15 à 18 cm de diamètre. Petit port, quai très curieux avec ses doubles rampes, sous lesquelles sont les magasins. Belle rue Bat-Azoum, place du Gouvernement, statue du duc d’Orléans ; visite du lycée, de la cathédrale (ancienne mosquée) et d’une rue dans le quartier arabe : costumes bizarres aux yeux des étrangers, toutes les femmes sont voilées.  Vendredi 14 : visite de Mustapha supérieur jusqu’à la campagne sur le plateau. Au retour, une jeune arabe avec sa bonne, me voyant regarder la mer avec mes jumelles, me parle ; je ne comprends pas ; elle s’éloigne, rencontre ma femme et lui dit en riant: "Madame votre mari est bien chiche, il n’a pas voulu me prêter son instrument". Ma femme les lui prête. Elle sait bien s’en servir, elle n’est pas voilée, elle a 19 ans et assez charmante. Visite du Palais d’été du Gouverneur, curieuse construction mauresque, ombragée, magnifique. École de Médecine et de Droit, un vrai palais. Allé à Pointe Pescade voir les forts. Entré dans une mosquée.  Samedi 15 : Visite de la Casbah, vu le pavillon où fut donné le coup d’éventail à notre consul.          Visite du cimetière arabe, un petit vase plein d’eau sur chaque fosse ou tombe.     Visite du jardin Marengo.     Dimanche 16 avril 1899 : départ à 7 heures du matin, traversé de belles plaines de blé et de vignes. Insensiblement, le train monte des côtes et arrive dans la vallée de l’oued Issert.     Déjeuner dans les montagnes, au buffet de Bouira. Poursuite de la montée à travers plusieurs tunnels jusqu’aux hauts plateaux de l’Atlas, les pointes de la Dent de Lion (Haute Kabylie-2700m d’altitude et 14 km environ du chemin de fer) sont couvertes de neige.     Vu des gourbis arabes, avec des tentes très basses où vivent des familles déguenillées, à moitié sauvages, gardant leurs troupeaux de montons et de chèvres. Le chemin de fer monte toujours, longeant des ravins et traversant de longs tunnels presque toujours courbes; bruits dans les rochers, n’ayant de bâti que les extrémités. Aux Portes de Fer, les montagnes sont coupées transversalement par des sortes de murs crénelés en pierre rougeâtre de 1m à 2,5 de hauteur, d’où probablement son nom. À M’Zita, sur les hauts plateaux déserts et arides (1100m d’altitude), nous trouvons des tribus arabes manquant d’eau et qui courent gaiement vers la locomotive pour en demander au mécanicien. Il arrête le train et leur remplit des outres en peau de bouc. Femmes, filles et enfants, déguenillés boivent à même le robinet du tender, dont l’eau jaillit. En échange de ce service qui leur est rendu, ces gens donnent de petites poignées de branches sèches provenant des petits arbustes rares et rabougris, comme s’ils croyaient ainsi assurer le retour de cette machine bienfaisante. Ils n’ont que cette maigre provision d’eau chaque jour pour eux et leurs animaux.     À Massoura, de jeunes filles arabes offrent des petits bouquets de violettes aux voyageurs pendant l’arrêt du train.        Comment à ces hauteurs et dans ce désert peuvent-elles pousser ?     À remarquer, en dehors des grandes villes, les femmes ne sont pas voilées.      À Bordj-Bon-Arréridj, toute petite ville : clocher à flèche, château fort, Français et Arabes en belles toilettes, les dames surtout (c’est dimanche); oasis civilisée au milieu de ce désert sauvage, en haute altitude. Ici, le plateau s’élargit et se couvre d’une bonne couche de terre végétale, bien cultivée en blé et vignes. Le train poursuit sa montée jusqu’à Sétif, petite ville de 4600 habitants, à peu près le point culminant (1400m). Le train commence à descendre jusqu’à Kroubs, où il abandonne la ligne de Tunis pour se diriger au nord sur Constantine et Philippeville. Il fait nuit, nous ne voyons plus rien. Arrivée à Constantine à 11 heures du soir (16 heures de voyage).     À la gare, nous prenons la voiture de l’Hôtel Rouvière, en face de la préfecture. Le lundi 17 : séjour à Constantine, où nous visitons la Casbah avec un guide ; école et lycée sans intérêt. De l’autre côté du ravin sur le bord des rochers, l’hôpital avec ses dômes sur les pavillons, style oriental. Visite de la belle synagogue juive, le rabbin nous montre les Tables de la Loi sur un grand parchemin relié, tous les ornements sacerdotaux en velours et étoffes de soie brodées d’argent et d’or, différents instruments du culte, pyramide très allongée de base carrée avec poignées dans le bas, l’extrémité supérieure terminée par une main fermée avec l’index allongé, dont on se sert pour guider la lecture en hébreu, qui se lit de droite à gauche. Ici, les élèves apprennent à lire l’hébreu et non à l’apprendre. Poursuite de la visite dans les rues couvertes, arabes et juives, où le rez-de-chaussée des maisons sert comme étals au vendeur de légumes, aux bouchers, cordonniers, drapiers, tailleurs et brodeurs d’étoffes, couteliers et serruriers. Plus loin, se tient la place du marché : légumes, fruits, vieilles loques, etc... La plupart des vendeurs sont assis par terre.     Une belle mosquée avec son dôme et son minaret domine l’endroit. Poursuite de la visite dans de petites rues, puis grands étalages de vieilleries de toutes sortes sous des tentes ; sous l’une d’elle, des barbiers rasent la tête de leurs coreligionnaires (on croit rêver tant ces coutumes sont différentes de chez nous). Enfin, nous arrivons sur la place du Théâtre et de la grande Halle en fer. Il fait très chaud, mais sur cette place, le vent est si violent, qu’il soulève une poussière aveuglante. Nous n’avons vu que deux femmes arabes, qui contrairement à Alger, sont voilées de noir, tout en restant vêtues de blanc : ici, elles sortent très peu.     Par contre, on rencontre beaucoup de Juives (non voilées) habillées d’étoffes de couleurs voyantes et bigarrée: robes en forme de grande chemise, légèrement serrées à la taille par une écharpe, de grands pendants aux oreilles, un petit cône de soie jaune brodé d’or et d’argent sur leur tête, coquettement incliné sur le côté, attaché par un cordon plat également brodé, passant sous le menton.     Elles ont les bras nus jusqu’aux épaules. Ce sont généralement de belles grandes femmes, charmantes, à la peau blanche et rose, des cheveux noir de jais et luisants, des yeux noir veloutés. Visite du jardin public, d’un côté la statue du Général Vallé (anobli par Napoléon; gouverneur général de l’Algérie de 1837 à 1840 ; pair et maréchal de France), de l’autre côté des statues antiques, colonnes, chapiteaux.                 Nous passons devant le nouvel Hôtel de Ville en construction et derrière l’Hôtel de la Préfecture, nous débouchons sur une large terrasse, dominant une vallée aux parois à pic. Nous visitons la cathédrale, ancienne mosquée avec un grand dôme et plusieurs petits sur les bas-côtés, décorations très riches, style arabe ou mauresque, les lustres sont ornés de croissants auxquels on a ajouté des croix.     Visite du ravin de Brumel, à partir du pont qui relie la gare à la ville. Le torrent est à 100 m de profondeur, avec de nombreuses cascades. Au niveau du pont, le torrent s’engouffre sous des rochers couverts de végétations. De temps en temps, réapparaît le torrent dans de profonds trous et aboutit au moulin Lavie, où il n’est plus guère encaissé. Couché à Constantine. Mardi 18 : départ à 7 heures le matin pour Bône. Arrivée une demi-heure plus tard à Kroubs; vu de nombreuses cigognes noires et blanches, ne fuyant pas à l’approche du train, fréquentant les poules des colons dans de vertes prairies de cette jolie vallée. Ici, commencent à paraître, en abondance, des artichauts sauvages ; bifurcation pour Guelma.              On se rapproche à nouveau des montagnes. Le train s’élève par des rampes très raides, traverse de nombreux tunnels, borde des précipices et arrive à Meskoutine, où une source d’eau chaude sulfureuse coule jusque dans les fossés du chemin de fer.     Puis, on descend rapidement vers Gelma, jolie petite ville (nombreuses maisons neuves de colons, couvertes de tuiles mécaniques de Marseille. On s’engage dans une vallée qui va se rétrécissant, les montagnes se resserrent et le petit ruisseau est devenu torrent (l’oued Seybouse), le train roulant parfois comme suspendu au-dessus. Les montagnes sont couvertes d’olivier sauvages. Fait suite une petite plaine, qui depuis Duviviers (embranchement pour Tunis) va s’élargissant ; bonne terre végétale, nombreux eucalyptus, grands comme nos peupliers. Bientôt, grandes plantations de vignes, sans échalas ni fil de fer. Arrivée à Bône à 3 heures du soir (9 heures de voyage). Nous descendons à l’Hôtel Gramet près de la gare.     Visite du quai où attendent quelques beaux navires marchands; le port n’est pas grand, mais on l’agrandit, côté nord. Jardin en terrasse au sommet de la ville, habitée d’Arabes et de Juifs ; petites rues coudées, très montueuses (sic), quelques jardins près de la mer, adossés contre les rochers. La ville est coupée par une large et profonde tranchée. Les deux côtés sont reliés par un pont métallique hardi et de bel effet. …     Statue de Thiers dans le square en face de l’Hôtel de Ville (beau, riche monument, colonnes de marbre, beaux pavillons couverts d’ardoise). Plus loin, marché arabe, sur une grande place carrée avec une tour, à chaque angle, surmontée d’une coupole élégante avec paratonnerre, le tout de style oriental et multicolore. Des cigognes y font leur nid sans vergogne, avec des branches de buissons. Elles occupent, aussi, le haut des cheminées des maisons. Couché à Bône.

Mercredi 19 : visite à nouveau des marchés, achat de photographies des ruines d’Hippône, situées à 2 km de là et que l’on aperçoit du chemin de fer : admirables citernes anciennes, qui ont été restaurées, et renfermant l’eau alimentant la ville.     Érection en cours d’une belle basilique dédiée à Saint Augustin, qui fut évêque d’Hippône.     Départ de Bône à 11 heures le matin. À Duviviers, reprise de la ligne de Tunis. On monte sur les flancs de coteaux, devenant progressivement montagnes, avec de très fortes rampes, tunnels, précipices, virages en fer à cheval. Au sortir d’un pont, un éboulement avait entamé partiellement la voie ferrée, qui a été déviée, de sorte que les wagons semblaient suspendus au dessus du gouffre.     Puis, passage près de feux, allumés par des arabes pour brûler des arbrisseaux, si près du train que l’ardeur du feu pénètre par les portières jusqu’aux voyageurs.     Enfin, on arrive au point culminant (780m) à la station de Laverdure; puis à Souk-Ahras, bifurcation pour Tebessa, source de l’oued Medjda, qui aux environs de Djeveida, devient une petite rivière que nous traversons plusieurs fois. Le train descend rapidement dans cette vallée. Vu les ruines d’un ancien aqueduc. À Ghar-Dimaou, frontière de la Tunisie. Il faut faire visiter les bagages (20 mn d’arrêt). La plaine s’élargit de plus en plus, des troupeaux de moutons, chèvres, chevaux et chameaux paissent, gardés par des Arabes qui courent voir passer le train. À chaque groupe de cabanes est construit une minuscule mosquée. Arrivé à Pont de Trajan (bifurcation pour Béja) à 7 heures 20 du soir, il fait nuit.      Arrivée à Tunis à 10 heures le soir (9 heures de voyage), après avoir bordé le lac Sebka-Seldjoum et être passés sous un tunnel. Descendons à l’Hôtel du Louvre, rue de la Commission, n°25.   Jeudi 20 : départ 7 heures du matin, passé devant le Bardo, palais du Bey (on ne peut le visiter actuellement, à cause de réparations), traversée de l’aqueduc romain, arrivée à Djeveïda à 7h 45, embranchement pour Bizerte ; à Chaouïa, toujours grande plaine bien cultivée; immense propriété de 15 km de longueur et 14 de large, appartenant à Mme veuve Lagrelet, qui a fait bâtir, au milieu d’une vaste touffe de verdure, trois châteaux dont on aperçoit la toiture multicolore des tours de forme orientale, des maisons bourgeoises pour son régisseur et son architecte, une église et son presbytère, un village pour son personnel européen et un autre pour ses Arabes avec une petite mosquée.     Longtemps avant Bizerte, on aperçoit son lac au moins deux fois grand comme le Bassin d’Arcachon. À la pêcherie, nous voyons à quai sept ou huit torpilleurs.     Enfin, arrivée à Bizerte (98 km) à 10 heures le matin, près de l’entrée du port.     Pont transbordeur, supporté par deux pylônes, avec chariot et nacelle, qui va d’une rive à l’autre. Sur les bords sablonneux du port, nous trouvons de jolies fleurs jaunes d’une plante grasse. Ma femme en emporte quelques pieds. Dépôt de gros canons, les uns sur leur affût, les autres couchés sur le sable.     Un peu plus loin, un camp d’Arabes nomades, composé de six ou sept tentes. Nous demandons à en visiter une ; l’Arabe appelle son chien qui nous menaçait de ses crocs et l’attache au fond d’une petite cour entourée de murs faits de bouses de vache collées les unes aux autres, encore fraîches. Nous pénétrons dans la tente en courbant la tête au niveau de la ceinture. Sous le faîtage, auquel est suspendu un mouton pelé, nous pouvons nous tenir debout. À l’intérieur, contre l’ouverture, qui sert de porte, se trouve le feu pour la cuisine entouré de pierres, sur lesquelles repose un pot de terre où frit du suif en guise de graisse ou de beurre. Comme il n’y a pas de cheminée, la fumée se répand partout, il faut être Arabe pour ne pas s’asphyxier. L’Arabe, sa femme et ses deux filles (non voilées), nous font l’honneur en nous offrant deux chaises rotinées en bois noir tordu.     La pièce du milieu ou salle de famille est la plus grande ; aux extrémités: chambres à coucher, séparés par des panneaux formés de trois planches minces grossièrement assemblées; posées sur le sol, elles servent de lit avec quelques lambeaux de couvertures de laine. Au moment de sortir, ils mettent dans les mains de ma femme, quatre œufs pour ne pas être en reste de générosité. Nous essayons de refuser ces œufs comme étant fragiles en voyage, ils insistent par signes, en nous faisant comprendre de les faire boire à l’enfant.     Nous finissons par les accepter pour ne pas les froisser, ma femme disant qu’elle les fera couver à La Réole ! Nous prenons congé de ces braves gens en leur serrant la main.     L’Arabe nous demande alors "Francès?", il nous secoue la main avec vigueur en disant "À revoir, à revoir". Nous repassons le pont à transbordeur et rentrons au nord de la ville, avec ses rues pavées droites et d’équerre et trottoirs, mais peu de maisons : c’est la ville européenne, encore à construire. La ville arabe qui fait suite est ancienne, entourée de murs de défense, démolis sur certains points ; là commencent les rues en ricochets.     Nous arrivons sur une place ornée de mâts avec oriflammes multicolores, puis sur le vieux port avec son mur d’enceinte, côté mer : un gros bateau y est ponté, dont les haubans sont garnis de guirlandes de verdure, de nombreux drapeaux de différentes nationalités et d’oriflammes, mais où domine le drapeau tunisien. De nombreuses petites barques arabes sillonnent le port. Sur le bateau, une grande noire à moitié nue, maigre comme un squelette, danse en se dandinant et en tournant avec une grande écharpe, passée sur ses épaules, poussant des cris inarticulés, le tout en cadence au son d’un tambour que l’on frappe alternativement de deux coups de baguettes et d’un coup de main, accompagné du son nasillard d’un chalumeau (instrument à vent). Les Arabes riches sont en grande toilette, vêtements blancs et propres, les pères conduisant leurs jeunes enfants, habillés d’un caracos et de calottes brodés d’or et d’argent avec paillettes de même métal. C’est la grande fête du mouton, correspondant chez nous à la fête de Pâques. Cette fête dure trois jours et consiste en ceci : chaque famille tue un mouton le premier jour de la fête; s’il y a des familles pas assez nombreuses pour manger le mouton dans les huit jours, deux ou trois familles s’associent. Visite de la partie haute de la ville, où nous trouvons le cimetière qui est comme un terrain vacant sans clôtures, avec des sentiers le traversant dans tous sens. Nous redescendons dans la ville basse en empruntant les ruelles à ricochets d’équerre, dont certains embranchements sont sans issues. Nous arrivons enfin sur la place du vieux port et déjeunons à l’hôtel. Départ de Bizerte, à 3 heures le soir, arrivée à Tunis à 6 heures le soir.     Nous visitons l’avenue de France, le palais de la résidence, l’avenue de la Marine et l’Hôtel des Postes, qui est un monument tout neuf et remarquable. Dîner et coucher dans notre l’hôtel. Vendredi 21: visite de la nouvelle cathédrale, pas encore achevée (grand, lourd, rien de remarquable). Puis un jeune guide arabe de 22-23 ans, qui est venu à Paris en 1889, nous fait visiter tout le quartier arabe (en passant, une église catholique italienne avec des décorations polychromes sur les plafonds et lambris, qui n’a rien de curieux). Nous suivons des rues de trois mètres de large à forte rampe et voûtées en briques en forme de berceaux, séparées entre chaque maison par un arceau plein cintre, chaque panneau de voûte étant percé d’un trou donnant du jour et permettant la ventilation de la rue. Toutes les maisons sont autant de bazars de toutes sortes. À mi-chemin, se trouve le tombeau en marbre d’un marabout, qui passe pour saint. Au dessus, y est suspendue une lampe brûlant toute la nuit. S’il n’y a pas de voûtes, des planches reposent sur des madriers, posés en travers de la rue, de sorte que la majeure partie des rues arabes sont fraîches et agréables. Nous arrivons à la Casbah, transformée en caserne fortifiée. Non loin, l’hôpital Sadiki, les bureaux de l’Administration, le tribunal arabe et une place avec un palmier le plus grand que nous ayons vu (18-20m). Vers 10 heures, défilé d’une procession avec bannières, tambour et chalumeau avec en tête le marabout (deuxième jour de la fête). Plus loin, il y a encombrement d’ânes, de mulets, d’Arabes et de Juifs, où il est difficile de se frayer un passage au milieu des marchands de poissons, de légumes de toutes sortes. En poursuivant, nous passons devant plusieurs mosquées et des maisons juives, aux portes fermées, sauf une où nous apercevons, dans une cour intérieure, des femmes accroupies préparant aujourd’hui le repas du lendemain. Elles ont un caractère gai, car au moment où nous nous arrêtons pour les regarder, elles nous crient bonjour sur un ton un peu comique. Nous les saluons à notre tour.     Nous continuons notre promenade dans ces labyrinthes. Certaines femmes juives sortent de chez elles en camisoles ou chemises de nuit avec pantalon de femme, par la fente duquel la chemise pend au derrière. Elles traversent non seulement la rue, mais s’engagent dans cet accoutrement dans les rues voisines! Nous arrivons enfin sur une place presque triangulaire, ornée de quelques arbres et de mâts à oriflammes, là, c’est la fête: des balançoires, des grandes roues, faisant monter et descendre de jeunes Arabes dans des fauteuils ou des nacelles. Sur cette place, assis en tailleur, un Noir, charmeur de serpents à sonnettes, fait son boniment en langue arabe pour recevoir des sous avant de faire travailler ses pensionnaires, enveloppés dans un paquet d’étoffe, au travers duquel un de ces reptiles passe la tête.     Dans un des bazars, que nous avons visité, le cousin a acheté un burnous en coton pour 3 francs; ma femme a acheté pour le même prix une paire de babouches. Nous passons à côté d’une sorte de grand square planté d’arbres, c’est un ancien cimetière arabe, puis nous arrivons à la Porte de France. L'après midi, excursion à Carthage; nous louons une calèche et longeons le lac de Tunis (peu profond), avant de monter aux ruines de Carthage. Nous apercevons presque jusqu’à l’horizon des pierres régulièrement espacées sur une même ligne; ce sont les ruines de l’ancien aqueduc conduisant les eaux dans les citernes de la ville.     Nous allons regarder l’ancien cirque ou arène, où gisent des fragments de colonnes de marbre et des chapiteaux, parfois encore partiellement enfouis dans la terre. Une chapelle à la mémoire des anciennes victimes, martyres livrés aux bêtes féroces a été établie dans une des voûtes la mieux conservée. Nous montons au point culminant, où est bâtie la nouvelle cathédrale Saint Louis de Carthage. Beau et riche monument, qui n’a guère sa raison d’être dans ce lieu presque désert. Derrière, se trouve une jolie petite chapelle octogonale, érigée, croit-on, à l’emplacement où est mort Saint Louis. Un musée renferme les monnaies, médailles, bronzes et objets, trouvés ici. Dans son jardin existent également des fragments de statues, des mosaïque, des amphores. Nous en avons trouvé un tout petit, ainsi que deux fragments de mosaïques. Des tombeaux sont creusés dans le rocher. Nous avons acheté un petit vase au père Blanc, qui fait le concierge. De ces hauteurs, on voit, vers le sud, deux tout petits lacs circulaires, séparés de la mer par une langue de terre. Ce sont les anciens ports de Carthage. Plus loin, on aperçoit la Goulette, petite ville de 4000 habitants et un fort entouré d’eau. À cause du peu de profondeur d’eau, on a creusé un canal en droite ligne de 40m de large, avec un garage en son milieu pour le croisement des navires.     Le long du canal sont construites des digues. Nous rentrons à Tunis à la fin du jour, en visitant quelques magasins avant d’arriver à l’hôtel. Samedi 22 : visite de Tunis le matin, avec l’avenue de la Marine, qui fait suite à l’avenue de France, mais beaucoup plus large, plantée de fusains, taillés en berceaux et gros comme des tilleuls de France, parcourue par des trams traînés par des chevaux. Devant nous embarquer à midi et demi, nous arrêtons nos cabines aux bureaux de la compagnie transatlantique, rue Sadiki, puis nous nous rendons au port en passant devant la statue de Jules Ferry, encore couverte de son voile que l’ex-ministre de France doit inaugurer demain ; on donne un dernier coup de main au jardin entourant la statue, des tribunes sont dressées. Nous passons sous un vaste marché au blé, couvert en bois et tuiles. Des Arabes discutent autour de quelques tas de blé posés à terre. Au port, un torpilleur est à quai. Enfin, nous voyons le paquebot (la Ville de Tunis) qui doit nous ramener en France. En retournant à l’hôtel, nous croisons les Noirs masqués qui continuent la fête du mouton, avec tambour, chalumeau et crécelles métalliques. À la poste, trouvé une lettre de ma sœur Léontine. À 10 heures et demi, allés déjeuner, puis embarquement et départ immédiat. Le canal a près de 12 km, que l’on parcourt en une heure et demi jusqu’à La Goulette. La mer est si calme que l’on se croirait sur une rivière. Il fait beau, tout le monde est sur le pont supérieur, d’où l’on examine la côte que nous suivons jusqu’à la nuit (La Goulette, Carthage, Marsa et le palais du Bey, des montagnes qui tombent dans la mer). À la nuit, on devine dans la brune les pylônes du pont transbordeur de Bizerte. Enfin, on nous appelle pour le dîner (une trentaines de convives). Retour sur le pont pour respirer l’air frais, la terre a disparu. Adieu Afrique, dont le sol, les villes et les habitants nous ont produit l’effet d’un beau rêve ! Nos cabines, étant près des machines, sont inhabitables par la chaleur; sur notre demande, on nous ouvre les hublots. Nous nous endormons dans nos couchettes en étagères.  Dimanche 23 avril 1899 : vers trois heures du matin, au moment où nous sommes en vue des côtes de la Sardaigne, nous sommes réveillés par un employé qui vient fermer les hublots, serrant les écrous avec une clef anglaise. Nous lui demandons s’il y a danger; ce n’est que par mesure de précaution. Nous sentons bien que le bateau éprouve un mouvement de tangage très prononcé et qui augmente de plus en plus jusqu’au jour. Les lames battent avec force contre les hublots. À 7 heures, nous montons. Ma femme ne peut aller que sur le palier du haut de l’escalier. Elle tombe sur un canapé, prise du mal de mer; je sors sur le pont avec l’enfant, un vent d’une grande violence nous pousse vers l’arrière des machines, où nous nous abritons. Le tangage est excessif : parfois l’avant du bateau s’élève, comme s’il voulait prendre son essor dans les airs, tantôt c’est l’arrière qui se soulève de 10 mètres, l’hélice tournant dans le vide et en un instant l’avant replonge dans une vague, qui tombe comme une cascade sur le pont, l’eau roulant en torrent sur la longueur du bateau. D’abord inquiet en voyant le navire comme prêt à couler à pic, je me rassure car il se relève vaillamment après chaque lame. J’admire à peu près seul ce beau spectacle, car l’enfant est couché sur la grande écoutille et ne voit rien. Le cousin n’a pas osé sortir, il est resté sur le canapé en face de ma femme.     Dans les couloirs, on entend, dans toutes les cabines, les nausées des passagers. Il semble que dans la journée le vent augmente de furie ; c’est le Mistral, nous dit un marin.     Une vague plus forte saute par-dessus le pont des machines derrière lesquelles l’enfant et moi étions abrités et nous mouille. Nous sommes obligés de rentrer, conduisant l’enfant dans sa couchette. Tout le monde est malade même la femme du bord, qui cependant est habituée à la mer. On appelle pour le café, seuls le cousin et moi sommes à table. À un moment, des marins crient: "Ne sortez pas"; un paquet de mer saute sur le pont. Ce mauvais temps dure toute la journée et une partie de la nuit suivante.

Lundi 24 : à midi, seuls mon cousin et moi sommes à table avec le capitaine. Le soir à dîner, nous sommes deux de plus : un monsieur et sa jeune dame qui a trop compté sur son estomac, car aussitôt le potage pris, elle l’a lancé à terre au bout de la table.     Elle se fait accompagner dans sa cabine par le garçon. Malgré cette aventure peu engageante, nos estomacs ont tenu bon. Le monsieur a jugé bon de se retirer avant la fin du repas. Ma femme et l’enfant ne prennent qu’une gorgée d’eau citronnée sucrée de temps en temps. Ce temps abominable continue jusqu’à minuit ; le tangage va en décroissant ensuite et à trois heures du matin, le sifflet ou sirène du paquebot annonce la vue des phares de Marseille, que nous allons voir depuis le pont, avant de nous recoucher jusqu’à six heures.         Un heure plus tard nous débarquons, avec quelques difficultés avec la douane au sujet de deux livres de tabac que nous avions achetés à Alger (0,20 francs le paquet) ; on nous en confisque cinq ou six. Nous prenons le café près de la douane, à la Joliette. Pendant que mes compagnons de voyage se rendent à l’hôtel, je vais au bureau des Postes où je trouve deux lettres de la famille.     Visite de l’Arc de Triomphe très beau avec ses nombreux bas-reliefs. Parcours dans Marseille en suivant une grande rue qui conduit vers l’Obélisque, l’Hôtel de la Préfecture dans le style du Louvre, puis le Prado, belle avenue allant à la mer; jolie plage où se trouvent les établissement des bains de mer. Ensuite, visite de deux églises, escalade de la montagne, que l’on tranche pour faire une grande rue, en direction de Notre Dame de la Garde, très curieuse et remplie d’ex-voto par les marins. Ma femme achète deux cierges qu’elle allume et met au grand candélabre. De la terrasse, devant l’église, on domine toute la ville. Dans l’après midi, cousin et moi visitons le vieux Marseille, rues étroites et raides où les voitures ne peuvent passer. On enlève les bourriers dans des mannequins en osier que l’on emporte sur l’épaule jusqu’aux tombereaux qui attendent dans des rues inférieures.     Le soir, nous allons au quartier des Catalans avec visite d’une ancienne église.     À l’extrémité, entre Notre Dame et la mer, nous trouvons le café d’Edmond Dantès.     Nous dînons et couchons à l’hôtel. Mardi 25 : à six heures, nous prenons le train, jusqu’à Tarascon, où nous changeons pour Cette. Nous passons sur une langue étroite de terrain, bordée à l’est par un étang et à l’ouest par la Méditerranée. La mer s’avance dans l’intérieur de Cette par des canaux, faisant penser à Venise. Au bout d’une heure, nous partons pour Carcassonne, où nous arrivons vers trois heures et demi. Dépôt des bagages avant de visiter la citadelle, entourée de deux murailles crénelées et flanquées de tours à éperons. Cette ville, encore peuplée, est très curieuse. Toutes ses fortifications en assez bon état sont entretenues et réparées, grâce à une somme assez imposante affectée à cet effet. Très belle église, d’un style élégant, de beaux vitraux, etc... Retour à la ville moderne (qui n’a rien de bien curieux) par un vieux pont traversant l’Aude. On devine de la neige sur les monts au nord. Quelques belles allées sur lesquelles on prépare des loges pour un concours régional ; vu la Halle aux grains où existe un système astucieux pour la mesure des grains : dans une sorte d’estrade d’un mètre de hauteur, sont creusés des trous de différents diamètres, et sur le bord de l’estrade se trouvent des portes coulissantes, où l’on peut remplir les sacs de blé. Église avec grand clocher sans flèche, en réparation. Autre église, dont les vitraux sont trop petits et trop sombres laissant la nef dans l’obscurité ! Mercredi 26 avril : départ pour Toulouse où nous arrivons vers neuf heures. Visite à la hâte des Allées Lafayette, du Capitol (beau monument, mais dont on voit difficilement la façade, la place étant trop restreinte et une ancienne tour se trouvant malencontreusement au devant) et du marché. Visite de deux églises, dont Saint Sernin entièrement en briques, clocher et colonnes. Remarquable par ses dimensions et sa construction. L’après midi, nous repartons pour Agen, où nous arrivons à 3 heures. Nous visitons à la hâte une jolie petite église et le pont-canal.  Nous prenons ensuite un autre train jusqu’à Port-Sainte-Marie, où nous nous embarquons sur la ligne d’Eauze jusqu’à Vianne, petite ville fortifiée possédant encore ses murailles flanquées de tours, formant un rectangle presque carré avec ses quatre portes.     Elle est éclairée par l’électricité grâce à une grande minoterie fonctionnant par une chute de la Baïse. Nous trouvons mon neveu avec la voiture; il emporte ma femme et l’enfant chez lui. Le cousin et moi, allons suivre M. Fauché, curé de Saint Sulpice de Pommier qui est l’hôte de mon neveu depuis quelques jours. En passant, nous visitons l’église de Vianne, qui date pour sa plus grande partie du XII° siècle. Nous dînons et couchons chez mon neveu. Jeudi 27 : nous allons visiter des cités pittoresques et abruptes ayant l’aspect sauvage des montagnes. M. le curé, avec son appareil, nous photographie d’abord disséminés sur les flancs de ce talus au milieu de gros blocs de rochers, puis avec le burnous arabe.

à gauche en bas : le fils, à coté le cousin, à droite en bas Ida, en haut Jean, les autres : les cousins hôtes

    L’après midi, ma femme et ma nièce le sont en costume arabe. Nous allons ensuite au point culminant d’où l’on voit une grande partie de la vallée de la Garonne jusqu’à La Réole. Après dîner, on nous porte à Vianne où nous prenons le train pour Pont-Sainte-Marie et après une heure d’attente, nous nous embarquons pour La Réole, arrivant à l’entrée de la nuit, bien fatigués de cette longue promenade. C’est avec plaisir que nous regagnons nos pénates.     Comme impression, Alger avec ses environs ombragés, surtout Mustapha me conviendrait mieux pour habiter que Tunis, qui est cependant beaucoup plus important. Maintenant il me semble que ce voyage d’Alger à Tunis est un rêve féerique, parfois je me demande si ce que j’ai vu est vrai.   (Pour tous les quatre nous avons dépensé deux mille francs).     Paris, 1900 à la mi-septembre : séjour de Jean une semaine. 

Visite de l’Exposition universelle de Paris, se tenant aux Champs-Élysées (Petit et Grand Palais) et à l'esplanade des Invalides, de mi-avril à fin novembre 1900. Elle rend hommage au siècle qui s'achève et célèbre le nouveau qui s'annonce riche en progrès techniques, dont le cinématographe géant de Louis Lumière.  Suisse, 1908 à partir du 16 juin: voyage en train du cousin pendant deux semaines  et en 1910 à Venise et 1911 à Interlaken.



2 - THERMALISME      


    On connaît la vénération de certaines sources par les Celtes, notamment en Gaule, culte récupéré par les Romains, après la conquête de Jules César. Longtemps, ces sources n’ont joui que d’une fréquentation locale, comme à Cours les Bains, près de Grignols.

    C’est à partir du XVII° siècle, que l’aristocratie commence à s’intéresser au thermalisme, mais ce n’est qu’au début du XIX° siècle, que la clientèle va s’élargir avec la bourgeoisie d’affaires. Dans la deuxième moitié du siècle, s’amorce une démocratisation, d’où une forte croissance de fréquentation des villes d’eaux. Cela tient à l’émergence d’une médecine thermale très réglementée, à un effort d’hébergement et de loisirs, ainsi qu’à l’accès facilité par les chemins de fer qui se développent à cette époque.     Avant 1860, seules trois stations thermales (dont Dax avec sa proche voisine Préchacq, sur la ligne vers l’Espagne) sont desservies par les voies ferrées.


Thermes de Cours les Bains

    Les eaux ferrugineuses de Cours, réputées dès la seconde moitié du XVIII° siècle, attirent de nombreux malades de la région, souffrant d'anémie et de troubles gastriques. Après l'assèchement des marais par les Hospitaliers de Jérusalem, un petit moulin y est établi, appelé "moulin de la Rode", car sa mise en route s'effectue au moyen d'une roue, nommée "rode" en patois. Autrefois, à la source de la Rode, un simple sabot (l'esclop) servait de verre aux passants. Pendant longtemps, la saison thermale débuta par une fête ("botte de l'esclop"), en souvenir de cet ustensile. Le moulin, agrandi et aménagé, est d'abord acquis par quatre médecins. L'autorisation ministérielle d'exploitation date du 9 avril 1840.     Vers 1865, le Dr Rouanat de Gans, en devient l'acquéreur: c'est lui qui est considéré comme le fondateur des thermes. Vingt ans plus tard, l'affluence des curistes est telle que la place manque à Cours, comme dans les hôtels de Grignols. M. Saujon de Bordeaux achète l'établissement et le réaménage avec parc, hôtel offrant - en incluant ceux de Grignols, une capacité de cinquante chambres ou cent lits, cabinets particuliers, grands salons, deux vastes écuries pouvant loger cent chevaux, une chapelle, un casino, salles de concert et de bal. L'activité périclite dans les années 1940 et seule une guinguette subsiste pendant quelques années après la seconde guerre mondiale.  Patrimoine des communes de la Gironde

(Charles Chuck Yeager, en 1944, sauvé par son parachute et caché par des résistants au moulin de La Rode, sera évacué vers les Pyrénées et gagnera l’Espagne. Cet Américain, né en 1923 - West Virginia, s’était enrôlé à 19 ans, dans l'US Army Air Corps; il fut envoyé au Royaume Uni en 1944 comme pilote d'avion de combat. Mais, le 5 mars 44, lors de sa huitième mission, son avion fut abattu par la Luftwaffe à la limite du Lot-et-Garonne et de la Gironde: l'avion tomba à Romestaing et lui atterrit à Cours-les-bains.                                          

Le 14/10/1947, il fut le premier aviateur à franchir le mur du son.)

                                                                                                                    

Correspondances à son époux d’une Réolaise, curiste à Cours les Bains – 1865/1869


Le 12/07/1865, Cours les Bains

… Pourrais-tu porter, en venant, un jeune homme de Monségur, qui vient en cure. Il sera chez papa vers sept heures et demi ou huit heures au plus tard. Les eaux nous font beaucoup de bien, je bois vingt verres par jour, aussi je suis d’un appétit charmant, ainsi qu’Irène (sa sœur), qui a encore des maux de tête, mais moindres, sauf le soir. M. Rouanat pense qu’elle devrait rester plus longtemps… Mélanie


Le 19/07/1865, Cours les Bains

 … Irène est maintenant tout à fait bien, elle ne souffre plus de la tête. …  Pardonne moi du peu de soin de cette lettre, je suis obligée de tenir une conversation avec une dame et en même temps de me dépêcher à finir de l’écrire, car son mari va repartir à La Réole avec ma missive. … Mélanie


Le 8/07/1869, Cours les Bains

… Je suis encore ici pour huit jours avec Mme Duprada qui partage ma chambre (épouse de Jean Duprada), élu maire le 30/9/1869, qui abandonna ses fonctions lors de la proclamation de la III° République en 1870. Né à Barsac, il est venu s'établir médecin à La Réole).      Au départ, le séjour n’était pas fort agréable, mais maintenant, c’est un peu plus gai, depuis l’arrivée de plusieurs dames fort aimables. La cure ne me fait pas le même effet que d’habitude et je ne suis pas tout à fait guérie … Mélanie
     

Le 14/08/1905, Barbotan, Ida à une amie

Les années passent si vite. Je me demande si c'est vrai que j'ai été jeune ou si j'ai rêvé. Mais ce que je n'avais pas rêvé, ce sont les rhumatismes. Pour ma part, j'ai eu peu de chose. J'avais vu mon mari tant souffrir, que j'avais plus peur que de mal. Nous sommes pour trois semaines en cure. Mon mari s'en trouve assez bien et moi aussi, ma cure est un peu préventive; si ces maux de rhumatisme pouvaient rester calmes! Je crains toujours un réveil terrible avec des souffrances si pénibles à devoir endurer. Enfin, que Dieu nous tienne longtemps pas plus mal qu'aujourd'hui.


Correspondances ​à son épouse d’un Réolais, curiste à DAX - 1906

Départ, le 2 août 1906, à Dax pour une cure thermale.   (dépense totale: 160 francs)

Le 3/08/1906, DAX      


    … Arrivé à Dax hier à 9 heures ¾, c'est au troisième établissement, que j'ai trouvé Delhomme et un autre Réolais. Deux grands bâtiments (séparé de l'Adour par une belle route, près du pont du chemin de fer de Pau), neufs, bien tenus, éclairés à l'électricité, même chaque chambre. À mon arrivée, la dernière chambre (de seconde catégorie) venait d'être donnée, mais on m'en a trouvé une en première (catégorie: chambre déclassée).
    Il y a beaucoup de monde. Dans notre salle à manger: seize ampoules à incandescence et quatre lampes à arc avec gros globes: on peut y voir trois grandes tables de trente quatre à trente sept places, presque toutes occupées par des curistes de toute la France; on entend peu l'accent gascon. Il y a 15 % de dames.
    Les trois premiers jours, il a fallu que je me fasse accompagner à ma chambre  (n°13, au 1er étage du bâtiment des premières), c'est un vrai labyrinthe ! Je ne dois prendre ni boue, ni douche sans l'avis du médecin.   
    Tous les matins, il passe dans les chambres de 4 heures du matin à 8 heures ½ (il a plus de deux cents malades). Il m'a ausculté, je pourrai prendre les boues et douches tempérées.     Des logements, on va aux douches et aux boues (soit dix ou vingt cinq mètres) vêtus de pantoufles ou d'espadrilles et d'une robe de franciscain en laine blanche avec capuchon.
    Les prix en secondes sont de six francs par jour tout compris, plus douze pour le docteur.
    Hier après midi, il m'a été permis de prendre un bain simple, que le baigneur m'a préparé.     J'ai voulu entrer dans la baignoire de marbre et quand l'eau a atteint les hanches, j'ai cru qu'on voulait m'échauder ! J'en suis sorti, l'ai vidée à moitié et j'y ai fait couler de l'eau froide pour ramener l'eau à une température abordable. Ensuite, je suis allé déballer mes effets.

Le 9/08/1906, DAX    

... Après le bain de boue du matin, entre 6 et 7 heures, il faut faire la queue avec treize ou quatorze personnes, qui attendent leur tour en costume de pères blancs (il semble, qu'en ce moment, l'établissement est transformé en monastère). On revient, enveloppé dans cette soutane de grosse laine épaisse comme des couvertures de laine d'hiver, se coucher dans le lit sous les couvertures pendant une demi heure. Aussitôt, survient une sueur très abondante. Une demi heure est suffisante, le costume de grosse laine est trempé; je m'habille et suis bientôt sec. Alors, je vais faire mon premier déjeuner (propos illustré d’un petit dessin de deux moines).     Je passe, pour aller aux bains, par une galerie couverte, communiquant au couloir conduisant à ma chambre; les autres curistes montent dans une – comment dirai-je - boîte fermée, comme une chaise à porteur munie de quatre roues, roulant sur rails Decauville.

    Elle prend les secondes classes devant leur bâtiment et les emmènent aux bains (puis retour), sans être exposés à la température extérieure...      Lundi, au repas des secondes classes, nous étions cent trente neuf dans la salle à manger: nous étions assez serrés; s'ils en partaient trois, six arrivaient. Les premières classes sont environ une centaine. Il y a des Anglais, Allemands, Espagnols et des gens parlant avec l'accent pur français: de Normandie, du Mans, d'Orléans, de Paris, de Tours et des frontières de Belgique, etc, etc... Notre Sud-Ouest fait tache par son accent commun.     À table, à ma gauche et en face de moi, sont des Parisiens; à ma droite une femme du Rouergue, dont je ne me rappelle pas le nom. Delhomme et le gardien du pont sont derrière moi, à une autre table.     J'ai dû donner, à la blanchisseuse de l'établissement, ma chemise de voyage, mon gilet blanc et deux mouchoirs abîmés par la sueur, la fumée et noircis par mon paletot dans cette fameuse et mémorable journée (de voyage) pendant laquelle j'ai cru perdre quelque peu de poids ...      Ici, nous avons joui d'un temps couvert et frais depuis dimanche. Aujourd'hui, il fait soleil, mais avec ciel nuageux et de l'air. N'a-t-il pas plu à La Réole? … 


Le 13/08/1906, DAX

    Il faut être affamé comme nous le sommes tous, probablement par l'effort des bains et des douches, par le voisinage aussi de l'Adour, pour manger la pauvre cuisine qui nous est servie: soupe incolore, insipide, où il faudrait une écumoire pour y prendre deux ou trois petits morceaux de légumes, de pommes de terre, du riz, des haricots, des choux, qui nagent dans l'assiette comme de rares goujons dans la rivière: de l'eau de vaisselle, quoi! Beaucoup se plaignent, mais il y a tant de monde que l'administration se sent forte et agit un peu cavalièrement avec ses clients. Il y a de quoi manger, mais mal assaisonné.      Aussi, après demain, 15 août, il n'y aura – dit-on - ni bains ni douches, je pars vers Laluque (13 ou 14 km d'ici, en direction de Bordeaux) pour aller à Préchacq voir les bains, dont les eaux n'ont qu'un degré de moins qu'à Dax.     Départ à 8 heures 24 le matin, arrivée à 8 heures 39 à Laluque; je déjeunerai à Préchacq et je me rendrai ainsi compte du menu et surtout de sa qualité. La femme du Rouergue, qu'on a placé à mon côté est Mme Fresquet (lingère?). Elle serait disposée, si c'est mieux à Préchacq, d'y passer sa prochaine saison, aussi m'engage-t-elle à visiter l'établissement en détail. Je ne sais quel temps il faut pour parcourir en voiture (à cheval) la distance entre ces deux villes.      Je rentrerai jeudi matin après le petit déjeuner par le train de 8 heures 24; arrivée à Bordeaux à 10 heures 47. Départ pour La Réole dix minutes plus tard; arrivée à destination à 12 heures 3 minutes. Je laisserai ma valise à la gare.                                              PS : Pierre Béyé (menuisier réolais) et sa femme étaient partis de Dax, lorsque j'y suis arrivé (ils allaient ensuite à Bayonne et Biarritz), ainsi que Terrier aîné du Martouret qui s'est trouvé indisposé lors de la cure. … 

Le 8/08/1906, VIC sur CÈRE, Auvergne

    Ici, je suis très bien, car il y a toujours de l'air et beaucoup d'ombrages. Je bois de l'eau fraîche tant que je veux, comme à Cours les Bains. Mais les cours d'eau et les cascades sont à sec. Il paraît, pour cette raison, qu'on ne peut visiter les gorges par bateau…  Irène

Vic sur Cère: ancienne station thermale de la vallée de la Cère, à l'entrée du parc des volcans d'Auvergne du Puy Griou et du Plomb du Cantal. Le territoire de la commune se trouve sur le fond d'une vallée qui résulte de l'érosion d'un ancien glacier dont les dépôts morainiques ont créé la gorge et la cascade du Pas de Cère.

                                                    …………………………………….. Le 21/07/1911, COURS les BAINS     Chers amis, je suis heureuse de vous annoncer que je suis très bien au milieu du calme qui me plaît avec la température que j'aime. Mon appétit est toujours brillant et mon estomac a l'air de bien vouloir venir à meilleure composition. Nous sommes menacés d'une avalanche de baigneurs pour cette semaine et l'autre… Irène Le 31/07/1911, COURS les BAINS      J'ai le plaisir de vous annoncer que je compte rentrer chez moi mardi ou mercredi, mais Madame (illisible), étant ici en panne, avec ses deux bébés, sera heureuse que je partage avec elle le prix d'une calèche. Comme je sais que mon chauffeur (son neveu) ne sera pas jaloux de la pratique, j'ai accepté, me réservant ainsi le droit à un autre voyage à Cours au mois de septembre. Vous pouvez donner la fiole que vous vouliez remplir ici à Gaurin (voiturier?), qui me l'apportera et je la remplirai. Nous n'avons cessé de jouir ici d'une température bien supportable; mais des orages carillonnent, je vous dis que ça! … Irène


Documents fournis par Brigitte Bulik

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