Le texte précise que du 19 au 29 décembre 1942 le lieutenant John Mackinnon des Royal Marines fut soigné à l'hôpital de La Réole par le docteur Pierre Chavoix.
Tempo de Janvier 2008 Cliquer ici , un album photos de la cérémonie Ici
En décembre 1942 un commando de 10 britanniques est largué, par sous-marin, au large de Montalivet, pour aller, en kayak, déposer des mines sur des bateaux allemands dans le port de Bordeaux.
Pour en savoir plus sur l'opération Frankton
- Un mémoire réalisé en 2008 par des élèves de Première du Lycée de la Réole pour le concours national de la résistance, avec de nombreux documents sur la partie réolaise de l'opération Ici
- Un compte rendu précis sans fioritures sur toute l'opération par les "amis du Vieux Blaye" (Ici)
- Wikipedia : opération Frankton (Ici)
Voici l’extrait du livre de Paddy Ashdown concernant Mackinnon et Conway capturés à La Réole (ici)
Ni
➤ Des vidéos :
- Une vidéo de la BBC sur DailyMotion (ici)
- Des ombres dans la nuit : Opération Frankton, 2004, durée 52 mn, réalisé par Ramon Maranon, diffusé par France 3 Aquitaine (ici)
Le club de kayak de Mérignac SAMCK avait maquillé des kayaks biplace et participé au tournage. Tous les ans ce club, dont je suis membre, organise une randonnée de 3 jours aux alentours du 7 décembre depuis le Verdon jusqu'à Bordeaux.
- En 2018 une vidéo de cette randonnée (ici)
➤ de nombreux livres :
➤ Articles Le Républicain
13 décembre 2007 (Ici)
20 décembre 2007 (Ici)
➤ Articles Sud-Ouest
1955 - premiers articles (Ici)
1966 - 03-31 - Opération détaillée (Ici)
1966 - 04-03 - Frégate commémorative(Ici)
1978-12-12 - Hasller et Sparks 1/2 (Ici)
1978-12-13 - Hasller et Sparks 2/2 (Ici)
1992 - Cinquantenaire avec Sparks dernier survivant (Ici)
1995-05-11 - Sparks (Ici)
1996-05-24 - Raid Kayak (Ici)
1999-12-15 - Commémoration (Ici)
2002 - Décès de Sparks (Ici)
2002 - Soixantenaire Frankton (Ici)
➤ Randonnée Mémoire : (en cours) si vous voulez marcher sur les traces
➤ Randonnée Mémoire : si vous voulez pédaler sur les traces de Mackinnon et Conway entre Saint-Medard d'Ayrans et La Réole (60km)
"A Brilliant Little Operation : The Cockleshell Heroes and the Most Courageous Raid of World War II",
On ignore pourquoi McKinnon et Conway se sont séparés des autres kayaks au Verdon.
Le 8 décembre vers 22 heures, Jean Raymond qui pêchait au filet illégalement avec son père dans une petite embarcation au nord de Blaye a entendu des voix basses qui n'étaient pas françaises. Tous deux se sont cachés dans le bateau, pensant que c’était une patrouille allemande. Un kayak seul est passé à 20 mètres sans les voir. Compte tenu de la position, il ne pourrait s'agir que du kayak la Seiche (de McKinnon et Conway), car on sait où se trouvaient les deux autres kayaks.
Le récit de ce qui leur est arrivé provient ensuite du rapport d'interrogatoire allemand de Conway dirigé par Dulag Nord Wilhelmshaven et du témoignage de Français qui les ont aidés.
McKinnon a refusé de coopérer avec les interrogateurs.
Ils sont passés le 10 décembre du côté Est de l’île Cazeau, à quelques kilomètres seulement des autres kayaks. À 21 heures, ils heurtent un objet submergé en face du Bec d'Ambès, point de jonction entre la Garonne et la Dordogne. Le kayak a coulé et Conway n'en est sorti qu'avec difficulté. Ils ont nagé jusqu'à l'île après avoir réussi à récupérer leurs sacs d'évasion. Le lendemain, ils ont réussi à contacter des pêcheurs français qui les ont déposés sur le continent.
Conway a déclaré, à la SD (Sicherheitsdienst, Sécurité) chargée d'enquêter, qu'ils avaient trouvé de l'aide à Margaux. Les Allemands pensaient que Conway cachait le nom du vrai village, mais ils ont décidé de ne pas le forcer pour qu'il continue de parler. Il a dit qu'ils avaient marché pendant trois jours, dormant à découvert la première nuit et dans une grange la deuxième.
Les interrogateurs allemands ont conclu qu'ils avaient voyagé en train ou en voiture, les chaussures légères en toile portées par Conway ne montrant que peu de signes d'usure. Étant donné la distance parcourue en trois jours, il semble probable qu’ils aient été transportés au moins en partie. Il est également probable qu'ils ont voyagé séparément pendant une partie du temps.
Tard le 13 décembre, MacKinnon était assis sur un tas de gravats au bord de la route près de Saint-Médard-d'Eyrans.
Il a parlé avec Anne Marie Bernadet, une jeune fille qui gardait des vaches, qui l'a emmené à la ferme, où il a été nourri et on a soigné ses ampoules et blessures aux jambes. Il a été autorisé à dormir dans la grange. Mac Kinnon demande s'il peut traverser la Garonne à Langoiran et leur montra sa carte d'évasion. Il a déclaré avoir eu un contact de l'autre côté du fleuve, ce qui indique qu'il est déjà entré en contact avec d'autres personnes pour obtenir cette information
Ils se sont rencontrés près de l'église et de l'école. Pariente avait l'impression que Conway venait de descendre du bus et il paraissait parfaitement habillé mais inquiet. Il était clair que Conway était un militaire britannique évadé.
Il n'avait rien à donner à Conway, mais l'emmena chez un voisin qui parlait anglais. Malheureusement, M. Guilhon, avocat, n'était pas à la maison et sa femme, enceinte, qui avait déjà trois enfants, n'était pas encline à risquer d'accueillir le fugitif chez elle et a refusé de l'aider.
Pariente l'amena chez Robert Pouget qui vivait dans une maison de trois pièces, Chez Loulou. Pouget revenait tout juste de deux ans dans une prison allemande, probablement pour marché noir, mais il a accepté de faire venir Conway.
Pariente n'a jamais vu MacKinnon, mais Pouget l'a vu plus tard. Conway a donc dû le récupérer. Pouget a noté que MacKinnon traînait une jambe.
Ils ont passé la nuit chez Pouget.
Le 15, vers la fin de journée, un autre volontaire, M. Cheyreau, les a conduits vers d'autres personnes qui pourraient les aider. Il les conduisit le long d'une ligne de chemin de fer (actuellement désaffectée) jusqu'à une propriété louée à Seguin, près de Cessac.
Madame Louise Jaubert soigna les genoux de MacKinnon. Il avait du mal à marcher. Jaubert a noté que MacKinnon était vêtu d'un costume de serge bleu. Le soir où elle a lavé leurs vêtements, Madame Jaubert a vérifié que les étiquettes étaient britanniques. MacKinnon, malgré sa jambe douloureuse, voulait continuer à avancer, en partie pour éviter tout risque pour ses hôtes.
Louise et Louis Jaubert |
Pour se rendre à Toulouse, ils devaient prendre un train à La Réole, à 25 km au sud-est. Après trois jours, ils prirent congé des Jaubert qui pleuraient en voyant partir de si gentils garçons.
Les circonstances de leur arrestation ne sont pas tout à fait claires. Selon une version, l'épouse du capitaine Olivier, commandant des gendarmes à La Réole, a vu deux hommes suspects à travers la vitre du bureau et a averti son mari, qui a envoyé des gendarmes vérifier leur identité. Les rapports de police du chef-adjudant Jean Bernard Barbance et du gendarme Pierre Hennequin indiquent qu'ils ont arrêté les Britanniques le 18 décembre à
10 heures, faute de papiers. Une autre version est qu'ils ont été arrêtés alors qu'ils attendaient
un train près de La Réole.
Une déposition du gendarme Hennequin datée du 3 novembre 1945 indique que les
Britanniques ont affirmé avoir été parachutés d'un avion et Olivier les a arrêtés. Hennequin a mal traduit les résultats de l'interrogatoire pour sauver la situation des deux hommes et Olivier a menacé de punir Hennequin. Malgré cela, Hennequin pensait qu'Olivier n’avait pas trahi les Britanniques.
Hennequin parlait anglais et interrogeait les deux séparément. MacKinnon a déclaré qu'ils avaient atterri à Dieppe lors du raid de septembre (en fait, le 19 août) avec pour mission de détruire certaines usines. Ils avaient été séparés et, après avoir largué leurs explosifs et leurs uniformes, s’étaient scindés en petits groupes.
Conway et lui s'étaient rendus de ferme en ferme dans l'intention de se rendre en Espagne.
Lorsque MacKinnon a été fouillé, ils ont trouvé son couteau de modèle Army, une petite scie, un compas, une montre, une carte Michelin et 600 F. Son sac à dos contenait une paire de chaussures, un pull, des bas et quelques rations. Il portait un pantalon noir, un pardessus gris, un pull bleu marine, un béret et des chaussures à chaussettes jaunes. Il n'avait ni passeport ni autorisation de séjour en France.
Conway était habillé de la même manière avec un pantalon gris et des sandales. Il transportait des objets similaires à ceux de MacKinnon et avait en outre 1700 F, une torche, de la viande, du pain et un pot de confiture.
Interrogé par Barbance, il a également raconté l'histoire de Dieppe. Ils ont été arrêtés pour
violation des dispositions de l'article 2 du décret du 2 mai 1938, pour comparaître devant le procureur général de La Réole, à qui les procès-verbaux de l'arrestation ont été envoyés, ainsi qu’au préfet de région de Toulouse et au préfet de Département du Lot-et-Garonne.
Barbance et Hennequin voulaient aider les Marines. Le capitaine Olivier a téléphoné au colonel à Montauban qui lui a dit de régler le problème des Anglais. Hennequin pensait que cela signifiait taire l'affaire.
Le genou de MacKinnon avait besoin de soins médicaux et il fut admis à l'hôpital local tard dans la nuit ou tôt le 19. Vers le 24 décembre, Marcel Galibert, un avocat de la localité, fut chargé de défendre les deux hommes. Il a rendu visite à Conway dans les cellules de police et à MacKinnon à l'hôpital, en leur disant qu'il était possible qu'ils aient été placés en état d'arrestation rapprochée pour éviter de les remettre aux Allemands ; ils devraient finalement être libérés et il était prêt à les emmener à la frontière espagnole. Les habitants de la région
ont été très gentils avec MacKinnon, lui fournissant de la lecture, des cigarettes et des fruits.
Galibert a fourni à Conway les mêmes choses. Vers le 26 décembre, Marcel Galibert et Louis Jaubert ont écrit aux parents des Marines par l’intermédiaire de la Croix-Rouge et ces informations ont finalement été transmises à la Grande-Bretagne.
On soupçonnait qu'Olivier les avait informés, mais presque toute la ville était au courant et tout le monde aurait pu transmettre l'information.
Les fils d'Olivier au collège, ont fait beaucoup de publicité sur ce sujet. Trop de gens avaient vu les deux Marines, en particulier MacKinnon à l'hôpital.
Il est probable que les Allemands ont appris leur présence par le bouche-à-oreille.
Conformément à la Convention de Genève, MacKinnon et Conway ont fourni leurs détails militaires de base. Il a été noté que MacKinnon portait une pièce de monnaie espagnole de 20 centavos datée de 1937 sur une chaîne avec ses disques d’identité. La DS a conclu qu'elle était utilisée comme signe de reconnaissance. Conway a donné aux Allemands les grandes lignes du raid et les noms des participants, mais presque rien d’autre qu’ils ne savaient déjà.
*La Réole était rattachée au Lot-et-Garonne pendant la guerre
Des plaques souvenirs ont été installées sur les lieux d'action et de repli des commandos anglais.
« En ce lieu, le 16 décembre 1942 à la tombée du jour, Édouard Pariente, ouvrier à la carrière voisine, qui vient de quitter son travail, trouve face à face dans la rue avec un des rescapés en fuite de la mission commando de dix Royal Marines britanniques, à bord de cinq kayaks, contre des forceurs de blocus allemands à quai dans le port de Bordeaux Bassens.
Il s'agit du Marine James Conway en tenue civile par dessus son uniforme. Son chef et coéquipier, le Lieutenant John MacKinnon RM, souffrant depuis des jours d'un anthrax au genou est caché à quelques mètres. Leur kayak, le Cuttlefish a sombré avant d'atteindre son objectif ayant perdu contact au môle du Verdon avec les deux autres équipages encore en vie après le passage de la Pointe-de-Grave dans la nuit du 7 au 8 décembre. M. Pariente qui ne peut les héberger faute de place se rend d'bord chez Me. Guilhon, notaire qui parle anglais. Ce dernier est absent et c'est M. et Mme Pouget qui logeront les deux hommes pour la nuit. Le 17 au matin, M. Cheyraud escorte à pied les Royal Marines le long de l'ancienne voie ferrée jusqu'à Cessac, à quatre kilomètres, chez les époux Jaubert qui les hébergeront trois jours. Capturés ensuite à La Réole, les deux soldats britanniques seront transférés à Bordeaux puis à Paris où ils seront exécutés le 23 mars 1943 sans avoir livré au cours de leurs interrogatoires ceux qui les avaient aidés. Ces Français risquaient la peine de mort ainsi que leur famille. Le secret de leur action courageuse fut respecté dans Baigneaux jusqu'à la fin de la guerre » Voir la galerie photos de Mémorial Genweb
Extraits du livre de Robert Lyman sur Frankton à La Réole
OPÉRATION SUICIDE Chapitre 16
Dans l'obscurité et la confusion de la première nuit, Cuttlefish a été séparé de Catfish et Crayfish au niveau du môle du Verdon. Hasler et Laver les ont attendus dans l'ombre près des trois petits destroyers ennemis, Sparks soufflant à plusieurs reprises dans son sifflet de détresse imitant la mouette. Aucune réaction. Mais Mackinnon et Conway n'ont pas été victimes d'une sentinelle en alerte ou d'un obstacle sur l'eau : ce ne sont que l'immensité de l'eau et l'obscurité qui se sont alliées pour les séparer des autres. Lorsqu'il se rend compte qu'ils sont seuls, Mackinnon fait preuve d'initiative et décide de continuer en se mettant en quête d'une cache pour la nuit. Pendant les trois nuits suivantes, ils remontent sans encombre en amont. La nuit du 10 décembre, ils se cachent sur l'île de Cazeau, probablement à quelques centaines de mètres seulement de l'endroit choisi par Hasler, Sparks, Laver et Mills. Des années plus tard, il est apparu que Cuttlefish avait été repéré par deux Français qui pêchaient sous le couvert de l'obscurité, malgré le couvre-feu.
À 22 heures environ, lors de la seconde nuit du commando sur la Gironde, M. Raymond et son fils Jean sont installés aussi confortablement que possible dans leur barque après avoir déployé leur filet quand ils entendent un étrange bruit de battement qui se rapproche. Il fait un froid glacial et, craignant de voir arriver une patrouille allemande, les deux Français plongent sous le plat-bord, espérant que l'obscurité les protègera. Ce fut le cas. Ils observent en silence un canoë solitaire passer devant eux, à quelques mètres de là, les deux
occupants se parlant doucement dans une langue qu'ils reconnaissent comme n'étant pas du français. Il ne faut que quelques instants au canoë pour disparaître dans la nuit, mais les deux hommes, effrayés par la rencontre, ramènent rapidement leur filet et regagnent la rive.
Le récit de leur vision est resté secret jusqu'à ce qu'il soit révélé à François Boisnier, en 2001. La nuit du 10 décembre, quand Mackinnon et Conway quittent l'île de Cazeau, après trois jours de progression, un désastre frappe Cuttlefish. C'est le Hauptmann Heinz Corssen qui relate brièvement l'événement le 29 décembre, suite à l'interrogatoire des deux hommes. Il note que l'information provient de Conway, Mackinnon gardant obstinément le silence :
Son premier lieutenant et lui-même ont un accident au Bec d'Ambès près de la confluence de la Garonne et de la Dordogne, au cours de la dernière nuit avant l'exécution de la mission. Ils ont heurté un obstacle immergé, qui était invisible dans le noir. Le fond est percé et le bateau coule. Ils sont contraints d'abandonner leur canoë, ainsi que les explosifs et le reste du chargement, excepté le sac contenant l'argent, les rations et les cartes.
Ils ne sont plus en mesure de poursuivre la mission. Ils passent la nuit sur l'île de Cazeau où ils sont retournés à la nage. Un pêcheur les a ramenés dans sa barque jusqu'à la rive ouest de la Garonne, où ils ont trouvé de l'aide à Margaux. Le nom du village a été communiqué à tous ceux qui se trouvaient à bord du sous-marin comme étant un endroit où ils trouveraient de l'aide. Le prisonnier affirme que de là, son lieutenant et lui ont marché jusqu'à La Réole.
Ils ont marché pendant trois jours en passant la première nuit à la belle étoile et la seconde dans une ferme. D'après des preuves réunies par la suite et fournies aux enquêteurs par Conway, Mackinnon et lui ont perdu contact alors qu'ils étaient dans l'eau. Ils n'ont pas nagé ensemble depuis la rive ouest de la Garonne et ils se sont retrouvés complétement par hasard dans
Il paraît clair que Mackinnon et Conway ont décidé de ne pas prendre la direction du Nord, jusqu'à Ruffec - peut-être que la perspective de devoir traverser la Garonne et la Dordogne les en a découragés et de chercher plutôt à se rendre par leurs propres moyens jusqu'en Espagne ou de tenter de franchir la ligne de démarcation - très voyante sur leur carte - espérant rencontrer des membres de la Résistance qui les aideraient. Pendant son interrogatoire, Mackinnon insiste sur le fait qu'ils se dirigeaient vers l'Espagne.
Le 20 avril 1956, Hasler écrit à C.E. Lucas Phillips :
Je ne pense pas que Mac prenait de risque quand il disait qu'il se dirigeait vers Bilbao ; c'est la direction opposée par rapport à Ruffec, et cela pouvait signifier qu'il voulait lancer d'éventuels poursuivant dans la mauvaise direction. Il pouvait aussi bien avoir réellement l'intention de se rendre à Bilbao, suite à des informations qu'il aurait obtenues au cours de sa fuite. Je pense qu'il est quasiment impossible de deviner ce qu'il s'est passé avant qu'il n'arrive à Cessac. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il a été vu pour la dernière fois au Verdon, et qu'il n'a pas posé de mines à Bordeaux. Rien n'indique où il a accosté ni quand. Je pense qu'il est parfaitement possible que, se sentant coupable de ne pas avoir atteint l'objectif, il se soit délibérément écarté de la route de Ruffec pour nous donner plus de chance de nous échapper.
Les dates concordent avec le fait qu'à partir du moment où ils ont été secourus et où on leur a donné des vêtements civils sur la rive ouest de la Garonne ou près de Margaux, les deux hommes ont marché pendant les heures d'obscurité. En supposant qu'ils aient quitté à pied le premier endroit où ils ont trouvé refuge, la nuit du 11, après avoir été transportés par bateau jusqu'à la rive est de la Garonne, ils se seraient trouvés à Baigneaux, épuisés et affamés, dans la soirée du 14. Suivant les cartes au 1:250 000 qui ont été trouvées sur eux lorsqu'ils ont été arrêtés, les deux hommes ont parcouru la bonne soixantaine de kilomètres jusqu'à Baigneaux en trois nuits. La suite des événements est racontée par François Boisnier, qui s'est entretenu, en 1999, avec M. Édouard Pariente, l'homme qui a rencontré Jim Conway, épuisé, dans le centre de Baigneaux, vers 18 heures dans la soirée du 14 décembre (1). Pariente travaillait dans une carrière des environs et rentrait chez lui, après une longue journée de travail. Il commençait à faire nuit : Près de l'église j'ai vu un jeune homme qui avait belle allure dans
1 Pariente se souvient de ces événements comme se produisant le 16 décembre, mais d'après les preuves apportées par Jaubert, les hommes sont arrivés à Cessac le 14. Cela
devait donc avoir lieu le 14, ce qui correspond aux trois jours et aux trois nuits passées à Cessac, suivies de l'arrestation à La Réole le 18.
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des vêtements civils propres, mais qui semblait assez tracassé. Cela devait être un voyageur qui venait de descendre du bus qui était passé quelques instants auparavant. Le jeune homme s'est approché d'Édouard en lui parlant dans une langue qu'il ne comprenait pas.
Il a toutefois saisi le mot “English” que l'homme a répété à plusieurs reprises en se montrant du doigt.
Pariente réalise que c'est un soldat anglais en fuite qui cherche un abri pour la nuit. Il le prend immédiatement en sympathie et se demande comment il pourrait l'aider. Tandis qu'il réfléchit, Conway fait signe à Mackinnon, qui se cachait non loin de là. Pariente remarque qu'il boite. Il est évident que les hommes ont besoin d'un toit sur la tête et de nourriture.
Sa maison est beaucoup trop petite, alors il se demande si certaines de ses connaissances ne pourraient pas les aider. L'un de ses collègues, M. Pouget, accepte sur-le-champ de veiller sur les deux hommes; et le lendemain, c'est au tour d'un autre collègue; le surlendemain, un troisième collègue, M. Cheyraud, les escorte le long d'une voie ferrée abandonnée jusqu'à la fermette isolée de M. Louis et de Mme Louise Jaubert, près du village de Cessac. En 1967, Louise Jaubert raconte que Cheyraud lui a demandé de s'occuper des deux Anglais, et c'est ce que font son mari et elle sans y réfléchir à deux fois. Comme Clodomir et Irène Pasqueraud, ce sont d'authentiques patriotes, même s'ils ne sont membres d'aucune organisation de résistance. Leur fils Roland a été dans l'armée et, en 1940, il a été évacué de Dunkerque par les Anglais. Une famille de Douvres s'est très bien occupée de lui, mais dès qu'il a été rapatrié, il a été fait prisonnier et maltraité par les Allemands. Deux jours avant Noël 1942¹, nous avons regardé par la fenêtre de notre petite maison et nous avons vu notre voisin, Monsieur Cheyraud, qui arrivait en longeant la voie ferrée. Il était suivi de deux étrangers qui, nous a-t-il dit, étaient des Anglais qui
1 Ce n'est évidemment pas exact. La mémoire de Mme Jaubert lui joue des tours; elle a une semaine de retard.
S'il était possible de faire franchir la ligne de démarcation aux deux hommes, ils auraient plus de chance de s'échapper.
Mais il parvient à négocier avec un homme du coin pour qu'il leur fasse franchir la ligne, en voiture, à Langon et qu'il les dépose à La , où ils pourraient prendre le train pour Toulouse.
Au bout de trois jours chez les Jaubert, les hommes font leurs adieux. “ Nous leur avons dit au revoir les larmes aux yeux, se souvient Mme Jaubert. Nous les avons embrassés comme si c'étaient nos propres fils - c'étaient de si gentils garçons. Plus tard, à notre grand désespoir, nous avons appris qu'ils avaient malgré tout fini par tomber entre les mains des Allemands.” Ils n'ont pas la moindre idée du sort qui attendait leurs visiteurs anglais.
Quand il interroge les fuyards quelques semaines plus tard, il est évident pour Corssen qu'ils ont beaucoup été aidés pour arriver jusqu'à La Réole : « On peut supposer que les deux Anglais ont rapidement reçu des vêtements civils et de l'aide, et qu'ils ont atteint l'endroit où ils ont franchi la ligne de démarcation soit en train, soit en voiture, surtout du fait que le Marine porte des chaussures en
Elle remarque qu'ils ont l'air perdu. En tout cas, elle ne les a jamais vus auparavant. L'adjudant-chef Jean Barbance et le gendarme Pierre Hennequin sont envoyés s'enquérir de l'identité des deux hommes et, bien à contrecœur, ils arrêtent Mackinnon et Conway. Dès que les gendarmes se sont approchés d'eux, il leur a paru évident qu'ils étaient Britanniques.
C'est Hennequin, qui parlait bien anglais et qui faisait déjà partie de la Résistance, qui s'adresse à eux. Il observe que Mackinnon est clairement leur chef.
Dans une déposition faite le jour de leur arrestation, Hennequin raconte que ce dernier a expliqué qu'ils fuyaient vers le Sud, en direction de l'Espagne, suite à leur participation au raid de Dieppe en septembre de cette même année. Il parle ouvertement, admettant qu'ils n'ont pas de papiers, et il semble clairement avoir l'impression que comme ils sont en Zone libre, les Allemands ne représentaient plus une menace. Il le décrit comme un engagé volontaire commandant trente hommes qui ont débarqué d'un bateau sans nom à Dieppe, qu'il a été coupé des combats dans la ville et qu'il n'a donc pas pu être évacué. “ Quand nous nous en sommes rendus compte, explique Mackinnon, nous sommes partis dans la campagne, et depuis, avec mes hommes, nous sommes passés de ferme en ferme avec l'intention d'aller jusqu'en Espagne.”
Il insiste en affirmant qu'ils ont laissé leur uniforme à Dieppe et que des fermiers compatissants leur ont fourni des habits civils. Mackinnon s'efforce d'expliquer qu'ils n'ont jamais été capturés par les Allemands et qu'ils peuvent donc, à juste titre, être considérés
"Quand il en est informé, dit Hennequin, le procureur est aussi pour taire l'affaire" On en est donc là quand, dans la matinée du 24 décembre, le téléphone sonne dans le bureau de l'avocat local, Marcel Galibert, qui vit et exerce au 89, rue Marcel-Badue, à La Réole.
L'appel vient du bureau du juge d'instruction, le procureur public de La Réole, qui demande à Galibert de représenter les deux hommes au tribunal civil. Comme les hommes sont sans papier, ils sont en infraction avec l'article 2 du code criminel de 1938. Le procureur a du mal à expliquer qu'il veut que la loi soit appliquée dans sa forme la moins sévère, de façon à ce que les deux hommes puissent recevoir des papiers et être escortés rapidement à 250 kilomètres de là, jusqu'à la frontière espagnole. Il a choisi Galibert pour ses sympathies antigermaniques bien connues. À ce moment-là, Mackinnon est à l'hôpital et Conway en prison.
Galibert leur rend visite. Conway porte des vêtements assez usés. En 1945, quand on demande à Galibert de raconter l'incident, il se souvient que Conway ne parle pas français et qu'il n'est pas disposé à expliquer ce qui l'amène à La Réole. Mais c'est surtout la situation de Mackinnon à l'hôpital qui alarme M. Galibert. Soupçonnant les deux hommes d'être impliqués dans des activités clandestines, il est inquiet quand il trouve Mackinnon dans une unité sans surveillance, parlant librement avec les autres patients et entouré d'une dizaine de jeunes gens qui lui proposent des livres, des cigarettes et des fruits. « Il m'a dit qu'il s'appelait Mackinnon et qu'il était officier, mais il n'a pas voulu me dire dans quelle branche, ni comment il a débarqué en France, ou comment il est arrivé à La Réole.
Je lui ai fait comprendre que le juge d'instruction les a mis aux arrêts pour les empêcher d'être remis aux Allemands, et qu'ils seront probablement libérés le moment venu. J'ai dit que j'essaierai de les accompagner
Chère Mrs Mackinnon J'espère que vous allez bien, ainsi que votre famille. Ai vu John qui se porte bien et est en bonne santé. Bien à vous, Marcel Galibert
Opérations similaires
Au cours de la seconde guerre mondiale, le principe de l'opération Frankton (infiltration et exfiltration d'un commando en kayak) sera une nouvelle fois utilisé de l'autre côté du globe, en septembre 43, au cours de l'opération "Jairwick". Lors de cette action, les hommes du SOA (Spécial Opérations Australia) attaqueront avec succès des cargos japonaise au mouillage dans le port de Singapour, à plus de 3000 km des côtes australiennes, envoyant par le fond sept d'entre eux, soit prés de 39 000 T.
Fort de ce succès, en octobre 1944, le même commando mènera une opération similaire, mais de plus grande envergure, toujours contre les cargos japonais de Singapour (opération "Rimau").
Hélas, cette fois-ci ce sera un échec complet et tous les membres du commando périront, dont dix par décapitation, à moins d'un mois de la fin de la guerre