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Certains d'entre vous ont pu être intrigués par une plaque souvenir sur le mur de l'ancien hôpital de La Réole.


Le texte précise que du 19 au 29 décembre 1942 le lieutenant John Mackinnon des Royal Marines fut soigné à l'hôpital de La Réole par le docteur Pierre Chavoix.















Cette plaque a été apposée le 13 décembre 2007 par la municipalité de La Réole.
Tempo de Janvier 2008 Cliquer ici ,  un album photos de la cérémonie Ici



En décembre 1942 un commando de 10 britanniques est largué, par sous-marin, au large de Montalivet, pour aller, en kayak, déposer des mines sur des bateaux allemands dans le port de Bordeaux.
Pour en savoir plus sur l'opération Frankton
- Un mémoire réalisé en 2008 par des élèves de Première du Lycée de la Réole  pour le concours national de la résistance, avec de nombreux documents sur la partie réolaise de l'opération Ici
- Un compte rendu précis sans fioritures sur toute l'opération par les "amis du Vieux Blaye"   (Ici)
- Wikipedia : opération Frankton  (Ici
Voici l’extrait du livre de Paddy Ashdown concernant Mackinnon et Conway capturés à La Réole  (ici)

Ni
➤ Des vidéos :
- Une vidéo de la BBC sur DailyMotion (ici)
- Des ombres dans la nuit : Opération Frankton, 2004, durée 52 mn, réalisé par Ramon Maranon, diffusé par France 3 Aquitaine (ici)
Le club de kayak de Mérignac SAMCK avait maquillé des kayaks biplace et participé au tournage. Tous les ans ce club, dont je suis membre, organise une randonnée de 3 jours aux alentours du 7 décembre depuis le Verdon jusqu'à Bordeaux.
- En 2018 une vidéo de cette randonnée  (ici)

Un film en 1955

➤ Une fiction radio sur France Inter  : Autant en emporte l'histoire Ici

de nombreux livres :
- "Cockleshell Heroes", C.E. Lucas Phillips, William Heinemann Ltd., 1956. Réédition en 2000. Traduction en 1956 sous le titre "Opération Coque de Noix", paru aux éditions "J’ai lu" en 1967.
- "The Last of the Cockleshell Heroes", William Sparks, with Michael Munn, Leo CooperLtd, 1992
- "Le Commando de l'impossible", François Boisnier et Raymond Muelle, Éditions du Layeur, 2003"
- "Cockleshell Commando : The Memoirs of Bill Sparks DSM", William Sparks, Pen & Sword Military,  2009
- "The Cockshell Raid : Bordeaux 1942", Ken Ford, Osprey Publishing, 2010
- "Cockleshell Heroes: The Final Witness", Quentin Rees, Amberley Publishing, 2010
- "L’odyssé du commando Frankton", André-Roger Voisin, L’Apart, 2011
- "A Brilliant Little Operation: The Cockleshell Heroes and the Most Courageous Raid of World War II", Lord Paddy Ashdown, Aurum Press Ltd., 2012 (non traduit)
- "Opération suicide", Robert Lyman, Ixelles Éditions, 2012
Depuis 1976 les archives allemandes ayant été déclassées les historiens ont pu affiner les informations en particulier concernant les membres disparus comme Mackinon et Conway arrêtés à La Réole.

Articles Le Républicain
13 décembre 2007 (Ici)
20 décembre 2007 (Ici)
Articles Sud-Ouest

1955 - premiers articles (Ici)
1966 - 03-31 - Opération détaillée (Ici)
1966 - 04-03 - Frégate commémorative(Ici)
1978-12-12 - Hasller et Sparks 1/2 (Ici)
1978-12-13 - Hasller et Sparks 2/2 (Ici)
1992 - Cinquantenaire avec Sparks dernier survivant (Ici)
1995-05-11 - Sparks (Ici)
1996-05-24 - Raid Kayak (Ici)
1999-12-15 - Commémoration (Ici)
2002 - Décès de Sparks (Ici)
2002 - Soixantenaire Frankton (Ici)


 Randonnée Mémoire : (en cours) si vous voulez marcher sur les  traces 
de McKinnon et Conway de Saint Médard d'Ayrans à La Réole via Cessac

Randonnée Mémoire : si vous voulez pédaler sur les traces de Mackinnon et Conway entre Saint-Medard d'Ayrans et La Réole (60km)


"A Brilliant Little Operation : The Cockleshell Heroes and the Most Courageous Raid of World War II"
Lord Paddy Ashdown, Aurum Press Ltd., 2012 :
 (traduction perso 😄ci-dessous)

Frankton à La Réole

    On ignore pourquoi McKinnon et Conway se sont séparés des autres kayaks au Verdon.
    Le 8 décembre vers 22 heures, Jean Raymond qui pêchait au filet illégalement avec son père dans une petite embarcation au nord de Blaye a entendu des voix basses qui n'étaient pas françaises. Tous deux se sont cachés dans le bateau, pensant que c’était une patrouille allemande. Un kayak seul est passé à 20 mètres sans les voir. Compte tenu de la position, il ne pourrait s'agir que du kayak la Seiche (de McKinnon et Conway), car on sait où se trouvaient les deux autres kayaks.
    Le récit de ce qui leur est arrivé provient ensuite du rapport d'interrogatoire allemand de Conway dirigé par Dulag Nord Wilhelmshaven et du témoignage de Français qui les ont aidés.
    McKinnon a refusé de coopérer avec les interrogateurs.
    Ils sont passés le 10 décembre du côté Est de l’île Cazeau, à quelques kilomètres seulement des autres kayaks. À 21 heures, ils heurtent un objet submergé en face du Bec d'Ambès, point de jonction entre la Garonne et la Dordogne. Le kayak a coulé et Conway n'en est sorti qu'avec difficulté. Ils ont nagé jusqu'à l'île après avoir réussi à récupérer leurs sacs d'évasion. Le lendemain, ils ont réussi à contacter des pêcheurs français qui les ont déposés sur le continent.
    Conway a déclaré, à la SD (Sicherheitsdienst, Sécurité) chargée d'enquêter, qu'ils avaient trouvé de l'aide à Margaux. Les Allemands pensaient que Conway cachait le nom du vrai village, mais ils ont décidé de ne pas le forcer pour qu'il continue de parler. Il a dit qu'ils avaient marché pendant trois jours, dormant à découvert la première nuit et dans une grange la deuxième.
    Les interrogateurs allemands ont conclu qu'ils avaient voyagé en train ou en voiture, les chaussures légères en toile portées par Conway ne montrant que peu de signes d'usure. Étant donné la distance parcourue en trois jours, il semble probable qu’ils aient été transportés au moins en partie. Il est également probable qu'ils ont voyagé séparément pendant une partie du temps.
    Tard le 13 décembre, MacKinnon était assis sur un tas de gravats au bord de la route près de Saint-Médard-d'Eyrans.


   Il a parlé avec Anne Marie Bernadet, une jeune fille qui gardait des vaches, qui l'a emmené à la ferme, où il a été nourri et on a soigné ses ampoules et blessures aux jambes. Il a été autorisé à dormir dans la grange. Mac Kinnon demande s'il peut traverser la Garonne à Langoiran et leur montra sa carte d'évasion. Il a déclaré avoir eu un contact de l'autre côté du fleuve, ce qui indique qu'il est déjà entré en contact avec d'autres personnes pour obtenir cette information
    La raison pour laquelle MacKinnon a choisi cette voie n’est pas claire car les instructions étaient de se diriger vers Ruffec. C'est peut-être parce que Conway et lui-même ont été emmenés sur la rive Ouest de la Gironde par les pêcheurs au lieu de l'Est. Conway a été vu errant dans le village tôt le lendemain matin et son pull bleu marine le reliait à MacKinnon ; les deux ont été réunis. Ils se sont ensuite dirigés vers Langoiran et ce soir-là, ils étaient à Baigneaux. Comme la traversée de la rivière à Langoiran était gardée, il est possible qu'ils soient passés en bateau.
    Des sources françaises nous disent qu' Édouard Pariente, un ouvrier de carrière, était sur le chemin du retour dans l'obscurité croissante lorsqu'il a rencontré Conway à Baigneaux.
    Ils se sont rencontrés près de l'église et de l'école. Pariente avait l'impression que Conway venait de descendre du bus et il paraissait parfaitement habillé mais inquiet. Il était clair que Conway était un militaire britannique évadé. 
    Pariente était marié et père de deux enfants et vivait dans une très petite demeure.
    Il n'avait rien à donner à Conway, mais l'emmena chez un voisin qui parlait anglais.                Malheureusement, M. Guilhon, avocat, n'était pas à la maison et sa femme, enceinte, qui avait déjà trois enfants, n'était pas encline à risquer d'accueillir le fugitif chez elle et a refusé de l'aider.
    Pariente l'amena chez Robert Pouget qui vivait dans une maison de trois pièces, Chez Loulou. Pouget revenait tout juste de deux ans dans une prison allemande, probablement pour marché noir, mais il a accepté de faire venir Conway.
    Pariente n'a jamais vu MacKinnon, mais Pouget l'a vu plus tard. Conway a donc dû le récupérer. Pouget a noté que MacKinnon traînait une jambe.
    Ils ont passé la nuit chez Pouget.
    Le 15, vers la fin de journée, un autre volontaire, M. Cheyreau, les a conduits vers d'autres personnes qui pourraient les aider. Il les conduisit le long d'une ligne de chemin de fer (actuellement désaffectée) jusqu'à une propriété louée à Seguin, près de Cessac
    Le berger Louis Jaubert, qui habitait près de la voie de chemin de fer, a vu son voisin, Cheyreau, marchant le long de la voie avec deux étrangers portant des sacs. 
    Cheyreau lui a dit qu'ils étaient anglais, venant de Bordeaux. Jaubert les a tous invités à partager une bouteille de vin et a tenu à les aider. Son fils, évacué de Dunkerque, avait été bien traité en Grande-Bretagne, mais à son retour en France, les Allemands l'avaient emprisonné. Jaubert s'est d'abord assuré qu'ils n'étaient pas des agents allemands. Une fois rassuré, il accepta de les prendre pour le dîner, la nuit et le petit-déjeuner si Cheyreau fournissait le déjeuner.
Madame Louise Jaubert soigna les genoux de MacKinnon. Il avait du mal à marcher. Jaubert a noté que MacKinnon était vêtu d'un costume de serge bleu. Le soir où elle a lavé leurs vêtements, Madame Jaubert a vérifié que les étiquettes étaient britanniques. MacKinnon, malgré sa jambe douloureuse, voulait continuer à avancer, en partie pour éviter tout risque pour ses hôtes.

Louise et Louis Jaubert
    Jaubert, Cheyreau et les deux Marines se sont rendus à Frontenac pour voir si quelqu'un dans les cafés pouvait organiser leur évasion. En raison  de ce risque terrible, ils n'ont trouvé personne pour les aider. MacKinnon a dit à Jaubert qu'ils se dirigeaient vers Bilbao, dans le nord de l'Espagne, et lui a demandé quel était le tarif depuis Toulouse, car ils ne disposaient que de 1000 francs. Jaubert a confirmé que c'était suffisant.
    Pour se rendre à Toulouse, ils devaient prendre un train à La Réole, à 25 km au sud-est. Après trois jours, ils prirent congé des Jaubert  qui pleuraient en voyant partir de si gentils garçons. 
    Tous deux ont promis d'écrire et revenir un jour ; une promesse qu'ils ne pourront pas tenir. Un guide leur proposa de traverser la ligne de démarcation et aurait pu être payé car MacKinnon n'avait que 600 F, sur les 1 000 F originaux, lors de son arrestation. 
    Jaubert pensait qu'ils avaient passé la nuit suivante près de Sauveterre et traversé la Ligne.
    Les circonstances de leur arrestation ne sont pas tout à fait claires. Selon une version, l'épouse du capitaine Olivier, commandant des gendarmes à La Réole, a vu deux hommes suspects à travers la vitre du bureau et a averti son mari, qui a envoyé des gendarmes vérifier leur identité. Les rapports de police du chef-adjudant Jean Bernard Barbance et du gendarme Pierre Hennequin indiquent qu'ils ont arrêté les Britanniques le 18 décembre à
10 heures, faute de papiers. Une autre version est qu'ils ont été arrêtés alors qu'ils attendaient
un train près de La Réole.
    Une déposition du gendarme Hennequin datée du 3 novembre 1945 indique que les
Britanniques ont affirmé avoir été parachutés d'un avion et Olivier les a arrêtés. Hennequin a mal traduit les résultats de l'interrogatoire pour sauver la situation des deux hommes et Olivier a menacé de punir Hennequin. Malgré cela, Hennequin pensait qu'Olivier n’avait pas trahi les Britanniques.
    Hennequin parlait anglais et interrogeait les deux séparément. MacKinnon a déclaré qu'ils avaient atterri à Dieppe lors du raid de septembre (en fait, le 19 août) avec pour mission de détruire certaines usines. Ils avaient été séparés et, après avoir largué leurs explosifs et leurs uniformes, s’étaient scindés en petits groupes.     
    Conway et lui s'étaient rendus de ferme en ferme dans l'intention de se rendre en Espagne.
    Lorsque MacKinnon a été fouillé, ils ont trouvé son couteau de modèle Army, une petite scie, un compas, une montre, une carte Michelin et 600 F. Son sac à dos contenait une paire de chaussures, un pull, des bas et quelques rations. Il portait un pantalon noir, un pardessus gris, un pull bleu marine, un béret et des chaussures à chaussettes jaunes. Il n'avait ni passeport ni autorisation de séjour en France.
Conway était habillé de la même manière avec un pantalon gris et des sandales. Il transportait des objets similaires à ceux de MacKinnon et avait en outre 1700 F, une torche, de la viande, du pain et un pot de confiture.
Interrogé par Barbance, il a également raconté l'histoire de Dieppe. Ils ont été arrêtés pour
violation des dispositions de l'article 2 du décret du 2 mai 1938, pour comparaître devant le procureur général de La Réole, à qui les procès-verbaux de l'arrestation ont été envoyés, ainsi qu’au préfet de région de Toulouse et au préfet de Département du Lot-et-Garonne.
Barbance et Hennequin voulaient aider les Marines. Le capitaine Olivier a téléphoné au colonel à Montauban qui lui a dit de régler le problème des Anglais. Hennequin pensait que cela signifiait taire l'affaire.
Le genou de MacKinnon avait besoin de soins médicaux et il fut admis à l'hôpital local tard dans la nuit ou tôt le 19. Vers le 24 décembre, Marcel Galibert, un avocat de la localité, fut chargé de défendre les deux hommes. Il a rendu visite à Conway dans les cellules de police et à MacKinnon à l'hôpital, en leur disant qu'il était possible qu'ils aient été placés en état d'arrestation rapprochée pour éviter de les remettre aux Allemands ; ils devraient finalement être libérés et il était prêt à les emmener à la frontière espagnole. Les habitants de la région
ont été très gentils avec MacKinnon, lui fournissant de la lecture, des cigarettes et des fruits.
Galibert a fourni à Conway les mêmes choses. Vers le 26 décembre, Marcel Galibert et Louis Jaubert ont écrit aux parents des Marines par l’intermédiaire de la Croix-Rouge et ces informations ont finalement été transmises à la Grande-Bretagne.
         Le 29 décembre, deux sous-officiers allemands dela SD (Sicherheitsdienst) de Bordeaux sont arrivés au commissariat pour interroger les Britanniques.
On soupçonnait qu'Olivier les avait informés, mais presque toute la ville était au courant et tout le monde aurait pu transmettre l'information.
Les fils d'Olivier au collège, ont fait beaucoup de publicité sur ce sujet. Trop de gens avaient vu les deux Marines, en particulier MacKinnon à l'hôpital.
Il est probable que les Allemands ont appris leur présence par le bouche-à-oreille.
    Le gendarme Marcel Drouillard était en service et a refusé l'accès aux Allemands. Il a consulté l'adjudant Espère, qui a dit aux Allemands que les Britanniques avaient été arrêtés pour présence illégale en France. S'ils voulaient voir les Marines, ils devaient s'adresser au juge ; ce dernier refusa poliment leurs demandes. Ils partirent de mauvaise humeur, jurant de revenir ce soir-là. Leurs supérieurs ont contacté le ministère de l'Intérieur de Vichy, qui à son tour a contacté le juge à 22 h 45 et a ordonné de remettre les Marines. La prison et l'hôpital ont remis les deux Marines.     
    Conformément à la Convention de Genève, MacKinnon et Conway ont fourni leurs détails militaires de base. Il a été noté que MacKinnon portait une pièce de monnaie espagnole de 20 centavos datée de 1937 sur une chaîne avec ses disques d’identité. La DS a conclu qu'elle était utilisée comme signe de reconnaissance. Conway a donné aux Allemands les grandes lignes du raid et les noms des participants, mais presque rien d’autre qu’ils ne savaient déjà.


*La Réole était rattachée au Lot-et-Garonne pendant la guerre

Des plaques souvenirs ont été installées sur les lieux d'action et de repli des commandos anglais.

Baigneaux (33760)
    Plaque commémorative Frankton apposée sur le mur pignon d'un bâtiment, rue Yvonne de la Seiglière, à coté du parking de la mairie. Cordonnées GPS : 44.722776 , -0.196469 -
    « En ce lieu, le 16 décembre 1942 à la tombée du jour, Édouard Pariente, ouvrier à la carrière voisine, qui vient de quitter son travail, trouve face à face dans la rue avec un des rescapés en fuite de la mission commando de dix Royal Marines britanniques, à bord de cinq kayaks, contre des forceurs de blocus allemands à quai dans le port de Bordeaux Bassens.
    Il s'agit du Marine James Conway en tenue civile par dessus son uniforme. Son chef et coéquipier, le Lieutenant John MacKinnon RM, souffrant depuis des jours d'un anthrax au genou est caché à quelques mètres. Leur kayak, le Cuttlefish a sombré avant d'atteindre son objectif ayant perdu contact au môle du Verdon avec les deux autres équipages encore en vie après le passage de la Pointe-de-Grave dans la nuit du 7 au 8 décembre. M. Pariente qui ne peut les héberger faute de place se rend d'bord chez Me. Guilhon, notaire qui parle anglais.     Ce dernier est absent et c'est M. et Mme Pouget qui logeront les deux hommes pour la nuit.  Le 17 au matin, M. Cheyraud escorte à pied les Royal Marines le long de l'ancienne voie ferrée jusqu'à Cessac, à quatre kilomètres, chez les époux Jaubert qui les hébergeront trois jours. Capturés ensuite à La Réole, les deux soldats britanniques seront transférés à Bordeaux puis à Paris où ils seront exécutés le 23 mars 1943 sans avoir livré au cours de leurs interrogatoires ceux qui les avaient aidés. Ces Français risquaient la peine de mort ainsi que leur famille. Le secret de leur action courageuse fut respecté dans Baigneaux jusqu'à la fin de la guerre » Voir la galerie photos de Mémorial Genweb

Cessac
Plaque commémorative Frankton apposée dans la salle du conseil de
la mairie, 35 rte de Cessac (D236) - Cordonnées GPS : 44.742777 , -0.177471 
- « Opération Frankton - Décembre 1942. A une cinquantaine de mètres d'ici, dominant l'ancienne voie ferrée qui reliait Bordeaux à Eymet, se trouve la maison de M. et Mme Jaubert, 'moutonniers', recueillirent du 16 au 19 décembre 1942, le Lieutenant John MacKinnon RM et le Marine James Conway, amenés à pied par M. Cheyraud habitant Baigneaux. Ces deux soldats du Corps des Royal Marines britanniques se repliaient vers le sud pour tenter de rejoindre l'Espagne après avoir participé à un des raids commandos les plus audacieux de la IIème Guerre Mondiale contre des forceurs de blocus basés à Bordeaux. Ils avaient pagayé à bord d'un des cinq kayaks mis à la mer par le sous-marin HMS TUNA au large de Montalivet, et leur embarcation ayant éperonné un obstacle sous-marin avait sombré avant d'atteindre leur objectif. Rescapés par miracle, ils avaient parcouru plus de 6O km à pied jusqu'à Baigneaux. Au risque de leur vie, M. et Mme Jaubert les hébergèrent et les nourrirent. Ils soignèrent de leur mieux le Lieutenant MacKinnon qui souffrait d'un anthrax au genou, et firent tout leur possible pour les aider à prendre un train vers Toulouse depuis la gare de La Réole. Capturés le 19 décembre près de cette ville, les deux Royal Marines furent ensuite conduits à Bordeaux et regroupés avec deux autres survivants du raid, le Caporal Laver et le Marine Mills, qui avaient pu remplir leur mission et furent capturés à Montlieu-La-Garde. Transférés à Paris les quatre hommes, bien qu'arrêtés en uniforme, y furent exécutés le 23 mars 1943, sans avoir livré au cours des interrogatoires auxquels ils furent soumis les noms des Français courageux qui les avaient aidés sur leur chemin de repli ».



Mémorial James Conway à Stockport (Manchester)
La bravoure du « Cockleshell Hero » Royal Marine James Conway a été honorée par un mémorial permanent dévoilé le dimanche 10 décembre 2017 dans sa ville natale de Stockport..(Lien)





John W. MacKinnon Mémorial
Portsmouth Naval Memorial.

Lettre (bleue) de remerciement de l'Ambassade de Grande Bretagne au Docteur Pierre Chavoix pour les soins apportés à John W. MacKinnon


Traduction officielle   (Lien)

AMBASSADE BRITANNIQUE.      
PARIS                      

1954/301/51                                                                                13 novembre 1951

        Sir Oliver Harvey
Ambassadeur de Sa Majesté Britannique
                                        à
        Monsieur le Docteur Pierre Chavoix
        La Réole Gironde


                Monsieur le Docteur,

                    L'attention du Gouvernement de Sa Majesté a été récemment attirée sur l'aide que vous avez apportée pendant la dernière guerre aux membres de l'Armée Britannique
servant dans les forces de la Résistance en Gironde.

                    En conséquence, je suis chargé par le Secrétaire d'État Principal de Sa Majesté aux Affaires Étrangères de vous exprimer la haute appréciation du Gouvernement de Sa Majesté pour les précieux et courageux services que vous avez ainsi rendus à la Cause Alliée.

Veuillez agréer, Monsieur le Docteur,
l'assurance de ma considération très distinguées
Sir Oliver Harvey


Extraits du livre de Robert Lyman sur Frankton à La Réole




















OPÉRATION SUICIDE Chapitre 16


    Dans l'obscurité et la confusion de la première nuit, Cuttlefish a été séparé de Catfish et Crayfish au niveau du môle du Verdon. Hasler et Laver les ont attendus dans l'ombre près des trois petits destroyers ennemis, Sparks soufflant à plusieurs reprises dans son sifflet de détresse imitant la mouette. Aucune réaction. Mais Mackinnon et Conway n'ont pas été victimes d'une sentinelle en alerte ou d'un obstacle sur l'eau : ce ne sont que l'immensité de l'eau et l'obscurité qui se sont alliées pour les séparer des autres. Lorsqu'il se rend compte qu'ils sont seuls, Mackinnon fait preuve d'initiative et décide de continuer en se mettant en quête d'une cache pour la nuit. Pendant les trois nuits suivantes, ils remontent sans encombre en amont. La nuit du 10 décembre, ils se cachent sur l'île de Cazeau, probablement à quelques centaines de mètres seulement de l'endroit choisi par Hasler, Sparks, Laver et Mills.     Des années plus tard, il est apparu que Cuttlefish avait été repéré par deux Français qui pêchaient sous le couvert de l'obscurité, malgré le couvre-feu.
     À 22 heures environ, lors de la seconde nuit du commando sur la Gironde, M. Raymond et son fils Jean sont installés aussi confortablement que possible dans leur barque après avoir déployé leur filet quand ils entendent un étrange bruit de battement qui se rapproche. Il fait un froid glacial et, craignant de voir arriver une patrouille allemande, les deux Français plongent sous le plat-bord, espérant que l'obscurité les protègera. Ce fut le cas. Ils observent en silence un canoë solitaire passer devant eux, à quelques mètres de là, les deux

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occupants se parlant doucement dans une langue qu'ils reconnaissent comme n'étant pas du français. Il ne faut que quelques instants au canoë pour disparaître dans la nuit, mais les deux hommes, effrayés par la rencontre, ramènent rapidement leur filet et regagnent la rive.
    Le récit de leur vision est resté secret jusqu'à ce qu'il soit révélé à François Boisnier, en 2001. La nuit du 10 décembre, quand Mackinnon et Conway quittent l'île de Cazeau, après trois jours de progression, un désastre frappe Cuttlefish. C'est le Hauptmann Heinz Corssen qui relate brièvement l'événement le 29 décembre, suite à l'interrogatoire des deux hommes. Il note que l'information provient de Conway, Mackinnon gardant obstinément le silence :

    Son premier lieutenant et lui-même ont un accident au Bec d'Ambès près de la confluence de la Garonne et de la Dordogne, au cours de la dernière nuit avant l'exécution de la mission. Ils ont heurté un obstacle immergé, qui était invisible dans le noir. Le fond est percé et le bateau coule. Ils sont contraints d'abandonner leur canoë, ainsi que les explosifs et le reste du chargement, excepté le sac contenant l'argent, les rations et les cartes.
    Ils ne sont plus en mesure de poursuivre la mission. Ils passent la nuit sur l'île de Cazeau où ils sont retournés à la nage. Un pêcheur les a ramenés dans sa barque jusqu'à la rive ouest de la Garonne, où ils ont trouvé de l'aide à Margaux. Le nom du village a été communiqué à tous ceux qui se trouvaient à bord du sous-marin comme étant un endroit où ils trouveraient de l'aide. Le prisonnier affirme que de là, son lieutenant et lui ont marché jusqu'à La Réole.
    Ils ont marché pendant trois jours en passant la première nuit à la belle étoile et la seconde dans une ferme. D'après des preuves réunies par la suite et fournies aux enquêteurs par Conway, Mackinnon et lui ont perdu contact alors qu'ils étaient dans l'eau. Ils n'ont pas nagé ensemble depuis la rive ouest de la Garonne et ils se sont retrouvés complétement par hasard dans
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un village le lendemain. Là, ils ont reçu l'aide de civils, ainsi que de la nourriture et des vêtements pour remplacer leurs uniformes trempés. Cette nuit-là, le 12 décembre, alors qu'à quelques milles de là, en aval, Catfish et Crayfish font leur approche finale sur leurs cibles à Bassens et Bordeaux un pêcheur du village où ils ont trouvé refuge les fait traverser jusqu'à la rive opposée du fleuve, jusqu'au Bec d'Ambès. Ils se dirigent vers le Sud et, après avoir traversé la grande route Bordeaux-Paris prennent la direction du Sud-Est, vers la ligne de démarcation où ils pensent être en sécurité. Corssen remet la parole de Conway en doute et se demande s'il dit bien toute la vérité à propos du “village des Français secourables”, supposant qu'il doit s'agir de Margaux. D'un ton glacial, il remarque : “ Le SD Bordeaux découvrira ce qu'il en est de ce village, mais des signes semblent indiquer que le Marine essaye de cacher le vrai nom du village pour épargner les Français.” Il ne fait aucun doute que les deux hommes ont reçu une aide considérable de la part de la population locale, bien que nous n'ayons aucune information sur ce qu'ils ont fait entre la nuit où ils ont coulé – le 11 décembre et le moment où ils ont été vus, cinq jours plus tard, dans le petit village de Baigneaux, sur la route entre Bordeaux et Sauveterre de Guyenne, à soixante-dix kilomètres de Margaux et cinquante kilomètres au sud-est de Bordeaux.
     Il paraît clair que Mackinnon et Conway ont décidé de ne pas prendre la direction du Nord, jusqu'à Ruffec - peut-être que la perspective de devoir traverser la Garonne et la Dordogne les en a découragés et de chercher plutôt à se rendre par leurs propres moyens jusqu'en Espagne ou de tenter de franchir la ligne de démarcation - très voyante sur leur carte - espérant rencontrer des membres de la Résistance qui les aideraient. Pendant son interrogatoire, Mackinnon insiste sur le fait qu'ils se dirigeaient vers l'Espagne.

Le 20 avril 1956, Hasler écrit à C.E. Lucas Phillips :
Je ne pense pas que Mac prenait de risque quand il disait qu'il se dirigeait vers Bilbao ; c'est la direction opposée par rapport à Ruffec, et cela pouvait signifier qu'il voulait lancer d'éventuels poursuivant dans la mauvaise direction. Il pouvait aussi bien avoir réellement l'intention de se rendre à Bilbao, suite à des informations qu'il aurait obtenues au cours de sa fuite. Je pense qu'il est quasiment impossible de deviner ce qu'il s'est passé avant qu'il n'arrive à Cessac. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il a été vu pour la dernière fois au Verdon, et qu'il n'a pas posé de mines à Bordeaux. Rien n'indique où il a accosté ni quand. Je pense qu'il est parfaitement possible que, se sentant coupable de ne pas avoir atteint l'objectif, il se soit délibérément écarté de la route de Ruffec pour nous donner plus de chance de nous échapper.

    Les dates concordent avec le fait qu'à partir du moment où ils ont été secourus et où on leur a donné des vêtements civils sur la rive ouest de la Garonne ou près de Margaux, les deux hommes ont marché pendant les heures d'obscurité. En supposant qu'ils aient quitté à pied le premier endroit où ils ont trouvé refuge, la nuit du 11, après avoir été transportés par bateau jusqu'à la rive est de la Garonne, ils se seraient trouvés à Baigneaux, épuisés et affamés, dans la soirée du 14. Suivant les cartes au 1:250 000 qui ont été trouvées sur eux lorsqu'ils ont été arrêtés, les deux hommes ont parcouru la bonne soixantaine de kilomètres jusqu'à Baigneaux en trois nuits. La suite des événements est racontée par François Boisnier, qui s'est entretenu, en 1999, avec M. Édouard Pariente, l'homme qui a rencontré Jim Conway, épuisé, dans le centre de Baigneaux, vers 18 heures dans la soirée du 14 décembre (1).     Pariente travaillait dans une carrière des environs et rentrait chez lui, après une longue journée de travail. Il commençait à faire nuit : Près de l'église j'ai vu un jeune homme qui avait belle allure dans

1 Pariente se souvient de ces événements comme se produisant le 16 décembre, mais d'après les preuves apportées par Jaubert, les hommes sont arrivés à Cessac le 14. Cela
devait donc avoir lieu le 14, ce qui correspond aux trois jours et aux trois nuits passées à Cessac, suivies de l'arrestation à La Réole le 18.

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des vêtements civils propres, mais qui semblait assez tracassé. Cela devait être un voyageur qui venait de descendre du bus qui était passé quelques instants auparavant. Le jeune homme s'est approché d'Édouard en lui parlant dans une langue qu'il ne comprenait pas. 
    Il a toutefois saisi le mot “English” que l'homme a répété à plusieurs reprises en se montrant du doigt.
    Pariente réalise que c'est un soldat anglais en fuite qui cherche un abri pour la nuit. Il le prend immédiatement en sympathie et se demande comment il pourrait l'aider. Tandis qu'il réfléchit, Conway fait signe à Mackinnon, qui se cachait non loin de là. Pariente remarque qu'il boite. Il est évident que les hommes ont besoin d'un toit sur la tête et de nourriture.
    Sa maison est beaucoup trop petite, alors il se demande si certaines de ses connaissances ne pourraient pas les aider. L'un de ses collègues, M. Pouget, accepte sur-le-champ de veiller sur les deux hommes; et le lendemain, c'est au tour d'un autre collègue; le surlendemain, un troisième collègue, M. Cheyraud, les escorte le long d'une voie ferrée abandonnée jusqu'à la fermette isolée de M. Louis et de Mme Louise Jaubert, près du village de Cessac. En 1967, Louise Jaubert raconte que Cheyraud lui a demandé de s'occuper des deux Anglais, et c'est ce que font son mari et elle sans y réfléchir à deux fois. Comme Clodomir et Irène Pasqueraud, ce sont d'authentiques patriotes, même s'ils ne sont membres d'aucune organisation de résistance. Leur fils Roland a été dans l'armée et, en 1940, il a été évacué de Dunkerque par les Anglais. Une famille de Douvres s'est très bien occupée de lui, mais dès qu'il a été rapatrié, il a été fait prisonnier et maltraité par les Allemands. Deux jours avant Noël 1942¹, nous avons regardé par la fenêtre de notre petite maison et nous avons vu notre voisin, Monsieur Cheyraud, qui arrivait en longeant la voie ferrée. Il était suivi de deux étrangers qui, nous a-t-il dit, étaient des Anglais qui


1 Ce n'est évidemment pas exact. La mémoire de Mme Jaubert lui joue des tours; elle a une semaine de retard.

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venaient de Bordeaux. J'ai éprouvé de la sympathie pour les jeunes hommes, mais nous nous sommes néanmoins assuré que ce n'étaient pas des agents de la police secrète allemande.     J'ai lavé leurs vêtements pendant la nuit. Mackinnon avait un costume bleu en satinette et, quand j'ai lavé leurs sous- vêtements, j'ai été soulagé de voir qu'ils étaient de marque anglaise. Pendant leur périple, Mackinnon s'était blessé au genou, la blessure s'était infectée et il avait du mal à marcher. Louise Jaubert le soigna du mieux qu'elle le peut. Malgré sa blessure, Mackinnon avait hâte de repartir - “ peut-être surtout parce qu'ils savaient tous deux quel terrible danger leur présence nous faisait courir”. Mme Jaubert se souvient qu'ils avaient dit vouloir prendre la direction de Bilbao, au nord de l'Espagne. Entre-temps, son mari essaye, sans succès, de contacter des résistants de l'autre côté de la ligne de démarcation, à La Réole, une petite ville sur la voie de chemin de fer entre BoRéolerdeaux et Toulouse.
    S'il était possible de faire franchir la ligne de démarcation aux deux hommes, ils auraient plus de chance de s'échapper.

    Mais il parvient à négocier avec un homme du coin pour qu'il leur fasse franchir la ligne, en voiture, à Langon et qu'il les dépose à La , où ils pourraient prendre le train pour Toulouse.
     Au bout de trois jours chez les Jaubert, les hommes font leurs adieux. “ Nous leur avons dit au revoir les larmes aux yeux, se souvient Mme Jaubert. Nous les avons embrassés comme si c'étaient nos propres fils - c'étaient de si gentils garçons. Plus tard, à notre grand désespoir, nous avons appris qu'ils avaient malgré tout fini par tomber entre les mains des Allemands.” Ils n'ont pas la moindre idée du sort qui attendait leurs visiteurs anglais.
     Quand il interroge les fuyards quelques semaines plus tard, il est évident pour Corssen qu'ils ont beaucoup été aidés pour arriver jusqu'à La Réole : « On peut supposer que les deux Anglais ont rapidement reçu des vêtements civils et de l'aide, et qu'ils ont atteint l'endroit où ils ont franchi la ligne de démarcation soit en train, soit en voiture, surtout du fait que le Marine porte des chaussures en

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toile très légère qui ne montrent aucun signe d'usure. Ils ont probablement dû franchir la ligne de démarcation près de Langon.” En 1945, Louis Jaubert suggère que Mackinnon et Conway ont passé la nuit après les avoir quittés (le 17 décembre) au village de Sauveterre, avant de franchir la ligne de démarcation. C'est le matin du 18 décembre que la très observatrice femme du chef de la police de La Réole, tout aussi avide de plaire aux Allemands, répondant au nom de capitaine Olivier, repère deux étrangers qui marchent en ville.
    Elle remarque qu'ils ont l'air perdu. En tout cas, elle ne les a jamais vus auparavant. L'adjudant-chef Jean Barbance et le gendarme Pierre Hennequin sont envoyés s'enquérir de l'identité des deux hommes et, bien à contrecœur, ils arrêtent Mackinnon et Conway. Dès que les gendarmes se sont approchés d'eux, il leur a paru évident qu'ils étaient Britanniques.
    C'est Hennequin, qui parlait bien anglais et qui faisait déjà partie de la Résistance, qui s'adresse à eux. Il observe que Mackinnon est clairement leur chef. 
    Dans une déposition faite le jour de leur arrestation, Hennequin raconte que ce dernier a expliqué qu'ils fuyaient vers le Sud, en direction de l'Espagne, suite à leur participation au raid de Dieppe en septembre de cette même année. Il parle ouvertement, admettant qu'ils n'ont pas de papiers, et il semble clairement avoir l'impression que comme ils sont en Zone libre, les Allemands ne représentaient plus une menace. Il le décrit comme un engagé volontaire commandant trente hommes qui ont débarqué d'un bateau sans nom à Dieppe, qu'il a été coupé des combats dans la ville et qu'il n'a donc pas pu être évacué. “ Quand nous nous en sommes rendus compte, explique Mackinnon, nous sommes partis dans la campagne, et depuis, avec mes hommes, nous sommes passés de ferme en ferme avec l'intention d'aller jusqu'en Espagne.”     
     Il insiste en affirmant qu'ils ont laissé leur uniforme à Dieppe et que des fermiers compatissants leur ont fourni des habits civils. Mackinnon s'efforce d'expliquer qu'ils n'ont jamais été capturés par les Allemands et qu'ils peuvent donc, à juste titre, être considérés


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comme des évadés par les Français de Vichy, ce qui leur vaut d'être internés ou, au pire, d'être emprisonnés. S'ils étaient des évadés, les autorités allemandes de la zone occupée seraient en droit de les réclamer comme ses prisonniers. 
    Assez confusément, Mackinnon continue en expliquant qu'ils avaient pour mission de détruire quelques usines et que, n'y parvenant pas, ils ont abandonné les explosifs qu'ils transportaient. La destruction des usines de Dieppe ? Certainement pas. L'objectif évident du raid était d'arracher le contrôle du port de la Manche aux défenseurs allemands, pour quelque temps du moins. Le fait que des explosifs étaient impliqués, avec des usines pour cibles, pourrait suggérer que Mackinnon et Conway étaient en fait des saboteurs et non les simples soldats qu'ils affirment être. Au moment de sa fouille, Mackinnon est en possession d'un couteau de poche de l'armée, d'une petite scie métallique, d'une carte Michelin au 1:250 000 et de 600 francs. Le rapport de police annonce qu'il a "un sac à dos contenant une paire de chaussures, une boîte rectangulaire enfermant quelques comprimés de fer et de vitamines, une autre boîte avec quelques comprimés de stérilisation d'eau, un pull et une paire de bas". 
    Ce n'est pas vraiment le contenu du sac d'un soldat parti en excursion pour la journée en France; il suggère plutôt une opération sous couverture. En tant qu'officiers de police expérimentés, Barbance et Hennequin sont inévitablement soupçonneux envers ces deux vagabonds anglais bien équipés. Leur rapport est un modèle de minutie. Mackinnon est décrit comme mesurant un mètre soixante-dix-sept, ayant les cheveux et les sourcils châtain clair, le front et le nez droits, une petite moustache et une bouche “normale”. Il a les yeux bleus,le visage ovale et le teint frais. Il porte un manteau gris sur un pull bleu, ainsi qu'un béret, des chaussures et des chaussettes jaunes. Les officiers de police remarquent qu'il boite légèrement à cause d'une blessure au genou gauche. Quand les hommes sont amenés au poste de police, Hennequin leur sert d'interprète. Il s'efforce tant bien que mal de les protéger de son chef, qu'il sait être pro allemand, en ne traduisant pas

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correctement; mais Olivier s'en rend compte et, furieux, menace Hennequin de le punir s'il continue. « Quand il téléphone à son colonel à Montauban, le colonel Olivier reçoit l'ordre de "résoudre" le problème des Anglais », ce qui signifie qu'il ne veut pas que les Allemands en soient informés, et de les laisser tous les deux continuer leur route jusqu'en Espagne. 
    "Quand il en est informé, dit Hennequin, le procureur est aussi pour taire l'affaire" On en est donc là quand, dans la matinée du 24 décembre, le téléphone sonne dans le bureau de l'avocat local, Marcel Galibert, qui vit et exerce au 89, rue Marcel-Badue, à La Réole.
     L'appel vient du bureau du juge d'instruction, le procureur public de La Réole, qui demande à Galibert de représenter les deux hommes au tribunal civil. Comme les hommes sont sans papier, ils sont en infraction avec l'article 2 du code criminel de 1938. Le procureur a du mal à expliquer qu'il veut que la loi soit appliquée dans sa forme la moins sévère, de façon à ce que les deux hommes puissent recevoir des papiers et être escortés rapidement à 250 kilomètres de là, jusqu'à la frontière espagnole. Il a choisi Galibert pour ses sympathies antigermaniques bien connues. À ce moment-là, Mackinnon est à l'hôpital et Conway en prison.
    Galibert leur rend visite. Conway porte des vêtements assez usés. En 1945, quand on demande à Galibert de raconter l'incident, il se souvient que Conway ne parle pas français et qu'il n'est pas disposé à expliquer ce qui l'amène à La Réole. Mais c'est surtout la situation de Mackinnon à l'hôpital qui alarme M. Galibert. Soupçonnant les deux hommes d'être impliqués dans des activités clandestines, il est inquiet quand il trouve Mackinnon dans une unité sans surveillance, parlant librement avec les autres patients et entouré d'une dizaine de jeunes gens qui lui proposent des livres, des cigarettes et des fruits. « Il m'a dit qu'il s'appelait Mackinnon et qu'il était officier, mais il n'a pas voulu me dire dans quelle branche, ni comment il a débarqué en France, ou comment il est arrivé à La Réole.
    Je lui ai fait comprendre que le juge d'instruction les a mis aux arrêts pour les empêcher d'être remis aux Allemands, et qu'ils seront probablement libérés le moment venu. J'ai dit que j'essaierai de les accompagner

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jusqu'à la frontière espagnole. Mackinnon s'entourer de D'après lui, on avait tort de laisser tous ces jeunes gens. “ Ils en ont parlé à leur famille et c'est peut-être à cause de cela que les Allemands ont été avertis de la présence des Anglais.” Hennequin est du même avis et remarque que deux des fils du capitaine Olivier font partie du groupe qui est allé voir Mackinnon à l'hôpital. “Toute la ville a été au courant, et cela a abouti à l'arrestation des Anglais. » Mackinnon demande à Galibert s'il pourrait faire parvenir un message à sa mère, au 22, Clarendon Street, à Glasgow. Le 29 décembre, l'avocat écrit un mot adressé à la Croix-Rouge, en Suisse, et que Mrs Mackinnon reçoit en avril 1943. Le message est le suivant :
Chère Mrs Mackinnon J'espère que vous allez bien, ainsi que votre famille. Ai vu John qui se porte bien et est en bonne santé. Bien à vous, Marcel Galibert

Opérations similaires

    Au cours de la seconde guerre mondiale, le principe de l'opération Frankton (infiltration et exfiltration d'un commando en kayak) sera une nouvelle fois utilisé de l'autre côté du globe, en septembre 43, au cours de l'opération "Jairwick". Lors de cette action, les hommes du SOA (Spécial Opérations Australia) attaqueront avec succès des cargos japonaise au mouillage dans le port de Singapour, à plus de 3000 km des côtes australiennes, envoyant par le fond sept d'entre eux, soit prés de 39 000 T.
    Fort de ce succès, en octobre 1944, le même commando mènera une opération similaire, mais de plus grande envergure, toujours contre les cargos japonais de Singapour (opération "Rimau").
    Hélas, cette fois-ci ce sera un échec complet et tous les membres du commando périront, dont dix par décapitation, à moins d'un mois de la fin de la guerre

sommaire-tous-les-articles 1 - Mémoire d'un "Gefang" 2 - Le Stalag XII A (Limbourg)  lien vers StalagXIIA 3 - Mon Premier Komm...


1 - Mémoire d'un "Gefang"
2 - Le Stalag XII A (Limbourg) lien vers StalagXIIA
3 - Mon Premier Kommando lien vers Premier Kommando
4 - Le retour des prisonniers à La Réole lien vers Retour prisonniers
5 - Une étude de Pierre Laville sur le Château des Quat'Sos lien vers Quat'Sos 
6 - Souvenirs de Georges Laclavetine lien vers Laclavetine

MÉMOIRES D'UN "GEFANG"

14 juin 1943, dans mon lit

     Pour la 1e fois depuis 3 ans je trouve le courage d'écrire mes mémoires de prisonnier. Je n'irai d'un trait jusqu'au bout de cette période si lente, où le cours des heures semblait parfois si visqueux, et je veux ne conter surtout les heures joyeuses grâce auxquelles n'en déplaise à Rougier : "la captivité valait qu'on la vive".

Les premiers jours 

    Châtillon s/Sèvre : Nous aurions bien rigolé, si l'on nous avait dit quand nous les attendions du haut de cette belle terrasse, que nous en aurions pour des années !
Pourtant une vague inquiétude me prit le soir de notre capture officielle quand je ramassais mon sac devant cette halle où nous avions passé 3 nuits - si ce n'était que le début d'une nouvelle phase ?
Cela débuta bien, marche de nuit sous la pluie, dans le pré de Maulévrier, marche à jeun le dimanche 23 juin pour arriver à Chalonnes vers 6h.

    Chalonnes : Grand terrain quelques peupliers, le hayon - nous  campons : Riederer, etc... puis décampons de nuit chassés par l'eau qui monte… les fossés servent de latrines.
Des tas de masques et de casques brûlent. Quelle horreur.
Les cuisines au bois vert. Les queues pour un peu d'eau trouble, de riz...
Nous quittons ce triste lieu pour Angers le mercredi matin - Nous abandonnons un plat de haricots sur le feu !

    Angers : Caserne  vaste et neuve. Briques rouges et vertes - Nous dormons sur le ciment, dans un grand hall vitré après la première  nuit  à la belle étoile.
Ravitaillement difficile. On a fauché mon ceinturon.  La journée passe à faire la queue, une queue record qui fait des retours et des boucles, on triche tant qu'on peut.
- Enfin le dimanche après avoir jeté les cannes ? c'est le départ pour Auvours.  

    Le Camp d'Auvours : Géographiquement Auvours avait pour moi un centre qui fut mon logement du premier mois, c'était le stand de la boucherie, minuscule cabane en ciment où s'abritait une bascule avec attenant une baraque en planches -mal jointes et pas d'aplomb.
Cette baraque nous fut dès l'abord sympathique pour un fonds de sac de haricots et une fin de bouteille de vieil armagnac qui s'y trouvaient par un de ces miracles comme on  n'en voit qu'à ces moments-là.
Je passai là mon mois de juillet, en compagnie de Bandore, Cassalle, Begue, Fren, couchant sur des bancs sur mon imperméable.
On bouffa longtemps des haricots à l'huile - On jouait à la couchede et je fis mes premiers portraits.
Nous avions adopté Augustin qui nous fut plus tard si utile : je rencontrai Saulière, j'allait "en visite" chez Bernardive (région Q) Paitel, Mounteil - Malgré les averses de pluie, malgré la dysenterie, les appels stupides, soir et matin, on trouvait la vie plutôt belle.

En août, le confort vint : on logeait  au "C2". Les premiers lits à étages - Nous avions une table sous les acacias, près de la porte aux visites. On y jouait au bridge avec Hulu (1er), Odette, Scheiner, etc. on y mangeait les pâtés, les tomates, le beurre et le camembert procurés par Amonières, avec Augustin Boucherie. On se faísait engueuler par les types du groupe qui se trouvaient toujours mal servis (soupe ou riz).
    Les portraits donnaient bien, à 15 f. pièce (ou en nature) l'un d'eux me rapporta un beau morceau de lapin ! Celui du chef cuistot, des biscuits et des boules de pain, etc.
C'est en août que I'on vit aussi nos premiers poux.. Mais Auvours avait une chance indéniable ; ses petits campements sous-bois, ses quartiers variés, ses visites on y menait une vie bourgeoise et optimiste.
    Je n'ai jamais fait de corvées.
    Un peu de travail au bureau, où je fus vite relevé - La fin août me vit membre de la troupe théâtrale, aux côtés de Bouilleau, Traverse Hommedien... Il ne fallait pas badiner ! en 4, 5 jours on montait une revue dont le dernier spectacle fut un triomphe. On avait aussi les conférences, la chapelle, les matches du soir, le cercle d'officiers, j'avais mon entrée partout ! j'avais même pu sortir 2 ou 3 fois pour portraiturer nos gardiens dans leurs baraques (Si j'avais su ! ). J'avais  surtout Partel et Bernardie qui me racontaient de splendides histoires réolaises.
       Les derniers jours furent un peu assombris par les départs séparés.. on craignait un peu qu'il y en eut pour l'allemagne..  mais la troupe théâtrale (plus de 100) resterait...
Parole d'offizier !                 
         

5 Sept. - 9 Sept. 1940 


Le Stalag XII A (Limbourg)

09 Septembre 1940
J'y arrivai un matin gris - Beau portique, beaux barbelés ; c'était sérieux - Pancartes annonçant que l'on tirerait à balle…- Premier discours. "Vous serez libérés qu'après l'écrasement des anglais"... C'était sérieux et même assez intimidant - un pessimiste se voyait là pour 2 ans. Je m'esclaffais. 

Incorporations, photo, immatriculation - on m'affuble d'un n° 28953...Jamais je ne m'en souviendrai ! Première nuit, à l'Aufnahme II - Seconde nuit à la 6 A, on retrouve : Boucherie, et je connais un collègue dessinateur, très gentil, très bavard…. Son nom ? Il a connu Tastet à Compiègne, Il crève de faim lui, déjà !

1e époque : XVIII B - la XIV

Je revois encore notre travée à cette triste 18B, humide et sombre... Baraques encore fraîchement bâties, mal installées, surpeuplées, incommodes - Presque jamais d'eau et rien à bouffer ! - Saulière dort près du mur, puis moi, Rougier, Cardon ... en face, Berker, Tatrel, Daude.. quelque part au-dessus Escoffou et tant d'autres oubliés ! - au bout de 2 ou 3 jours Saulière découvre Boé - je travaille tout le jour à des portraits pour un peu de pain, du tabac.. Odette achète des petites pommes vertes, très cher à la Kantine - Le soir, il va au marché - Moi je dessine La Réole de mémoire - Berquer bûche pour oublier la faim.. et j'ai mis des bleuets sur la fenêtre, dans un vase improvisé avec un étui à fromage.

11 octobre 1940

Épouillage, un jour de grande pluie, le 11octobre ? Et c'est la 24 B… Baraque animée sympathique où l'on a déjà ses concerts, le soir, aux lampions - ou l'on fait le dimanche des petits repas agréables, où l'on invite Scheiner. C'est l'époque où sévit "Mimile" et "la Vache", deux grands airs de la vedette Maurice Troublé où l'on entend aussi Napoléon, la Tosca..; Enfin le galfâtre Tricotet, absolument épatant dans ses imitations de Véniel, et tous ! 

Les galfâtres

Fin novembre, court séjour à la 16 B après un épouillage fameux où Odette se fit bien engueuler. Puis retour à la 24(a). Je n'étais pas de poil ! - Ce fut alors la très féconde période Galfâtre, ses concerts de  Noël, ses annonces radiophoniques, sa rue pittoresque, et le très spirituel "petit galfâtre" (Douillet secrétaire) les succès des "Cinq de Laville" : Chappe, Bourgeois Tetrel, Berquer et moi - Managers : Sauliere et Rougier. On s'amusait bien, et pourtant .... on bouffait mal, on dormait dans ses poux - J'avais un lit hideux au ras du sol, entre Odette qui élevait des remparts de carton et cet affreux sergent-chef de carrière qui passait ses journées le dos au poêle et ses nuits à tourner.

 Le bureau

     Le matin, Henri venait me chercher, quand je n'avais su passer seul. Il était bien 10 heures du matin et à peine le jour pointait -  je m'installai à cette table près de la fenêtre, dans ce bureau 24 (Feldpost) où défilaient chaque jour tous les employés, offiziers et dactylo. C'était assez gai et j'étais très fier de ma fonction. Heni, ou Haboute ou Rakowitch, ou Wilhelm me tenaient compagnie lisant, fumant ou causant, on voyait surtout tout Legina, puis Mariana que je trouvai très jolie et qui m'apportait du bon pain blanc.

"La PU" - j'y allai souvent aussi en ce premier hiver. Le meilleur client fut Wolkmann, un  brave homme très gai, très cordial 
- Quel bons cigares je vous dois mon cher M. Volkmann ! - j'allai pas mal aussi à la  W. baracke, souvent à la nuit après le bureau - Que j'aurais рu filer ! Mais où aller ? - Les soirées chez Boé vous avaient un petit air de famille bourgeoise. Un grand calme y régnait et j'avoue que parfois j'y aurais aimé plus d'animation et d'entrain - Mais on pouvait crayonner à l'aise, loin des gêneurs et surtout -il me faut l'avouer on s'y ravitaillait en biscuits, on dégustait un chocolat maison. - Et Claudel vous échangeait un pantalon sans difficulté ou vous refilait un gilet en peau de lapin.

Premiers spectacles
 
Nous fûmes grâce à Cardon très tôt dans les secrets du théâtre, on montait un orchestre, et même une scène à la 1B. J'avoue que les premiers essais sur de simples tables à la 1A étaient de fort belles choses, j'y allai le samedi, sous prétexte d'échanger des livres.

Je vis jouer Weiss dans "La voix humaine", très bien - Et les débuts des Kuake-brothers, très bien (en trio). Le meilleur était, peut-être Breux, pianiste-accordéon (de Tabarin). Mais Harry, le saxo, fameux aussi, et Bara (trompette) le plus fou des trois, le plus long à partir aussi. Ces 3 types, auxquels s'était joint un marseillais-guitariste, ont animé nos spectacles pendant plus de 3 mois. Gloire aux Kuackle-Brothers !

Fin décembre, la scène était montée - On donna longtemps un spectacle d'attractions, avec l'ouverture de Phi-phi, la Nuit de Mai, les brothers.. et José (inoubliable) en Violettera.  Ce pianiste si sympa et qui chantait du Trauchard, Trenet, etc... - L'année 41 débuta avec "Feu la Mère de Madame". qui tint l'affiche de longs mois. – Puis, le "commissaire". - L'orchestre Weber donnait de la musique de chambre... c'était la belle époque pour le théâtre - Sylvère, Rougemont, Weiss, José... étaient nos vedettes.

Premières sorties :

     En vue du "Salon du stalag" (15 Mars) on nous conduisit 2 fois à Limburg. C'était charmant. Cela dura jusqu'à l'été, le vieux pont, Ia cathédrale furent mes sujets favoris - je n'en ai pas gardé la moindre ébauche. J'ai tout liquidé.

2e époque : la Baraque 4

Février 1941

J'avais droit depuis longtemps à la très aristocratique baraque IV. Mais pouvais-je quitter Odette ? Vers la fin février on se décida. Nous nous installons à 2, rez de chaussée assez obscurs, dans le quartier polonais. Nous y vivions peu.  Le soir ou entendait "Radio Havar" et les chœurs polonais.

Après un séjour de 2 semaines à la 8B - baraque claire et sympathique, nous réussissons à avoir un double lit à la 4A - Exploit ou coup de veine on ne saura jamais - Mais ce fut le bon temps, pour de longs jours.

Cette baraque était animée par quelques gens d'esprit qui savaient tirer parti des moindres situations pour les monter en rigolade - Collot, Père Burin, Pétu 1er, Mario.- je vous dois les plus belles tranches de rire de ma vie ! Vos concerts du samedi soir vous avaient un "jus" qu'on ne retrouvera nulle part ailleurs.

Les fêtes de plein air

Quand vinrent les beaux jours ce fut encore mieux - Le royaume de Pétu 1er  monta des réjouissances pour l'extérieur. Ce fut d'abord en Mai le match international puissamment monté entre l'équipe de Pétu 1er (4A) et celle de la République Ovarienne (4B) - Nous étions (Garde et moi) раssés avec la chorale. Quel spectacle ! et quel triomphal retour ! Les équipes, les soigneurs, les choristes en ordre impeccable, gueulant la Pétulante….On  distinguait en tête, dans la lumière dorée du soir les silhouettes le Pétu 1er et du Président Havar chevauchant leurs civières.

Juin 1941

Puis ce fut "Les courses de Longchamp" et "la grande nuit".

Qui aurait pu garder une copie de cette magnifique annonce annonçant les fêtes et l'ordre du cortège ? - Il y avait des travestis en pagaïe  - chaque baraque, chaque service avait donné à fonds - un char romain, une auto, des cavaliers, l'académie des Beaux-arts, les petites filles, Troublé en pochard, les couples d'élégants, et les nuées de gendarmes, la fanfare, et tout.
 - Très belles courses aussi, très animées - Callet tenait le haut-parleur. Pétu, Comdou, le général dictateur de l'ancienne République ovarienne firent des discours épatants.

Au pesage, des toilettes splendides. Weiss ayant je crois des peines de cœur s'était abstenu. Mais on le vit à la "nuit de Longchamp" qui clôtura superbement la journée.

Le nœud papillon y était de rigueur - J'y était sur la scène, avec Lulu pour donner leur coupe au lauréats, on donna un radio-crochet que Sylvère anima de son mieux, mais où le sketch de Callot fut un beau succès.

Les départs 

Ces heures joyeuses m'étourdissaient  assez pour que je ne souffre pas trop d'avoir vu partir, Boé, puis Odette, puis Berquer. L'équipe Claudel se désagrégeait, Daudé, Galli, Pignet - les anciens combattants… Je patientais et croyais tenir un espoir.

Quand à la fin septembre Cluzeau, Constant, Sandring furent partis, je compris que j 'avais été roulé -

3e période : la 9, l'Aufnahme, etc... 

La fin de l'été fut assez calme à la 4. Les grands animateurs étaient partis; on donna pourtant un très bon morceau joué par les gars du Nord - le quartier des peignes-culs était un des plus gais -

Mais quand, au mois d'octobre (11 oct) je fus viré de mon bureau, ce fut le début d'une période amère... Viré de la 4 à la 9, puis à l'aufnahme, je ne savais où me poser ; je vivais beaucoup au théâtre, mon seul refuge pour oublier mes peines.

Le théâtre à la fin 1941
Depuis le "Commissaire" on avait donné "Le Mariage forcé" gros succès des routiers - Puis le "Prologue" de Bergelin avec un très beau morceau de l'orchestre Andouy - Enfin "On ne badine pas avec l'amour" gros succès pour Zeimer & Vanacker. L'année se termina avec le "Paquebot Tenacité" et " le Voyage à Biarritz", montés par Letellier.

Le coin des peintres 

    Pendant tout l'été, nous avions notre coin des peintres. - Cluseau, Constant, Piessal, Fernand étaient les grands animateurs - Cela nous valait des pendaisons de crémaillères mémorables... notamment dans les lavabos de la 2B où peu à peu on s'était fait un nid, parmi les caisses et les châlits - Mais le plus chic refuge est celui que Piessal et Pautel montèrent dans le recoin de la bibliothèque - c'était intime et doux...malgré les froids précoces on y passait de bons moments.

L'AUFNAHME l'artisanal.

En novembre je m'installai à l'aufnahme. Triste milieu… égoïsme & médiocrité ! Le "ton" était donné par Troublé, chef de service et par Chigné, chef de groupe - n'insistons pas.

Pendant 3 longs mois d'hiver, on "leur" fabriqua des tableaux ignobles de fleurs, de montagnes, de nus... plus c'était grand c'était beau... Sureau fut pour cela sacré 1er peintre-stalag. Si la France redevient libre il faudra parler sérieusement de l'art au stalag et remettre les choses au point.

"L'âme sœur", en ces heures sombres était l'ami Gauthier Albert, dont je salue ici le talent... et la patience à supporter des spectateurs dans son dos.

Ma consolation en ces heures pénibles était que grâce à Rougier, je bouffai épatamment, c'est qu'il en recevait des pâtés, et du jambon, et des fromages... et des pieds de cochon dans du beurre - chaque soir j'étais à la 4, près du fourneau - Et ce n'était guère commode que d'atteindre la bonne place.

Noël 1941

     La 4A était magnifique. Petits sapins, lampions, bougies.. J'avais reçu un peu de gnôle. Je fus au spectacle, puis à la messe et Rougier fut content je crois. Mais à la 4 B ce fut encore mieux, le 31 Décembre - Une des plus belles soirées stalag. Très belle décoration, très bons numéros un sketch (hélas) trop réussi - Marseillaise, Brabançonne - Hymne polonais - Cela nous valut des sanctions et une longue disgrâce.

La 4C 

Un mot ici sur certaines soirées, d'un caractère un peu "spécial". Ceux du stalag me comprendront. Mais cela avait un jus très réussi - On y vit un bar très bien achalandé... et de beaux uniformes (Pétu 1er l'inaugura) et ces "dames" avaient de bien belles toilettes, fort excitante parfois.
- Pour Noël 41, je sais que c'était encore très bien - Puis cela tomba à peu près complètement. 

Janvier 42 

    Ce début 42 fut marqué par des froids terribles. J'avais loupé encore le départ... Le marasme continuait - à cela s'ajouta la dissolution officieuse de l'artisanat. Nous décampâmes à la 12 -  Je dormis une nuit à la 7, puis Schranz consent à me mettre à la 15 - Me voilà donc rapatriable... mais à vrai dire n'avais point d'espoir.

Un beau jour on me renvoya à la 9 avec la troupe théâtrale, j'aimais assez cela. J'avais en ce temps Durieu, Sauvignon et le "petit", avec qui on déjeunait de bon café et de biscuits.

4e Période : les non-volontaires 

En Mars, on me file à la 8A, puis à la 16A - L'amitié de Gautier me soutenait et nous gardions l'espoir qu'on ne pouvait faire sans nous au cамр ! Pauvres de nous. !

Ca, ils y mirent les formes - le sourdingue venait presque chaque jour nous offrir des Kommandos faciles. Personne n'avait l'air d'en vouloir, mais en fait cela filait.. Quand on vit partir les "huiles" du  théâtre, cela m'inquiéta. 

Mai-Juin 42 - J'étais toujours "ohne Arbeit" la fête des 6 jours, 3 fois remise pour être finalement loupée n'avait évoqué que de très loin les splendeurs défuntes de la cour de Pétu 1er - Et puis, il y avait du départ dans l'air. On vivait à la 2, dans l'attente du départ... après avoir consulté Cottier, Léporati... je choisis le Kdo/1296, avec mes amis Rodrigue & Vanhessche.

EPPENROD (18 Juin - 4 Juillet 42)
(voir par ailleurs)

5e Période : Baracke 6. La Maison Eckert

Revenu d'Eppenrod, je dois à une veine intense d'avoir pu passer à la 6, alors que c'était reconnu impossible, grâce à la complicité de M. Eckert, mon futur patron.

J'arrivai chez lui le 13 juillet au matin, je suis accueilli par Maria, souriante et par "Wina" qui m'initie à l'épluchage des patates - Vers 9 heures apparaît André, puis la patronne avec ses clefs et sa maladie de cœur - André est très rigolo.

André était bien dans la note. Il aurait fallu que je lui ressemble un peu - J'étais trop lent, trop minutieux, trop silencieux et surtout pas assez peloteur, au moins à votre goût ô Frau Eckert.
Et vous, vous représentez le type de femme qui m'a toujours le moins plu, brusque, vulgaire, désordonnée, bruyante, redoutable par ses sautes d'humeur, par ses caprices voulant tout faire et tout savoir, remuant tout, détraquant tout sans la moindre suite dans les idées - Comme la maison allait bien quand vous n'étiez pas là ! Car vous aviez un personnel choisi, et qui s'y entendait à faire son travail malgré vous ! - J'ai été pendant 5 mois votre serviteur passif et dévoué - j'ai épluché des tonnes de patates, astiqué les couteaux, fendu du bois, allumé les feux, ciré les parquets, roulé des fûts, rincé des bouteilles, - tout cela à bâtons rompus et vous n'avez pas votre semblable pour alterner les travaux de force avec les besognes minutieuses, ni mêler les ouvrages délicats à ceux qui salissent les mains.

Mon grand travail -ou mon grand repos - était la peinture - Je crois avoir réussi à vous convaincre vous étiez très douée en peinture - Mais vous avez pu aussi vous rendre compte de la lenteur avec laquelle je peins. Parfois pourtant je m'oubliai à faire une esquisse sur papier en quelques minutes ... mais vous pouviez voir avec quel soin je la tirai sur papier quadrille pour la reporter ensuite sur la toile. 

Enfin c'était le bon temps ! J'ai passé chez vous des journées calmes...trop calmes souvent ; j'avais perdu le goût à vivre seul et je me souviens que les après-midi. me semblaient longues, dans votre grande salle où se dressait mon chevalet - Je vous ai peint pourtant plus de 10 toiles et aquarelles pendant ces cinq mois. Ce fut pour vous un bon rapport.

Voici une liste approchée : 19 en tout avec les bis 

1. Den letzte Maun (huile, copie)
2. Vis de Diez  (à l'eau) Format  80x100
3. Id
4. Titisee (Huile, d'ap. une carte postale)
5. Portrait de la femme du coiffeur ( avec qui vous vous brouillâtes)
6. Un grand vase de glaïeuls (à l'aquarelle)
6 Bis. tire le pot de cyclamen (aquarelle et pour une fois d'après nature !)
7. Une affreux vase de roses avec 2 livres
8. Le même pour votre oncle
9. Le même pour M. Schranz
9 bis. Un affreux bouquet que j'avais déjà peint pour Kotalik
10. La bergère, d'après Millet (que d'histoires !)
11. Königsee (encore une brouille)
12. Une vue de Montagnes, avec chalet
13. Une autre vue, avec un christ
14. Un vase de fleurs, pour votre amie
15. Une vierge à l'enfant, d'après Murillo
16. Un petit portrait de l'ami de votre amie
17. Un bon dessin au brou de noix : "Le Rêve du Prisonnier"

Cela fait plus de dix en effet ! et j'omets les petits portraits, études, croquis abandonnés chez vous avec mon matériel - je m'en fiche d'ailleurs complètement.
Cela n'avait à mes yeux aucune valeur - Mais vous devez penser avez fait en m'ayant, une bonne affaire.

La vraie bonne affaire pour moi fut de prendre chez vous quelques précieux kilos.. que je n'espère plus revoir - J'avais chez vous l'illusion d'être parfois en pension chez des amis, que je payais de "quelques coups de mains", de quelques services. Je voyais défiler des visages jeunes, parfois sympathiques - J'étais dégagé de toute responsabilité.

J'avais beau peindre des horreurs, la cuisine pouvait brûler, la maison retentir de vos cris, la machine à laver, les Water se détraquer, je me fichais de tout royalement – Et le soir je contais vos misères à mes compagnons de route réjouis...
Du coup, c'était charmant. Un lieu que l'on quittait 10 heures par jour pour n'y passer que la soirée et une nuit, n'avait plus rien d'une prison.

Les samedis, week-end et les dimanches, douche, gd messe, théâtre avec croquis. J'étais connu, fêté, aimé, un peu partout - J'avais la confiance des milieux les plus cotés.

Cette fin de captivité fut une apothéose - Je dois pour finir évoquer la mémoire de Vende Marcel à qui je dus des heures d'intimité et de fraternité sincèrement partagées. Vendé Marcel n'avait pas son pareil pour ramener du bois, des patates, des pommes, jusqu'à de la gnôle ! Ni pour confectionner des gâteaux de biscuits avec des pâtes de fruits !  et de tout de bon - Tant qu'on mangea avec Rougier & Bourito ce fut très bien - après le typhus, quand nous fûmes seuls à la baracke, cela perdit peut-être en variété, mais notre intimité y gagna... On se faisait des repas express avec des patates à l'ail et au poisson, nouilles haricots, et surtout chocolat épais aux biscuits - Et tout en s'en fourrant jusque là, on dressait les plans de la future maison de Capian - Pauvre Vendé Marcel ! quand pourrons nous réaliser le rêve  de ces heureux moments

En 42, la troupe théâtrale fut privée de Zeimet - Mais le reste des acteurs resta sans changement, sous la direction de Max Jolly - avec Teuton, Yahya, St Georges, Rougemont, Vanacker, Freis* comme vedettes de premier plan
*(blonde aux mœurs douteuses, rôles féminins)
On donna entre autres :
- Un type dans le genre de Napoléon (fin 41)
- Noël sur la place (par les routiers)
- Œdipe Roi en avril mai (?) Azais (énorme succès)

en juillet : une revue assez inégale, avec tours de chants à la mode 1900 (Yaya-Mayol, Freis-Mistinguett, etc..) en octobre : - Les deux timides
et - Il ne faut jurer de rien, avec comme grosse nouveauté, les décors et maquettes de Lamy
en novembre, - Le Grand Large, pièce très dure et gros succès
en décembre : - La rente viagère
et - Pour avoir Adrienne, de Verneuil encore, mais moins bien qu’Azaïs.
Enfin on travaillait au «Barbier de Séville» quand je partis en fin janvier.


Mon Premier Kommando

        C'est une grande baraque, construite un peu à l'écart du village, qui doit servir de salle des fêtes - Une scène, un cheval d'arçons, table de ping-pong… Le fond de la salle est le dortoir des prisonniers - Fenêtres à grands barreaux de fer… je ne m'y ferai jamais ! - Un seul robinet pour 21 - les "serviettes" suspendues à des clous - Les lits pour 2, sont aussi laids qu'au stalag, et en bois brut - Les couvertures ont des teintes gaies, tissus fleuris, rayé… le rose domine. Le soir il faut laisser son pantalon et ses chaussures dans la  pièce à côté (à cause des évasions). On laisse aussi ses conserves et même tous les objets "personnels" en principe du moins.

        Le matin vers 5h1/2, parfois avant, "auf stehen!" рeu à peu  on s'étire, on se lave en grognant une rengaine, et très vite ou s'en va, traînant le pas dans le village - On  ne se reverra que le soir.

        9 h du soir, on rentre par 2 ou 3. Moi je suis souvent prêt dès 8 heures, mais la porte serait fermée - on parle un peu, on se lave, on boit de l'eau sucrée et vite on se couche, - J'ai rarement vu éteindre la lumière, j'avais besoin de dormir.
Les histoires avec le “Wachmann” sont la chose la plus courante et la plus pénible - Nous en avions un médiocre - Celui qui lui succéda était infernal -
Le village était charmant… Maisons blanches, roses, crèmes (couleurs de dragées) coiffées d'ardoise mauve, ou vert de gris, tout cela enfoui dans un vallon vert et sous un ciel gris bleu avec beaucoup de flocons de brume blanche - On aura aimé voir ce qu'en aurait dit Francis Jammes -
        Chaque maison est en charpente comme dans nos vieux coins de France - Les bois se détachent en noir sur l'enduit blanc - Les portes ont des airs vieillots - Les étables sont en briques cadmium clair -
        Un charmant clocher roman émerge de la verdure - Mais l'église - qui est un temple évangélique - a de vastes fenêtres et me semble sans intérêt.

La Maison Roth
        J'y arrivai jeudi 18 juin vers 7h du soir - La mère discute avec le Wachmann - Visage dur, un œil pleure, la main tremble…
        La dame me sert à manger : tranches de jambon et café. Elle a l'air d'une vieille fée - Le père est un grand sec de 70 ans ; il porte une goutte au nez et fume du tabac haché à gros morceaux.

        Les repas sont lugubres. On sert la soupe, ou les Kartoffel dans une bassine ; chacun puise, c'est toujours très fade - On ne boit jamais au repas de midi.

        Le silence est de rigueur. Mais on n'entend que mieux les bruits inévitables qui accompagnent la mastication et la déglutition, el que personne ne songe à dissimuler - à ma gauche, le vieux mange exactement comme un cochon, pour le bruit et la quantité - Il rote - La vieille renifle sans cesse, gémit, hoquète - La mère tremble en se servant et pleure de son œil ; elle mange à peine car 2 fois elle a dégobillé au champ - Elle renifle et rote moins souvent que les autres, mais plus fort.

        Je me distrais сomme je peux en examinant  la pièce où nous mangeons, c'est sûrement la plus belle de la maison : murs badigeonnés en bleu pâle avec d'affreuses choses au pochoir en vert et orange - Un poêle émaillé vert, dominé par un “séchoir” (pour l'hiver) - Un fauteuil sans doute très ancien (Régence ?) mais mal recouvert puis la machine à coudre, une affreuse jardinière en osier, comme en font les Bohémiens, un lit, chaises en bois, secrétaire, enfin la table, la banquette où je m'assieds, les souvenirs aux murs, 2 pots de fleurs sur la table, un suspendu et l'abat-jour de la lampe électrique (prix 4 RM 80 !) vert et crème, enfin les 2 fenêtres aux rideaux blancs, avec le cep de vigne qui les sépare - Le plancher très vieux, peint en rouge.



        Le pire des travaux, ce sont les vaches - J'en ai quatre, dont une enceinte et un jeune veau qui me lèche, plus ma pauvre vieille chèvre qui ne sort jamais, pas plus que les 3 cochons - Mais je n'ai pas à m'en occuper - Les vaches, c'est le gros boulot - On les prend en arrivant puis à midi (souvent au dessert) enfin le soir quand on rentre fourbu -

        Ça commence par la corvée d'eau - On présente à ces dames un seau d'eau ; si elles ont soif, ça va… elles boivent jusqu'au fond qu'elles usent de leur langue - Sinon, elles boudent, frottent leur museau aux parois extérieures et chavirent le tout - (engueulade) 

        - Ensuite, c'est le fourrage.. je leur en fous à pleines fourches, à plein bras, ou à pleines corbeilles... Il faut éviter les coups de corne, de langue, de queue ! Qui trouvera le moyen de fixer la queue des vaches afin qu'on ne  la reçoive plus en plein virage... Moi je mettais la corbeille ou la fourche devant, afin que la queue prenne un bon coup !

 

        Enfin, le dessert ! Il faut retirer la crotte… Le problème consiste, avec une fourche usée à 4 dents, de soulever des matières molles, fugaces et des brins de paille.. en prenant le plus possible de matière et le moins de paille possible.. Vous qui vous moquerez de moi un jour, essayez donc un peu... La merde est posée sur un lit de paille.. il faut retourner le tout, ôter la paille sèche et emporter la partie molle - C'est un défi au bon sens voilà tout...
        Je sais bien que les gens calés vous glissent d'un coup sec la paille sous la crêpe, et vous enlèvent ça comme une galette du four. Moi j'ai tout essayé en vain, je faisais de savants édifices où les parties solides devaient servir de base aux parties molles, le tout consolidé par des couches de paille…
        J'avais beau emporter le tout sans secousses, d'un mouvement continu et réfléchi; toujours, en passant le seuil de l'étable, la majeure partie de mon butin s'effondrait du sol avec ce bruit mou, bien connu de ceux qui sont allé dans une étable.



        Joignez à ces méfaits les mauvais outillages, la chaleur, les mouches, et le fait que toujours une vache au moins sur 4 était atteinte de diarrhée.

        Autre boulot sans joie, la paille à hacher.
- Une vieille faux tenue par un clou... C'est là dessus qu'il fallait trancher la paille, au grand risque de se couper un doigt - Le lapin, les poules se chargeaient de disperser cette paille.

Le bois

         C'est le boulot des heures vides, ce qu'on me donne les jours où l'on veut m'occuper sans aller aux champs. Mais là aussi que de déboires… Il faut taper au milieu du bois, et en plein cœur ; les nœuds, les éclats de bois sur le tibia, autant de choses redoutables. Et c'est ce qui donne le plus d'ampoules aux mains. 

        Le travail aux champs avait souvent plus d'attrait - Le premier jour, cela commence par la corvée de fourrage - 

        Le vieux Roth attèle sans se presser, on monte les vieux mauvais chemins, à travers des champs de blé, d'orge, de seigle piqués de pommiers (sans pommes) - Toute cette belle nature épanouie me ravissait… J'en avais si peu vu en 2 ans.. On arrive aux champs de trèfle

        Le vieux fauche et me laisse le râteau - Les fleurs de trèfle violet, les graminées roses, les boutons d'or font une harmonie de couleurs somptueuses, mais je comprends vite que je ne suis pas là pour admirer. 

        Tout ce fourrage humide  "pèse" terriblement au bout de la fourche quand il faut le hisser dans la charrette. Au retour, je dois serrer la vieille ferraille au signal "Zu"  et je le fais jamais assez vite.


        "Hagen Kartoffeln" c'est réputé pour un travail je m'en tire pas trop mal ; c'est ce qui me rappelle le plus mes petits travaux de jardinier amateur - Mais à la fin j'étais bien éreinté... Tous ces petits chardons ont vraiment bon vouloir de réussir à pousser, ainsi que les liserons, prêles et autres plantes coriaces qui ont toujours été combattues et ont quand même survécu. 

        A proximité du champ, sont des bois de hêtre ou de sapin magnifiques. Ils ont un écho que je n'avais  jamais si bien observé... J'aimerais  y vivre de longs jours-

        Du haut de ce tertre où nous allions les premiers jours, on découvre aussi un des plus beaux panoramas que j'aie connus - les champs succèdent aux bois, et parfois un village apparaît tout gris dans la verdure.. les plans y sont admirablement détachés, grâce à ce dégradé que fait la brune toujours accumulée dans les creux qui fait se détacher en plus foncé la crête toujours bizarrement découpée des hauteurs... Ces derniers plans n'apparaissent jamais tout à fait et se confondent souvent avec les nuages.


Le foin 

    La semaine où j'arrivais était celle des foins et en même temps celle des plus longues et des plus dures journées. On ne pouvait souhaiter mieux pour débuter. La faux me m'allait guère. J'en ai pourtant fait un peu, et le  père Roth était presque content - Mais pour retourner le foin à la fourche ou au râteau, je n'avais vraiment aucun don. 

    - Ce n'est pourtant pas bien malin sans doute, les femmes, les gosses, tout le monde y excelle…

    On va là comme à une partie de plaisir ! Les jeunes femmes ont des robes claires, de jolis tabliers bleu ciel et un foulard  blanc, rouge, ou en tissu fleuri.  De loin toutes ces notes vives. rappellent celles des casaques de jockeys sur l'herbe verte - Le seul plaisir pour moi, c'est la charrette, la grande charrette transformée en "cage thoracique" avec un éventail à chaque bout - Quand on revient, je m'étale avec délices dans le foin moelleux, je ne vois que le ciel et le sommet des arbres.. Je souhaiterais que cela dure, je sens à peine les fossés que l'on franchit et je n'ai point peur que cela chavire, car on passe souvent sur des pentes dangereuses. Je m'y suis endormi souvent.

    Mais à l'arrivée il y a la corvée de déchargement. Quel boulot !  Là, rien à faire pour flemmarder - L'un me tend des fourchées énormes que je reçois à la fenêtre, pour  les transmettre à celui qui les étale - La poussière, la chaleur tout s'en mêle - J'ai eu vraiment certains soirs l'impression de n'y plus tenir… 

Et  pourtant cela a fini comme tout finit  (Cela m'a donné du cran pour la classe !) quand on commençait à voir la "cage", j'étais étonné que ce soit si tôt fait..


18 juin - 4 juillet 1942 : vagues espoirs

Histoire d'une "relève"

    C'est vers le 25 juin à Eppenrod qu'un nouvel arrivé nous apporta le "Bouteillon de la classe" - on n'y croyait guère mais les journaux locaux en parlaient ! - et le vendredi 3 juillet au soir, quand le Wachsmann m'annonça mon retour au camp, je croyais déjà que c'était pour ça (!)

Espérances :

    Après 3 mois de calme, j'apprends par Paul qu'il est nommé balayeur chez Sr.
Voilà mon imagination en train… C'est une porte ouverte, en tout cas… Je rédige un billet - car le typhus nous retient - et les derniers jours d'octobre me voient assez optimiste.

    Un dimanche, sans doute le 22 Novembre, je suis venu par hasard à la baraque. 
- Paul (III) m'arrête : L. veut me voir au bureau. Grosse émotion ! Que me veut-il ? la classe évidemment ! Eh bien oui ! Il affirme même. "C'est pour le 5 décembre". Je reviens tout tremblant me remettre à table, gardant le secret - Mais je l'avouerai 2 jours plus tard à Vendé..

Précisions

    Le mardi 24 Novembre fut un bien beau jour - Je lavais la vaisselle et m'apprêtai à aller faire une course en ville quand S... vient à la cuisine et annonce à Fr. Eckert que je partais le 5 Décembre pour la France ! 

    La patronne fut presque aussi émue que moi.
Dehors je ne voyais plus le trottoir, l'air était bleu, les maisons de Diez me riaient au nez et la Lahn était fraîche et rose.

     - L'après midi se passa à préparer fébrilement 4 châssis pour faire en vitesse les derniers tableaux.

Marasme

    Cela dura bien 8 ou 10 jours au plus ! Les convois de décembre ne comprenaient que des rappelés de Berlin - ce fut une période amère et noire - je m'apprêtais à fêter Noël dans mon lit.

    Un samedi soir, le 19 Décembre, je faisais un croquis de la 6A, d'assez mauvaise humeur quand Paul m'appelle pour une nouvelle me concernant - 

    Je bondis au bureau - Il y avait du bon, mais chut ! Je passe une nuit cependant calme - 2 ou 3  jours après, c'est Callier en personne qui m'annonce que je suis proposé et qu'il a même failli avoir une histoire sans gravité heureusement - Serait ce donc vrai ? J'en parle à Bourillon et à Rougier. 

    Le réveillon splendide consacre mes espoirs.

Attente

    On parle d'un départ pour le 29, mais personne n'y croit - Pourtant le lundi 28, alors que j'ai travaillé comme à l'ordinaire, on nous dit en rentrant que les "Relevés” passent à la 12. -

    Mardi 29, Paul, Bourrillon, Guérin, Rougemont et tous les 2,0 partent pour Trèves.

    Une nouvelle vie commence pour moi, où je n'aurais guère de peine à tuer le temps ; croquis, portraits s'accumulent bien que je ne sois guère “moi-même”.

Les derniers jours

    Du 29 Décembre au 22 janvier, il y  a 3 semaines, et 2 jours - Mais ce fut bigrement long -

        Au début je couchais à la 6 - Après l'appel du soir je retrouvais "Veudé"  et dès 7h, je me retrouvais à la 12. Quand il fallut coucher à la 12, je n'étais pas plus mal, mais que de tousseurs la nuit ! - Et que d'histoires - La fouille, l'épouillage ne sont que des formalités, assez agréables dans ces conditions.

    On nous annonce que faute de transport il faudra attendre quelques jours encore ! 4 jours sans espoir précis, c'est mortel - Enfin, mercredi 20, ce brave Klein m'assure que c'est pour “übermorgen,10h”
Et ce fut vrai !

Le départ

    Jeudi 21 janvier - Matinée à l'artisanat - Je dois surveiller, les haricots - à midi ½ ; je vais à ma soupe... Bruits de fouille, épouillage p.  l'après-midi.  Je retourne à l'artisanat en vitesse - adieu Duprat, Labarrere. Ce sont les derniers instants. Ma vie au Stalag est dans le coma - Je suis désormais une unité dans un compte qui sera pointé, recompté bien des fois par des gens de plus en plus galonnés.

    8h du soir - Je commence mon dernier dessin de baraque, avec l'espoir (pas trop certain) de l'offrir à César - 8h1/2  alerte.



    Nuit pas trop calme, malgré les sages conseils de N. Henri - Réveil à 5h - Sur la strasse de 7h 1⁄2 à 9 h 28. Passage devant les baraques, Cellier sur son perron, Paul, Villars, et les bureaux Chapelain avec une “mädchen” (hé? hé ?) Mounier et son sourire. Rougier n'y est pas. 

    Beaucoup de verglas. On prend un sale chemin gelé. (Mais ce serait pire sans gel). Nous trouvons avec joie nos vieux wagons français. Francis et moi sommes seuls dans un compartiment.

    Le train démarre, à 11h39. 
Décidément, je sais encore voyager, depuis près de 3 ans que je n'avais fait un voyage en wagon de voyageurs, j'aurai cru… mais non, je me suis fait un petit nid dans un bon coin en face de mon ami et "valet de pied" Francis (Hl.  Plaza à Nice) qui est le compagnon idéal.

    Hier, malgré le brouillard j'ai dit adíeu à Limburg au camp et à la route que je faisais matin et soir - Diez m'a paru plus joli encore depuis le train - J'ai entrevu mon bistrot "Zum Eisen Wirt"; et à la sortie du tunnel la petite ville avec ses 2 ponts était plus jolie que jamais. 

Le brouillard se lève un peu.

    On voit dans une lumière nacrée des patelins charmants sur les bords de la Lahna rivière est souvent étroite, encaissés de loin en loin, une écluse - J'ai vu tout un village de conte de fée avec ses maisons roses, bleu ciel, vert amande ou jaunes, bien alignées en rond au bord de l'eau comme des enfants sages et montrant leurs pignons pointus comme des museaux.

    J'ai vu un Bad Ems d'hiver, beaucoup d'hôtels très sympathiques, cela semble simple et chic - J'y reviendrais volontiers même sans asthme ni catarrhe. 

    Koblentz, très grosse ville, belles maisons, cathédrale énorme, le style de Limburg, en mieux probablement.
Et tout de suite la Moselle qui m'avait enchanté en Septembre 40  - La verdure est absente hélas, mais on peut toujours voir les rives élevées et si joliment découpées de coteaux rocheux, avec de la vigne on ne sait comment accrochée. Les vignerons de ce pays doivent avoir du souffle - Toujours de jolies maisons aux pignons coquets, et des châteaux les plus vieux comme des (??) sur des pitons rocheux commandant les vallées, les plus neufs bâtis au bord de l'eau, en pierre noire ou brique sombre.

    Ils formaient un premier plan idéal devant le fleuve et les coteaux gris bleus et roux - Souvent la dentelle noire d'un rideau de sapin vient ajouter son curieux contraste.

    Nous quittons la Moselle bien avant Trèves, et traversons un plateau, sans intérêt - D'ailleurs la nuit m'empêche de voir la Lorraine française, Metz, Nancy... où nous passons de nuit. Des personnes dévouées nous offrent à Nancy vers 2h½ sandwiches, cigarette, du lait ou du bouillon.

Samedi 23 janvier - 6h.

    J'ai bien dormi, calé entre mes caisses, mon sac, ma musette - On ne voit rien dehors - Le jour se lève sans hâte sur des paysages insipides : Is sur Tille, le plateau de Langres, Dijon même que nous contournons me laissent froid -

9 à 10 h 

    Un long arrêt après Dijon me permet de faire un excellent portrait de Francis. La Bourgogne m'apparaît assez semblable à notre plaine de Garonne du côté de Preignac, et encore l'ensemble est bien terne - Pas une maison gaie - On voit une ligne de coteaux aux vignobles fameux Beaune etc.

Chalon-sur-Saône
    11h30 = gare de Marchandises - En ligne sur 3 ; distribution de pain bis, tranche de jambon et d'excellent café.
    3 h Macon  : Fanfare, drapeaux ! sympathie et cordialité.
Les jeunes gens de la batterie, blouson et culotte vert sombre, bande blanc sont tout à fait bien - Soupe, ragoût de pois et rôti, confiture, pinard, café, 5 cigarettes, télégrammes…

Bravo Mâcon !
(...) - Nombreuses infirmières faisant la haie. Beaucoup de curieux. Confiture, biscuits, pinard - Mais Mâcon était plus touchant - On rembarque pour Sathonay-

    Camp de Sathonay
Arrivée vers 8 heures ; baraque 231 - Souper au réfectoire - Soupe, pâtes, viande, pinard - J'en ai la tête chaude (3 quarts de pinard pour l'après-midi) je me couche tôt. Paillasse, 3 couvertures-

Dimanche 24 janvier

    Réveil aux rudes voix des Landais et Pyrénéens, (“Hé - Diou Biban"). Toilette, balade au grand air.
Un petit vent du Nord souffle.. Ce camp offre quelques curiosités de style militaire à prétentions modernisante : le stand de coiffeur (pas mal) - Mais la chapelle et les pergolas ridicules. Les WC en style "provisoire" très vieille France.

    À  9h, douches, épouillage, habillage à neuf. Passage à la radio - On nous exécute à des temps record, car nous sommes le dernier lot - Après-midi visite médicale express, paiement d'un acompte sur la solde, mandats et fiches de démobilisation - Nous demeurons stupéfaits des progrès accomplis par la bureaucratie militaire -

    À 6 h du soir, tout est consommé. (...) Faux départ - Retour à la baraque signe (petit somme)
    Départ vrai à 9h, en tramway - On domine Lyon, puis on le traverse du N au S. Bel effet d'immeubles sous la lune.
10h  Lyon-Perrache - Beaux couloirs - Belle pagaille pour les fiches on nous ramène à la gare des Brotteaux dans un train réquisitionné ! Les civils rouspètent un peu.
11h-2h longue attente.
Il fait froid.. Le train est formé... Match poursuite avec valises, sacs, 2 voitures non chauffées ; il est malaisé de dormir.

Lundi 25 janvier

    J'assiste au spectacle merveilleux de lever de jour en Provence. A ma gauche, les  Alpes découpent des plans bleus violets sur un ciel à la Claude Lorrain - Puis le soleil, paraît, tout rose et chaque chose découpe une ombre bleue  - Qu'il y a longtemps que je n'avais vu des couleurs aussi pures ! Bois vert dorés, maisons ocres aux tuiles claires, ombres outremer pur. Je rêve d'une palette chargée d'ocres, d'outremer et de vert émeraude. 

    Longtemps j'apprécie le beau contre jour sur le Mont Ventoux - un gris très pâle voilé d'or.


Le retour des prisonniers à La Réole

Film de Jean Saubat 5" :

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Pierre Laville à  0'33"

La politique de la Relève (juin 1942-juillet 1943) marque un tournant pour l'image des prisonniers de guerre. Les Allemands réclamant de la main-d'œuvre, Pierre Laval voit dans cet échange inégal – un prisonnier pour trois ouvriers – un moyen de conforter la collaboration politique…


Une étude De Pierre Laville sur le Château des Quat'Sos

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Souvenirs de Georges Laclavetine (1939 - Mai 1945)

Message de Jean Marc Patient :

Les souvenirs de Pierre Laville me rappellent aussitôt ceux de mon oncle Georges Laclavetine.

    Mobilisé comme sergent-chef de réserve dans les tirailleurs marocains dès 1939, son unité était positionnée dans le nord de la France à la frontière franco-belge

    Le matin même du 10 mai 1940, au moment de l'attaque allemande, mon oncle était dans le train à destination de La Réole pour une permission. Hélas ! Lors d'un arrêt en gare entre le front et la Gironde, il a entendu un appel par haut parleur indiquant que "toutes les permissions étaient annulées et que les militaires devaient regagner sans délais leurs unités !... " Il a donc fait demi-tour pour rejoindre son unité.

Son régiment a fait mouvement pour entrer en Belgique afin de se positionner sur la ligne de front près de Gembloux. Il a participé à de durs combats contre les attaques allemandes puis son unité a fait retraite vers Dunkerque, mais lui et ses camarades ont été fait prisonnier avant d'y arriver.

    L'armistice signée fin juin.... il pensait comme tous ses camarades qu'ils seraient vite libérés d'ici la fin de l'année...d'après lui ils y croyaient tous car pour eux ; armistice = fin de la guerre et retour dans les foyers. Plusieurs fois des civils leurs ont proposés de troquer leurs effets militaires contre des effets civils afin de pouvoir s'échapper de leurs conditions de prisonniers, car au début, les allemands étaient débordés par le nombre des prisonniers, mais ils répondaient : "pas la peine, nous serons de retour chez nous dans quelques semaines, la guerre est finie !"

    Hélas... après des séjours dans divers camps provisoires de prisonniers, il s'est retrouvé rapidement dans une colonne de prisonniers en route vers l'Allemagne !... Il m'avait dit avoir fait le trajet du département du nord où il avait été fait prisonnier jusqu'à Trèves (Trier) en Allemagne sur la Moselle, juste après la frontière, pour arriver au terme de cette longue marche en haut d'une colline au camps du Petrisberg dominant Trèves, centre de tri et d'orientation vers les stalags. Dire que début septembre 1959 j'ai fait mes 6 premiers mois de service militaire dans cette même caserne !.... Coïncidence !....

    Durant cette longue marche en plusieurs étapes, il m'avait dit qu'il faisait en sorte d'être dans les tous premiers rangs afin de fuir l'effet "accordéon" pour le reste de la colonne.... Après avoir été dirigé vers un stalag (je ne sais pas dans quelle région d'Allemagne) il a été dans une ferme avec un copain pour suppléer l'absence du mari mobilisé.... Au printemps 1941 il a été muté dans un stalag en Autriche à Baden près de Vienne la capitale. Il a eu la chance d'y rencontrer un horticulteur et je pense qu'il a travaillé chez lui, lui permettant de reprendre en partie son métier d'horticulteur... 

         Il a été libéré par les russes puis rapatriés par les américains puis les français et est revenu à La Réole en mai 1945, soit pratiquement 5 ans comme prisonnier.....Il m'a dit qu'après être sorti de la gare, son premier mouvement a été pour aller voir la Garonne, sa Garonne, qui lui avait tant maqué durant ces 5 ans passés en Allemagne.... Comme je le comprends...

    Né en février 1904, mobilisé en septembre 1939, fait prisonnier en juin 1940, il est revenu en mai 1945 soit au total 5 ans et 1/2 d'absence loin de La Réole....

    Comme c'était un très bon narrateur, il a fait le tour de La Réole pour raconter ses aventures de prisonniers.... Je dois même avoir un bande de magnéto car j'avais enregistré mon oncle début 1962, et on l'entend raconter ses aventures de prisonnier... mais je n'ai plus de magnétophone pour les écouter....

    Je viens de citer mon oncle pour ses talents de narrateur, mais il faut bien dire qu'il y en avait beaucoup à La Réole, doués pour cet exercice.... Je pense à Dédé Maurin et à bien d'autres.... Et moi, petit garçon, je les écoutais avec grand plaisir....car pour moi, La Réole c'était la ville ses rues ses maisons son site...la Garonne... mais aussi et surtout les réolais et réolaises qui y vivaient et ce mariage entre eux était formidable !....


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