Foin de nostalgie, mais traces légères de moments de découvertes, de rencontres, de plaisirs avec celles et ceux qui ont composé le paysage d'une partie de ma jeunesse.
La Réole si proche et si différente. Mes jeunes années courent le long de tes quais.
L'épicerie |
La grand'mère de Suzy tenait une épicerie. Les étiquettes étaient écrites à la main, à l'encre violette, sur des morceaux de carton. Certaines, proches des produits plus gras avaient leur lettrage coulant, non sans grâce, vers le bas de l'annonce.
L'épicerie a fermé son commerce avec l'arrivée massive des pointes Bic.
Dans ce tabac journaux, il y avait un curieux mélange olfactif, à nul autre pareil, entre papier, tabac, confiserie. J'allais y chercher, pour le Pépé, le magazine Rustica et des Gauloises "disque bleu".
Un jour, il y a peu, au hasard de mes nombreuses circulations, je suis tombé sur la même odeur, dans un tabac-journaux de Bretagne, autant qu'il m'en souvienne.
L'enfant qui y achetait des bonbons se forgeait, sans le savoir, une mémoire pour la vie.
![]() |
Lous Réoules |
Cet ensemble folklorique fameux avait vu la rencontre de Max et de Suzy. Je me rappelle avoir vu danser Lous Réoules, devant le plus vieil Hôtel de Ville de France, un jour de fête. Ces danseurs étaient très aimés et très applaudis par les réolais.
Au demeurant le groupe partait souvent en tournée pour donner des représentations à travers le département et bien au-delà.
C'était le début des années 60 et il y avait toujours ce décalage pour moi, dans ce La Réole que j'aimais, entre la modernité qui poussait et ce que je ne nommais pas encore patrimoine et qui avait tant de richesse architecturale.
Entre le Teppaz de ma cousine et la maison à colombage de la rue Peyssegin, entre Lous Réoules et l'arrivée des yéyés, entre Aliénor d'Aquitaine et Catherine Langeais il y avait ces écarts de temps qui nous constituent et nous guident sur la promenade de notre vie.
![]() |
L'homme des vœux Bartissol |
S'il répondait : "Oui", on devait lui présenter immédiatement une capsule, même aplatie du fameux vin cuit et alors, L'homme des vœux Bartissol pouvait satisfaire un souhait de l'heureux gagnant.
Il n'existait qu'un seul Homme des vœux Bartissol pour tout le territoire français, en conséquence les chances de gain étaient réduites.
Cependant le dimanche, les adultes trinquaient au Bartissol, qui avait supplanté pour un temps Byrrh, Cinzano et autre Martini.
De Gaulle était au pouvoir, la loi Evin était encore loin.
![]() |
La côte des Quat' Sos |
C'était mon Izoard à moi. Longtemps je ne pu atteindre son sommet.
Et puis un jour, dopé sans doute à la cuisine familiale et accompagné d'un moral de vainqueur, j'avalais le dernier lacet.
Je vis flotter devant moi l'ombre de Charly Gaul et je me décernai, ipso facto, le surnom d'Ange des Quat' Sos.
![]() |
La grille |
Pour moi, elle évoque, à tort ou à raison, le mariage de mon cousin Max avec Suzy.
Cette porte a été photographiée des milliers de fois depuis ce jour de mariage: souvenirs de voyage, promeneurs du dimanche, cartes postales, guides touristiques, contre jour sur fond de ciel orageux, en argentique, en jetable, en iPhone, en bridge, en compact, en reflex, en noir et blanc et en couleurs.
Plus une, ci dessus.
![]() |
Jean de La Réoule |
Lors de nos premières visites à La Réole, sinon la première, mon oncle déclara qu'il fallait aller voir la statue de Jean de La Réoule située au centre ville et symbolisant la résistance des Réolais aux envahisseurs.
Arrivés sur la place de la Libération, enfin au Touron, il fallut nous tordre le cou mes parents et moi-même, pour apercevoir une toute petite statue du héros sus nommé, posée en hauteur sur un immeuble d'angle. Elle était sans doute haut perchée pour mieux voir les ennemis de loin.
Celui qui ne fait que passer ne peut voir Jean de La Réoule. Il faut s'arrêter et regarder vers le haut. La marque des plus grands.
![]() |
Place du Martouret |
Le jour où elle lut les résultats du bac dans le journal Sud Ouest, elle avoua avoir dit, ce qui me stupéfia : "J'étais tellement sûre de l'avoir, qu'avant de lire la liste des admis, j'ai regardé les programmes de cinéma" .
C'est à ce moment précis, je pense, que j'ai pris la décision d'arrêter mes études et de faire du théâtre.
J'y ai vu, à la toute fin des années cinquante, avec mon oncle Marc, un western avec Randolph Scott L'aventurier du Texas.
Allant très peu au cinéma avec mes parents, cette sortie, durant les vacances de Pâques, fût une véritable fête qui m'accompagne toujours. Mon oncle avait dit en sortant de la salle: "Ce western est bien, c'est une histoire d'hommes".
J'ai revu, il y a peu, cette histoire d'hommes. Randolph Scott continue de chevaucher en solitaire, emportant son passé et ses secrets à la frontière du Texas et du Mexique, frontière matérialisée par un simple pont enjambant un bras du Rio Grande sur mon générique de La dernière séance.
![]() |
La route de l'aéroport |
Cet engin avait une particularité: le frein arrière était fixé sur la poignée de droite, contrairement aux montages traditionnels "Parce qu'on a plus de force avec cette main " justifiait mon cousin avec conviction.
Encore fallait-il lâcher simultanément la poignée des gaz, qui elle était restée à sa place habituelle et serrer au même instant celle du frein.
Un coup à prendre, réservé aux droitiers, entre lâcher prise et fermeté.
![]() |
Le stade |
Quand une profession de foi tient à quelques mandales et à une soustraction.
![]() |
On the road |
Depuis les hauteurs de La Réole, tout est à la disposition de l'imaginaire du voyageur potentiel y compris, dans le lointain, le terrain d'aviation et le canal de Garonne.
![]() |
Les quais |
Je n'y étais pas à ce critérium, mais j'ai su qu'Anquetil, Geminiani et autres gloires de l'époque, avaient effectué sur un circuit court créé à l'occasion une prestation sportive et commerciale qui avait drainé les amoureux de la petite reine.
Quand je circulai sur les quais, aux vacances suivantes, pédalant sur le vélo de ma cousine, longeant les bandes blanches, restes du tracé cycliste, je m'imaginai dans la roue des champions et ne reculant devant rien, les jours de folie, réglant tout le monde au sprint.
![]() |
Le Rex |
Trônant au milieu de la place de la Libération, il ne pouvait échapper ni aux regards des autochtones ni à celui des voyageurs traversant la ville, surtout dans le sens Marmande Langon.
Façade dégagée sur Le Turon, il était une invite à de grands spectacles en scope et couleurs.
Cependant je n'ai qu'un seul souvenir de spectateur dans cette salle et ce ne fut ni Ben Hur , ni Autant on emporte le vent, ni même Le docteur Jivago mais la très modeste Cuisine au beurre avec Fernandel et Bourvil, film 35 mm en noir et blanc et à la digestion instantanée. Cette comédie légère fait encore les fins de soirées des chaînes de la TNT alors que la façade du Rex invite toujours aux voyages du 7ème art.
![]() | |
|
Nous y achetions de temps à autre, ma cousine et moi des publications correspondantes à nos âges et nos goûts.
Mais surtout, nous allions chercher pour toute la maisonnée, la bible télévisuelle hebdomadaire : Télé 7 jours. Savoir qui Jacques Chabannes et Suzanne Gabriello allaient accueillir à Paris Club, qui rencontrerait qui, au prochain Intervilles et quel film cette semaine serait programmé le dimanche soir.
Le magasin a fermé. La revue existe toujours, la télévision aussi.
![]() |
La maison de la rue Duprat |
Certainement le lieu par excellence de(s) mémoire(s): l'atelier de l'oncle Marc où grâce à une installation ingénieuse, un cordon, un seul, tiré de façon nette donnait la lumière à l'atelier, alimentait les machines et donnait vie à la radio ; les merveilles et les bocaux de cèpes de ma tante/marraine Yoyo, les poulets aux grains du Pépé (ses petits amis), le vaisseau spatial de Guy Léclair conçu et réalisé avec ma cousine Mimi.
Au premier étage côté rue, l'ancienne chambre de mon cousin Max, avec ses livres de science fiction aux couvertures dessinées avec engins spatiaux extraordinaires, monstres et héros déterminés et un cendrier carré avec une tête de boxeur en relief encaissant un crochet du droit.
Et puis il y avait Zappy, les J.O. de Rome à la télé en noir et blanc, le grand pré vert en pente, les toilettes au- dessus du Charros, ah... ces ploufs spectaculaires, les oiseaux en cage, la tourterelle jouant avec le chat, la famille Duraton, le téléphone dans le couloir, les locataires qui rient...
C'était pour moi les vacances de Pâques ou d'été en amont de la Garonne et au bout de la ligne des autobus de la compagnie Citram.
![]() |
La Réole - Images/Mémoire(s) |
Avec:
Yoyo, Marc, Renée, Maurice, Mimi, Suzy, Max, le Pépé, les Sauvignon, Régine, Randoph Scott, les 4 Sos, Jean de La Réoule, Bourvil, De Gaulle, Evin, Fernandel, Zappy, L'homme des vœux Bartissol, Charly Gaul, Jacques Chabannes, Guy Léclair, Raphaël Géminiani, La famille Duraton, Aliénor d'Aquitaine, Puig Aubert dit Pipette, Catherine Langeais, Johnny Hallyday, Suzanne Gabriello...
Sauf erreur ou omission...

0 comments: