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La Légende de la Recluse - Octave Goban - CDR 023 - CDR 055


ILa légende de la Recluse par Octave Gauban
II - La Recluse par Aramburu Robert - Cahiers du Réolais 23
III - La légende de la Recluse - Mme Coudroy de Lille - Cahiers du Réolais 55 
IV - la Recluse animation par Michel Balans

I -  La Recluse par Octave Gauban 1873

    Nous voulons parler de Waifre, ce digne fils de Hunald et de sa sœur la Recluse, Cette sainte de haut parage a reçu pendant de longs siècles, dans une chapelle bâtie au pied du Mirail (1), les pieux hommages des fidèles accourant des pays les plus lointains pour solliciter le patronage d'une femme, dont ils avaient oublié le nom pour ne se souvenir que de son martyre. La vie de la Recluse n'était connue que par les récits populaires, lorsqu'un moine du XVI siècle recueillit les faits restés dans la mémoire des hommes, afin de les sauver de l'oubli, et les rédiger sous la forme d'un légende latine que la longueur des détails nous oblige à résumer.

    Vers l'an 525, Amalaric, qui gouvernait l'Aquitaine, épousa Clotilde, fille de Clovis 1er (2). Cette princesse fit tous ses efforts pour convertir son mari au christianisme. Elle échoue dans ce pieux dessein; mais elle fut plus heureuse auprès de la sœur d'Amalric et parvint à la convaincre des vérités de Ia religion. Les discussions violentes qu'elle avait à ce sujet avec son mari ayant rendu leurs rapports très difficiles, elle lui demanda et obtint l'autorisation d'aller visiter ses parents. 

(1) Près de La Réole
(2) L'auteur de la légende confond les dates et les noms. Clovis n'existait plus 525 et Amalaric, qui va bientôt céder la place à Waifre, était roi des Visigoths et avait épousé Clotilde, sœur de Childebert, fils de Clovis et Roi de Paris. Ce dernier Prince fit en 551 une expédition en Aquitaine sous prétexte de soustraire sa sœur aux mauvais traitements de son mari, mais en réalité pour conquérir le pays.

    Elle voulut emmener son amie, la sœur de Amalaric ; mais il refusa d'y consentir.
    La sœur de Waïfre, désirant servir Dieu en toute liberté et n'être pas contrainte par son frère de renoncer à la foi chrétienne, quitta le palais d'Agen sans l'avertir de son dessein et partit accompagnée d'une seule servante. Elle suivit les rives de la Garonne et arriva dans le pays d'Aillard, sous le plateau du Mirail. Ce lieu, couvert de bois et désert, mais baigné par une source d'eau vive, lui plût. Elle y éleva avec des branches et des feuilles une cabane en forme de cellule et s'y installa. La sœur de Waïfre vécut pendant quelque temps dans la plus profonde retraite et se livrait paisiblement à la prière et à la contemplation, sans autre nourriture que des racines et de l'eau. Mais le bonheur, dont elle jouissait, ne devait pas être de longue durée. Son frère, indigné de sa fuite qu'il attribuait à une intrigue d'amour, expédia dans toutes les directions des soldats chargés de la ramener ou de la charger de chaînes, si elle opposait la moindre résistance à sa volonté. Les soldats s'empressèrent d'exécuter l'ordre du Prince. Ils fouillent tous les bois, parcourent tous les chemins et pénètrent dans les lieux les plus inaccessibles. Arrivés à Mongauzy (1), ils s'engagent au milieu des défilés et des anfractuosités des rochers et atteignent l'endroit appelé de nos jours la Recluse. C'est là que la vierge avait fixé sa demeure. Ils l'entourent, l'accablent de reproches et l'invitent de la part de son frère à rentrer au palais. Elle refuse de quitter sa paisible retraite ; elle a dit adieu au monde et à la cour et se trouve...

(1) Bourg à 5 kilomètres du Mirail.


...heureuse d'entendre dans la solitude le chant des oiseaux et les hurlements des bêtes féroces. Les soldats s'en vont et racontent au Prince qu'ils ont trouvé sa sœur. 
    Elle vit seule dans une cabane avec une servante et refuse de revenir auprès de lui. Waïfre que ce récit plonge dans un profond étonnement cherche dans son esprit les causes de ce changement inattendu et réfléchit aux moyens de changer la résolution de sa sœur. Il part et pénètre dans la cabane, où elle vit dans la pénitence et l'amour de Dieu. 
    Accablé de chaleur et de fatigue, Waïfre cherche un siège. Sa sœur lui montre un lit de feuilles sur lequel il peut se reposer. Il veut quitter son manteau et ne sait où le mettre. Il ôté ses gants et cherche où il pourra les placer. Sa sœur prend le manteau et les gants, suspend le manteau, qui n'est retenu par rien et pose les gants sur un rayon de soleil, en sorte que ces objets paraissent retenus par l'air et non suspendus. Waïfre, troublé, demande  à manger et à boire. Sa sœur lui montre un plat de racines bouillies et la source, où elle puise de l'eau limpide. Waifre ne veut pas d'un tel repas. Il s'impatiente, il crie et appelle ses officiers. 
    Ils accourent ; mais la cellule est cernée par les soldats et, ne pouvant entrer, ils errent toute la nuit, livrés aux tortures de la faim. Le jour paraît enfin. Waïfre engage sa sœur à le suivre ; il l'exhorte à ne pas renoncer aux dieux de ses ancêtres, lui fait mille offres charmantes et lui promet un époux. Les fêtes du mariage sont prêtes; on n'attend que son retour. La pieuse fille repousse tout cela avec dédain. Elle déclare qu'elle a un époux, le Christ, et qu'elle met tout son espoir en lui. Elle supplie son frère de croire au Dieu Sauveur et de se ranger sous sa loi.  Ses tendres exhortations irritent Waïfre. Il jure par ses dieux et menace de la faire mourir, si elle ne rentre pas au palais dans un délai déterminé. 
    Mais elle lui répond avec douceur de ne pas s'offenser, si elle repousse ses offres coupables, si elle renonce à des dieux fabriqués par la main des hommes ; elle ne veut servir que le Dieu immortel. Vivre pour lui, c'est régner. Waïfre remonte à cheval et part avec ses officiers. Quant à elle, toujours ferme dans sa résolution, elle reprend le cours paisible de sa vie solitaire et se livre, humble et dévouée, à la prière et à la pénitence.

    Quelques mois s'étaient ainsi écoulés dans le calme de la retraite, lorsque Waïfre revint. Il trouve sa sœur absorbée dans la contemplation et consolée par les Anges, qui la protègent contre les séductions du monde et les embûches du démon. Il la prie, il la supplie de partir avec lui, de revenir  à la cour, essaie de tous les moyens pour la convaincre  ou lasser sa résolution; mais c'est en vain ; tous ses efforts restent impuissants. 

    Furieux d'une résistance, qui blesse son orgueil, il sort de la cellule et ordonne aux soldats de suspendre sa sœur à l'arbre, qui couvrait la cabane de ses branches et de l'étrangler. Cet ordre est exécuté sans retard. Un soldat monte sur cet arbre plus élevé que les autres, passe une corde au cou de la vierge et, élevant son corps, l'étrangle et la laisse suspendue. 

    Le crime était consommé. Les soldats partirent ; mais des légions d'Anges, de Bienheureux et de Saints accompagnèrent l'âme de la Vierge traversant les plaines de l'air, au milieu des cantiques de gloire et des chants d'allégresse.

    Lorsque le soleil eut achevé sa course et que les bêtes fauves furent rentrées dans leurs tanières, les Anges descendirent du ciel, détachèrent le corps, le déposèrent dans un cercueil et le portèrent, entouré d'innombrables lumières, au sommet d'un coteau, qui fait face à la Garonne et s'étend des bords du fleuve jusqu'au lieu de Laubessac. La fosse fut creusée aussi profondément que l'arbre avait de hauteur. Les bergers, qui gardaient leurs troupeaux pendant cette nuit mémorable, virent les Anges portant le cercueil et entendirent leurs cantiques d'allégresse.

Croix de la Recluse- La Réole

    Cet événement extraordinaire se répandit rapidement. On accourut de toute part pour visiter le lieu, témoin de ce miracle. La trace du chemin  suivi par les anges était marquée par les gouttes de cire tombées des cierges, et chacun voulut parcourir le même sentier et aller de la cellule au tombeau et du tombeau à la cellule. Waïfre, instruit de cet événement, refusa d'y croire et voulut  vérifier les faits par lui-même. Le témoignage unanime des habitants du pays le frappa de stupeur. Il court au lieu de la sépulture, fait déterrer le cercueil et, l'ayant ouvert, se livre à la plus vive douleur, se reproche le crime odieux qu'il a commis, tremble à la pensée du châtiment, dont le Dieu de sa sœur va le frapper et s'épouvante de l'indignation que ce forfait a soulevée partout contre lui. Accablé de remords, il descend plusieurs fois dans la fosse, contemple avec des yeux baignés de larmes ce corps » devant elle, se relève tout-à-coup, impatient et pâle d'effroi et sort de la fosse pour y descendre encore. 
    Enfin, après de longues tortures de corps et d'esprit, il revient à lui et ordonne d'élever sur ce  lieu même une chapelle dédiée au Prince des Anges et d'y entretenir un autel, où les fidèles viendront prier pour lui le Dieu tout puissant.. (1)

    Tels étaient ces hommes, qui, après avoir exposé chaque jour leur vie dans les combats ou souillé leur nom des actions les plus atroces, sans souci d'eux-mêmes, ni de l'avenir, cédaient brusquement à cette mobilité d'impression, qui est le propre des natures primitives, et donnaient tour à tour le spectacle des emportements les plus sauvages et de la plus fervente piété.

(1)     D'après M. Dupin notice, p. 177, des soldats ruinèrent la chapelle de S-Martin au XIV siècle, ainsi que la cellule d'une recluse, qui s'y était fixé et qu'ils pendirent. L'usage d'aller prier en ce lieu a été religieusement observé depuis cette époque jusqu'à la fin du XVII siècle. Cette assertion, qui n'a d'autre base que la tradition, peut être admise comme le point de départ, le thème de la légende ; mais les ruines en petit appareil de la chapelle et le récit même de M. Dupin assignent à l'événement une date beaucoup plus reculée Gérard de Lavison léguant en 1296 vingt sous à la chapelle de la Recluse,


II - La Recluse par Aramburu Robert - Cahiers du Réolais 23 - 1956

    Le souvenir même de l'ancienne église et paroisse St. Martin  aurait entièrement disparu si la rue et la porte du rempart élevé au milieu du XVème siècle, la troisième enceinte, n'en avaient jusqu'au début du XXème siècle conservé le nom, puisque le lieu où s'élevait cette église, sur les ruines de la villa dite Pontesia s'appelle depuis fort longtemps : La Recluse.     Forgée à partir d'un élément réel, pour les besoins d'une cause - la translation de la paroisse - largement déformée ensuite et enjolivée, puis transcrite fort tardivement (le texte que nous connaissons ne paraît pas antérieur au milieu du XVIIème siècle), la légende de La Recluse ne nous renseigne guère sur la substitution de ce nom à celui de St.Martin.

    On était en train de frapper les stencils de notre article sur les origines de La Réole lorsque le hasard d'une lecture nous fit rencontrer des indications intéressantes.     Dans son Manuel d'archéologie (tome VI, p.156) A.Grenier écrit : "Dans plusieurs provinces on a pu chercher les traces des voies antiques à l'aide des hôpitaux du Moyen Age... 

    A défaut des établissements ou de leurs ruines, les noms des saints guérisseurs ou protecteurs de malades St.Ladre (St.Lazare), Ste Madeleine ou la Madeleine, Ste Marthe, St. Roch, St. Sébastien, qui jalonnent les anciennes voies nous en conservent le "souvenir.."; et il cite une étude de Quignes :             Voies antiques du Lyonnais  déterminées par les hôpitaux du Moyen Age, parue à Lyon en 1876:  Ces petits hôpitaux...bâtis les uns dans des centres relativement populeux, les autres à la tête des ponts, dans les villages, des hameaux sans importance, des bois même et des lieux complètement déserts autrefois comme aujourd'hui,. ... se composent d'ordinaire d'un corps de bâtiment, meublé d'une douzaine de lits, attenant à une modeste chapelle. Ils étaient desservis par une seule personne laïque, homme ou femme que les documents appellent parfois le recteur, le reclus ou la recluse.... Les membres d'une ancienne association religieuse et philanthropique, les confrères du Saint-Esprit, en faisaient surtout et conjointement avec l'œuvre des ponts sur les fleuves, l'objectif préféré de leurs aumônes et largesses.

    Un tel hôpital a pu exister auprès de l'église de St.Martin, dans les ruines de l'ancienne villa, en relation avec une route se dirigeant du nord au sud et franchissant le fleuve au pied de cet emplacement. Le cartulaire du Prieuré indique d'ailleurs que les Bénédictions possédaient très anciennement le droit de bac à Tartifume ainsi qu'un hôpital à St-Hilaire-de-la Noaille, commune où furent trouvées, il y a un peu plus d'un siècle, des urnes funéraires accompagnées de tuiles à rebords qui permettent de les dater de la période romaine. Enfin il convient de rappeler que le Prieur avait fait édifier, derrière l'église conventuelle, la chapelle de La Madeleine où les fonctions paroissiales étaient exercées encore à la fin du XIIème siècle conjointement avec St.Martin jusqu'à l'érection de la paroisse de St.Michel. L'édification du monastère en déviant le tracé de l'ancienne route aurait justifié le transfert de l'hôpital dans l'enclos monastique et l'érection de la chapelle de la Madeleine. L'église de St. Martin, désertée par la population et désormais en dehors de la route qu'elle avait jusqu'ici jalonnée, tomba à l'abandon.

Robert ARAMBOUROU


III - La légende de la Recluse - Mme Coudroy de Lille - CDR 55 - 1964

    Le manuscrit que nous possédons date vraisemblablement de la deuxième moitié du XVII° siècle. Il est en latin. Il comprend 6 feuillets d'une petite écriture régulière, qui retracent les événements importants de l'histoire du prieuré de La Réole depuis l'origine jusqu'aux réformes bénédictines de 1500.

    C'était sans doute une compilation d'un moine du couvent.Le manuscrit porte au dos une cotation (liasse I, charte 15) qui montre bien qu'il était conservé dans les archives du prieuré. Sur la couverture, un titre : Légende de la Recluse.     Nous pensons que c'est le seul document ancien qui raconte la légende (I). GAUBAN en parle dans son Histoire de La Réole, mais certainement d'après ce manuscrit car les détails sont les mêmes.

Par la suite cette légende s'est enjolivée; la tradition orale l'a colportée.. Maintenant peu de Réolais connaissent l'origine de ce lieu-dit, au pied du Mirail, sur la route de Marmande, presque à l'emplacement d'une villa gallo-romaine qui portait le nom de "Pontesia". Pourtant quelle jolie légende, et que nos ancêtres racontaient de belles choses! Voici la Légende de la Recluse, dans une traduction aussi fidèle que possible :     Nous trouvons, dans les histoires anciennes de La Réole, qu'avant la première fondation du monastère (779) le premier roi chrétien, Clovis, païen à cette époque, voulait donner sa fille, Ste Clothilde, en mariage à un autre païen, le duc d'Aquitaine, qui habitait la cité d'Agen. Comme il voulait forcer la sainte à renoncer à sa foi et à sacrifier aux dieux païens, celle-ci se cacha et, avec une servante, elle aussi chrétienne, alla se réfugier en un lieu appelé depuis "La Recluse", non loin de la ville de La Réole, qui à cette époque, était couvert de forêts et désert. Ceci parvint aux oreilles de son frère Waiffre (à cet endroit deux lignes manquent, rongées par l'humidité, mais le sens est aisé à rétablir..) Waiffre part à la recherche de sa sœur, la retrouve en veilles et en prières. 

    Il voulut la forcer à regagner avec lui leur palais et essaya de la détourner de sa pieuse détermination.

    A un certain moment, Waiffre voulut poser son manteau. Comme il ne trouvait pas d'endroit où le mettre, la recluse le plaça sur un rayon de soleil, et il se tint fermement dessus comme s'il avait été posé sur quelque chose de solide. Waiffre s'étonne beaucoup de ce miracle, mais malgré cela il ne renonce pas à persuader sa sœur de repartir avec lui. Il n'eut aucun succès.Il revint au palais en la laissant. Quelques jours plus tard, il envoya des messagers pour l'enlever, mais en vain. Waiffre revint une seconde fois comme il ne pouvait la détourner de son saint projet ni par des promesses flatteuses ni par des intimidations, il la menaça de mort. Tout fut vain. Ia sainte restait toujours ferme et constante dans sa détermination de rester cloîtrée. Quand Waiffre vit qu'il n'y avait rien à faire, il ordonna de la pendre à la plus haute branche d'un arbre ce qui fut fait.     La nuit suivante, des anges descendirent du ciel et enlevèrent le corps de la sainte, parmi une multitude de cierges enflammés, en chantant des hymnes mélodieux et des cantiques célestes. Ils l'emportent à l'endroit où, par la suite, l'église paroissiale de Saint Michel de La Réole a été élevée, et l'ensevelirent en terre aussi profondément qu'elle avait été pendue haut. Cet endroit, sous l'église, porte actuellement le nom d'ossuaire. 

    La cérémonie merveilleuse fut admirée par quelques bergers et des hommes habitant aux portes de la ville: ils virent les lumières des cierges au-dessus du tombeau et entendirent le concert des anges.     

Trois jours après, des bergers et ceux qui avaient été témoins de telles merveilles se rendirent à l'endroit où ces prodiges avaient été vus. Ils retrouvèrent l'emplacement grâce aux marques de la cire fondue qui avait coulé depuis l'oratoire de la Recluse jusqu' au lieu de sa sépulture. Waiffre entendit raconter tout cela. Il s'enquit des lieux où ces visions s'étaient passées, et on trouva le corps de la sainte au milieu d'une odeur agréable et avec l'apparence d'un corps vivant.. (ici encore trois lignes manquent).. il fut saisi d'une grande douleur. Avant de rentrer dans son pays, il ordonna de construire une chapelle où serait placé ce corps très saint, édifice qui serait dédié à Saint Michel.

    Environ l'an 1335, l'église paroissiale Saint Michel que l'on voit actuellement fut construite. Les reliques sont précisément sous l'église le maître-autel et le chœur s'élèvent au-dessus de cet emplacement. Le reste de l'église, tourné vers le midi à partir des piliers de cette nef, fut construit cent ans après ou environ. Avant la construction de cette église Saint Michel, le petit édifice de Sainte Madeleine qui jouxte le couvent était église paroissiale, et la grande place à côté était le cimetière paroissial, mais depuis ce moment-là, dans ce cimetière, une grande porte cintrée, une petite chapelle avec un maître-autel unique et un ossuaire ont été construits là..."

Mme Pierre COUDROY de LILLE

(I) Le document dont Mme Coudroy de Lille fait mention n'est pas le seul qui raconte la légende de la Recluse. Il existait dans les archives du prieuré un autre manuscrit intitulé "Fondatio  prioratus de Regula" dont une copie du XVI° siècle donne de cette légende une version un peu différente :

"Vers l'an 525, Clovis Ier (mort en 511 !!) Le très chrétien roi des Francs régnant alors dans les Gaules, le duc Amalaric gouvernait l'Aquitaine. Il s'unit en mariage avec Clotilde, fille de Clovis, en la cité d'Agen.

    Clotilde, nourrie de la foi chrétienne, la prêche ouvertement et avec ardeur à Amalaric. Elle s'efforce de tout son pouvoir de le faire participer à un si grand bonheur, mais son mari indigné interdit à Clotilde d'assister aux cérémonies religieuses et d'adorer le Christ. Il lui ordonne de sacrifier aux idoles mais elle refuse. Cependant Chlotilde s'étant liée d'amitié avec la sœur d'Amalric la convertit au Christ.

    En butte aux persécutions journalières de son mari,ne pouvant plus habiter avec ce paien sans compromettre son salut, Chlotilde, secrètement, avertit son père. Elle le prie de mander à Waiffre ( ou Vayfar) son mari (sic) que sa famille la rappelle et que Clovis veut la revoir près de lui pendant quelque temps.

    Clotilde part d'Agen, mais son mari refuse de lui donner sa belle-sœur comme compagne de voyage. Clotilde meurt en cours de route à Poitiers. La sœur de Waiffre part à la recherche d'un lieu désert... (suite comme dans l'autre version).


COMMENTAIRE.- La légende de la Recluse se rattache aux événements de 525 à 534.

Après la mort de Clovis survenue le 27 novembre 511,les Wisigoths aidés par les armées du roi des Ostrogoths, Théodoric Amale, s'étaient emparés de plusieurs. provinces de la Narbonnaise et de l' Aquitaine (notre légende y comprend l'Agenais). A la mort de Théodoric en 526, ses deux petits-fils nés des deux mariages de sa fille Amalasinthe règnent : Amalaric en Espagne et Bas-Languedoc, Athalaric en Italie, Provence et Dauphiné.

Les quatre fils de Clovis, Thierry, Clodomir, Childebert et Clotaire, qui, suivant la couture franque, s'étaient partagé son royaume s'unirent pour combattre Amalaric. Après une suite de combats indécis, la paix fut sanctionnée, en 526 ou 527, par le mariage d'Amalric avec la jeune Clotilde, fille de Clovis.

Union malheureuse ! Le roi des Goths accablait de brutalités la princesse franque pour l'obliger à embrasser l'arianisme, faisant jeter sur elle des ordures et du fumier quand elle allait à l'église, et s'emportant jusqu'à la frapper. La fille de Clovis envoya à son frère Childebert qui était le moins éloigné d'elle un mouchoir trempé de son sang (530). Childebert se mit à la tête de son armée et partit au secours de sa sœur. Il attaqua Amalaric qui s'enfuit à Barcelone où il fut tué (531). Childebert vainqueur et chargé de butin revint dans ses états avec sa sœur. Clotilde mourut en chemin et fut transportée à Lutèce pour être ensevelie près de son père.

Relevons les erreurs : Amalaric était roi et non duc d'Aquitaine. Il est vrai que les Francs ne donnaient pas le titre de roi aux chefs des autres peuples barbares qui occupaient une portion des Gaules ou de la Germanie tributaire. De plus, on voit que Amalric était arien et non païen. C'était pire pour des catholiques. En effet les ariens niaient la divinité du Christ qu'ils considéraient seulement comme un être parfait, et ils combattaient l'unité et la consubstantialité des trois personnes de la Trinité. La secte avait été fondée par un prêtre d'Alexandrie, Arius, vers le début du IVe siècle.                    Condamnée par le concile de Nicée (325), mais appuyée par plusieurs empereurs de Constantinople, la doctrine avait, quelque temps, balancé la puissance du catholicisme. Le concile de Constantinople l'avait condamnée définitivement en 381, mais elle conservait beaucoup d'adeptes. La légende altère la tradition et l'histoire en substituant le nom de Waiffre ou Vayfar, l'illustre duc d'Aquitaine, à celui de Amalaric. La femme de ce roi du VI° siècle devient celle d'un prince aquitain du VIII. L'époux de Clotilde d'abord justement nommé Amalaric est appelé Waiffre quelques lignes plus bas. La sœur d'Amalaric devient sœur de Waiffre. Cette triple métamorphose est une interpolation évidente qui a été imaginée par quelque moine dévoué aux Carolingiens afin de rendre odieux le héros de l'Aquitaine, assassiné le 2 juin 758 par ordre du roi franc, Pépin.     On a voulu faire de Waiffre un pafen et un meurtrier. D'ailleurs, une phrase commencée et coupée aussitôt prouve cette altération. On lit en effet : "Post occasum Alarici...Gothum, fratrem Amalarici..." Il s'agit non d'Alaric, mais d'Athalaric, roi d'Italie et frère d'Amalaric. Le copiste faussaire a rendu ce passage complètement inintelligible.     Voilà pour la légende même. Mais comment a-t-elle pris naissance? DUPIN (Notice Historique, p. 177) pense que le point de départ en est la destruction de la chapelle St Martin, au XIVe S., par des soldats qui pendirent une recluse établie près de cet édifice. La croix de pierre élevée aux Sept Péchés Capitaux marque l'emplacement de la chapelle St Martin.     L'événement a dû se passer à une date beaucoup plus reculée, puisque la chapelle de la Recluse reçut, en 1295, un don de 5 sous de Gérard de Lavison (Arch. Mun. de La Réole)

    Enfin, A. GRENIER, dans son Manuel d'Archéologie (T.VI, p.156) nous apprend que les voies antiques étaient jalonnées d'hôpitaux avec une modeste chapelle attenante. Une seule personne desservait ces bâtiments ; les documents l'appellent parfois le reclus ou la recluse (cité par R. Arambourou. Note sur la Recluse, in Cahiers du Réolais nº 23).Ne serait-ce pas une pieuse femme ayant consacré sa vie au service des malades dont la fin tragique aurait donné naissance à notre légende?

Mais combien elle perdrait alors de sa naïve poésie.

La Rédaction


IV - la Recluse animation par Michel Balans


 

Ce diaporama de 9mn environ, réalisé en 2016 à partir des dessins et du texte de Michel Balans, a pour thème la légende de la Recluse à La Réole (France, région Aquitaine, département Gironde: une ville située au sud-est de Bordeaux).
Cette légende relatée dans l'Histoire de La Réole, d'Octave Gauban en 1873, se déroule dans un lieu dit à l'est de La Réole ( 33190 ).
En 1956, Michel Balans écrit un poème sur le sujet qu'il reprend pour en faire le scénario d'un court métrage produit par l'association le Petit Atelier en 1984.
La légende de La Recluse se situe approximativement à l'époque Mérovingienne (500 - 751 ); On retrouve des traces sur le chemin de Compostelle en Espagne, à Obanos, où avec quelques transformations, elle est représentée en plein air sur la place avec les habitants du village. L'introduction de l'épisode des sept péchés capitaux est une invention de l'auteur. Sept bancs de pierre voisinent avec la croix de mission du lieu dit sur la route de Marmande. Les péchés capitaux n'existaient pas à cette époque du moyen-âge.
La voix de Marie Dulac lit le texte du poème. Michel Balans improvise à l'orgue la partie musicale. Ce diaporama réalisé par Laurent Vachon reprend les images numérisées de la plaquette et du livre d'artiste.






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