I - Quand le tabac fermentait à la Réole (1908-1983)
II - Film Pierre Tomas 1'40"
III - Témoignage : Elian Crampes
A la sortie Est de la ville, en bordure de l'avenue Gabriel Chaigne (R.N. 113), de beaux et vastes bâtiments, abritent depuis novembre 95, les musées de La Réole (musée automobile, du matériel agricole, militaire et ferroviaire). Ils ont été créés par André Sagne, Réolais bien connu, dynamique et passionné qui a toujours fait preuve d'une activité débordante.
L'entrepôt
Aujourd'hui encore, pour de nombreux Réolais, ces bâtiments sont “ l'Entrepôt” (sous-entendu “des Tabacs ”). C'est une appellation qui est restée dans les mémoires.
Or les dénominations successives ont été “Magasin des Tabacs en feuilles" dans les premières années seulement, puis Entrepôt des Tabacs jusqu'en 1961, enfin “Centre de Fermentation des Tabacs” jusqu'à sa fermeture en 1983.
Ces appellations n'ont modifié aucunement les missions de l'établissement à savoir l'achat, la fermentation, le stockage et les expéditions dans toute la France à la demande des manufactures.
Ce centre était très important, il a traité jusqu'à 2000 tonnes en une année.
Les retombées économiques furent considérables.
Répondre au désir des planteurs
Avant la création de l'entrepôt de La Réole, les planteurs livraient leurs récoltes à Langon, ce qui n'était pas simple pour les cultivateurs des communes riveraines du Lot et Garonne.
La distance était grande. En outre, pendant la dernière décennie du siècle dernier et au début de celui-ci, l'Etat accorda, à plusieurs reprises, des augmentations des droits de plantation.
Le Réolais en fut grandement bénéficiaire. Le tabac était cultivé dans presque toutes les exploitations (elles étaient petites et nombreuses à cette époque).
Les nombreux séchoirs que l'on voit encore dans nos campagnes en témoignent.
Pas tout à fait cependant ; beaucoup ont disparu du paysage, et certains de ceux qui résistent encore aux outrages du temps sont parfois dans un état de santé inquiétant.
Il n'y a plus de “médecin" pour veiller sur eux ! Les petites exploitations sont de plus en plus rares et les tabaculteurs de moins en moins nombreux : ils ne sont plus que 80 en Gironde.
Dans notre région, le tabac a longtemps été la principale source de revenus pour beaucoup d'agriculteurs.
Au tournant du siècle, l'augmentation des surfaces plantées imposait soit l'agrandissement de l'entrepôt de Langon, soit la création d'un entrepôt à La Réole. Les planteurs voulaient que soit retenue la deuxième solution et leurs organisations exercèrent de fortes pressions auprès des autorités de l'arrondissement de La Réole (député, sénateur, conseillers généraux, municipalité de notre ville).
Dès les dernières années du siècle dernier, les responsables prirent conscience de l'intérêt économique d'une telle création et œuvrèrent en conséquence.
Une longue et douloureuse gestation
Les premières démarches auprès des pouvoirs publics furent effectuées par la municipalité de La Réole dès 1892. De très nombreuses suivirent. Le député Gabriel Chaigne et le sénateur Thounens intervinrent également.
On fit valoir que 1700 planteurs étaient intéressés par cette création.
Mais l'Etat tardait à prendre une décision. Hésitant entre l'agrandissement de l'entrepôt de Langon et la création d'un établissement à La Réole, il faisait alterner le chaud et le froid, monter les enchères.
La ville de Langon, soutenue par le député Constant, de Bazas, hostile au projet de La Réole, s'engageait à supporter la totalité de la dépense inhérente à l'agrandissement de son établissement. Malgré les difficultés, le maire de La Réole, M. Perrein, ne baissa jamais les bras. Il fit nombre de voyages à Paris pour plaider le dossier auprès des ministres successifs et des personnalités influentes. Le député Chaigne et le sénateur de l'arrondissement ne restaient pas inactifs.
A l'heure où les planteurs de nos régions réclament la relance de cette culture, il peut être intéressant d'en suivre les vicissitudes passées. On le peut, surtout, grâce à la communication faite par l'Intendant de Guyenne, DUPRÉ de SAINT-MAUR, à l'Académie de Bordeaux en 1781 (1). Ces grands Intendants du XVIII°, les BOUCHER, les TOURNY, les DUPRÉ de SAINT-MAUR, n'ont pas seulement travaillé à l'embellissement architectural de Bordeaux (Place Royale, Grand Théâtre); ils se sont préoccupés de la prospérité économique des campagnes.
DUPRÉ de SAINT-MAUR, Intendant de 1776 à 1784 (2), parle pour le rétablissement de la culture du tabac, supprimée en 1719.
Début de l'usage du tabac et de son usage fiscal
Sa découverte est liée à celle du Nouveau Monde par les Espagnols et les Portugais.
En 1560 Jean NICOT, ambassadeur de France au Portugal, en envoya quelques graines à Catherine de Médicis. Ce fut la "nicotiana", le "petun", nom de la plante en Amérique du Sud.
III - Témoignage : Elian Crampes
IV- Petite histoire du tabac dans nos régions (Cahiers du Réolais)
I - Les premières plantations
II - Les temps modernes
I - Quand le tabac fermentait à la Réole
(1908-1983)
Un article de Alexandre Georgeault
(Alexandre Georgeault nous a quittés le jeudi 29 mars 2012, à l'âge de 85 ans)
A la sortie Est de la ville, en bordure de l'avenue Gabriel Chaigne (R.N. 113), de beaux et vastes bâtiments, abritent depuis novembre 95, les musées de La Réole (musée automobile, du matériel agricole, militaire et ferroviaire). Ils ont été créés par André Sagne, Réolais bien connu, dynamique et passionné qui a toujours fait preuve d'une activité débordante.
L'entrepôt
Aujourd'hui encore, pour de nombreux Réolais, ces bâtiments sont “ l'Entrepôt” (sous-entendu “des Tabacs ”). C'est une appellation qui est restée dans les mémoires.
Or les dénominations successives ont été “Magasin des Tabacs en feuilles" dans les premières années seulement, puis Entrepôt des Tabacs jusqu'en 1961, enfin “Centre de Fermentation des Tabacs” jusqu'à sa fermeture en 1983.
Ces appellations n'ont modifié aucunement les missions de l'établissement à savoir l'achat, la fermentation, le stockage et les expéditions dans toute la France à la demande des manufactures.
Ce centre était très important, il a traité jusqu'à 2000 tonnes en une année.
Les retombées économiques furent considérables.
Répondre au désir des planteurs
Avant la création de l'entrepôt de La Réole, les planteurs livraient leurs récoltes à Langon, ce qui n'était pas simple pour les cultivateurs des communes riveraines du Lot et Garonne.
La distance était grande. En outre, pendant la dernière décennie du siècle dernier et au début de celui-ci, l'Etat accorda, à plusieurs reprises, des augmentations des droits de plantation.
Le Réolais en fut grandement bénéficiaire. Le tabac était cultivé dans presque toutes les exploitations (elles étaient petites et nombreuses à cette époque).
Les nombreux séchoirs que l'on voit encore dans nos campagnes en témoignent.
Pas tout à fait cependant ; beaucoup ont disparu du paysage, et certains de ceux qui résistent encore aux outrages du temps sont parfois dans un état de santé inquiétant.
Il n'y a plus de “médecin" pour veiller sur eux ! Les petites exploitations sont de plus en plus rares et les tabaculteurs de moins en moins nombreux : ils ne sont plus que 80 en Gironde.
Dans notre région, le tabac a longtemps été la principale source de revenus pour beaucoup d'agriculteurs.
Au tournant du siècle, l'augmentation des surfaces plantées imposait soit l'agrandissement de l'entrepôt de Langon, soit la création d'un entrepôt à La Réole. Les planteurs voulaient que soit retenue la deuxième solution et leurs organisations exercèrent de fortes pressions auprès des autorités de l'arrondissement de La Réole (député, sénateur, conseillers généraux, municipalité de notre ville).
Dès les dernières années du siècle dernier, les responsables prirent conscience de l'intérêt économique d'une telle création et œuvrèrent en conséquence.
Une longue et douloureuse gestation
Les premières démarches auprès des pouvoirs publics furent effectuées par la municipalité de La Réole dès 1892. De très nombreuses suivirent. Le député Gabriel Chaigne et le sénateur Thounens intervinrent également.
On fit valoir que 1700 planteurs étaient intéressés par cette création.
Mais l'Etat tardait à prendre une décision. Hésitant entre l'agrandissement de l'entrepôt de Langon et la création d'un établissement à La Réole, il faisait alterner le chaud et le froid, monter les enchères.
La ville de Langon, soutenue par le député Constant, de Bazas, hostile au projet de La Réole, s'engageait à supporter la totalité de la dépense inhérente à l'agrandissement de son établissement. Malgré les difficultés, le maire de La Réole, M. Perrein, ne baissa jamais les bras. Il fit nombre de voyages à Paris pour plaider le dossier auprès des ministres successifs et des personnalités influentes. Le député Chaigne et le sénateur de l'arrondissement ne restaient pas inactifs.
Le combat fut rude et long. Finalement, l'Etat fit le choix de La Réole.
La convention entre la ville et le directeur général des Manufactures de l'Etat fut signée le 4 novembre 1905. La Réole faisait don du terrain et mettait à la disposition du ministre des finances la somme de 150 000 francs au titre de sa contribution au financement des travaux.
Seulement 27 communes acceptèrent d'aider financièrement la ville.
L'adjudication eut lieu le 17 mai 1906. Après plusieurs années d'efforts, La Réole allait enfin avoir son “ Magasin des Tabacs en feuilles “ qui finalement fut terminé en 1907.
La convention entre la ville et le directeur général des Manufactures de l'Etat fut signée le 4 novembre 1905. La Réole faisait don du terrain et mettait à la disposition du ministre des finances la somme de 150 000 francs au titre de sa contribution au financement des travaux.
Seulement 27 communes acceptèrent d'aider financièrement la ville.
L'adjudication eut lieu le 17 mai 1906. Après plusieurs années d'efforts, La Réole allait enfin avoir son “ Magasin des Tabacs en feuilles “ qui finalement fut terminé en 1907.
Les premières livraisons
La première campagne de livraison dura du 9 janvier 1908 au 19 mars, au profit de 51 communes. Grande fut la satisfaction des planteurs : ils n'avaient plus besoin d'aller livrer à Langon dont l'entrepôt fut quand même agrandi.
De l'achat à l'expédition
Après le triage par longueurs et couleurs, la confection des manoques (assemblage de 25 feuilles dont l'une servait de lien), la confection des balles (assemblage de 200 manoques), les planteurs livraient leur récolte selon un calendrier fixé par l'administration.
Suivant les années, la campagne commençait courant décembre ou début janvier et elle se terminait courant mars.
La matinée même de la livraison, le tabac était pesé, examiné en présence du planteur, par deux experts : l’un représentait l'administration, l'autre les producteurs.
La première campagne de livraison dura du 9 janvier 1908 au 19 mars, au profit de 51 communes. Grande fut la satisfaction des planteurs : ils n'avaient plus besoin d'aller livrer à Langon dont l'entrepôt fut quand même agrandi.
De l'achat à l'expédition
Après le triage par longueurs et couleurs, la confection des manoques (assemblage de 25 feuilles dont l'une servait de lien), la confection des balles (assemblage de 200 manoques), les planteurs livraient leur récolte selon un calendrier fixé par l'administration.
![]() |
| Arrivée des balles...(collection. C. Laroque) |
La matinée même de la livraison, le tabac était pesé, examiné en présence du planteur, par deux experts : l’un représentait l'administration, l'autre les producteurs.
Chacun prélevait une manoque dans les balles pour déterminer contradictoirement la qualité de la récolte et arrêter un classement (A1, A2, B1, B2, etc...).
A partir de 1959 fut accordée une prime au tabac léger, ce qui entraîna une modification des indices de classement: L1, L2 pour le tabac léger; P1, P2 pour le tabac nourri; PP1, PP2, PPK pour le tabac lourd. Ce classement transmis aussitôt à la comptabilité permettait à celle-ci d'établir le montant de la somme à payer.
Le titre de paiement était remis le jour même au planteur, en fait à celui ou celle qui était propriétaire de l'exploitation. Il y avait des satisfactions, il y avait des déceptions; certains planteurs estimant que leur récolte était sous-évaluée.
Mais bien sûr, la décision appartenait aux experts et à eux seuls.
L'expertise terminée, le tabac était transporté dans les salles de fermentation.
Le titre de paiement était remis le jour même au planteur, en fait à celui ou celle qui était propriétaire de l'exploitation. Il y avait des satisfactions, il y avait des déceptions; certains planteurs estimant que leur récolte était sous-évaluée.
Mais bien sûr, la décision appartenait aux experts et à eux seuls.
L'expertise terminée, le tabac était transporté dans les salles de fermentation.
En effet, après séchage les tabacs ne constituent pas encore une matière première directement utilisable en manufacture. Il est nécessaire de leur faire subir un traitement : la fermentation qui a essentiellement pour but de développer leurs qualités particulières et de rendre la conservation plus facile. Les méthodes utilisées varient en fonction du type de tabac.
Dans notre région on ne cultivaient que le Paraguay entrant dans les mélanges utilisés pour les Gauloises et le Scaferlati (tabac pour la pipe ou les cigarettes roulées à la main).
Et la fermentation du Paraguay se fait en masses.
Ces masses sont construites sur le plancher, elles se composent de plusieurs bancs construits côte à côte. La longueur des bancs est fonction de la largeur de la pièce : leur largeur peut aller jusqu'à 2 mètres pour une même hauteur. Dans ces bancs sont placés des tubes en bois contenant un thermomètre. La température ne doit pas dépasser 50°.
Pour éviter le dépassement de température, le banc est défait et un autre est construit. Les manoques du dessous passent dessus et celles de l'extérieur à l'intérieur.
Cette opération s'appelle le retournement, dont le nombre varie en fonction de plusieurs facteurs.
Dans notre région on ne cultivaient que le Paraguay entrant dans les mélanges utilisés pour les Gauloises et le Scaferlati (tabac pour la pipe ou les cigarettes roulées à la main).
Et la fermentation du Paraguay se fait en masses.
Ces masses sont construites sur le plancher, elles se composent de plusieurs bancs construits côte à côte. La longueur des bancs est fonction de la largeur de la pièce : leur largeur peut aller jusqu'à 2 mètres pour une même hauteur. Dans ces bancs sont placés des tubes en bois contenant un thermomètre. La température ne doit pas dépasser 50°.
Pour éviter le dépassement de température, le banc est défait et un autre est construit. Les manoques du dessous passent dessus et celles de l'extérieur à l'intérieur.
Cette opération s'appelle le retournement, dont le nombre varie en fonction de plusieurs facteurs.
Trois sont parfois nécessaires avant que la température ne se stabilise.
La fermentation peut durer de 2 à 3 mois. La construction des bancs, les retournements incombaient aux femmes. C'était un travail désagréable: chaque fois, il fallait secouer les manoques pour les aérer et les débarrasser des saletés. L'abandon du manoquage au début des années 70 a permis de monter et de retourner mécaniquement les bancs ce qui a simplifié le travail, mais hélas, entraîné une diminution sensible de la main-d'œuvre.
La fermentation terminée, le tabac était pressé, emballé dans les toiles, stocké et expédié à la demande.
Un bon employeur
Il existait deux catégories de personnel : les permanents (ils avaient le statut d'employés de l'Etat) et les saisonniers.
Appartenaient à la première catégorie, l'entreposeur (chef de centre), le chef d'atelier principal, les chefs d'ateliers (3 à 4), les agents techniques (3 à 4 également) et les administratifs (peu nombreux).
Les saisonniers étaient employés en fonction des besoins. Les hommes, une trentaine, assuraient la manutention.
Un petit nombre, payé par la fédération des planteurs, travaillait seulement pendant la période de livraison : il prenait le tabac sur le quai de déchargement pour le transporter dans la salle d'expertise.
L'autre groupe, payé par la SEITA, assurait la manutention entre la salle d'expertise et les pièces de fermentation. On faisait également appel à lui pour le stockage et le chargement des wagons lors des expéditions.
Ces expéditions se faisaient à dates fixes.
Les femmes (environ une centaine) montaient les bancs de fermentation et procédaient au retournement.
Certaines travaillaient seulement quelques mois, voire un mois, d'autres (un petit nombre) presque toute l'année.
La fermentation peut durer de 2 à 3 mois. La construction des bancs, les retournements incombaient aux femmes. C'était un travail désagréable: chaque fois, il fallait secouer les manoques pour les aérer et les débarrasser des saletés. L'abandon du manoquage au début des années 70 a permis de monter et de retourner mécaniquement les bancs ce qui a simplifié le travail, mais hélas, entraîné une diminution sensible de la main-d'œuvre.
La fermentation terminée, le tabac était pressé, emballé dans les toiles, stocké et expédié à la demande.
Un bon employeur
Il existait deux catégories de personnel : les permanents (ils avaient le statut d'employés de l'Etat) et les saisonniers.
Appartenaient à la première catégorie, l'entreposeur (chef de centre), le chef d'atelier principal, les chefs d'ateliers (3 à 4), les agents techniques (3 à 4 également) et les administratifs (peu nombreux).
![]() |
| Entrepôt 56 : Mmes Dubourg, Mongie...(collection. C. Laroque) |
![]() |
| Entrepôt 56 : Michel Rapin, Jean Artins... (collection. C. Laroque) |
Les saisonniers étaient employés en fonction des besoins. Les hommes, une trentaine, assuraient la manutention.
Un petit nombre, payé par la fédération des planteurs, travaillait seulement pendant la période de livraison : il prenait le tabac sur le quai de déchargement pour le transporter dans la salle d'expertise.
L'autre groupe, payé par la SEITA, assurait la manutention entre la salle d'expertise et les pièces de fermentation. On faisait également appel à lui pour le stockage et le chargement des wagons lors des expéditions.
Ces expéditions se faisaient à dates fixes.
Les femmes (environ une centaine) montaient les bancs de fermentation et procédaient au retournement.
Certaines travaillaient seulement quelques mois, voire un mois, d'autres (un petit nombre) presque toute l'année.
Le centre avait la réputation d'être un bon employeur. A qualification égale, les salaires étaient nettement supérieurs à ceux pratiqués dans le privé et un acompte était versé le 15 du mois.
Les retombées économiques
Cet établissement a grandement bénéficié à l'économie locale. Il assurait des revenus non négligeables aux planteurs dont profitaient le commerce réolais. Et, lors de la livraison de la récolte, ils mangeaient au restaurant (le repas était souvent payé par le propriétaire de l'exploitation).
Tous les saisonniers hommes avaient une autre activité. La plupart étaient agriculteurs. Nombreuses aussi étaient les femmes ayant un emploi. Ainsi les salaires versés par l'établissement augmentaient les ressources des ménages dont bénéficiaient largement l'économie locale.
Une mort programmée
Hélas le déclin du centre de fermentation a commencé dès le début des années 1970 avec la diminution de la production qui chutait d'une année sur l'autre de 10% en moyenne avant de se stabiliser à un niveau très bas. La mécanisation du travail liée à la fermentation a joué, elle aussi, un rôle important.
Il en a résulté une diminution progressive de l'activité et du personnel.
La dernière récolte livrée a été celle de 1982 et l'établissement a fermé définitivement en 1983 au profit de celui de Langon. Ainsi ce centre qui avait tant apporté à l'économie locale, succombait, terrassé par l'évolution du monde agricole, la mécanisation et la nouvelle politique de la SEITA, en recherche constante de compétitivité, qui fermait petit à petit ses centres.
Le progrès est parfois cruel.
Les planteurs avaient leurs propres établissements pour réceptionner et acheter le tabac aux planteurs et ensuite il était transporté au centre de Langon. Nous recevions tout le tabac de la moitié Sud de la France.
Actuellement il ne reste que 4 producteurs en Gironde qui produisent du tabac blond.
Les retombées économiques
Cet établissement a grandement bénéficié à l'économie locale. Il assurait des revenus non négligeables aux planteurs dont profitaient le commerce réolais. Et, lors de la livraison de la récolte, ils mangeaient au restaurant (le repas était souvent payé par le propriétaire de l'exploitation).
Tous les saisonniers hommes avaient une autre activité. La plupart étaient agriculteurs. Nombreuses aussi étaient les femmes ayant un emploi. Ainsi les salaires versés par l'établissement augmentaient les ressources des ménages dont bénéficiaient largement l'économie locale.
Une mort programmée
Hélas le déclin du centre de fermentation a commencé dès le début des années 1970 avec la diminution de la production qui chutait d'une année sur l'autre de 10% en moyenne avant de se stabiliser à un niveau très bas. La mécanisation du travail liée à la fermentation a joué, elle aussi, un rôle important.
Il en a résulté une diminution progressive de l'activité et du personnel.
La dernière récolte livrée a été celle de 1982 et l'établissement a fermé définitivement en 1983 au profit de celui de Langon. Ainsi ce centre qui avait tant apporté à l'économie locale, succombait, terrassé par l'évolution du monde agricole, la mécanisation et la nouvelle politique de la SEITA, en recherche constante de compétitivité, qui fermait petit à petit ses centres.
Le progrès est parfois cruel.
A. Georgeault
II - Film Pierre Tomas 1'40"
III -Témoignage : Elian Crampes
En ce qui concerne l'entrepôt des tabacs, j'ai travaillé en tant que saisonnier pendant 30 années, trois mois par an, décembre, janvier février.
J'ai embauché à La Réole de 1971 à 1983 et à Langon de décembre 1983 à la fermeture en 2001.
Langon a été le dernier centre de stockage et de fermentation à fermer en France.Les planteurs avaient leurs propres établissements pour réceptionner et acheter le tabac aux planteurs et ensuite il était transporté au centre de Langon. Nous recevions tout le tabac de la moitié Sud de la France.
Actuellement il ne reste que 4 producteurs en Gironde qui produisent du tabac blond.
IV - Petite histoire du tabac dans nos régions
Cahiers du Réolais - N° 97 et 98
Pierre DUPOUY
I - Les premières plantations
A l'heure où les planteurs de nos régions réclament la relance de cette culture, il peut être intéressant d'en suivre les vicissitudes passées. On le peut, surtout, grâce à la communication faite par l'Intendant de Guyenne, DUPRÉ de SAINT-MAUR, à l'Académie de Bordeaux en 1781 (1). Ces grands Intendants du XVIII°, les BOUCHER, les TOURNY, les DUPRÉ de SAINT-MAUR, n'ont pas seulement travaillé à l'embellissement architectural de Bordeaux (Place Royale, Grand Théâtre); ils se sont préoccupés de la prospérité économique des campagnes.
DUPRÉ de SAINT-MAUR, Intendant de 1776 à 1784 (2), parle pour le rétablissement de la culture du tabac, supprimée en 1719.
Début de l'usage du tabac et de son usage fiscal
Sa découverte est liée à celle du Nouveau Monde par les Espagnols et les Portugais.
En 1560 Jean NICOT, ambassadeur de France au Portugal, en envoya quelques graines à Catherine de Médicis. Ce fut la "nicotiana", le "petun", nom de la plante en Amérique du Sud.
Le nom espagnol de "tabaco" prévalut. "Un goût qui semblait n'être que l'erreur d'un moment n'a fait que s'accroître pendant plus de deux siècles", constate M. l'Intendant. "Le pauvre lui-même n'a pu résister à l'appât séducteur de l'usage du tabac et l'indigence s'est ainsi créée un espèce de besoin réel, encore qu'il ne semble rien moins qu'indiqué par la nature".
En France, un impôt de 30 sols par livre le frappa dès 1629. "La plupart des autres nations ne tardèrent pas, de leur côté, à fonder aussi sur cette base, quelque peu solide qu'elle parût être, une branche de revenus qui a fructifié au-delà de leurs espérances" (3)... Et le tabac est, de toutes les contributions," la plus douce et la plus imperceptible, et on la range avec raison dans la classe des habiles inventions fiscales"(WECKER. 1784)
Le monopole du tabac s'établit ainsi très vite dans les principaux états européens entre 1630 et 1670. COLBERT y recourut, quand il eut besoin d'argent pour la Guerre de Hollande.
En France, un impôt de 30 sols par livre le frappa dès 1629. "La plupart des autres nations ne tardèrent pas, de leur côté, à fonder aussi sur cette base, quelque peu solide qu'elle parût être, une branche de revenus qui a fructifié au-delà de leurs espérances" (3)... Et le tabac est, de toutes les contributions," la plus douce et la plus imperceptible, et on la range avec raison dans la classe des habiles inventions fiscales"(WECKER. 1784)
Le monopole du tabac s'établit ainsi très vite dans les principaux états européens entre 1630 et 1670. COLBERT y recourut, quand il eut besoin d'argent pour la Guerre de Hollande.
Ses raisons furent que "le tabac n'est pas une denrée nécessaire pour la santé, ni pour l’entretien de la vie...et l'impôt frappe là un objet que chacun est libre de prendre ou de refuser".
La ferme des tabacs
Selon la coutume de l'ancienne Monarchie pour les impôts indirects, une Société d'actionnaires prit à ferme, en adjudication, les revenus du tabac, monopole d'Etat.
La grande Ordonnance de 1681 fixa les droits, les obligations, l'organisation, le fonctionnement de cette Compagnie. On dit couramment que Napoléon la prendra pour modèle pour sa Régie d'Etat des Tabacs... La Ferme est maîtresse des achats. Elle surveille l'entrée des tabacs étrangers dans 8 ports, dont Bordeaux. Elle est maîtresse de la fabrication ; elle a ses manufactures, au nombre de sept à la fin du règne de Louis XIV. Ce sont déjà de grandes usines, qui emploient des centaines d'ouvriers.
La Ferme est maîtresse de la vente et de la distribution, elle a ses magasins, ses bureaux généraux ou grands bureaux, ses buralistes, petits marchands débiteurs, au nombre de 1000. Dès le début. Il y eut des émeutes contre la Ferme, notamment à Bordeaux. COLBERT tenait farouchement pour ce système du monopole affermé. Il écrivait en 1628: "Il faut le maintenir par tous les moyens, sans flatter les peuples dans leurs plaintes". Les plaintes venaient en particulier des planteurs français. Ils trouvaient insuffisant le prix que la Ferme leur payait, 10 à 12 livres le quintal (4).
Début de la culture du tabac en France
Car il y avait dès ce moment des planteurs de tabac en France, surtout dans l'Agenais autour de CLAYRAC. Dès 1667, M. de PRADES dans son Histoire du Tabac, et les consuls de Clairac dans leurs renseignements et conseils aux "cultivants", décrivent des façons culturelles qui n'ont guère changé dans leurs principes.
1° le semis en planche "quand la lune croît".
2º le repiquage des tiges "à trois pieds l'une de l'autre (1 mètre environ) à la fin de mai et en juin dans les meilleures terres, les plus grasses, que l'on n labourées et bêchées fréquemment, on y mettant tout le fumier qui se fait dans la métairie. Quelque bonne que soit la terre, il faut toujours la fumer parce qu'autrement le tabac n'y vient jamais ni si beau ni si bon".
3º l'arrosage: "il faut d'abord aplanir la terre, puis en rompre toutes les mottes et, si le temps est sec, mettre de l'eau à chaque pied. Trop de sécheresse ou trop de pluie en cause la disette, celle-là l'empêche de croître, celle-ci lui enlève sa gomme et son sel".
4º l'ébourgeonnage "quand il est venu à une certaine hauteur, on l'arrête en lui coupant son jet; il pousse alors une quantité de gros bourgeons qu'il faut ôter avec beaucoup de soin".
5º la récolte. C'est la récolte en feuilles qui est recommandée : "Les feuilles qui touchent la terre (basses feuilles) desquelles on fait le tabac commun se cueillent en juillet août; les bonnes feuilles vers la fin août et quelquefois en septembre, selon la qualité des terres et des saisons".
6º le séchage "on met le tabac dans des chambres, on le laisse mitonner pendant 4 ou 5 jours, ensuite on l'enfile feuille à feuille, avec de la ficelle, à la distance d'un pouce l'une de l'autre (27 mm environ). Puis on le pend pour le faire sécher dans les granges et les greniers, laissant un pied (16 cm) entre les ficelles. Il occupe quantité de couverts qui se suivent et sont d'un grand coût". (Que dirait-il de nos modernes séchoirs ?!).
En 1781 DUPRÉ de SAINT-MAUR souligne la vocation tabacole de ce terroir de Guyenne: "Dans aucun endroit sa culture ne réussit aussi complètement que dans la Guienne. On vit avec surprise les vallons de l'Agenais produire des tabacs tenant une sorte de milieu entre ceux des Deux Amériques, réunissant in douceur des uns (Amérique du Nord) au parfum des autres (Amérique du Sud), qualités que l'on n'avait point encore trouvées rassemblées jusqu'alors.."
Au début du XVIII°, au moment où cette culture fut stoppée et supprimée, en 1719, le tabac était répandu dans les juridictions de : Clairac, Aiguillon, Tonneins, Gontaud sur Garonne et autres lieux circonvoisins.
Dans ce bloc de 18 paroisses, 8370 journaux, soit plus de 3.300 hectares, le sixième (16% environ) de ce que nous appellerions la S.A.U. (surface agricole utile) lui était consacré.
La production atteignait 3 millions de quintaux.
DUPRE, un peu partial sans doute pour Guyenne, pense que cette production aurait pu être quintuplée.
Les autres flots de culture du tabac en France sont infiniment moins importants, de 4 ou 5 paroisses chacun dans la vicomté de TURENNE ; dans la juridiction d'ORANGE, autour de MONDRAGON; et en NORMANDIE, autour de PONT de l'ARCHE.
Cette production française n'atteignait au total que 3.500.000 kilos. Les fumeurs, mais surtout les priseurs ou chiqueurs français, (90% du tabac consommé) en consommaient 7.500.000 kilos.
L'approvisionnement
Plus de la moitié du tabac consommé en France venait donc, en 1719 soit de l'étranger (surtout des colonies anglaises d'Amérique) soit de nos propres colonies.
Les chefs de notre économie s'étaient toujours efforcés de défavoriser par des tarifs douaniers l'entrée des tabacs étrangers. RICHELIEU l'avait pratiquement prohibé par un droit d'entrée de 30 sols par livre. COLBERT, en 1664 et en 1668, pratiquait un tarif de "discrimination" ;
La ferme des tabacs
Selon la coutume de l'ancienne Monarchie pour les impôts indirects, une Société d'actionnaires prit à ferme, en adjudication, les revenus du tabac, monopole d'Etat.
La grande Ordonnance de 1681 fixa les droits, les obligations, l'organisation, le fonctionnement de cette Compagnie. On dit couramment que Napoléon la prendra pour modèle pour sa Régie d'Etat des Tabacs... La Ferme est maîtresse des achats. Elle surveille l'entrée des tabacs étrangers dans 8 ports, dont Bordeaux. Elle est maîtresse de la fabrication ; elle a ses manufactures, au nombre de sept à la fin du règne de Louis XIV. Ce sont déjà de grandes usines, qui emploient des centaines d'ouvriers.
La Ferme est maîtresse de la vente et de la distribution, elle a ses magasins, ses bureaux généraux ou grands bureaux, ses buralistes, petits marchands débiteurs, au nombre de 1000. Dès le début. Il y eut des émeutes contre la Ferme, notamment à Bordeaux. COLBERT tenait farouchement pour ce système du monopole affermé. Il écrivait en 1628: "Il faut le maintenir par tous les moyens, sans flatter les peuples dans leurs plaintes". Les plaintes venaient en particulier des planteurs français. Ils trouvaient insuffisant le prix que la Ferme leur payait, 10 à 12 livres le quintal (4).
Début de la culture du tabac en France
Car il y avait dès ce moment des planteurs de tabac en France, surtout dans l'Agenais autour de CLAYRAC. Dès 1667, M. de PRADES dans son Histoire du Tabac, et les consuls de Clairac dans leurs renseignements et conseils aux "cultivants", décrivent des façons culturelles qui n'ont guère changé dans leurs principes.
1° le semis en planche "quand la lune croît".
2º le repiquage des tiges "à trois pieds l'une de l'autre (1 mètre environ) à la fin de mai et en juin dans les meilleures terres, les plus grasses, que l'on n labourées et bêchées fréquemment, on y mettant tout le fumier qui se fait dans la métairie. Quelque bonne que soit la terre, il faut toujours la fumer parce qu'autrement le tabac n'y vient jamais ni si beau ni si bon".
3º l'arrosage: "il faut d'abord aplanir la terre, puis en rompre toutes les mottes et, si le temps est sec, mettre de l'eau à chaque pied. Trop de sécheresse ou trop de pluie en cause la disette, celle-là l'empêche de croître, celle-ci lui enlève sa gomme et son sel".
4º l'ébourgeonnage "quand il est venu à une certaine hauteur, on l'arrête en lui coupant son jet; il pousse alors une quantité de gros bourgeons qu'il faut ôter avec beaucoup de soin".
5º la récolte. C'est la récolte en feuilles qui est recommandée : "Les feuilles qui touchent la terre (basses feuilles) desquelles on fait le tabac commun se cueillent en juillet août; les bonnes feuilles vers la fin août et quelquefois en septembre, selon la qualité des terres et des saisons".
6º le séchage "on met le tabac dans des chambres, on le laisse mitonner pendant 4 ou 5 jours, ensuite on l'enfile feuille à feuille, avec de la ficelle, à la distance d'un pouce l'une de l'autre (27 mm environ). Puis on le pend pour le faire sécher dans les granges et les greniers, laissant un pied (16 cm) entre les ficelles. Il occupe quantité de couverts qui se suivent et sont d'un grand coût". (Que dirait-il de nos modernes séchoirs ?!).
En 1781 DUPRÉ de SAINT-MAUR souligne la vocation tabacole de ce terroir de Guyenne: "Dans aucun endroit sa culture ne réussit aussi complètement que dans la Guienne. On vit avec surprise les vallons de l'Agenais produire des tabacs tenant une sorte de milieu entre ceux des Deux Amériques, réunissant in douceur des uns (Amérique du Nord) au parfum des autres (Amérique du Sud), qualités que l'on n'avait point encore trouvées rassemblées jusqu'alors.."
Au début du XVIII°, au moment où cette culture fut stoppée et supprimée, en 1719, le tabac était répandu dans les juridictions de : Clairac, Aiguillon, Tonneins, Gontaud sur Garonne et autres lieux circonvoisins.
Dans ce bloc de 18 paroisses, 8370 journaux, soit plus de 3.300 hectares, le sixième (16% environ) de ce que nous appellerions la S.A.U. (surface agricole utile) lui était consacré.
La production atteignait 3 millions de quintaux.
DUPRE, un peu partial sans doute pour Guyenne, pense que cette production aurait pu être quintuplée.
Les autres flots de culture du tabac en France sont infiniment moins importants, de 4 ou 5 paroisses chacun dans la vicomté de TURENNE ; dans la juridiction d'ORANGE, autour de MONDRAGON; et en NORMANDIE, autour de PONT de l'ARCHE.
Cette production française n'atteignait au total que 3.500.000 kilos. Les fumeurs, mais surtout les priseurs ou chiqueurs français, (90% du tabac consommé) en consommaient 7.500.000 kilos.
L'approvisionnement
Plus de la moitié du tabac consommé en France venait donc, en 1719 soit de l'étranger (surtout des colonies anglaises d'Amérique) soit de nos propres colonies.
Les chefs de notre économie s'étaient toujours efforcés de défavoriser par des tarifs douaniers l'entrée des tabacs étrangers. RICHELIEU l'avait pratiquement prohibé par un droit d'entrée de 30 sols par livre. COLBERT, en 1664 et en 1668, pratiquait un tarif de "discrimination" ;
- 13 L. par quintal à l'entrée pour le tabac étranger;
- 4 L. par quintal pour le tabac colonial français.
Le favori de nos ministres était donc le tabac colonial français. La tradition était de le favoriser, même au détriment des plantations de la métropole. Dès 1681, Colbert précise sa doctrine, dans une lettre au chancelier d'AGUESSEAU : "il ne veut pas favoriser les tabacs qui se recueillent dans le royaume. Il veut les ruiner, s'il est possible. Cette herbe (sic) nuit ici à la production du blé, de la vigne et des autres fruits. La culture en France ruine nos îles d'Amérique où cette plante vient beaucoup mieux et abondante.."
Le mirage du Mississipi
Vint la Régence, après le règne autoritaire de Louis XIV, période d'ouverture et d'innovations. L'économie française allait passer pour quelques mois entre les mains de LAW, inventeur du papier monnaie et du billet de banque. Mais il lui fallait un gage pour ses billets. Ce fut un gage colonial; non pas les vieilles colonies des ANTILLES ou du CANADA ce fut la vallée du MISSISSIPI ou LOUISIANE, que l'on venait d'explorer (5). "Il faut un nom nouveau pour l'illusion", a remarqué MONTESQUIEU. On vouerait la Louisiane au tabac, qui réussissait si bien dans les colonies anglaises voisines de VIRGINIE et du MARYLAND.
L'arrêt du Conseil Royal du 29 décembre 1719 supprimait la Ferme (elle sera rétablie en 1721), mais surtout il interdisait toute plantation de tabac et culture dans le Royaume, et cette interdiction subsistera tout le siècle.
"Plusieurs cantons de France furent ruinés, remarque mélancoliquement DUPRÉ de SAINT-MAUR, et en Louisiane qui aurait pu fournir le monde entier n'en est pas moins restée inculte"... "Le plan de M. LAW était susceptible de réussir, mais il fallait attendre que des plantations immenses de tabac couvrissent les champs de Louisiane avant d'en arracher un seul pied en France..."
Nous sommes en France et il y eut quelques fraudes. Des particuliers en cultivèrent quelques pieds dans leurs jardins. Ils faisaient ensuite du tabac à la hâte sans aucune espèce de préparation.. (Nous avons connu cela à nouveau, pendant la dernière guerre ! ).
Naturellement aussi ce "tabac de Clairac", est devenu un produit rare et dangereux! tentait des amateurs fortunés. Ils en offraient des prix de "marché noir” 2 ou 3 louis Ia livre et même beaucoup plus. DUPRÉ de SAINT-MAUR a vu un homme riche offrir 12 louis pour qu'on lui en procure 2 livres.
Malgré ce marché noir limité, ce n'en fut pas moins, par la faute d'un technocrate trop pressé, la fin de la première culture française du tabac.
1) "ESSAI sur les avantages du Rétablissement de la Culture du Tabac dans la Guienne, lu à la Séance publique de l'Académie des Sciences de Bordeaux du 19 février 1781 par M. Dupré de Saint-Maur, Intendant de Guienne et Directeur de cette Académie".
Imprimé chez Michel RACLE, imprimeur de l'Académie, rue St James, en 1783. (Bibl. Mun. de Bordeaux. D 166 181)
2) L'Intendant ou "le Roi présent en la province" est l'équivalent d'un préfet aux pouvoirs beaucoup plus étendus...
3) la phrase est de Dupré de Saint-Maur; nous soulignons.
4) la livre est un franc.. très lourd la 20° partie du louis d'or côté aujourd'hui - fin janvier 1974 - plus de 200 nouveaux Francs ! un quintal 50 kg.
5) par CAVELIER de LA SALLE, en 1682. La Nouvelle Orléans venait d'être fondée en 1714.
La situation au XVIII° siècle
La culture du tabac en France avait été, on l'a vu (I), supprimée en 1719. Après un essai de vente libre avec taxe, la Ferme avait été rétablie en 1721.
Un certain DUVERDIER l'avait prise de 1721 à 1723, puis la Compagnie des Indes, de 1723 à 1730.
Les revenus du tabac servaient à combler le déficit de son administration des comptoirs de l'Inde.
Le tabac lui avait permis de verser à l'Etat, en sept ans, 15 500 000 livres, et d'en répartir entre ses actionnaires 7 500 000.
Depuis 1730, le tabac était entre les mains des "Fermes générales de Sa Majesté", qui avaient pris en adjudication tous les impôts indirects du royaume. Le bail pour le tabac était renouvelé de 4 en 4 ans ; il était passé de 7 millions de livres à 8 millions.
L'affaire était prospère, cela provenait de la réduction du personnel, de l'augmentation des prix du tabac à la vente (nous avons calculé qu'il était, à la veille de la Révolution, de 72 s. la livre).
Mais surtout cela provenait de l'accroissement continu de la consommation, passée de 150 000 quintaux en 1719 à 250 000 en 1781.
L'approvisionnement
La Ferme avait à faire d'énormes achats : en temps de paix, 180 000 quintaux de tabac brut pour vendre 120 000 de tabac fabriqué.
Les chiffres montrent qu'une partie notable de la consommation lui échappait par la fraude, car en temps de guerre la fraude étant plus difficile les chiffres étaient 480 000 quintaux de brut et 320 000 de fabriqué. Ces achats portaient sur le tabac colonial français ; sur le tabac étranger (surtout celui des colonies anglaises, Virginie, Maryland). Dupré de Saint-Maur calcule que la France, quoique très souvent en guerre avec l'Angleterre, lui a laissé, pendant tout le siècle, 4 à 5 millions de livres pour son tabac.
Le Plan de Dupré de Saint-Maur
Il est, on le sait, pour la reprise des plantations en France, en particulier dans sa généralité de Guyenne. Il pose avec vigueur le dilemme : la France préfèrera-t-elle éternellement payer son tabac à l'étranger ou l'acheter à ses propres cultivateurs ?
Les circonstances extérieures (la conjoncture, comme disent les pédants) lui paraissent propices à cette relance, nous avons perdu la Louisiane (2). Les Antilles sont devenues "nos îles à sucre" et semblent avoir trouvé un meilleur emploi de leur terre à la culture de la canne. (On en sait quelque chose à Bordeaux qui raffine le sucre). Depuis le début de la Guerre de l'Indépendance Américaine, 1775, les Anglais contrôlent difficilement le tabac de leurs colonies et ils en ont augmenté le prix. D'ailleurs les Anglais vont perdre ces colonies. Nous sommes en 1781; la situation évolue à leur désavantage et cela paraît irréversible. Presque partout, en Europe, cela stimule les plantations nationales.
Nous sommes, il est vrai, depuis 1778 les alliés de ces insurgés américains. Allons-nous leur faire concurrence pour le tabac ?
Dupré de Saint-Maur répond à cette objection avec un bon sens duquel la suite des événements a ajouté beaucoup d'humour:
"Ce peuple philosophe ne peut méconnaître notre liberté sur ce point". D'ailleurs "s'il y avait, dans les 13 colonies révoltées, un canton favorisé du Ciel où la vigne pût s'établir, il ne croirait pas devoir se l'interdire et, par égard pour les propriétaires de la France, se priver de cette richesse".. Oh! certes !...
Il faut donc commencer à planter du tabac en France. Dupré de Saint-Maur réfute un certain nombre d'objections que l'on pourrait faire à propos de notre propre équilibre économique :
1°) De toute façon nous ne pourrions suffire à notre consommation de tabac
Pour Dupré nous le pourrions : il suffirait d'en planter sur 250 000 arpents (= 125 000 hectares).
2°) Cela nous détournera de la culture du blé nécessaire (objection grave dans un pays qui connaissait encore des disettes de grains). Dupré répond que In culture du tabac pourra alterner avec la culture du blé. Les tiges de tabac enfoncées dans le sol au labour constitueront pour le blé de l'année suivante un excellent engrais. L'Intendant rejoint ici ce grand mouvement de la suppression de la jachère qui caractérise l'agriculture progressiste du XVIII° siècle. Un philosophe disait "La jachère est dans l'ordre de la nature que sont les tyrans dans l'ordre politique". D'ailleurs la culture du tabac ne prendra pas tellement de travailleurs il en faut deux par arpent, mais on peut y occuper les femmes et les enfants.
Où en planter? Bien sûr, Dupré pense à l'ancien terroir de l'Agenais, mais il voudrait l'introduire dans les Landes, "ces vastes déserts que le voyageur ne traverse qu'avec inquiétude de Bordeaux à Bayonne". Songeons qu'il est le collègue, à la Société d'Agriculture de Bordeaux, de BREMONTIER, le pionnier de leur mise en valeur.
Le tabac trouverait un terrain frais, l'eau nécessaire à peu de profondeur. Il a observé que les bergers pyrénéens transhumants y font, pour leur usage personnel, une culture du tabac que les économistes modernes appelleraient "une culture loterie". Dupré rappelle ses propres expériences en Sologne.
Quel régime adopter? Chose qui surprend chez ce libéral, Dupré se prononce pour la Ferme.
Le favori de nos ministres était donc le tabac colonial français. La tradition était de le favoriser, même au détriment des plantations de la métropole. Dès 1681, Colbert précise sa doctrine, dans une lettre au chancelier d'AGUESSEAU : "il ne veut pas favoriser les tabacs qui se recueillent dans le royaume. Il veut les ruiner, s'il est possible. Cette herbe (sic) nuit ici à la production du blé, de la vigne et des autres fruits. La culture en France ruine nos îles d'Amérique où cette plante vient beaucoup mieux et abondante.."
Le mirage du Mississipi
Vint la Régence, après le règne autoritaire de Louis XIV, période d'ouverture et d'innovations. L'économie française allait passer pour quelques mois entre les mains de LAW, inventeur du papier monnaie et du billet de banque. Mais il lui fallait un gage pour ses billets. Ce fut un gage colonial; non pas les vieilles colonies des ANTILLES ou du CANADA ce fut la vallée du MISSISSIPI ou LOUISIANE, que l'on venait d'explorer (5). "Il faut un nom nouveau pour l'illusion", a remarqué MONTESQUIEU. On vouerait la Louisiane au tabac, qui réussissait si bien dans les colonies anglaises voisines de VIRGINIE et du MARYLAND.
L'arrêt du Conseil Royal du 29 décembre 1719 supprimait la Ferme (elle sera rétablie en 1721), mais surtout il interdisait toute plantation de tabac et culture dans le Royaume, et cette interdiction subsistera tout le siècle.
"Plusieurs cantons de France furent ruinés, remarque mélancoliquement DUPRÉ de SAINT-MAUR, et en Louisiane qui aurait pu fournir le monde entier n'en est pas moins restée inculte"... "Le plan de M. LAW était susceptible de réussir, mais il fallait attendre que des plantations immenses de tabac couvrissent les champs de Louisiane avant d'en arracher un seul pied en France..."
Nous sommes en France et il y eut quelques fraudes. Des particuliers en cultivèrent quelques pieds dans leurs jardins. Ils faisaient ensuite du tabac à la hâte sans aucune espèce de préparation.. (Nous avons connu cela à nouveau, pendant la dernière guerre ! ).
Naturellement aussi ce "tabac de Clairac", est devenu un produit rare et dangereux! tentait des amateurs fortunés. Ils en offraient des prix de "marché noir” 2 ou 3 louis Ia livre et même beaucoup plus. DUPRÉ de SAINT-MAUR a vu un homme riche offrir 12 louis pour qu'on lui en procure 2 livres.
Malgré ce marché noir limité, ce n'en fut pas moins, par la faute d'un technocrate trop pressé, la fin de la première culture française du tabac.
P. DUPOUY
Imprimé chez Michel RACLE, imprimeur de l'Académie, rue St James, en 1783. (Bibl. Mun. de Bordeaux. D 166 181)
2) L'Intendant ou "le Roi présent en la province" est l'équivalent d'un préfet aux pouvoirs beaucoup plus étendus...
3) la phrase est de Dupré de Saint-Maur; nous soulignons.
4) la livre est un franc.. très lourd la 20° partie du louis d'or côté aujourd'hui - fin janvier 1974 - plus de 200 nouveaux Francs ! un quintal 50 kg.
5) par CAVELIER de LA SALLE, en 1682. La Nouvelle Orléans venait d'être fondée en 1714.
Petite histoire du tabac dans nos régions
Cahiers du Réolais - N° 98
II - Les temps modernes
La culture du tabac en France avait été, on l'a vu (I), supprimée en 1719. Après un essai de vente libre avec taxe, la Ferme avait été rétablie en 1721.
Un certain DUVERDIER l'avait prise de 1721 à 1723, puis la Compagnie des Indes, de 1723 à 1730.
Les revenus du tabac servaient à combler le déficit de son administration des comptoirs de l'Inde.
Le tabac lui avait permis de verser à l'Etat, en sept ans, 15 500 000 livres, et d'en répartir entre ses actionnaires 7 500 000.
Depuis 1730, le tabac était entre les mains des "Fermes générales de Sa Majesté", qui avaient pris en adjudication tous les impôts indirects du royaume. Le bail pour le tabac était renouvelé de 4 en 4 ans ; il était passé de 7 millions de livres à 8 millions.
L'affaire était prospère, cela provenait de la réduction du personnel, de l'augmentation des prix du tabac à la vente (nous avons calculé qu'il était, à la veille de la Révolution, de 72 s. la livre).
Mais surtout cela provenait de l'accroissement continu de la consommation, passée de 150 000 quintaux en 1719 à 250 000 en 1781.
L'approvisionnement
La Ferme avait à faire d'énormes achats : en temps de paix, 180 000 quintaux de tabac brut pour vendre 120 000 de tabac fabriqué.
Les chiffres montrent qu'une partie notable de la consommation lui échappait par la fraude, car en temps de guerre la fraude étant plus difficile les chiffres étaient 480 000 quintaux de brut et 320 000 de fabriqué. Ces achats portaient sur le tabac colonial français ; sur le tabac étranger (surtout celui des colonies anglaises, Virginie, Maryland). Dupré de Saint-Maur calcule que la France, quoique très souvent en guerre avec l'Angleterre, lui a laissé, pendant tout le siècle, 4 à 5 millions de livres pour son tabac.
Le Plan de Dupré de Saint-Maur
Il est, on le sait, pour la reprise des plantations en France, en particulier dans sa généralité de Guyenne. Il pose avec vigueur le dilemme : la France préfèrera-t-elle éternellement payer son tabac à l'étranger ou l'acheter à ses propres cultivateurs ?
Les circonstances extérieures (la conjoncture, comme disent les pédants) lui paraissent propices à cette relance, nous avons perdu la Louisiane (2). Les Antilles sont devenues "nos îles à sucre" et semblent avoir trouvé un meilleur emploi de leur terre à la culture de la canne. (On en sait quelque chose à Bordeaux qui raffine le sucre). Depuis le début de la Guerre de l'Indépendance Américaine, 1775, les Anglais contrôlent difficilement le tabac de leurs colonies et ils en ont augmenté le prix. D'ailleurs les Anglais vont perdre ces colonies. Nous sommes en 1781; la situation évolue à leur désavantage et cela paraît irréversible. Presque partout, en Europe, cela stimule les plantations nationales.
Nous sommes, il est vrai, depuis 1778 les alliés de ces insurgés américains. Allons-nous leur faire concurrence pour le tabac ?
Dupré de Saint-Maur répond à cette objection avec un bon sens duquel la suite des événements a ajouté beaucoup d'humour:
"Ce peuple philosophe ne peut méconnaître notre liberté sur ce point". D'ailleurs "s'il y avait, dans les 13 colonies révoltées, un canton favorisé du Ciel où la vigne pût s'établir, il ne croirait pas devoir se l'interdire et, par égard pour les propriétaires de la France, se priver de cette richesse".. Oh! certes !...
Il faut donc commencer à planter du tabac en France. Dupré de Saint-Maur réfute un certain nombre d'objections que l'on pourrait faire à propos de notre propre équilibre économique :
1°) De toute façon nous ne pourrions suffire à notre consommation de tabac
Pour Dupré nous le pourrions : il suffirait d'en planter sur 250 000 arpents (= 125 000 hectares).
2°) Cela nous détournera de la culture du blé nécessaire (objection grave dans un pays qui connaissait encore des disettes de grains). Dupré répond que In culture du tabac pourra alterner avec la culture du blé. Les tiges de tabac enfoncées dans le sol au labour constitueront pour le blé de l'année suivante un excellent engrais. L'Intendant rejoint ici ce grand mouvement de la suppression de la jachère qui caractérise l'agriculture progressiste du XVIII° siècle. Un philosophe disait "La jachère est dans l'ordre de la nature que sont les tyrans dans l'ordre politique". D'ailleurs la culture du tabac ne prendra pas tellement de travailleurs il en faut deux par arpent, mais on peut y occuper les femmes et les enfants.
Où en planter? Bien sûr, Dupré pense à l'ancien terroir de l'Agenais, mais il voudrait l'introduire dans les Landes, "ces vastes déserts que le voyageur ne traverse qu'avec inquiétude de Bordeaux à Bayonne". Songeons qu'il est le collègue, à la Société d'Agriculture de Bordeaux, de BREMONTIER, le pionnier de leur mise en valeur.
Le tabac trouverait un terrain frais, l'eau nécessaire à peu de profondeur. Il a observé que les bergers pyrénéens transhumants y font, pour leur usage personnel, une culture du tabac que les économistes modernes appelleraient "une culture loterie". Dupré rappelle ses propres expériences en Sologne.
Quel régime adopter? Chose qui surprend chez ce libéral, Dupré se prononce pour la Ferme.
Il admire la façon dont le grand Frédéric l'a organisée avec une minutie toute prussienne :
- le planteur astreint à la déclaration des pieds qu'il plantera ;
- le planteur astreint à la déclaration des pieds qu'il plantera ;
- le réglage du nombre des feuilles par pied (nous noterons qu'il était de 10 ou 12) ;
- le triage selon 3 qualités (on en distinguait 4 en France) ;
- la mise en paquet de 3 douzaines de feuilles ; nous y retrouvons presque nos anciennes "manoques" de 24 feuilles plus le lien.
- amende pour le planteur qui présenterait un nombre et un poids de feuilles notoirement insuffisant par rapport à ses déclarations.
A la lecture de ce texte, il semble que l'on ait dit un peu trop vite que Napoléon, en instituant la Régie d'Etat des Tabacs, en 1810-18II, avait simplement recopié le règlement de COLBERT pour la Ferme ; il a pu s'inspirer aussi du règlement prussien qu'il voyait fonctionner dans la Prusse, occupée depuis Iéna (1806).
A la fin de son Mémoire seulement, l'Intendant envisage la vente libre : "elle aurait bien des avantages, l'intérêt du fisc, et il faut, bien sûr, l'assurer puisque c'est sur cette base que repose 1'Etat, pourrait être sauvegardé par une imposition équivalente au bail de la Ferme sur les terres consacrées au tabac". (C'est l'impôt territorial cher aux philosophes du XVIII° siècle)
"Mais, de toute façon, elle ne saurait être instaurée que plus tard, quand on aura rétabli la culture en France".
Qui fut bien ennuyé c'est mon aïeul CHAUVET à Loubens !
Né le 29 mai 1756, marié en 1786, i1 était, en même temps que charpentier de haute futaye, un marchand débiteur de tabac. La Ferme avait ainsi plusieurs milliers de buralistes détaillants. Il s'était approvisionné, le 15 mai 1790, au Grand Bureau de Marmande, de 10 livres 10 onces de tabac (3) au prix de 72 sols la livre.
Depuis que l'Assemblée Nationale a diminué le droit, il se voit obligé de le donner à 3 sols l'once. Cela représente pour lui une perte de 24 sols par livre. Mais il y a maintenant à Loubens, depuis le 4 mars 1790, une municipalité élue. Pierre Chauvet lui soumet son problème, et en voici l'écho : REGISTRE des délibérations du C. M. de LOUBENS.1790.acte 10 (4)
11 avril 1790. Nous, Maire et Officiers Municipaux de la paroisse (le mot "commune" n'est pas encore passé dans le langage), nous nous sommes transportés chez le requérant, après avoir fait remettre sous nos yeux le livre de raison dudit Chauvet et avoir connu la vérité, nous avons pesé le restant du tabac qui lui reste à vendre et avons trouvé le poids de 5 livres dont il se voit obligé de débiter à prix courant de 3 sols l'once. Nous avons délivré le présent procès verbal audit Chauvet pour réclamer auprès du Grand Bureau une indemnité des dites 5 livres de tabac restantes".
L'histoire ne dit pas si l'aïeul Chauvet toucha son indemnité, ni s'il resta "marchand débiteur de tabac" jusqu'à la fin de sa longue vie qu'il termina seulement le 5 février 1835 à l âge de 79 ans. Après les dissertations, les mesures des technocrates, ce sont les humbles incidences au village! Le texte permet aussi de calculer la vente au bureau de Loubens: 6 livres environ par an, surtout probablement, de tabac à priser et à chiquer.
Restauration des plantations
Napoléon ayant établi le Monopole d'Etat en 1810-18II, les plantations françaises ressuscitèrent. (C'était conforme à sa politique du Blocus continental) On revit d'abord des plantations dans l'Agenais. Le Second Empire les autorisa en 1856 en Gironde, dans les arrondissements de BAZAS, BLAYE et LA REOLE. Il y eut un entrepôt à Bordeaux, puis à Langon, et à La Réole en 1906.
Les planteurs d'aujourd'hui retiendront surtout que Dupré de Saint-Maur en 1781 souhaitait pour encourager la relance une augmentation substantielle à la production au lieu de 11 à 12 livres le quintal pour l'ancien tabac de l'Agenais, 35 ou 40 (5) aux nouveaux planteurs.
- la mise en paquet de 3 douzaines de feuilles ; nous y retrouvons presque nos anciennes "manoques" de 24 feuilles plus le lien.
- amende pour le planteur qui présenterait un nombre et un poids de feuilles notoirement insuffisant par rapport à ses déclarations.
A la lecture de ce texte, il semble que l'on ait dit un peu trop vite que Napoléon, en instituant la Régie d'Etat des Tabacs, en 1810-18II, avait simplement recopié le règlement de COLBERT pour la Ferme ; il a pu s'inspirer aussi du règlement prussien qu'il voyait fonctionner dans la Prusse, occupée depuis Iéna (1806).
A la fin de son Mémoire seulement, l'Intendant envisage la vente libre : "elle aurait bien des avantages, l'intérêt du fisc, et il faut, bien sûr, l'assurer puisque c'est sur cette base que repose 1'Etat, pourrait être sauvegardé par une imposition équivalente au bail de la Ferme sur les terres consacrées au tabac". (C'est l'impôt territorial cher aux philosophes du XVIII° siècle)
"Mais, de toute façon, elle ne saurait être instaurée que plus tard, quand on aura rétabli la culture en France".
La Révolution et les ennuis d'un buraliste
La vente libre du tabac fut rétablie brusquement par décret de l'Assemblée Nationale du 20/21 mars 1791.Qui fut bien ennuyé c'est mon aïeul CHAUVET à Loubens !
Né le 29 mai 1756, marié en 1786, i1 était, en même temps que charpentier de haute futaye, un marchand débiteur de tabac. La Ferme avait ainsi plusieurs milliers de buralistes détaillants. Il s'était approvisionné, le 15 mai 1790, au Grand Bureau de Marmande, de 10 livres 10 onces de tabac (3) au prix de 72 sols la livre.
Depuis que l'Assemblée Nationale a diminué le droit, il se voit obligé de le donner à 3 sols l'once. Cela représente pour lui une perte de 24 sols par livre. Mais il y a maintenant à Loubens, depuis le 4 mars 1790, une municipalité élue. Pierre Chauvet lui soumet son problème, et en voici l'écho : REGISTRE des délibérations du C. M. de LOUBENS.1790.acte 10 (4)
11 avril 1790. Nous, Maire et Officiers Municipaux de la paroisse (le mot "commune" n'est pas encore passé dans le langage), nous nous sommes transportés chez le requérant, après avoir fait remettre sous nos yeux le livre de raison dudit Chauvet et avoir connu la vérité, nous avons pesé le restant du tabac qui lui reste à vendre et avons trouvé le poids de 5 livres dont il se voit obligé de débiter à prix courant de 3 sols l'once. Nous avons délivré le présent procès verbal audit Chauvet pour réclamer auprès du Grand Bureau une indemnité des dites 5 livres de tabac restantes".
L'histoire ne dit pas si l'aïeul Chauvet toucha son indemnité, ni s'il resta "marchand débiteur de tabac" jusqu'à la fin de sa longue vie qu'il termina seulement le 5 février 1835 à l âge de 79 ans. Après les dissertations, les mesures des technocrates, ce sont les humbles incidences au village! Le texte permet aussi de calculer la vente au bureau de Loubens: 6 livres environ par an, surtout probablement, de tabac à priser et à chiquer.
Restauration des plantations
Napoléon ayant établi le Monopole d'Etat en 1810-18II, les plantations françaises ressuscitèrent. (C'était conforme à sa politique du Blocus continental) On revit d'abord des plantations dans l'Agenais. Le Second Empire les autorisa en 1856 en Gironde, dans les arrondissements de BAZAS, BLAYE et LA REOLE. Il y eut un entrepôt à Bordeaux, puis à Langon, et à La Réole en 1906.
Les planteurs d'aujourd'hui retiendront surtout que Dupré de Saint-Maur en 1781 souhaitait pour encourager la relance une augmentation substantielle à la production au lieu de 11 à 12 livres le quintal pour l'ancien tabac de l'Agenais, 35 ou 40 (5) aux nouveaux planteurs.
Pierre DUPOUY
NOTES :
I) Voir CAHIERS DU REOLAIS No 97 . 1er Trim, 1974
2) Depuis Le Traité de Paris, 1763,
3) L'once est la seizième partie du poids d'une livre
4) Archives Municipales de Loubens. 1790.
5) La livre monnaie est un Franc très lourd, la 20e partie du
5) La livre monnaie est un Franc très lourd, la 20e partie du
Louis d'or côté aujourd'hui (fin mai 1974) près de 30 000 anciens Francs
Sommaire



0 comments: