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     Il y a quelques années, le lundi 18 février 2013, Guy Labadens, cousin germain de Max et Mimi, a photographié ses souvenirs de vacances...

    Il y a quelques années, le lundi 18 février 2013, Guy Labadens, cousin germain de Max et Mimi, a photographié ses souvenirs de vacances réolaises des années 60.


Album photo

    Les images sont d'aujourd'hui, les souvenirs forcément d'hier.
    Foin de nostalgie, mais traces légères de moments de découvertes, de rencontres, de plaisirs avec celles et ceux qui ont composé le paysage d'une partie de ma jeunesse.
    La Réole si proche et si différente. Mes jeunes années courent le long de tes quais.


L'épicerie

La grand'mère de Suzy tenait une épicerie. Les étiquettes étaient écrites à la main, à l'encre violette, sur des morceaux de carton. Certaines, proches des produits plus gras avaient leur lettrage coulant, non sans grâce, vers le bas de l'annonce.
    L'épicerie a fermé son commerce avec l'arrivée massive des pointes Bic.

Le tabac journaux

Dans ce tabac journaux, il y avait un curieux mélange olfactif, à nul autre pareil, entre papier, tabac, confiserie. J'allais y chercher, pour le Pépé, le magazine Rustica et des Gauloises "disque bleu".
    Un jour, il y a peu, au hasard de mes nombreuses circulations, je suis tombé sur la même odeur, dans un tabac-journaux de Bretagne, autant qu'il m'en souvienne.
    L'enfant qui y achetait des bonbons se forgeait, sans le savoir, une mémoire pour la vie.

Lous Réoules

Cet ensemble folklorique fameux avait vu la rencontre de Max et de Suzy. Je me rappelle avoir vu danser Lous Réoules, devant le plus vieil Hôtel de Ville de France, un jour de fête. Ces danseurs étaient très aimés et très applaudis par les réolais.
    Au demeurant le groupe partait souvent en tournée pour donner des représentations à travers le département et bien au-delà.
    C'était le début des années 60 et il y avait toujours ce décalage pour moi, dans ce La Réole que j'aimais, entre la modernité qui poussait et ce que je ne nommais pas encore patrimoine et qui avait tant de richesse architecturale.
    Entre le Teppaz de ma cousine et la maison à colombage de la rue Peyssegin, entre Lous Réoules et l'arrivée des yéyés, entre Aliénor d'Aquitaine et Catherine Langeais il y avait ces écarts de temps qui nous constituent et nous guident sur la promenade de notre vie.

L'homme des vœux Bartissol

C'est à ce croisement, me semble-t-il, que l'oncle Marc crut rencontrer L'homme des vœux Bartissol.  
    Pour ce jeu radiophonique de Radio Luxembourg, il fallait dire à un inconnu demandant un renseignement géographique à priori incongru: "Vous ne seriez pas L'homme des vœux Bartissol? " 
S'il répondait : "Oui", on devait lui présenter immédiatement une capsule, même aplatie du fameux vin cuit et alors, L'homme des vœux Bartissol pouvait satisfaire un souhait de l'heureux gagnant.
    Il n'existait qu'un seul  Homme des vœux Bartissol pour tout le territoire français, en conséquence les chances de gain étaient réduites.
    Cependant le dimanche, les adultes trinquaient au Bartissol, qui avait supplanté pour un temps Byrrh, Cinzano et autre Martini.
    De Gaulle était au pouvoir, la loi Evin était encore loin.

La côte des Quat' Sos
  
C'était mon Izoard à moi. Longtemps je ne pu atteindre son sommet. 
    Certes la côte n'est pas très longue et le pourcentage reste très modeste, mais il me manquait toujours quelques coups de pédales pour arriver en digne grimpeur sur la place de l'église.
    Et puis un jour, dopé sans doute à la cuisine familiale et accompagné d'un moral de vainqueur, j'avalais le dernier lacet.
    Je vis flotter devant moi l'ombre de Charly Gaul et je me décernai, ipso facto, le surnom d'Ange des Quat' Sos.

La grille

 Cette porte est un peu emblématique de La Réole. Surplombant la Garonne, véritable œuvre d'art, elle illustre l'aspect patrimonial de la ville.
    Pour moi, elle évoque, à tort ou à raison, le mariage de mon cousin Max avec Suzy. 
    Y a-t-il eut une photo devant elle, les mariés sont-ils passés par le cloître avec celle-ci en fond, la noce a t'elle descendu l'escalier vers le fleuve? Des images sont là, mais la mémoire précise fait défaut.
    Cette porte a été photographiée des milliers de fois depuis ce jour de mariage: souvenirs de voyage, promeneurs du dimanche, cartes postales, guides touristiques, contre jour sur fond de ciel orageux, en argentique, en jetable, en iPhone, en bridge, en compact, en reflex, en noir et blanc et en couleurs.
Plus une, ci dessus.

Jean de La Réoule

Lors de nos premières visites à La Réole, sinon la première, mon oncle déclara qu'il fallait aller voir la statue de Jean de La Réoule située au centre ville et symbolisant la résistance des Réolais aux envahisseurs.
    Il avait certainement si bien présenté ce héros que je m'attendais à une statue imposante, peut être comme celle de Gambetta, sur les allées de Tourny de mon enfance.
    Arrivés sur la place de la Libération, enfin au Touron, il fallut nous tordre le cou mes parents et moi-même, pour apercevoir une toute petite statue du héros sus nommé, posée en hauteur sur un immeuble d'angle. Elle était sans doute haut perchée pour mieux voir les ennemis de loin.
    Celui qui ne fait que passer ne peut voir Jean de La Réoule. Il faut s'arrêter et regarder vers le haut.     La marque des plus grands.

Place du Martouret
   
Il y avait une amie de ma cousine, prénommée, je crois, Régine, qui habitait une maison autour de cette place.
    Le jour où elle lut les résultats du bac dans le journal Sud Ouest, elle avoua avoir dit, ce qui me stupéfia : "J'étais tellement sûre de l'avoir, qu'avant de lire la liste des admis, j'ai regardé les programmes de cinéma" .
    C'est à ce moment précis, je pense, que j'ai pris la décision d'arrêter mes études et de faire du théâtre.

Cinéma Le Gymnase
 
J'y ai vu, à la toute fin des années cinquante, avec mon oncle Marc, un western avec Randolph Scott     L'aventurier du Texas.
Allant très peu au cinéma avec mes parents, cette sortie, durant les vacances de Pâques, fût une véritable fête qui m'accompagne toujours. Mon oncle avait dit en sortant de la salle: "Ce western est bien, c'est une histoire d'hommes".
    J'ai revu, il y a peu, cette histoire d'hommes. Randolph Scott continue de chevaucher en solitaire, emportant son passé et ses secrets à la frontière du Texas et du Mexique, frontière matérialisée par un simple pont enjambant un bras du Rio Grande sur mon générique de  La dernière séance.


La route de l'aéroport

Après avoir passé le pont du Rouergue, nous prenions souvent la route de l'aéroport pour une balade vers le canal de Garonne. Le cousin Max avait assemblé un vélomoteur qu'il me confiait.
    Cet engin avait une particularité: le frein arrière était fixé sur la poignée de droite, contrairement aux montages traditionnels "Parce qu'on a plus de force avec cette main " justifiait mon cousin avec conviction.
    Encore fallait-il lâcher simultanément la poignée des gaz, qui elle était restée à sa place habituelle et serrer au même instant celle du frein.
    Un coup à prendre, réservé aux droitiers, entre lâcher prise et fermeté.

Le stade

Le stade, régulièrement inondé durant les grandes crues de la Garonne, était le fief du XIII. 
    Le terrain, naturellement gras, ne se prêtait pas toujours aux envolées légères de trois-quarts  inspirés. 
    A ma connaissance Puig Aubert, dit Pipette n'y botta pas ses drop goals de légende. 
    C'était un jeu plus âpre, de rentre tronche, de baffes sonores, de pisse blaire, de bouffe gazon. 
Les bagarres y étaient fréquentes sur le terrain comme dans les tribunes. On a encore en mémoire le visage de quelques spectateurs au verbe haut et aux poings lourds qui, le dimanche finissant, après avoir réglé son compte tant à l'arbitre qu'aux spectateurs adverses, juraient que le XIII était le vrai et beau jeu, par rapport à ce XV hautain et si amateur.
    Quand une profession de foi tient à quelques mandales et à une soustraction.

On the road

À l'époque où nous avions vu ma cousine et moi Johnny Hallyday aux fêtes de Blasimon, était paru un article dans Salut les copains où la vedette évoquait ses nombreuses tournées et les différents moyens de locomotion qu'il utilisait: trains, voitures, bateaux... 
    Il se représentait même ces modes de transports regroupés en une seule image comme dans les livres scolaires de notre enfance.
    Depuis les hauteurs de La Réole, tout est à la disposition de l'imaginaire du voyageur potentiel y compris, dans le lointain, le terrain d'aviation et le canal de Garonne.

Les quais

Les quais... lieu incontournable du marché du samedi matin, de la foire de Toussaint, des inondations spectaculaires et... d'un critérium cycliste.
    Je n'y étais pas à ce critérium, mais j'ai su qu'Anquetil, Geminiani et autres gloires de l'époque, avaient effectué sur un circuit court créé à l'occasion une prestation sportive et commerciale qui avait drainé les amoureux de la petite reine.
    Quand je circulai sur les quais, aux vacances suivantes, pédalant sur le vélo de ma cousine, longeant les bandes blanches, restes du tracé cycliste, je m'imaginai dans la roue des champions et ne reculant devant rien, les jours de folie, réglant tout le monde au sprint.

Le Rex
 Le Rex était le cinéma phare de La Réole, au prestige inégalé comparé aux deux autres établissements cinématographiques: Le Casino et Le Gymnase.

    Trônant au milieu de la place de la Libération, il ne pouvait échapper ni aux regards des autochtones ni à celui des voyageurs traversant la ville, surtout dans le sens Marmande Langon.

    Façade dégagée sur Le Turon, il était une invite à de grands spectacles en scope et couleurs.

Cependant je n'ai qu'un seul souvenir de spectateur dans cette salle et ce ne fut ni Ben Hur , ni Autant on emporte le vent, ni même Le docteur Jivago mais la très modeste Cuisine au beurre avec Fernandel et Bourvil, film 35 mm en noir et blanc et à la digestion instantanée. Cette comédie légère fait encore les fins de soirées des chaînes de la TNT alors que la façade du Rex invite toujours aux voyages du 7ème art.


Le marchand de journaux du centre


Nous y achetions de temps à autre, ma cousine et moi des publications correspondantes à nos âges et nos goûts.

    Mais surtout, nous allions chercher pour toute la maisonnée, la bible télévisuelle hebdomadaire : Télé 7 jours. Savoir qui Jacques Chabannes et Suzanne Gabriello allaient accueillir à Paris Club, qui rencontrerait qui, au prochain Intervilles et quel film cette semaine serait programmé le dimanche soir.

    Le magasin a fermé. La revue existe toujours, la télévision aussi.


La maison de la rue Duprat


Certainement le lieu par excellence de(s) mémoire(s): l'atelier de l'oncle Marc où grâce à une installation ingénieuse, un cordon, un seul, tiré de façon nette donnait la lumière à l'atelier, alimentait les machines et donnait vie à la radio ; les merveilles et les bocaux de cèpes de ma tante/marraine Yoyo, les poulets aux grains du Pépé (ses petits amis), le vaisseau spatial de Guy Léclair conçu et réalisé avec ma cousine Mimi.

    Au premier étage côté rue, l'ancienne chambre de mon cousin Max, avec ses livres de science fiction aux couvertures dessinées avec engins spatiaux extraordinaires, monstres et héros déterminés et un cendrier carré avec une tête de boxeur en relief encaissant un crochet du droit.

    Et puis il y avait Zappy, les J.O. de Rome à la télé en noir et blanc, le grand pré vert en pente, les toilettes au- dessus du Charros, ah... ces ploufs spectaculaires, les oiseaux en cage, la tourterelle jouant avec le chat, la famille Duraton, le téléphone dans le couloir, les locataires qui rient...

    C'était pour moi les vacances de Pâques ou d'été en amont de la Garonne et au bout de la ligne des autobus de la compagnie Citram.


La Réole - Images/Mémoire(s)

Avec:

Yoyo, Marc, Renée, Maurice, Mimi, Suzy, Max, le Pépé, les Sauvignon, Régine, Randoph Scott, les 4 Sos, Jean de La Réoule, Bourvil, De Gaulle, Evin, Fernandel, Zappy, L'homme des vœux Bartissol, Charly Gaul, Jacques Chabannes, Guy Léclair, Raphaël Géminiani, La famille Duraton, Aliénor d'Aquitaine, Puig Aubert dit Pipette, Catherine Langeais, Johnny Hallyday, Suzanne Gabriello...


Sauf erreur ou omission...



















Seul manque le cinéma Casino devenu un parking...







La Garde Nationale à La Réole - 1870 d’après les notes de Jean Fauchez, réolais qui y relate les événements à travers son vécu, d’abord à ...



La Garde Nationale à La Réole - 1870

d’après les notes de Jean Fauchez, réolais qui y relate les événements à travers son vécu, d’abord à Bordeaux, puis à La Réole.
[ Début juillet 1870, à Ems, se déroulent des négociations entre l'ambassadeur de France et le roi Guillaume Ier de Prusse concernant le conflit né de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne. N'obtenant pas satisfaction, ni de Guillaume, ni de Bismark, la France déclara la guerre, le 19 juillet 1870 à la Prusse. ]

JUILLET 1870
    Ce soir, 19 juillet 1870, la guerre a été déclarée contre la Prusse. On parle d’assembler la Garde Nationale mobile. Le 26, les préparatifs de la guerre se font avec beaucoup de vigueur et d'entrain.
Des trains entièrement chargés de munitions, de vivres et de soldats circulent continuellement.
    Les troupes d'Afrique débarquent à Toulon ; la flotte est prête à faire expédition dans la Baltique.
Le 27, la Garde Nationale mobile va recevoir les feuilles de route.
Le 30, l'Empereur s'est rendu à Metz comme commandant général de l'armée du Rhin.


Départ de la garde nationale mobile de la gare d'Aubervilliers en juillet 1870

AOÛT 1870
Le 3, les Français ont pris la petite ville de Saarbruck aux Prussiens. Elle a été réduite en cendres.
Le 5, les Prussiens ont attaqué ; ils étaient soixante mille contre huit à dix mille français. Deux généraux français ont été tués et un grand nombre d'officiers a été pris. L’ennemi est entré en France avec des troupes considérables. Ils y ont perdu sept à huit mille hommes ; nous, cinq à six cents. 
    Toute la France est étonnée. On propose des enrôlements volontaires pour aller au secours de l'armée. Grande animation dans Bordeaux.
    Le 8, on a convoqué la Chambre des députés et le Sénat pour proposer la levée des 20 à 30 ans pour le service militaire et des 30 à 40 ans pour la Garde Nationale sédentaire.
    Le 9, début des enrôlements volontaires. Le bureau était en plein air, sur le péristyle du Grand Théâtre ; spectacle vraiment imposant : ces jeunes gens se bousculaient pour se faire inscrire. Le soir, sur la place de la Comédie et à la Préfecture, foule immense et compacte, assez impatiente de nouvelles.
    Le 10, poursuite des enrôlements presque toute la journée; grande agitation dans la ville.
Ce soir, déferlement continu, du Cours de l'Intendance jusqu'aux quais, place de la Comédie, Allées de Tourny, Cours du 30 Juillet et rue Sainte-Catherine. Les engagés se sont emparés d'un drapeau arboré à un café sur l'Intendance. 
À 10 heures ½, la foule s'est portée à Tivoli, à l'établissement des Jésuites : ils ont ébranlé le portail de fer et le mur de clôture pendant ¾ d'heure, puis une charge d'agents de police et de mouchards les a dispersés à coup de casse-tête.
    Le lendemain, beaucoup de mouvements dans la ville.
    Le 16, combat entre les armées ennemies ; grandes pertes côté prussien. Deux jours plus tard, le maréchal Bazaine a refoulé une division prussienne dans les carrières de Jauvont.
Les escadres de la Baltique et de la Méditerranée ont fait la capture de plusieurs navires prussiens.
    Le 25, la Garde Nationale sédentaire est montée à Bordeaux et fait déjà le service de la troupe absente.
    Le 30 août, je suis allé me faire inscrire pour la Garde Nationale sédentaire.

SEPTEMBRE 1870
    Exercice de la Garde Nationale, le 1er septembre (depuis le 30 août, on se bat avec des succès et des revers entre Metz et Sedan); le lendemain, le combat continue, jour et nuit. Mac-Mahon est forcé de se replier sous le nombre des ennemis jusque sous Sedan. Il est gravement blessé. Failly a été surpris par l'ennemi et a été tué ; les uns disent par ses soldats, les autres disent par les mitrailleuses ennemies.
    Le 3, on annonce l'arrivée dans la rade de deux batteries flottantes de douze canons chacune.
La ville de Sedan a dû se rendre. Le général Weinpffin a signé la reddition. L'empereur a été fait prisonnier avec le reste de l'armée de Mac-Mahon, qui au départ comptait quarante mille hommes.
    Il ne reste plus que Bazaine sous les murs de Metz. Il a perdu beaucoup de monde et il est cerné. Strasbourg est à moitié détruite par les bombardements.
    La levée des hommes de 25 à 35 ans se fait à la hâte, mais on manque d'armes.

Le dimanche 4 septembre, la statue de l'empereur sur les Allées de Tourny a été jetée à terre.
    Cette statue équestre était en zinc d’environ un centimètre et demi d'épaisseur. Il n'y a ni opposition ni désordre, chose extraordinaire pour une foule d'au moins dix mille personnes. On a traîné le socle de la statue (tout le reste ayant été réduit en petits morceaux, y compris les jambes du cheval) jusqu'au fleuve, où elle a été jetée depuis le milieu du pont. Au retour, on a escaladé tous les drapeaux pour en enlever les aigles.
Ce soir à Paris, on a proclamé la République.
On a commencé à démolir, le 5, le piédestal de la statue. Le préfet a été démis de ses fonctions et remplacé. Le lendemain, l'Impératrice a abandonné les Tuileries, ainsi que la régence. Tous les ministres ont été changés et pris parmi les députés de gauche ; le sénat a été dissous.

Une cousine de Jean, habitant Libourne, décrit ce qu’elle y voit pendant ces événements :
Les Gardes Nationaux sont 1.500 à faire l'exercice tous les jours (3 heures, trois fois par jour). Ils sont écrasés de fatigue ; pourtant lors des repas, ils chantent à tue-tête la Marseillaise ; les Girondins ajoutent le Chant du Départ.
    Mon époux a été nommé caporal, car au second jour de l'exercice, le lieutenant, remarquant que le sous-lieutenant était inapte à commander des hommes, s'écria: " R., vous sentez-vous la force de commander et connaissez-vous la théorie ? ". " Non, mon lieutenant, je ne suis pas très fort, mais je l'étudie tous les jours ". Il espère passer sergent. Pour l'instant, il reste à Libourne : les jeunes gens non mariés sont dirigés sur Paris. N'étant pas en nombre suffisant pour former un contingent, les hommes mariés sans enfants vont être tirés au sort.
    Le 4 septembre, la ville de Libourne fut assez calme jusqu'au soir ; mais à l'arrivée du train de 11 h, quand on apprit ce qui s'était passé à Bordeaux (statue de l'Empereur traînée dans les rues et jetée à l'eau), il n'en fallut pas davantage. Cette nuit-là, j'entendis une rixe entre deux individus, des bruits de tambours, puis une rumeur qui allait toujours croissant ; la place de la Mairie était envahie par un attroupement. Peu après, une foule immense passait sous nos fenêtres, déambulant en rangs serrés, de la Place de la Mairie à la gare, en criant : " À bas l'Empereur, vive la République ". 
    Cela faisait un tohu-bohu d'enfer ! Tout le monde (les gens calmes, en simple costume, restaient - bien entendu - chez eux) regardait, aux fenêtres, défiler les émeutiers. Ceux-ci réclamèrent un drapeau. Comme il n'y en avait pas, on les fit entrer dans la buvette de la gare, où il leur fut distribué du vin blanc à discrétion et du tabac. Ils repartirent comme ils étaient venus, vociférant et devancés par les roulements de tambour. 
    Ils ne cessèrent de brailler jusqu'à 4 heures du matin ! Une heure plus tard, les va-et-vient reprirent avec, cette fois-ci, des drapeaux. Ils réclamèrent le buste de l'Empereur qui se trouvait dans la mairie et le brisèrent. Ils promenèrent, jusqu'à la gare, celui de l'Impératrice, ainsi qu'un grand portrait de son époux la tête en bas. Ils obligèrent tous les conducteurs croisés à crier : " Vive la République ", sinon ils les bloquaient.

Suite du récit de Jean :
    Le 10 septembre, Mac-Mahon n'est pas mort, comme on en avait fait courir le bruit. 
Les États-Unis d'Amérique nous envoie trois cent-mille fusils ; la Norvège et la Suède quatre vingt-dix-mille.
    Les Prussiens sont à 66 km de Paris. Le 11, il arrive, en masse, du monde de Paris, fuyant l'approche des Prussiens. Le général de Laon a fait sauter la citadelle, lorsqu'elle a été envahie par six-cents Prussiens. Il est mort avec eux. Le 24, on dit que Strasbourg a capitulé.
    
    Le 25 septembre, Jean Fauchez rentre définitivement à La Réole, n’ayant plus de travail, du fait de la guerre (arrêt de projets d’architecture).
Le 26, la Garde Nationale sédentaire de La Réole reçoit l’ordre de service n°1 :
« Le bataillon se réunira tous les dimanches à 3h de l’après-midi, sur la promenade des Tilleuls pour revues et exercices. Un poste de 24 hommes plus leurs chefs, fera le service de Sûreté et de Police et sera relevé toutes les 24h. Tous les Gardes Nationaux n’ayant pas accompli 35 ans seront réunis tous les jours de la semaine, dimanche excepté, de 8 à 10h du soir, pour être instruits et préparés au maniement des armes. Toutefois, ceux de la 6° Compagnie (hors ville) en sont dispensés les mardi, jeudi et samedi de chaque semaine ».

OCTOBRE 1870
    Jean reçoit le 3 octobre, un courrier du Service obligatoire - Garde Nationale de Bordeaux :  "Veuillez vous rendre le 5 courant à 6h ½ du matin très précise, en tenue et en armes à la Place des Armes ".
Le 4 octobre, ordre du jour des Gardes Nationaux réolais n°2 :
« Instruction et exercice des six Compagnies, tous les jours, sauf dimanche, par demi-section et à tour de rôle. Revue et exercice le dimanche à 2h, promenade des Tilleuls. Remise par le Maire de 26 fusils à chacun des chefs des six Compagnies... »
Le 24 octobre, l’ordre du jour n°3 modifie le précédent, « à la demande de tous les chefs de poste, en réduisant le nombre à 12 hommes. De plus, la 6° Compagnie étant de service 24h, ne pouvant travailler les champs, leur service sera allégé ; elle fournira chaque nuit un piquet de six hommes commandé par un caporal ou un sergent, pour faire une patrouille et devra se faire reconnaître par le poste de la Place du Turon, où le chef aura pris auparavant le mot de ralliement et ses instructions. Un tambour conduira la montée et descente de la Garde ».
    Le 28, la capitulation de Metz démoralisait toute la France et déshonorait le maréchal Bazaine.
L'armée de Paris tente une sortie par l'Est et l'armée de la Loire avance également.

NOVEMBRE 1870
    Le 7 novembre, l’ordre de jour n°5 précise que « chaque remplacement d’un Garde National pour le service de poste, dûment autorisé par son chef, sera fait uniquement par un membre appartenant à sa Compagnie. M. les chefs de Corps sont priés de veiller à ce que le prix du remplacement ne dépasse pas le prix de la journée d’un ouvrier. Le 13, inspection des armes ».
    Le 15, l’ordre du jour n°6 fait remarquer « qu’après la pause pendant les exercices du soir, beaucoup de Gardes Nationaux sont en retard ou déjà partis. Dorénavant le début et la fin du repos seront indiqués par un roulement de tambour ».

DÉCEMBRE 1870
    L'armée de Paris a traversé, le 2 décembre, la Marne ; deux jours plus tard, celle de la Loire recule sur Orléans, qu'elle avait déjà reprise aux Prussiens. Le 6, l’ennemi rentre dans Orléans.
Le lendemain, je reviens, vers 5 heures, à La Réole avec les célibataires de Sauveterre. Tous les cantons se sont réunis pour former un bataillon.
    Le 9, le gouvernement provisoire a quitté Tours pour Bordeaux. Ce déménagement a produit une mauvaise influence sur le pays. L'armée de la Loire a été coupée en deux par les Prussiens. Neige et gel depuis quelques jours.    
    Le 13, sont arrivés cinquante blessés à la gare de La Réole, et le lendemain, à 10 heures du matin, 550 lanciers, les officiers avec femmes, enfants et bagages, plus 250 chevaux ; la ville devient un dépôt pour réformer le régiment avec les célibataires de l'arrondissement de La Réole : 1.300 hommes en tout.
    Le 15, un cheval des lanciers a eu une cuisse écrasée d'un coup de pied ; on l'a abattu. J'en ai rapporté un morceau que tout le monde a trouvé excellent. Le 18, je suis allé faire l'exercice sur le port.
On a crié : " À bas le sergent major " à cause d'une convocation de Gardes aux Portes, que le capitaine adjudant avait ordonnée sans raison.
 
Des gardes nationaux, Gardes mobiles, français en 1870.

L’ordre du jour n°11 du 19 décembre est ainsi rédigé : « La Sédentaire et la Mobilisée, montent la garde à jour passé : ce soir, les mobilisés, demain la 1ère Compagnie et ainsi de suite alternativement ».
    Ce soir, le 23, on a élu le sergent-major (c'est moi), trois sergents et dix caporaux. Il est encore arrivé des lanciers avec des chevaux blessés à La Réole. Le 25, j’ai reçu l’annonce de la mort, à Bazas, d'un ami à cause de la picotte. Le 28, tout l'après-midi, le commandant des mobilisés a passé en revue les six compagnies formant le bataillon réolais. Le matin du 29 décembre, la Garde Nationale a été accompagner les mobilisés à la gare. La musique et quelques Gardes Nationaux les ont suivis jusqu'à Bordeaux. À 2 heures, je me suis rendu aux Quinconces, puis sur la place d'Aquitaine, où nous leur disons adieu. Ils vont camper à Bègles. Ce soir, vu des patineurs au Jardin Public.
    Il a neigé toute la nuit. Quinze centimètres de neige, le lendemain. Je suis retourné à La Réole.
Le 29 décembre, lettre du Maire au Commandant de la Garde Nationale: « Le Conseil municipal a exprimé le vœu que la Garde Nationale ne monte désormais qu’un poste de nuit de 12h ».

Voici les réflexions de Jean au sujet de l’année 1870 :
Cette année 1870 est une année de malheur : la variole a fait des ravages dans Bordeaux. On peut presque dire qu'elle a décimé la ville ; il y a eu beaucoup de cas de picotte pourpreuse, quelques cas de choléra. L'été a été d'une sécheresse comme on n'en a peu vue ; chaleur tropicale, jamais de pluie ; toutes les sources, puits, fontaines sont taris ; on ne trouve plus d'eau que dans les rivières et encore en très petite quantité (mon beau-frère a traversé la Garonne avec sa voiture en face de La Réole et sans se mouiller les pieds). Dans les Landes, les bœufs et les vaches meurent de soif dans leur étable. Il n'y a eu ni foin ni regain, ni légumes, ni pommes de terre.
    Pendant ce temps, l'Empereur ne sachant que faire, fait voter le plébiscite et déclare la guerre à la Prusse (qui a fait tout ce qu'il fallait pour se la faire déclarer). De notre côté, nous faisons trois corps d'armée avec 200 à 300.000 hommes contre les Prussiens qui sont 1.200.000 avec une artillerie comme jamais on a vu.
    Aussi le résultat est que notre armée recule ; nos ennemis envahissent l'Alsace, puis la Lorraine, puis l’Île de France, la Picardie, la Bourgogne, la Normandie, la Touraine. Toutes nos places fortes sont cernées et prises.
    Au désastre de Sedan, 150.000 hommes sont vendus par Napoléon III, le maudit.
Puis vint la trahison de Bazaine, qui rend Metz et son armée de 120.000 hommes sans avoir tiré un seul coup de canon. Enfin à Paris, Trochu et le gouvernement provisoire résistent, armés d'une façon formidable. De nouvelles armées se forment comme par enchantement ; on fait venir des armées des pays étrangers ; on fond des canons. Paris, cerné, communique avec la province par des ballons et la province avec des pigeons.

La Capitulation de Sedan vue  Honoré Daumier dans Le Charivari du 22 septembre 1870

    À l'été brûlant et un automne très sec, succède un hiver humide, pluvieux et froid, comme si nous étions transportés en Sibérie. Il a neigé deux fois et la neige est restée huit à dix jours. Les gelées ont été des plus rudes. Triste temps pour faire la guerre et camper. Nos Gardes Mobiles, nos soldats et nos mobilisés, qui n'ont jamais été aguerris et qui ont été si mal vêtus avec des draps de très mauvaise qualité et des vêtements insuffisants.
    Et tout le mal que font nos envahisseurs dans les pays qu'ils traversent : ils pillent, ils brûlent et n'ont de plaisir qu'à détruire, à anéantir. Ils violent et tuent des gens inoffensifs pour le plaisir de tuer.
    Ils ont même poussé la barbarie jusqu'à brûler vifs des femmes, des vieillards et des enfants ; ils ont crucifié des journalistes.

JANVIER 1871
    Ce soir, dimanche 15 janvier, la Garde nationale a fait une sortie : il manquait les deux tiers.
 Le surlendemain, est parti un escadron de lanciers (cent-cinquante hommes) nouvellement équipés.
    Le 21, la Garonne a monté jusqu'au champ de foire ; le dimanche 22 : pas de promenade pour la Garde Nationale.

FÉVRIER 1871
    Le 1er Février, on a reçu les conditions de l'armistice. Le lendemain, l'armée du successeur de Bourbaki a passé en Suisse poursuivie par l'ennemi. Aussitôt sur le territoire neutre, elle a été désarmée.
On parle de dix-mille hommes qui se seraient évadés. Le 7, grande distribution de bulletins avant le vote de demain pour l'élection d'un chef-lieu de chaque canton. Il y a peut-être moins d'absents que si l'on avait voté dans chaque commune.
Ils sont arrivés, tambour et drapeaux en tête ; les vieillards en véhicule.
    Le 9, la Garonne croît beaucoup.
    Le 19, lettre du commandant : "Bataillon de la Garde sédentaire de La Réole",
"En me plaçant à la tête de votre bataillon, vous m’avez donné une preuve de confiance et d’estime, dont je suis fier. J’ai fait tous mes efforts pour maintenir la discipline et faire comprendre à chacun qu’il devait prendre au sérieux ses devoirs de garde national. Élu après la prononciation de la république, je suis obligé, quoique à regret, de décliner l’honneur de vous commander.."
    Le 23, les exercices de la Garde Nationale sont suspendues, comme l’indique l’ordre du jour n°15: « Le service du Poste de la Place du Turon est suspendu jusqu’à nouvel ordre, signé Renou, maire de La Réole ».
    Le 27, on dit la paix signée, à quelles conditions ?
Dépêche annonçant l'armistice - À Bordeaux, le 29 janvier 1871
AVRIL 1871
    Le 7 avril, le dernier escadron de lanciers du Cinquième régiment est parti.
    Le 8, Jean note : « Après la guerre avec les Prussiens, les Parisiens se sont mis en guerre civile ; ils ont essayé d'aller à Versailles escamoter l'Assemblée nationale pour instituer le gouvernement par la Commune. Les armées sont obligées de cerner Paris et même, ce qu'il y a de plus pénible, de battre les Parisiens ».
    Le 21, la guerre civile avait commencé à éclater à Bordeaux, mais cela a été vite arrêté. Cependant, la troupe a fait feu sur le public. On parle d'un mort et quelques blessés. Les balles ont criblé les magasins en face de la Caserne du Cours des Fossés.

MAI 1871
    Le 13 mai, le gouvernement de Versailles a pris le fort d'Issy-les-Moulineaux et celui de Vanves va lui appartenir sous peu. Les communeux de Paris commencent à ne plus être d'accord. Leur ministre de la guerre a donné sa démission.
    Le 26, les communeux de Paris touchent à leur fin ; on dit plusieurs chefs pris et fusillés. Mais les vandales détruisent par le feu les principaux monuments de cette première ville du monde : les Tuileries, l'Hôtel de Ville, le Palais de Justice.

JUIN 1871
    Enfin le 8 juin, les derniers communeux de Paris sont pris ; la guerre civile est momentanément terminée.

JUILLET 1871
    Le 5 juillet, je suis allé faire signer la liste des fusils de la Garde Nationale de La Réole.

OCTOBRE 1871
    Le 16 octobre, je suis allé à La Réole, porter les bulletins de convocation aux Gardes Nationaux de la Sixième Compagnie.

DÉCEMBRE 1871
    Le 11, j’ai apporté, à la mairie de La Réole, la liste des fusils délivrés à la Garde nationale. C'est aujourd'hui ou cette semaine, que se fait le désarmement définitif de celle-ci.

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Autre évocation, à La Réole, de la Garde Nationale d’après le Journal de Toulouse, le 20/9/1849

    Dimanche dernier, le 16 septembre 1849, la Société d'Agriculture de la Gironde a célébré sa fête annuelle et procédé à la distribution de ses prix. Elle a fait choix cette année, pour son champ d'épreuves, du domaine de M. Duran de Laubessa, situé dans l'arrondissement de La Réole.
    À cinq heures du matin, un bateau à vapeur, affrété à cet effet, partait du quai de la Grave emportant les membres de la Société d'Agriculture et de nombreux invités, parmi lesquels on remarquait Mgr l'archevêque, M. le maire de Bordeaux...
    À son arrivée à La Réole, le bateau fut salué par des salves d'artillerie. Les passagers mirent pied à terre au milieu d'une population considérable. Ils furent reçus à leur débarquement par MM le maire (Boué), le sous-préfet (Gravier), le curé et les membres du Comice agricole de la localité.
Le cortège, escorté par la Garde Nationale en armes, se rendit à la sous-préfecture, d'où, après une courte station, on se remit en marche pour se rendre sur la propriété de M. Duran de Laubessa.
Là, un autel avait été dressé en plein air (sous les ormeaux bicentenaires). Avant de procéder aux opérations du concours, Mgr célébra la messe, en présence d'une foule compacte et recueillie... ]

SOMMAIRE Couverture : Église de FONTET                     P .LAVILLE Blaise Charlut :                                                     ...





SOMMAIRE

Couverture : Église de FONTET                 P .LAVILLE
Blaise Charlut :                                            C. BIOT
A Blaise Charlut                                           Th.NADEAU
Légende des cloches de FONTET                G. LANDIRE
Inondations de Garonne                                L. JAMET
Une paroisse du Réolais: St. MARTIAL       A. TOUZET
Les élections en 1848.                                  R. ARAMBOUROU
L'Eglise et le Prieuré de St. BRICE             P. HECAMPS

Tous droits de reproduction réservés Adresser manuscrits et communications au Rédacteur :
R. ARAMBOUROU à LA RÉOLE
LES AMIS DU VIEUX REOLAIS
Bureau pour l'année 1950
Président : Monsieur Lucien JAMET
Vice-Présidents : Mlle. BROUSSIN, M. le Général COUNILH, M. VISSIERES-LAPORTERIE et FORTIN, adjoints au Maire,
Secrétaire : M. Pierre LAVILLE
Secrétaire-Adjoint : M. Henri DUBOURDIEU
Trésorier : Archivistę M. Camille BIOT.
La cotisation, comprenant l'abonnement aux CAHIERS, a été fixée à 150 frs, pour l'année 1950.

Imposte 42, Rue des Ecoles

LA REOLE- Echelle 1/10°


BLAISE CHARLUT (1715-1792)

    Blaise Charlut s'est distingué dans les arts mécaniques
Quoique originaire de la Bourgogne, sa vie nous appartient.
    C'est dans l'étroite sphère de notre ville qu'il a passé ses plus belles années, cette époque de travail patient et de triomphes modestes..
    Il fut dans la destinée de CHARLUT de vivre pauvre et d'acquérir une réputation méritée par des productions que distinguèrent surtout la délicatesse et le fini des détails, les inflexions gracieuses et le relief savamment modelé des ornements, des feuillages, des acantes, .... etc...
Que d'artistes, de nos jours, parviennent à la célébrité par des travaux moins remarquables. Mais telle est l'influence délétère des petites villes que les plus beaux talents y végètent, privés du stimulant que donnent les rivalités et la critique, éloignés des grandes entreprises qui développent la pensée.
Cet artiste sacrifiait au perfectionnement des ses œuvres ses intérêts les plus chers.
Chargé par un noble périgourdin d'un travail à prix fait, il ajouta au plan une profusion d'ornements qui en doublait la valeur.
    Le gentilhomme le réprimanda vivement d'avoir outrepassé ses ordres, courant ainsi de lui-même un risque certain de perte, CHARLUT ne demanda que le prix convenu, et le noble, surpris de rencontrer tant de désintéressement, lui accorda une gratification de 3.000 livres.
    Au nombre des ouvrages les plus importants de CHARLUT, nous devons indiquer la grille du chœur, la balustrade du sanctuaire et le magnifique lutrin faits pour l'Église des Bénédictins de notre ville, enlevés et transportés à Bordeaux en 1803 et qui ornent aujourd'hui la Cathédrale Saint-André, la grille de la chapelle Saint-Clair en l'église Sainte-Eulalie de Bordeaux, le beau portail de la façade sud des Bénédictins de La Réole, la rampe de l'escalier allant à la salle des Conférences, du même monument, un balcon au No 7 de la Rue André Bénac, et les impostes des Nº. 33 et 42 de la Rue des Ecoles, 21 de la Rue Bellot-des-Minières, 26 de la Rue Numa-Ducros, etc... etc..., et bien d'autres œuvres qui peuvent avantageusement être comparées à celles des ferronniers les plus célèbres.
CHARLUT s'établit à La Réole en 1748 d'après la tradition, son atelier se trouvait au N°8 de la rue qui porte aujourd'hui son nom.
    Il se maria deux fois et n'eut point d'enfants, termina sa carrière à l'âge de 77 ans, le 2 Juillet 1792, emportant dans la tombe les regrets de tous ceux qui connurent le noble désintéressement de l'homme et le beau talent de l'artiste.
    Un élégant balcon daté de l'An III, conservé au Musée de LA RÉOLE, montre que Charlut dut former des élèves qui continuèrent son art, et surent le faire apprécier même en ces époques troublées.
Camille BIOT

Balcon : 39, Rue Armand Caduc 



Imposte :10, Rue de la Mar


A BLAISE CHARLUT

Dans l'étroite ruelle, aux murs mystérieux,
Où la vigne suspend sa parure mouvante, 
L'atelier, qu'illumine une flamme vivante, 
S'éveille au bruit rythmé de coups impérieux.

L'artiste a dessiné d'un trait victorieux
La grille en fer forgé, d'une courbe savante, 
Qui viendra revêtir, de sa grâce émouvante,
Le chœur de la chapelle et l'orgue glorieux.

Tu composes, Charlut, avec ton art suprême, 
Des pinceaux enlacés, l'harmonieux poème,
Dont le charme fleurit notre vieux sol natal.

Et, si tu vis toujours dans notre âme gasconne,
C'est que tu sus fixer, au solide métal,
Les festons des coteaux mirés dans la Garonne.
Thérèse NADEAU

Imposte : 21, Rue Bellot-des-Minières.
échelle 1/10°

LÉGENDE DES CLOCHES DE FONTET

    Quand MESSIRE LE VENT va du côté de Saint-André-du-Garn, de Baleyssac ou de Monségur, il s'en retourne, c'est presque certain, toujours joyeux.
Au contraire, lorsqu'il va de l'autre côté de la Garonne, il revient maussade et le soleil ne se montre même pas pour recevoir son compagnon.
    Pourquoi cette différence de caractère suivant que ses pas s'égarent d'un bord ou de l'autre ? Peu de personnes, je parie, le savent. Eh bien, voici la légende!
"Sur l'autre rive du grand fleuve, un matin de printemps qu'il passait à Fontet, il tomba amoureux des cloches de la rustique église du XV° siècle, dont le fier pignon se dresse non loin du pont de pierre.
    La première fois, il n'osa point le leur dire, et se contenta de leur faire une niche en soufflant assez fort, il les fit sonner, au grand ébahissement des gens de l'Écluse, du Pigeonnier et du village du Cimetière. Deux jours après la première entrevue, il prit son courage à deux mains, et dit tout ce qu'il pensait. Malheureusement pour lui, son amour ne fut pas pris au sérieux, et de leurs volages carillons, les insouciantes filleules du vieux bourdon se moquèrent de l'étriqué gentilhomme..
    Il revient souvent leur faire sa proposition. Chaque fois, il se vit rebuté, et les deux petites sauvages chantonnèrent à son nez des couplets moqueurs.
Il chercha alors avec une opiniâtreté sans bornes un cœur qui l'aimât: de Loupiac à Mazerac, à Castets, même, nulle part son amour ne fut bien accueilli, il résolut alors de traverser les forêts d'Aillas, de Sendets, de Préchac, de Pissos, et, l'âme désolée, il vint se reposer sur l'une des dunes qui bordent l’Océan entre l'étang de Cazaux et celui de Parentis.
    Le voyant pleurer, une jeune fille vêtue d'algues marines s'approcha de lui et parvint à sécher ses larmes.
"Je suis la fille de la Mer" lui dit-elle.
"Je vous aime, m'aimez-vous ?" demanda-t-il.
    Alors un baiser couronna son front. Exultant de bonheur, il lui demanda si elle se déciderait à le suivre à La Réole.
"Parfois, fit-elle, je viendrai avec vous, mais je n'y resterai point toujours, car ce serait ma mort, loin du cœur de ma Mère. Il vous faudra revenir ici pour me chercher, car je ne connais pas la route.
"C'est entendu, mignonne, dit Borée, je viendrai. Lorsque tu entendras monter dans l'air calme les sons échevelés de clochettes mutines, tiens-toi prête à partir, car ce sera mon signal d'arrivée".
    Le lendemain, ivre de joie, et espérant tirer vengeance : des "impolies", il passa par Fontet, Celles-ci, l'apercevant, se mirent à sonner à toute volée, si bien qu'on les entendit, paraît-il, autant sur les bords du lac de Cazaux qu'au faîte du Mirail, ou sur la place du Turon.
    A cet appel, la fille des eaux vint à la rencontre de son amoureux, et chargée d'une outre énorme, l'ouvrit et lança son contenu sur la campagne dès qu'ils eurent dépassé la village de Plantiers (Haut Loupiac).
Mademoiselle la Pluie avait vengé son futur époux, Messire le Vent...
C'est pourquoi l'on dit communément à La Réole, et l'on se trompe rarement, d'ailleurs :
"Entend-on de Fontet les cloches, Estimons les tempêtes proches!"
Georges LANOIRE

INONDATIONS DE GARONNE

    On dit chez nous "Garonne" autant que "la Garonne", comme s'il s'agissait d'un être vivant, personnage que l'on vénère et redoute à la fois, car s'il fait la richesse du pays, il est sujet à des caprices et des colères terribles....
    La Garonne, en effet, n'est pas toujours ce cours d'eau lent et paresseux qui, en été, roule de gravier en gravier des eaux maigres et troubles, Elle a des crues soudaines qui ravagent les campagnes, et les archives des villes et des villages en ont gardé, à travers les siècles, le souvenir rempli d'effroi..
Les inondations les plus lointaines se produisirent en 1177, 1220 et 1258, mais sur ces "AYGATS" les renseignements précis font défaut. On ne commence à trouver de détails qu'à partir de 1346, année d'un aygat qui fut, si nous en croyons la "Chronique de Bazas", le plus grand depuis le déluge...:
Major abundantiam aquarum quam unquam post diluvium."
Octobre 1435 vit une crue de plus de 11 mètres au-dessus de l'étiage.. Nouvelle crue supérieure à 10 m., en 1565 venant après un hiver rigoureux et des gelées tardives, elle détruisit ce que le froid avait épargné, et une grande disette s'ensuivit. Le prix du sac de blé fut plus que quadruplé.Trois ans plus tard, en 1568, les pluies durèrent si longtemps que le fleuve resta plusieurs jours hors de son lit, et fit s'écrouler une partie des murailles de la ville
    Les crues de novembre 1604 et février 1618 dépassèrent 9 m. En 1627, les eaux recouvrirent la plaine 15 jours entiers, du 12 au 26 janvier. En juin 1652 1ев récoltes furent enlevées en quelques heures par une inondation imprévue; il en fut de même en juillet 1678, où un rapport de l'intendant de la province signale que: "La Garonne a envahi toute la pleine (sic) et a enlevé les foins coupés, le pays se trouve hors d'estat d'alimenter les bestiaux, les blés et les chanvres sont enterrés sous le limon".
Le 22 juin 1709, la plaine est de nouveau inondée, et les eaux ne s'écoulent qu'au bout de 4 jours.
Le 10 juin 1712, au cours du "grand aygat de la San Barnabé", on vit en une demi-journée le fleuve s'élever à 30 pieds (9,60m) au-dessus de son niveau normal, et les récoltes sont une fois de plus perdues.
En décembre 1769, se produit le cinquième débordement de l'année, et c'est encore une période de disette.
    Un plus grand désastre allait arriver l'année suivante avec l'aygat de Raméou (7 avril 1770, veille des Rameaux) l'un des plus terribles qui aient été enregistrés.
L'eau montant de 38 cm par heure s'éleva à près de 12 m, au-dessus de l'étiage. La crue fut si subite que la plupart des bestiaux ne purent être sauvés, et que les gens n'eurent que le temps de se réfugier sur les toits de leur demeure.
    Des débris de toute sorte, des poutres, des meubles, des barriques, des paillers, parfois avec de la volaille qui s'y était réfugiée, passaient sous les murs de la ville, emportés par un torrent furieux. 52 maisons s'écroulèrent au Rouergue ou sur les quais. Il y eut des victimes, car la tempête faisait rage et empêchait les embarcations de se porter au secours des malheureux en péril. Des marins de Gironde, sous la conduite de l'Abbé BOY, curé de la paroisse, réussirent, au prix de mille efforts, à atteindre le village de Barie, où les habitants, sur les maisons, les arbres et les mattes, appelaient à l'aide. Ils sauvèrent une centaine de personnes, dont une jeune mère et l'enfant qu'elle venait de mettre au monde sur un toit. Pour La Réole seule, les dégâts furent estimés à 35.000 livres. D'abondantes pluies avaient grossi à la fois le Lot, le Tarn et la Garonne, et provoqué. la catastrophe. Il y eut 7 débordements de Garonne au cours de l'année 1770. Un dicton des bords de Garonne déclare que "si l'eau sort en décembre, elle sort 7 fois l'année qui suit". On ne manqua pas de rappeler la crue de décembre 1769 pour montrer que les observations dues à la sagesse populaire étaient exactes.
    Il arrivait si fréquemment que les récoltes fussent détruites que les propriétaires faisaient insérer dans les contrats de fermage, une clause spéciale leur permettant d'exiger le paiement quoi qu'il arrive. On lit par exemple dans un contrat de 1775 que les preneurs "règleront leur fermage par moitié à Pâques et à Noël et ne pourront prétendre aucun cas fortuit qui pourront arriver sur la récolte, soit par grelle, débordement de la rivière de Garonne, soit par quel autre évènement que ce puisse être".
    Deux débordements en 1771, en mai et juin, mais de peu d'importance. Un autre en septembre, (1772) premier connu en ce mois de décembre 1791, l’eau resta dans les maisons trois jours,
En 1792, le 29 août, crue de 8m.50. Le Charros qui, du château des Quat'sos longeait le chemin de l'Ilet avant de se jeter dans la Garonne, dévia de son cours ordinaire, et se creusa un passage en face du château celui qu'il n'a cessé de suivre depuis.
    Le 12 février 1793, Grand aygat de la Pacu (de la peur). Les eaux s'élevèrent à 9,65m. En 1801, crue de 9,43m. En 1807 et 1811, plus de 8 m. En mai 1827 et juin 1835, plus de 9 m. Le 18 janvier 1843, crue de 9m,62m.
A Gironde, le Dropt, refoulé par la Garonne, s'éleva à 35 cm. plus haut que de mémoire d'homme. Plusieurs fermes furent détruites. La route de Bordeaux resta coupée deux jours,
Juin 1855 : crue de 9,70m. En 1856, la plaine resta sous les eaux du 12 au 20 mai.
    Cette année-là le fleuve sortit 8 fois de son lit. 1866 eut une inondation en septembre ce qui n'était pas arrivé depuis 1772 et ne s'est pas produit depuis, 1875 allait laisser le souvenir d'une des plus grandes catastrophes connues.
    Après trois jours de pluies ininterrompues, l'eau s'éleva à La Réole 10,30m au-dessus de l'étiage.
Des Tilleuls, des Justices, les habitants voyaient, le cœur serré, passer au fil de l'eau, débris de maisons, objets mobiliers, bétail noyé et jusqu'à des cercueils arrachés par la violence du flot aux cimetières submergés.
    On raconte qu'un bœuf, emporté par le courant, réussit à atteindre à la nage les escaliers étroits appuyés à l'ancien rempart, au bas de la montée du pont, sur les quais et fut sauvé.
    Le 30 Juin, le Président de la République, le Maréchal de Mac-Mahon, vint visiter la région éprouvée. Il s'arrêta une heure à La Réole pour conférer avec les autorités locales, et remit au Maire, Deyñaut, une somme de 500 frs. pour les sinistrés de la commune..(1)
    Le 20 Février 1879, crue de 10 m., si subite que les habitants de Bourdelles, Barie et Floudès, surpris dans les champs, purent tout juste se réfugier dans les arbres. Malgré la tempête et la violence du courant, de courageux sauveteurs se portèrent à leur secours; un réolais, Ferdinand Conil, sauva, au péril de sa vie, une vingtaine de ces malheureux.
    1889 : 7 crues au cours des cinq premiers mois de l'année. 1890 et 1891, crues en mai et juin.
Inondations de plus de 8 m, en juin 1900, mai 1905, décembre 1906, mai 1912, avril 1914, mai 1918, février 1919, mars 1927 (9,75m) et Mars 1930.
    La crue de 1930, avec ses 10,72m à la Réole, fut supérieure à celle de 1875. D'abondantes pluies, de novembre à février, avalent saturé le sol, quand s'abattirent brusquement, au début de mars, des pluies diluviennes amenées par vent au Sud-Est. Le Lot et le Tarn entrèrent en crue, Moissac fut ravagé, des villages entiers détruits." Les dégâts furent considérables. La digue qui avait cédé en 1927 en face de la métairie de La Paluę fut encore emportée en plusieurs points et d'énormes trous creusés dans les terres, Le Président Doumergue vint apporter aux victimes le salut du Gouvernement de la République,
Depuis 1930, la Garonne parait assagie et n'est sortie de son lit que 2 fois en 1936 et 1944. La sécheresse qui sévit depuis plusieurs années est à l'origine de ce calme. Différentes furent les années de 1825 à 1850, puisqu'en ce quart de siècle, on a compté à La Réole, 45 crues entre 6 et 7 m., et 115 crues de 1850 à 1880 !!!
De 1900 à 1920, il y eut 10 crues supérieures à 9 m., soit une tous les 2 ans. On compte en moyenne un débordement de plus de 10 m, tous les 20 ans.
L'inondation la plus fréquente est celle du printemps, Très rares en février, assez rares en mars, la plupart des crues surviennent en mai et juin, alors que les pluies abondantes se déversent sur les Pyrénées, la Montagne Noire et le Massif Central, faisant grossir à la fois la Garonne, et ses affluents de la rive droite.
    Les crues atteignent leur maximum de hauteur et de durée précisément entre Marmande et Castets, à cause du resserrement de la vallée vers l'aval, de la pente plus faible, et de la stagnation des eaux dans la plaine.
Comment lutter contre ce fléau ?

    Pour se protéger contre les eaux, on construisit les villages sur des buttes naturelles, qui sont à peine visibles aujourd'hui. Les apports de terre, à chaque inondation, ont exhaussé le niveau du sol environnant, et l'on ne distingue plus que sur les relevés topographiques, les éminences qui supportent Bourdelles ou Floudès. Jusqu'en 1850, la plaine fut couverte de prairies, il fallait un abri pour les bêtes ce furent les mattes, buttes artificielles, îles-refuges où l'on rassemblait le bétail dès l'annonce du danger.     Les paillers, comme de nos jours, étaient supportés par des piliers de maçonnerie au-dessus du niveau moyen des crues. Les maisons des colons, à leur tour, s'installèrent sur des mattes, et parfois, surtout à partir du XVII siècle, des domaines entiers se protégèrent par des levées de terre, qui les clôturait entièrement. Les mattes se multiplièrent après le grand “aygat” de 1770, mais sans plan d'ensemble. 
    Les unes étaient plus solides ou plus épaisses que les autres; elles détournaient le courant vers des points plus faibles, et comme c'était à qui élèverait les plus hautes pour protéger son bien au détriment du voisin, leur multiplicité était devenue dangereuse. En 1776, plainte est portée à l'Intendant contre les habitants de Lamothe-Landerron qui ont élevé une diguę au lieu du Gros et causé de grands dommages aux terres voisines. Cependant, la situation ne subit pas de changement, mais dès l'an III, on en vient à la conclusion qu'il faudrait construire une chaussée continue pour maintenir le fleuve dans son lit,
    A partir de 1850 commence l'exploitation agricole intensive de la plaine. Si les petites inondations sort favorables à la culture par la lize fertile qu'elles déposent, les grosses crues qui découvrent les cailloux du sous-sol sont désastreuses. Il faut donc défendre la plaine, et comme cette protection ne peut être assurée par l'initiative privée, des syndicats s'organisent,
Le syndicat de Fontet à Bassanne fut créé en 1879 et la digue achevée quelques années plus tard, Elle s'appuie au canal latéral à Tartifume, longe la rive gauche sur 7 km et se termine à l'embouchure de la Bassanne.
    De là, elle est prolongée par une autre digue d'égale longueur, dont le syndicat de Barie à Castets a la charge. 830 hectares de terre particulièrement riche et fertile appartenant à 330 propriétaires sont ainsi protégés des crues inférieures à 9,25m. Un système d'écluses à l'embouchure de la Bassanne permet de laisser pénétrer l'eau derrière la digue et d'éviter les affouillements quand la crue est importante.
Les routes franchissent la digue par les "pas" qui les élèvent jusqu'à sa hauteur.
    Depuis 1932, la digue est recouverte de ciment dans sa partie amont de Tartifume au Rouergue.
Un conseil d'administration renouvelable tous les 5 ans, s'occupe de l'entretien de la digue, et de la bonne marche du syndicat. Tout propriétaire, homme ou femme, a droit à une voix par 5 ha, et fraction de 5 ha, avec maximum de 5 voix. Les petits propriétaires peuvent se grouper pour arriver à disposer d'une voix. Les deux Syndicats ont actuellement pour président M. Charles DUZAN, propriétaire au Rouergue, dont tous les riverains se plaisent à reconnaître la compétence et le dévouement désintéressé dans la défense de leurs intérêts. Il préside aux destinées du Syndicat de Fontet à Bassanne depuis 20 ans, et les électeurs, à chaque scrutin, lui renouvellent unanimement leur confiance.
Chaque syndiqué paie une redevance de 100 frs par hectare, somme nettement insuffisante. L'État prélève sous forme de taxes diverses, 42% des cotisations recueillies. Alors qu'en 1918 on pouvait consacrer à l'entretien de la digue 1300 journées d'ouvriers, ce chiffre était tombé à 250 en 1939 et ne sera plus que de 190 en 1950.
    Il faut cependant couper les arbustes qui poussent dans la digue, boucher des trous, veiller aux tassements...etc... Ces huit dernières années de sécheresse exceptionnelle ont fait oublier quelque peu les fantaisies de notre beau fleuve, mais on aurait tort de lui accorder une confiance entière, car la Garonne pourrait encore, comme si souvent dans le passé, montrer la puissance de sa colère, et répandre sur ses berges la mort et la désolation,
L. JAMET

FOLKLORE LOCAL

Si vous voulez réussir vos couvées, il faut :
a) Que l'éclosion des œufs coïncide avec une période de pleine lune, sinon les poussins n'auront pas assez de force pour briser la coquille et meurent dans l'œuf..
b) Placer un morceau de fer sous la corbeille (fer à cheval de préférence) pour éviter que le tonnerre ne tue les poussins.
c) Mettre un nombre impair d'œufs, sinon il n'y aurait que des coqs ou une majorité de coqs.
d) Disposer les œufs dans la corbeille avant midi..
e) Ne pas les mettre à couver un vendredi (la poule abandonnerait avant le terme des 21 jours) ni un dimanche (les poussins seraient malingres et mal venus.)
f) Eviter, en portant les œufs, de franchir un fossé plein d'eau,
Ces prescriptions étant observées, votre "clouque" (poule couveuse) sera patiente, et vous ne trouverez pas d'œufs "clabots" (mauvais, gâtés).

UNE PAROISSE DU RÉOLAIS SAINT MARTIAL de 1809 à 1852 

    Ayant eu la bonne fortune de recueillir l'un des registres de la Paroisse de Saint Martial (canton de Saint Macaire), commencé le 30 Décembre 1809 et se poursuivant durant années, il a paru intéressant de montrer comment s'administrait une petite paroisse, et comment s'employait ses maigres ressources, au lendemain de la Révolution et au début de l'Empire..
    Avant 1789, la paroisse de St Martial dépendait du diocèse de Bazas et de l'archiprêtré de Jugazan, dont elle était l'une des 49 rectories. Elle était comprise dans le Comté de Benauge et dans sa juridiction. Par suite d'une vente en l'année 1700, la paroisse de St Martial passe à Etienne de Gombaud, Conseiller au Parlement de Bordeaux. Dix-neuf paroisses furent ainsi distraites des 27 dont se composait le Comté.
Un peu plus tard, en 1782, cette paroisse comptait 109 feux vifs, 10 paires de bœufs, 4 paires de vaches et 14 charrues. Cette même année, les impôts, taille et capitation, s'élevaient à la somme de 2015 livres 5 sous.
    Le 25 Mars 1790, la première municipalité dont le maire fut Etienne Lannelongue, maître en chirurgie, prêta serment avec les 9 officiers municipaux, élus le 28 Février 1790 sous la présidence du curé Lussignet (†), devant l'église de St Martial à défaut de maison commune. Dès lors la paroisse se trouva transformée en commune et fut organisée suivant les lois nouvelles. Le 12 Décembre 1792, le curé Lussignet remit à la municipalité, après inventaire, les registres de l'église paroissiale: 6 volumes anciens et le registre courant, clos et arrêté par le maire. Ce curieux document permettra d'apprécier l'emploi des ressources de la fabrique : location des chaises, vente des fruits et de l'herbe du cimetière etc.
    Délibération des habitants de la commune de St Martial des trante (sic) des plus imposés pour l'établissement de la fabrique de l'église de St Martial du 3 Juin 1806. "Ce jourd'hui trois du mois de juins dix huit cent six, nous Pierre Lavergne et Pierre Guilbaud, habitant de la commune de St Martial, canton de St Macaire, département de la Gironde, étant compris sur la liste des trentes de plus imposés de la commune, et nommés, fabriciens par Monseigneur l'Archevêque de Bordeaux, le vingt-trois mai dernier, de l'église succursale de la commune de St Martial, en exécution de l'article 76 de la loi du 18 Germinal an X et du règlement des fabriques du diocèse confirmé par l'arrêté du gouvernement du 7 vendémiaire an 12 et en vertu de notre nomination de fabriciens, avons convoqué les trente portés sur la liste composant l'assemblée générale de la fabrique pour délibérer et régler à la pluralité des voix pour former et fixer les revenus de l'église, nous étant réunis dans l'église, Monsieur Lussignet, curé présidant l'assemblée, Elie Roche, maire, faisant lès fonctions de secrétaire, avons délibéré:
1° Que les bans qui sont actuellement dans l'église seront sortis et qu'il sera fourni par la fabrique des chaises.
2º Prix des chaises et payé d'avance à commencer du jour de la Pentecôte: tous ceux et celles qui se fournissent une chaise pour un an: vingt sols. Si la fabrique les fournit, vingt-cinq sols; les chaises doubles vingt-cinq sols.
    Ceux qui n'afermeront pas les chaises un sou pour chaque fête qu'il sera loisible aux habitants de demander les bancs de l'église, qu'ils conviendront du prix avec la fabrique...
Les bancs du sanctuaire seront réservés pour les chantres ; ceux et celles qui prendront place, aux piliers et bancs de pierre, ils conviendront aussi, avec le fabricant, du prix par an. De plus a été arrêté et convenu que Monsieur le Curé continuera à jouir comme il a fait jusques à présent et même pendant l'an de son décès qu'il en charge ses héritiers + Pierre Lussignet, natif de Marcellus (Lot et Gne) était curé de St Martial au moment de la Révolution. Il prêta serment à la Constitution civile du Clergé. Il déclara cesser ses fonctions le 12e Floréal an II âgé de 73 ans. Il habite la commune depuis 37 ans, у exerçant son ministère. Il reprit ses fonctions en messidor an III à la demande des habitants et se trouvait encore à St Martial à la veille du Concordat.
    Et pour nous conformer à l'article 7 dudit arrêté, avons nommé pour fabricien comptable pris sur la liste des trentes Pierre Bouyre laboureur qu'il a promis de bien réagir et entretenir le devoir de sa place et avons signé.
Signé : Dumas, Dumas, Chiron, Hameau, Grenier aîné, Peydecastaing, Guilhaut, Bouyre, Lussignet président, Roche maire, secrétaire.
(Le texte ci-dessus est reproduit in-extenso, et l'orthographe ainsi que dans les autres citations a été scrupuleusement respectée)
Suit le règlement de Mgr d’Aviau du Bois de Sanzay, archevêque de Bordeaux fixant le tarif des chaises et bancs dans les églises du diocèse, approuvé par le préfet 5 cent, aux messes basses, 10 cent aux grands messes etc.
Détail des recettes et dépenses pour l'année 1808
Recette faite par moi, fabricien de l'église de St Martial, pour l'an 1808, savoir :
Pour la vente de l'herbe, noix et prunes du cimetière ci 19,25
Restant en caisse en 1807 ci 5,.60
Total de la recette : 24,85
Dépense pour ladite année 1808 savoir :
Payé les saintes huiles pour ladite année 5 .
Payé pour de la chaux pour recouvrir l'église ci 10
Total de la dépense 15.
Arrêté par nous...etc... le compte ci-dessus à savoir pour celui de la recette à la somme de 24,85 et pour celui de la dépense à la somme de 15 Frs. Reste en caisse la somme de 9,85.
St Martial, ce 30 Décembre 1808
Le maire : Lanelongue, Bouyre fabricien, 
    Les années qui font suite présentent peu de modifications. Nous trouvons de ci de là quelques variantes: la location des chaises se monte pour l'année 1809 à 9 Frs. Dépense pour de la bougie 3 F. Petits clous pour la garniture du dais 15 Frs. Dépensé par moi fabricien pour aller chercher ces divers articles à La Réole : 1 Fr
Du 20 septembre 1810 payé pour recrépissage et blanchissage du clocher: 47,50
En 1816 pour recouvrir l'église, journées de l'ouvrier, tuiles et chaux : 26
Une journée d'ouvrier pour le monument du jeudi-saint 1,10
Une paire de burettes 0,15
Achat de 12 chaises 12
Comptes de l'année 1825 :
Reste l'année 1824 23,05
Vente d'un ormeau 70,00
Reçu d'une quête faite dans l'église 45
A domicile 36
Total 174 Frs qui ont été déposés par Monsieur le Curé dans les mains de Monsieur Dupin pour acheter des vases sacrés dont il sera rendu compte l'emplète faite.
-:-
Le 18 Décembre 1834, la commune, n'ayant ni desservant ni conseil de fabrique, a pris le parti d'en assurer elle-même la gestion.
On lit notamment, pour 1835 :
fourni par la fille Triant une journée et deux matinées de cotonnade pour le lit de la servante de M. le Curé...1,30 fr
Drouils d'arène (?) pour la maison curiale... 3 Frs.
Deux pierres sacrées pour les deux autels... 6,50
Payé à Comes, peintre, pour badigeonner l'intérieur de l'église et décorer les arceaux ...25 Frs.
Au percepteur la contribution personnelle de M. le curé pour l'année 1834...14,22
Le total des dépenses se monte à 174,47 ; celui des recettes à 224,28: il restait donc en caisse 49,81.
    Le 7 Octobre 1838, dans une délibération du Conseil de fabrique, il est relaté que la paroisse est annexée à St Germain de Graves. Le conseil procède ensuite à l'inventaire du mobilier de l'église et du presbytère.
L'année 1839 enregistre un déficit de 8,55 mais il est comblé par la générosité d'un des membres du conseil; la balance est égale.
    Le 12 Janvier 1844 le conseil de fabrique procède à l'inventaire du mobilier du presbytère. Ce mobilier s'est enrichi de 6 chaises peintes en rouge. Les ustensiles courants se sont augmentés d'une paire de mouchettes, d'une cuiller à tremper la soupe et d'une marmite et d'un pot en fer à deux jambes.
Nouvel inventaire en 1849 lors de l'installation d'un nouveau desservant. Quelques meubles raffinés sont venus s'ajouter aux précédents et nous trouvons des tables fines, 2 chaises fines en noyer et 2 fauteuils fins en noyer; une garniture de lit rouge avec rideaux blancs... dans la liste des ustensiles de cuisine: un poêlon, une bassinoire, un chaudron, tous trois en cuivre rouge; une casserole en cuivre blanchi; trois couteaux de table, 17 assiettes en faïence blanche dont 15 fendues; 3 plats ronds en faïence 6 tasses à café en grès avec soucoupes dont 3 fendues; huiliers montés; un salin (saloir). un charnier (garde-manger) et un soufflet; un verre à pied, 11 bouteilles de 2 litres et un miroir à cadre doré.
    Suit l'inventaire du mobilier de l'église, dressé le 12 Janvier 1852, à l'arrivée d'un nouveau desservant et qui clôt cet intéressant registre. On peut ainsi suivre pendant un demi-siècle la vie matérielle d'une petite paroisse du Réolais; le document, qui contient' de très nombreux renseignements sera communiqué et commenté lors d'une prochaine réunion de la société et fournira la matière d'autres articles que l'on aura plaisir à trouver dans ces CAHIERS.
Mme A. TOUZET

LES ÉLECTIONS DE 1848
dans le Canton de LA RÉOLE

    L'Exposition qui aura lieu lors du Congrès Départemental des Anciens Combattants les 29 et 30 Avril, permettra au public de voir parmi les marques postales rassemblées et offertes à sa curiosité, une pièce des archives municipales dont le cachet du 3 Septembre 1848 sollicitera son attention et dont la lecture l'intéressera sans doute.
    Il s'agit d'une lettre de Lamartine au Maire de La Réole; seule la signature est de la main du poète :
"L'honneur que j'ai eu d'être quelques jours le représentant de la Gironde m'autorise peut-être à vous adresser ma lettre aux électeurs de ce Département et à vous prier de bien vouloir lui faire donner la publicité dont vous pouvez disposer par les journaux de votre arrondissement.
Recevez, Monsieur le Maire, avec mes remerciements anticipés, l'assurance de ma haute considération”

LAMARTINE
    Lamartine en effet fut élu député de la Gironde en Avril 1848 quand on désigna au scrutin de liste les députés à l'Assemblée Constituante. Son nom figura avec celui de Billaudel, maire de Bordeaux en tête des deux listes départementales. Il figura aussi sur une troisième liste composée à La Réole par Bellot-des-Minières, avocat réolais devenu commandant de la Garde Nationale locale en Février 1848, puis nommé maire de La Réole, le 25 Mars, qui avait dès les premiers jours, manifesté ses sentiments républicains.
    Il avait, le 9 Mars, publié dans "l'Union", un assez long article sur la République: "République, ce mot est maintenant expliqué. Il n'y a pas huit jours ce que beaucoup d'âmes timorées entendaient. par république, c'était l'anarchie, le sang, le pillage. Après trois jours de combat, la république est proclamée et ce que l'on voit partout, c'est l'ordre, le respect aux choses et aux personnes. Quelques jours encore et l'on comprendra que ceux qui rêvaient la République devaient le bonheur de la France. Quelle est la royauté qui a fait jouir le peuple de tous les avantages que la République lui promet ! "....
Bellot-des-Minières avait formé un comité républicain dont il fut le Président, avec pour secrétaires, Armand Caduc avoué, (député, puis sénateur sous la III République) et Jaganneau, Professeur au Collège.
    Ce comité en relation avec le Comité Simiot de Bordeaux et le grand comité central de Paris, forma pour les élections d'avril une liste dont la tête était Lamartine suivi de Bellot-des-Minières, puis dé Labrousse.
Contre ce Comité se créa un comité électoral républicain et relation avec le comité central républicain de la Gironde et groupant les noms de Larquey, Gauban, de Seguin, de Laubessa, de Tholouze, Delhomme et Gélineau. Aussi un nommé Albert posa-t-il à ce comité la question suivante: "S'il vous avait été possible d'étouffer la République dites, la main sur la conscience, ne l'auriez-vous pas fusillée au passage?”
Le scrutin d'avril 1848 avait lieu au suffrage universel au chef-lieu de canton. Lamartine recueillit 99% et Bellot-des-Minières 91% des suffrages exprimés dans le canton de La Réole.
Lamartine fut élu avec 94% des voix des électeurs du département. Bellot-des-Minières qui n'obtenait que 28% des suffrages départementaux, ne devait plus se représenter devant les électeurs; se fit nommer juge au tribunal de 1er instance à Bordeaux en septembre 1848 et fut remplacé à la Mairie de La Réole par Broize, "Les modérés" accusaient d'ailleurs Bellot et son comité de favoriser le communisme, d'être partisan de Ledru-Rollin et d'avoir incité à crier : “A bas les riches, à bas les tyrans".
De fait le comité Bellot soutiendra Ledru-Rollin en Décembre lorsqu'on élirá le Président de la République, lui aussi au suffrage universel direct et manifestera ainsi son attachement à la république démocratique.
    Élu dans 10 départements, Lamartine abandonna son siège de représentant de la Gironde et opta pour la Seine. A cette occasion, le poète adressa une circulaire à ses électeurs. girondins pour les remercier et expliquer les raisons de son choix. Cette circulaire fut envoyée dans les différents arrondissements au maire du chef-lieu avec la lettre citée plus haut, qui est une très banale prière de publier dans les journaux de l'arrondissement.
Les électeurs girondins furent convoqués le 4 Juin 1848 pour élire le remplaçant de Lamartine. Nombreuses furent les abstentions: 64% pour le département, 86% pour le canton de La Réole.
Thiers républicain modéré fut élu avec 43% des votes départementaux. Il avait recueilli à peine le tiers des voix du canton de La Réole qui lui avait préféré Labrousse, candidat démocrate.
Thiers, à son tour, opta aussi pour un autre département où il avait été aussi élu: la Seine Inférieure. On consulta à nouveau les électeurs le 17 Septembre 1848 ; 26% du corps électoral vota et Molé obtint 51% des suffrages exprimés dans le département.
    En Décembre eut lieu l'élection du Président de la République, Lamartine était candidat. Il obtint 357 des voix des 133954 électeurs qui votèrent dans le département. Dans le canton de La Réole (3795 votants) il n'eut qu'une seule voix. Cet unique suffrage avait été exprimé à la section de vote de La Réole (1615 votants). 4172 voix au printemps, une seule à la fin de l'automne. C'était navrant. Les électeurs d'Avril, inexpérimentés, avaient suivi les chefs de file du nouveau régime, lecteurs enthousiastes de l'Histoire des Girondins et admirateurs dé l'orateur de Mâcon. Puis les cadres traditionnels avaient remis la main sur leurs troupes et, forts des difficultés du gouvernement, de la peur du socialisme, "les partageux" avaient reconstitué le parti de la conservation sociale et de la résistance aux innovations jugées dangereuses. Et ce parti de l'ordre soutint la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, dont l'équivoque programme, et le nom prestigieux allait servir à rallier les masses : 72% des électeurs du canton votèrent pour le Prince.
    Les résultats ne furent connus que le 17 Décembre. Aussitôt la rente de 3% descendue à 41 frs 80 au début du mois, augmenta de 3 frs et atteignit, le 30 : 46,70 frs. Entre la Bourse et la Poésie, l'opinion avait fait son choix.
R. ARAMBOUROU

L'EGLISE ET LE PRIEURÉ DE SAINT BRICE
jusqu'au XVIIIe Siècle

I - L'EGLISE
    L'église de St Brice se dresse au sud du village à proximité de l'emplacement d'une villa gallo-romaine dont certains débris sont incorporés à la maçonnerie.
Remaniée ou reconstruite à la fin du XIV siècle ou au début du XV, elle ne conserve de cette époque que la base du clocher et une partie des murs ouest de la nef.
    Un plan dressé en 1867, à l'occasion d'une restauration importante, nous fait connaître approximativement la disposition de l'ancienne église.
Elle se composait d'un long vaisseau (24 m sur 7,6 m) terminé à l'ouest par le clocher actuel, à l'est par un chevet plat, auquel était adossé une petite sacristie. Sur le flanc sud était construit un bas-côté qui abritait l'autel de la Vierge. Ce bas-côté communiquait sur toute sa longueur avec la nef et un fort pilier bâti dans l'alignement du mur de la nef soutenait deux arcatures en ogive. C'est près de ce pilier qu'on enterrait, de même qu'auprès de la porte percée dans le flanc nord de l'église et "venant de la commanderie".
    L'église, actuelle, de style ogival, date dans ses parties les plus modernes, de 1860. C'est une construction régulière en forme de croix, composée d'une axsi nef à trois travées d'un transept et d'une abside à cinq pans. Entre chacun des bras du transept et l'abside est logée une petite sacristie de même style que l'église.
    Dans cet ensemble un peu grêle, le clocher attire et retient l'attention. Sur sa base rectangulaire formant porche, soutenue par quatre énormes contreforts, il élève à près de dix-sept mètres sa tour octogonale du XVI° siècle. Les fenêtres qui ajourent certaines de ses faces, sont étroites et couvertes par un linteau entaillé en arc surbaissé. Ce moyen était selon Brutails, fréquemment employé, les baies à tête carrée n'étant pas dans le style religieux. Un large toit à huit versants inégaux coiffe cette tour et est soutenu par une charpente remarquable.
    Sur la face méridionale du clocher, percée d'une des fenêtres mentionnées plus haut, trois meurtrières ont été hâtivement creusées un jour d'alerte. Alentour une vingtaine de traces de balles témoigne de l'assaut que dut soutenir cette vénérable bâtisse au moment où les guerres de religion désolaient le pays. A la base de la tour s'ouvre une baie à cintre surbaissé, sans nul ornement.
    La porte qui la ferme est faite de planches épaisses, ferrées de gros clous. Ça et là, de nombreuses marques de tâcheron et notamment vers la gauche, un serpent aux extrémités pattées.
Sur le contrefort de droite, un rudimentaire cadran solaire avec festons est dessiné. Le contrefort de gauche est posé obliquement. Sur la partie inférieure de son larmier, émerge une pierre tronquée qui porte des traces de sculpture. Sur la face du contrefort tournée vers la route, croix pattée que l'on retrouve sur la face interne.
    La façade ouest du clocher est démunie de fenêtres. Toutefois, on y voit quatre meurtrières analogues aux précédentes. Cette face de la tour et celle qui lui est opposée sont de beaucoup les plus considérables de telle sorte que le plan de l'étage supérieur du clocher figure un octogone allongé.
A la base de la tour octogonale une forte rainure entaille les pierres et sé poursuit obliquement sur le contrefort ; quatre consoles placées au dessous indiquent la présence, à une certaine époque, d'un auvent qu'elles devaient soutenir. Quelques pierres évidées servaient de logement aux extrémités des supports en bois.
    Le portail s'ouvre sous des archivoltes à arc brisé. Sur les jambages sont figurées des colonnettes aux chapiteaux ouvragés formés de deux couronnes de feuillages frisé et une bague de pierre; la base est hexagonale. L'arc du portail est recouvert par une corniche qui le double; ses extrémités figurent un visage encapuchonné, très fruste. Deux croix pattées sont gravées sur la même pierre à hauteur des chapiteaux des fausses colonnettes. Deux autres croix apparaissent de part et d'autre de la porte.
Le contrefort gauche est moins élevé que celui de droite. Son faîte est à deux versants, dont l'un, celui du sud, porte deux pierres sculptées et tronquées. Une croix pattée est gravée sur la face sud. Toutes ces croix, y compris celles de la porte, sont situées sur la même rangée de pierres, par conséquent à une égale hauteur du sol.
La face nord du clocher est percée d'une fenêtre et de trois meurtrières. Nulle marque de tâcheron n'apparaît sur les pierres du mur qui sont de petit appareil à la base, ni sur celles des contreforts.
La voûte du clocher est soutenue par quatre liernes dont les bases sculptées représentent des feuilles (une à gauche, deux à droite). La clef de voûte est cylindrique, ornée d'une couronne dentée avec un écu figuré au centre.
On accède au premier étage, c'est-à-dire sur la voûte du clocher au moyen d'une échelle placée dans l'angle occidental ; à droite de la porte. Une deuxième échelle permet d'atteindre le plancher au-dessus duquel est la cloche, dans l'angle sud, sur la panse de laquelle on peut lire :
SEINCT HILERE DE LA CERONA 1578.
La charpente est un minutieux assemblage de nombreuses pièces de bois.
La partie méridionale de l'église est soutenue par cinq contreforts. Entre le contrefort d'angle et le second de moindre dimension, est percée une fenêtre haute mais étroite à arc brisé. Au niveau de la base de cet arc, l'épaisseur du mur s'accroît et forme un ressaut. Entre le deuxième contrefort et le troisième, s'ouvre une fenêtre de même style que la précédente, mais dont la base est irrégulière, du fait d'un amincissement brusque du mur. C'est là que se fait la soudure entre l'ancienne et la nouvelle construction. Une troisième fenêtre identique aux précédentes s'ouvre avant le transept.
Celui-ci est soutenu à chaque angle par un contrefort posé de biais à trois larmiers. Le faîte du mur est triangulaire, le crépissage dissimule des pierres de petit appareil. La fenêtre qui éclaire le transept est plus large que les fenêtres de la nef et divisée en trois baies d'inégales hauteurs à deux meneaux à arête aiguë ; le sommet de la baie est à arcs brisés et trilobés; la base est en larmier.
Une petite sacristie atteignant à peu près la moitié de la hauteur de la nef est construite entre le transept et l'abside; un petit contrefort soutient l'angle libre; une porte à cintre surbaissé s'ouvre à l'est, tandis qu'une petite fenêtre ajoure, la face sud.
L'abside à cinq pans réguliers est soutenue par quatre contreforts de même style que les précédents. Les trois faces libres sont percées d'une fenêtre haute et étroite à arc brisé et trilobé, sur le bord interne.
L'angle nord-est abrite une petite construction identique à la sacristie; la porte en est murée..
La partie nord de l'église est semblable à la partie sud; mais l'épaisseur du mur est constante ce qui semble indiquer que jusqu'au transept la maçonnerie n'a point été affectée par la restauration de 1860.
L'église est voutée ; quatre croisées d'ogive s'appuient sur des colonnes formées de trois colonnettes accolées. Les chapiteaux sont décorés de feuillages, où l'on distingue notamment le chardon.
Une petite porte, dans l'angle sud-ouest de la nef, s'ouvre sur le jardin du presbytère ; c'est elle qui faisait communiquer l'église et la Commanderie et à laquelle il est fait allusion dans les registres paroissiaux.
Nulle trace ne subsiste du dallage primitif qui recouvrait de nombreuses tombes de privilégiés ensevelis dans l'église..

II - PRIEURÉ ET COMMANDERIE
Le prieuré de St Brice faisait partie du diocèse de Bazas et dépendait de l'archiprêtré de Jugazan. Celui-ci renfermait l'abbaye de Blasimon, les petites villes de Branne, Rauzan, Pujols, Sauveterre et quarante-sept paroisses. Au Nord, la Dordogne le séparait de l'archiprêtré de Entre-Dordogne, appartenant au diocèse de Bordeaux ; il touchait à l'est aux archiprêtrés de Rimons et de Juillac, au sud à celui de Cuilleron, à l'ouest à celui de Benauge et de l'Entre-deux Mers.
L'archiprêtré de Jugazan était divisé en châtellenies et juridictions civiles sur lesquelles l'autorité religieuse n'exerçait aucun pouvoir. Les juridictions de Blaignac, Rauzan, Civrac, Rigaud, Sauveterre (dont dépendait St Brice) avaient leur territoire entièrement contenu dans l'étendue de l'archiprêtré. Celles de Benauge, Saint-Macaire, Pommiers, Pujols y possédaient quelques paroisses ; l'abbaye de Blasimon avec la paroisse formait une juridiction. Les Templiers y avaient les Commanderies de Villemartin, Sallebruneau, Ruch.
    Saint Brice fut un moment une dépendance de la Commanderie de Montarouch.
Au début du XIIIe, des dîmes y étaient perçues par Bertrand (2) chevalier de Saint Jean de Jérusalem qui, en 1215, reconnut les tenir de Guillaume, évêque de Bazas, Un hôpital fondé par les Chevaliers de Malte, aurait existé à Saint Brice, au village de Lionnet, il n'en subsiste aucun vestige.
Au XVIIe siècle, le prieuré de Saint Brice est entré les mains de Commandeurs dépendant du Monastère de Saint Antoine de Pondaurat. Les religieux de Saint Antoine constituaient une Congrégation fondée en 1070, dans le dessein d'apaiser les souffrances de ceux qui étaient atteints du mal des Ardents ou Feu de Saint Antoine, sorte de gangrène qui sous forme d'épidémie apparut en France, Allemagne, Espagne, Sicile, du XlI au XII siècles. La première maison des Chanoines réguliers de Saint Antoine, établie près de Vienne en Dauphiné, possédait les reliques de Saint Antoine, apportées de Constantinople. Une filiale de Saint Antoine de Viennois existait à Pondaurat, où l'hôpital obtint des lettres de protection des rois d'Angleterre.
    Notons cependant que le Commandeur de Montarouch continuait de percevoir des droits seigneuriaux à Saint Brice (1649).

III - DESSERVANTS
Du XVIIe siècle à la Révolution, dix-sept prêtres ont successivement dirigé le prieuré de Saint Brice.
Heyraud en 1658 et au début de 1659.
Dumartin de 1659 à 1667; pendant son ministère cinq religieux président aux enregistrement des baptêmes, mariages et inhumations : Courault, Brudoux, Charrier, Ducasse; la plupart signes religieux de Saint Antoine. Le 6 mai 1666, le prieur note laconiquement: "L'étoile de Sauveterre morte". Était-il astrologue ?
En 1668, les curés Agès et Aleman, ce dernier, curé de Coirac, remplacent le prieur de Saint Brice.
Costes dirige le prieuré de 1669 à 1671. C'est à cette époque que surgit le différend entre ce prêtre et celui de Coirac, ce dernier ayant, le 9 juillet 1671, baptisé Antoine Ringran, sans y avoir été autorisé par le curé de Saint Brice. Cette affaire eut son dénouement le 24 Juillet 1671, date à laquelle "le dit Aleman curé de Coirac feust cité en Congrégation à Bazas pour avoir fait le susdit baptême dans son Église de Coirac et fut condamné à demander au vicaire de baptistaire la permission de luy escrire le baptesme qu'il disoit avoir fait par nécessité de maladie et danger de mort, ce qui estoit faux".
Rouffranges, curé de Daubèze, supplée le prieur de St. Brice en 1669 et Prat, curé de la même paroisse, enregistre jusqu'en 1672.

(1) Bertrand de Puch, seigneur de Brugnac, percevait les dîmes de Pujols, Brugnac, Ruch, Pey de Castets, Sallebruneau, Coirac et Saint Brice, au devoir envers l'évêque de Bazas de 8 poignées de froment de rente annuelle portée à Sainte Radegonde, et une lance au fer doré d'esporle.
A partir de cette date et jusqu'en 1691, De Planis, Bourniol, Frère Charles Hardy se succédèrent.
Ce dernier, qui signe religieux de Saint Antoine de Viennois est aidé par Frère François Thomé et Frère Claude Hessler.
Desartines, chanoine régulier de Saint Antoine de Vienne, lui succède le 8 octobre 1691 et cède, en juin 1695, la direction du prieuré à François Clavel, chanoine régulier du même ordre, curé de la commanderie de Saint Antoine. Il accueille le 15 mai 1697, "veille de l'ascension de Notre-Seigneur", Monseigneur l'évêque de Bazas, Jacques Joseph de Gourgue, qui visite l'église. En avril 1701 a lieu le Synode, "pendant lequel un enfant de Nicolas Garliaud reçut l'eau baptismale et fut enseveli sans prêtre".
Le curé Carel, 1704-1702, fut aidé par Duvignac, curé de Coirac, Décemps curé de St.Genis et Frère Fournet, religieux de Saint Antoine.
Fayard, Commandeur de St. Brice, Frère Charles Le Jeune (1717-1720) et Canat se succèdent de 1712 à 1735. Ce dernier note dans son registre: "La nuit du 15e au 16e jour de décembre, nuit fort pluvieuse, on entra dans la commanderie par la fenêtre qu'on enfonça, où l'on prit toutte la vaisselle d'estain et deux chandeliers de laiton et autres (choses) à manger."
Le prieur Janat meurt à Saint Brice, le 16 mai 1735, à l'âge de 70 ans. Une grande cérémonie eut lieu le lendemain à l'occasion de ses funérailles, auxquelles assistèrent dix curés et de nombreuses personnalités des paroisses voisines, parmi lesquelles Monsieur de La Motte, seigneur de Martres et Pierre Desnoues, bourgeois. La messe fut dite par Ciguès, curé de Frontenac ; le défunt fut enseveli près du Chœur, du côté de l'Epitre, dans l'église paroissiale de Saint Brice ; il avait reçu les derniers sacrements "avec une édification exemplaire et une grande piété, digne fruit de sa patience et de sa résignation au milieu de douleurs très longues et très aigües".
Mayeur (1735-1738), Frère Desportes (1738-1750) et Rigot (1750-1760), dirigèrent successivement le prieuré. Le curé Rigot mourut à la tâche et fut enseveli le 29 octobre 1760 dans l'église paroissiale, "Les sieurs De Gros et La Grange, commandeurs et curés l'un de Clérac, l'autre de St. Antoine assistèrent à ses funérailles. Le curé Massé, qui succédait au défunt, inscrivit sur son registre:" Après avoir donné durant les quinze années de son ministère, des preuves sensibles de son amour extrême pour la régularité et de son zèle infatigable pour le salut des âmes confiées à ses soins, il continua à édifier dans les derniers instants de sa vie, par sa patience dans ses maux, par sa piété dans la réception des Sacrements et par sa soumission à la volonté qui l'appela à lui à l'âge de 49 ans." (3)
P. BECAMPS
(1)  C'est le président Mac-Mahon, venu constater les dégâts causés en 1875 par une crue de la Garonne, qui se serait exclamé, sans beaucoup d'imagination : « Que d'eau, que d'eau ! ». La légende veut qu'un préfet fort zélé lui ait répondu : « Et encore, Monsieur le Président, vous n'en voyez que le dessus…" (A La Réole ??).
(3)  Archives Municipales. de St. Brice : Registres paroissiaux

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