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Cahiers du Réolais par auteur  ICI   par article  ICI


LES AMIS DU VIEUX REOLAIS

EXTRAITS DES STATUTS
Article 2 - La Société a pour but de rechercher, conserver et faire connaître au moyen d'expositions, conférences, publications etc. tout ce qui, dans la région de La Réole se rapporte au passé au point de vue historique, géographique, littéraire, folklorique ou anecdotique, et ceci dans un but désintéressé.

Article 3 - La Société comprend :
a/ Des Membres d'Honneur (ce titre est accordé aux personnes qui se sont distinguées par les services rendus à la société ou dont le haut patronage est souhaitable. Aucune cotisation n'est exigée des Membres d'Honneur).
b/ Des membres actifs payant une cotisation annuelle.
c/ Des membres correspondants.
Article 6-Le montant des cotisations est fixé chaque année par l'Assemblée Générale, sur proposition du bureau (cotisations des membres actifs pour l'année 1949 : 120 Frs.)

Comité d'Honneur
Monsieur SOURBET, Député de la Gironde, Maire de Morizès
Monsieur le Sous-Préfet de l'Arrondissement
Monsieur le Maire de La Réole

Membres d'Honneur
Monseigneur Jean GUYOT, Evêque Auxiliaire de Coutances
M. M. Aussaresses à Bordeaux
le Général Boucard, Commandant Supérieur du Train, à Paris
le Professeur Pierre Broustet, de la Faculté de Médecine de Bordeaux
Georges Dupont, Directeur de l'Ecole Normale Supérieure
le Professeur Guyot, Professeur Honoraire Faculté de Médecine de Bx
Loirette, Archiviste Honoraire, à Bordeaux
Jean Merlaut, Ancien Bâtonnier, à Bordeaux
Guillaume Saget, Sculpteur, à Paris
Roger Simon, Président de Cour d'Appel

Bureau actif, élu pour l'année :
Président : Lucien Jamet
Vice-Présidents : Mlle Thérèse Nadaud (+1949), M. le Général Counilh
M. Vissières-Laporterie, Adjoint au Maire, M. Fontain
Secrétaire : M. Pierre Laville
Secrétaire Adjoint ; M. Henri Dubourdieu
Trésorier : M. Maurice Abadie
Archiviste et Conservateur Musée : M. Camille Biot
Sommaire
I - In Memoriam  Thérèse Nadeau 
La Procession sur l'eau (Sonnet), La Vieille Fontaine (Sonnet)
II - Essai sur la Population Réolaise
Renseignements divers
Cahiers de Doléances de la Commune de Loupiac-de-la-Réole 1789
Jean de La Réoule
Les Amis du Vieux Réolais : extraits des Statuts Administration

Le Bureau : Thérèse Nadeau, R. Arambourou,  G. Dumeste,  L. Jamet
Tous droits de reproduction réservés
Dépôt légal conformément à la loi.
Adresser manuscrits et communications au Rédacteur :
R.ARAMBOUROU à La Réole

I - IN MEMORIAM : THÉRÈSE NADEAU

    A peine notre Société venait-elle de constituer son Bureau, que nous apprenions avec une pénible surprise la disparition de notre première Vice-Présidente, Mlle. Thérèse NADEAU, qu'une brève maladie venait d'enlever à l'affection de ses parents et de ses amis.
    Mlle NADEAU était une personnalité sympathique de notre ville. Par son père, Président du Tribunal Civil, et son Grand-Père Jean Renou, Maire de La Réole à plusieurs reprises et pendant plus de quinze années consécutives, elle appartenait à une vieille famille de chez nous. Elle-même avait passé toute son existence à La Réole, où elle était connue de toute la population, et où tout le monde l’estimait parce qu'on avait pu, à maintes reprises, apprécier son bon cœur et son dévouement.
    Elle avait prouvé son dévouement d'abord au cours de la guerre 14-18 en servant comme infirmière bénévole dans nos hôpitaux militaires. Elle avait eu l'occasion de le montrer plus récemment en aidant à accueillir les repliés de l'Est et les réfugiés, en s'occupant avec zèle du Colis du Prisonnier et de toutes les œuvres de la Croix-Rouge. Elle accomplissait ces tâches avec une invariable bonne humeur, un optimisme jamais en défaut ce qui n'était pas un des moindres charmes de son caractère.
    Ceux qui la connaissaient plus intimement, savaient quelle finesse d'esprit et quelle érudition dissimulaient sa modestie naturelle. Elle connaissait à fond le passé de notre ville, son folklore, ses coutumes et quand on voulait préciser un détail sur quelques points d'histoire locale, on était sûr de trouver chez elle des renseignements précis et des documents de valeur. Présidente des "Réoulès", presque depuis les débuts de cette société, elle avait tenu, malgré les fatigues des voyages, à accompagner nos jeunes compatriotes dans toutes leurs sorties, partout où ils allèrent faire connaître danses et chants de notre terroir.
    Notre ville, notre fleuve, nos coteaux, nos paysages lui avaient inspiré des vers charmants pour lesquels elle avait obtenu de hautes récompenses aux Jeux Floraux d'Aquitaine.
    Elle fut une des premières à répondre à notre appel lorsqu'il fut question de fonder “Les Amis du Vieux Réolais” et se faisait une joie de participer aux travaux de notre société. Son concours, dans toutes nos manifestations, eut été précieux, et nous n'en ressentons que plus vivement sa perte.
    Il est légitime que soient consacrées à Thérèse NADEAU les premières feuilles de ces Cahiers auxquels elle eût si volontiers collaboré, et nous lui rendons un dernier hommage en publiant ici deux Sonnets inédits où se retrouve toute la délicatesse de pensée et d'expression de notre regrettée compatriote.
Le Bureau.

LA PROCESSION SUR L'EAU
Sur le fleuve où se mire un ciel bleu de printemps
Le bateau pavoisé glisse avec nonchalance ;
De sa corne effilée ainsi qu'un fer de lance
Tombé un long pavillon de la couleur du temps.

Sur la proue, abrité de grands volumes flottants,
Parmi les rameaux verts que la brise balance,
Jaillit le crucifix qui vers le ciel s'élance
Au-dessus des clergeons en habits éclatants.

Le fifre fait entendre avec des notes claires
Le plus aimé de tous nos vieux airs populaires
Aux purs accents gaulois, laudatifs et railleurs.

Et le vent qui l'emporte au lointain de la rive
Mêle en trainant sur l'eau les refrains gouailleurs,
Les souvenirs anciens à l'heure fugitive.

LA VIEILLE FONTAINE
Arrête toi, Passant, près de cette fontaine
Dont l'eau claire qui fuit au ruisseau chevrotant
Coule d'un bronze ancien, mascaron jabotant,
Comme on les ciselait naguère, en Aquitaine.

Ses degrés de granit s'ornent de marjolaine ;
Son bras de fer s'élève et s'abaisse en chantant ;
Sur la face que dore un soleil éclatant
On lit, presque effacés, une date lointaine.

Souvent, comme autrefois, une cruche à la main,
On voit une fillette au fin profil romain
Ecouter un galant alors que la nuit tombe,

Et la flèche d'Eros blesse un cœur tous les jours 
Près de la source claire ou s'ébat la colombe
L'Amour est d'aujourd'hui, de jadis, de toujours.
Thérèse Nadeau,
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ESSAI SUR LA POPULATION DE LA RÉOLE -

    A s'en tenir aux chiffres bruts, la population de La Réole s'est accrue de 20% de 1821 à 1946.
La guerre de 1870-71 et le phylloxéra ont légèrement ralenti un mouvement croissant jusqu'en 1901, celle de 1914-18 a brutalement accentué un mouvement descendant amorcé après 1901, enfin celle de 1939-45 a exagéré la lente reprise constatée entre 1921 et 1936.
    L'excédent des naissances sur les décès de 1946 à 1948 inclus doit assurer au prochain dénombrement un total au moins égal au précédent sinon supérieur.
    On pourrait donc être optimiste sur les perspectives de développement de la ville et à bon droit estimer que la guerre de 1939-1945 a largement compensé au seul point de vue numérique les pertes du premier conflit mondial Cette impression est-elle bien fondée ?
    Si nous comparons les résultats officiels des dénombrements de la population et l'effectif calculé en fonction des naissances et décès enregistrés par l'état civil au cours des mêmes périodes, nous voyons que sauf en 1831, 1841, 1861 et 1891 où il y a l'émigration, l'effectif constaté étant supérieur à l'effectif calculé il y a une importante arrivée de gens venus habiter La Réole.
Cette immigration apparente est responsable de l'accroissement général.

    De 1881 à 1936 l'origine des populations étant indiquées nous remarquons une progression constante du nombre des étrangers et des Français nés hors de la commune. Pour ces derniers le maximum est atteint en 1926. Il n'est pas sans intérêt de constater que parmi les immigrants issus du département de la Gironde (les plus nombreux) l'effectif des habitants originaires des communes de la rive gauche de la Garonne est plus important que celui de la rive droite pourtant légèrement supérieur jusqu'en 1906 : moins du tiers de la population est originaire de La Réole, en 1926.
    Si nous examinons maintenant la structure de cette population, trois remarques s'imposent à nous.
D'abord la répartition par âge des habitants nous montre de 1851 à 1946 une diminution des jeunes (jusqu'à 19 ans) et des adultes (de 20 à 59 ans) respectivement de 30 à 28% et de 56 à 54% du total et une nette augmentation du nombre des personnes de plus de 60 ans de 14 à 18%.
La population réolaise vieillit.

    Au cours de ces 95 ans, la proportion des éléments féminins passe de 51 à 55% et cet accroissement affecte toutes les catégories d'âge : les adultes et surtout les plus de 60 ans, ce qui est normal car la mortalité masculine est la plus forte, mais aussi les moins de 20 ans dont l'effectif féminin passe de 49,5 à 55%, ce qui n'est pas pour atténuer dans l'avenir l'écart dans la répartition par sexe.
Enfin le classement professionnel de la population fait apparaître des modifications non moins importantes: 61% de la population travaillait en 1851, 50% seulement en 1946. Si le nombre des rentiers et retraités est resté à peu prés stationnaire, celui des femmes et des enfants sans activité professionnelle est passé de 34,5 à 45,6 % traduisant une amélioration notable du niveau de vie, encore que la diminution considérable du nombre des domestiques de 164,6% indique que, si le sort des enfants s'est amélioré, celui de la femme a dû diminuer de l'accroissement de toutes les charges ménagères.

    Non moins significative est l'évolution des professions fonctionnaires et employés triplent leurs effectifs, mais les agriculteurs s'accroissent à peine d'un tiers, surtout les commerçants et artisans passent de 28 à 12,6% du total de la population active. Cette diminution est le symptôme le plus évident d'une concentration de ces professions et le fait est souligné par l'accroissement considérable du nombré des employés.
    La fortune est moins partagée qu'autrefois. Il est frappant de constater que l'ensemble fonctionnaires, commerçants et artisans et employés est presque identique à 95 ans de distance : le salarié de l'Etat ou d'un patron a donc remplacé le petit entrepreneur indépendant.
    Si nous envisageons enfin la répartition des habitants sur le territoire communal, nous constatons que pour les quartiers situés entre la Garonne et les rues Gambetta et Gabriel Chaigne d'une part, et d'autre part la rue de l'Abattoir à l'Ouest et le chemin de ronde à l'Est la population croît jusqu'en 1901, puis diminue ensuite.
    Au nord de cette première zone, en gros la vieille ville, le quartier à l'Ouest de l'avenue Carnot atteint son maximum en 1891, à l'Est seulement en 1911. Hors les murs le Rouergue décroît à partir de 1906 mais le territoire rural est en progrès, sauf dans la partie à l'Est de l'ensemble Justice Recluse.
    Le Mahon où il y a régression de 1891 à 1936 avec ensuite un brusque accroissement.

Quelles conclusions tirer de ces sondages?
    La population s'accroît alors que celle du canton diminue exprimant ainsi le rôle urbain de la Réole dont la croissance est due à l'exode rural. Mais cette augmentation est faible au regard de celle des autres villes du département de 1820 à 1946, alors que la Réole augmente de 20% ; Libourne s'accroît de 230% et Bordeaux de 284 %. C'est là le symptôme grave du déclin dans lequel sommeillent tant d'autres vieilles petites villes, simples et brèves haltes des ruraux dans leurs marches vers les grands centres urbains ; car la circulation intensifiée a accéléré ce mouvement très lent jadis de centre de transit, fonction normale d'une ville.
     Ce renouvellement de la population pose la question de l'absorption des immigrants, ou de l'altération progressive jusqu'à sa disparition, du caractère particulier de l'agglomération. Retenant peu, les éléments jeunes ne restent pas à la Réole et la proportion âgées augmente dangereusement pour l'équilibre biologique, économique et financier de la commune et de ses habitants dont les charges s'accroissent d'autant plus que le nombre des producteurs diminue par émigration et surtout par baisse de la natalité.
    Ainsi se trouve réalisé "ce fameux cycle infernal" dont le déficit budgétaire, l'équilibre des salaires et des prix ne sont que des aspects. Combien plus grave est la menace qui pèse sur l'existence même de l'espèce humaine simplement pour avoir essayé de mesurer la vie à l'aune de l'égoïsme individuel.
    Pourtant la nature semble contrebalancer ces calculs en faisant naître plus de filles que de garçons, accroissant ainsi les chances de maternité et opposant là comme dans tous les domaines au malthusianisme des hommes la grande loi universelle de la fécondité.
    Malgré tout, la répartition des habitants, par la décongestion du vieux noyau de peuplement et l'augmentation de la population hors des anciennes limites montre l'urbanisation de l'ensemble du territoire communal.


    Et cela est aussi un phénomène caractéristique de l'existence des villes à l'époque contemporaine.
Cette extension dans l'espace, l'immigration constante des ruraux, l'accroissement du nombre des salariés sont les caractères généraux des villes. Mais la faiblesse du développement numérique de la population, l'absence presque totale d'industrie moderne, la diminution des fonctions administratives depuis le transfert de la sous-préfecture à Langon montrent que la ville disparaît peu à peu, remplacée par un bourg rural.
    Brutalement, les faits sont là, bien différents sans doute des impressions éprouvées par les Réolais de vieille souche dont l'amour de leur petite patrie transpose la réalité qu'ils voient à travers leurs souvenirs.
    La question de la population est fondamentale, elle conditionné tout, du bien-être familial jusqu'à la paix.
De l'intérêt qu'on y porte dépend en définitive la vie ou la mort.
    Certes, la natalité s'est considérablement relevée. C'est la première fois depuis un siècle que pendant trois années consécutives le nombre des nouveau-nés dépasse celui des morts. Mais ne nous y trompons pas, chaque après-guerre apporte toujours un accroissement de naissances, celles qui n'ont pas pu avoir lieu au cours du conflit des naissances différées. L'avenir seul nous confirmera si ce mouvement est temporaire ou non, et si la volonté de vivre prendra enfin le pas sur les petits calculs égoïstes et mortels.

R. ARAMBOUROU

-:-DIVERS-:-

ARMOIRIES : Les armoiries de la Réole sont d'azur à la porte de ville flanquée de tours d'argent sommée de deux autres tours du même, le tout maçonné de sable et surmonté de trois fleurs de lys d'or rangées en chef, avec la légende :
URBS REGULA DUCATUS AQUITANIAE     
    Octave Gauban, dans son “Histoire de la Réole” (1873) attribue la concession de ces armoiries à Louis XIII, lorsque ce prince fit reconstruire le château des Quat ’Sos en 1224
Les fleurs de lys furent accordées en 1453 par Charles VII pour récompenser les Réolais de leur fidélité à la cause royale, lorsque la trahison du Sire de Lesparre rappela les Anglais en Guyenne.
    Ces armoiries furent confirmées le 3 Avril 1824, par lettres patentes de Louis XVIII dont l'original a été confié par la Municipalité au Musée de la ville.

POPULATION :  4.491 habitants. (Recensement de 1946) 
ALTITUDE : au perron de la Mairie 36 mètres, à la porte d'entrée de l'Hôpital: 49 mètres.
LATITUDE  : 44° 22′ 30″
LONGITUDE OUEST : 2° 22' 30"
Le méridien O de Greenwich passe un peu à l'Est de la ville.


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CAHIER DES PLAINTES ET DOLÉANCES DE LA PAROISSE DE LOUPIAC 
représentée par Pierre LABARDE et Pierre DUZAN, leurs députés pour être porté à l'Assemblée Générale devant M. le Grand SÉNÉCHAL de BAZAS le dix du courant.

Article 1.
Que les impositions royales soient réparties sur les trois ordres de l'Etat par proportion et égalité, et qu'elles soient comprises dans un seul et même rôle, pour être perçues sans le ministère d'huissier par un préposé établi dans chaque paroisse muni de pouvoirs, à aussi moins de frais qu'il sera possible.
Article 2.
Que les vingtièmes, capitations et industrie soient abolies de même que les droits sur les vins, viandes et sur les cuirs.
Article 3.
Que la corvée se fasse par les trois ordres de l'État par proportion et égalité sans distinction, et à portée des chantiers, le plus près possible des endroits.
Article 4.
Qu'il sera fait un arpentement général des biens pour être encadastrés afin de distinguer les fonds du 1º, 2º, 3º degré afin d'associer l'impôt avec proportion et égalité.
Article 5.
Que la dîme soit abolie, n'étant pas d'institution divine mais usurpée ; les curés pensionnés par proportion et suivant l'étendue de leurs paroisses et travaux spirituels.
Article 6.
Qu'il soit permis aux vassaux de se racheter de leurs rentes et agrier envers les seigneurs ou amortissement en payant un certain capital dans un long délai.
Article 7.
Que les Bureaux de Ferme soient transportés sur les frontières du royaume pour y être perçus les droits d'entrée et de sortie et le commerce libre dans l'intérieur
Article 8.
Que la justice s'expédie gratis et que lesdits procès ne puissent durer qu'un an en première instance.
Article 9.
Que la justice criminelle ne soit pas confiée à un seul officier, qu'il y ait au moins trois juges pour instruire les procès à cause des abus qu'un seul officier peut commettre,

Cahier de plaintes et doléances présenté par Pierre DUZAN et Pierre LABARDE députés par la paroisse de LOUPIAC pour se rendre au Sénéchal de BAZAS le 10 Mars 1789.
signé : DUZAN
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Ce cahier est accompagné du procès-verbal de nomination des délégués de la paroisse.

    Aujourd'hui 4 Mars 1789, par devant Nous Pierre DELOUSTAU, avocat au Parlement, Conseiller du Roi, Juge Royal en chef de la ville et Prévôté de La Réole, Commissaire à ce député par Monsieur le Grand Sénéchal de BAZAS, ont comparu en l'hôtel commun de la présente ville, 
    sieur Pierre LABARDE, agent de M. le Président de PECHARD, Pierre BROUSTET, François BROUSTET, Henri CONSTANT, Jean BARON, Pierre DUZAN et Jacques BOUCHE, Michel R..UT, autre FRANÇOIS BROUSTET et François PICON, 
    les tous habitants de la paroisse de LOUPIAC, en cette juridiction, tous nés français, ladite paroisse composée de soixante pieds de feux ; lesquels après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés qu'ils sont tenus de nommer en conformité des lettres du roi, ont unanimement et d'une commune voix nommé ledit sieur LABARDE, Agent et Pierre DUZAN, faiseur d'araires, qui ont accepté ladite commission et promis de s'en acquitter fidèlement.
    Ladite nomination ainsi faite, lesdits habitants ont en notre présence remis audit Pierre LABARDE et DUZAN, leurs députés, leur cahier afin de le porter à l'assemblée qui se tiendra à BAZAS le dix de ce mois devant Mr DE PIIS, Grand Sénéchal d'Épée du BAZADAIS, auxquels ils donnent pouvoir de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner le bien de l'Etat, la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans tout le royaume. De laquelle délibération et nomination octroyons acte avons signé.
signé: DELOUSTAU

    Il est intéressant de constater l'intérêt soulevé dans une petite paroisse du Réolais par la convocation des Etats Généraux de 1789 et de noter que dans le cahier de plaintes et de doléances, les revendications d'ordre local (perception des impôts, proximité des chantiers pour la corvée ...) se retrouvent parmi des revendications d'ordre plus général.
A noter également le petit nombre d'électeurs, 8, pour une population de 60 pieds de feux et qu'un seul délégué, Pierre DUZAN savait signer son nom.
A signaler que les descendants de Pierre DUZAN habitent actuellement à Loupiac de La Réole un lieu-dit "l'ARAYEY", mot patois signifiant "faiseur d'araires".
    G. DUMESTE
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-:-:-:-:-JEAN DE LA REOULE:-:-:-:-:-

LA STATUE :
    Faut-il voir dans le petit guerrier, moustachu, en uniforme de garde française, qui est de faction à l'angle du Turon et de la Rue des Frères Faucher, l'image d'un Réolais héroïque dont le nom exact et les exploits sont aujourd'hui perdus dans l'oubli ?
    C'est l'opinion de Dupin et Gauban, les deux érudits historiens de La Réole. Ils rapportent qu'en 1210, millésime gravé sur le socle de la statuette La Réole était en guerre avec Agen. Il se peut qu'un habitant de notre ville se soit rendu célèbre par son courage et ses faits d'armes au point que ses concitoyens reconnaissants lui aient élevé une statue.
    Placée aux limites de la ville, sur une Porte du Turon, face au levant d'où pouvaient venir les ennemis, cette statuette, en bois, y serait restée jusqu'en 1764, année où la Porte fut démolie.
    Comme elle tombait en vétusté, après cinq siècles d'existence, on la remplaça par une autre mais si l'on prit soin de reproduire la date de 1210, et peut-être le socle lui-même, l'image nouvelle fut celle d'un soldat de l'époque, sans que l'anachronisme parut choquant.
    Depuis lors, Jean de La Réoule, en son bel habit bleu, surveille la route d'Agen, pique en main et tricorne au chef.

    Aucune pièce de nos archives, aucune tradition locale qu'un chercheur comme Michel Dupin n'eut pas manqué de recueillir, n'a gardé le souvenir du soi-disant héros réolais.
Aussi est-on porté à se demander s'il ne s'agit pas d'un personnage imaginaire, comme semblerait l'indiquer par ailleurs son prénom si commun, quelque cousin des légendaires Jean de Nivelle ou Jean de la Lune?
    La vieille statue de bois primitive fût-elle placée sur la route du Turon en commémoration d'un fait d'armes ? Était-ce plus simplement une quelconque image, très antique, fixée sur la muraille lors de sa construction, et baptisée "Jean de La Réoule" par les habitants pour donner un visage et un corps au personnage de la chanson? On pense à la tête du "Moyssac" qui orne la façade de la vieille église de Moissac, et au buste de cette "Dame Carcas" si peu historique à l'entrée de la Cité de Carcassonne ...

    En l'absence de documents, il est impossible de choisir parmi des hypothèses diverses: Jean de La Réoule continue sa garde séculaire et ne se soucie point de savoir si le secret de son existence sera ou non percé un jour.

LA CHANSON :
Réel ou imaginaire nous retrouvons "Jean de La Réoule” dans une chanson très ancienne et très gaillarde.
    Il ne s'agit plus cette fois, d'un héros légendaire, statufié par ses concitoyens, mais plutôt d'un personnage un peu naïf, mari infortuné et dont chacun se gausse. 
    "Jean de La Réoule" est ce qu'on appelle une chanson de ”ville", ou chanson particulière à une communauté urbaine, créée par ses habitants, et complément habituel de toutes les manifestations collectives de la vie publique. Elle rentre par certains côtés dans le cycle des compositions populaires portant sur des types un peu ridicules ou singuliers, mais sympathiques cependant.
    L'air en est entraînant, les paroles alertes et légères. Tel qu'il nous a été transmis, le texte en est certainement incomplet. Le premier couplet, sans rapport avec les suivants, devait appartenir à une version primitive, chanson de mariniers, très probablement série de strophes où Jean de la Réoule faisait des réponses plaisantes ou grotesques aux questions saugrenues qui lui étaient posées. Dans cette version n'a été conservée qu'une strophe, la première sans doute, puisqu'on se rappelle toujours plus facilement le début d'une chanson, et l'on a brodé sur les autres strophes des variations qui ont complètement modifié l'ensemble.
    La préférence pour cette deuxième version, l'oubli presque total de la première, dut être favorisée par un fait local, sans qu'on puisse aujourd'hui en trouver trace. Mais il est facile d'imaginer quelque personnage connu de tous, un peu "idiot-de-village", que l'on prenait plaisir à faire enrager en lui serinant ces couplets moqueurs peut-être un ménage, mari benêt, femme simplette, dont une aventure fit du bruit en son temps, et fut pour les Réolais le prétexte de plaisanteries nombreuses.
Que nous voilà loin du vaillant guerrier auteur d'exploits étourdissants !

La première strophe de la chanson est la suivante :
Jean de La Réoule, moun amio, (bis)                      Jean de La Réole, mon ami, (bis)
A quale hore soun les mareyes?(bis)                       A quelle heure sont les marées? (bis)
-A queste neyt, à mige-neyt,                                    Cette nuit à minuit
A toute hore, à toute hore,                                      À toute heure, À toute heure
A queste neyt, à mige-neyt,                                    Cette nuit, à minuit,.
A toute hore de la neyt                                            À toute heure de le nuit

On chantait ensuite :
Jean de La Réoule, moun amic, (bis)                      Jean de La Réole, mon ami,
Ahl que ta femme est maou couhade (bis)              Ah! que ta femme est mal coiffée !
Mène-me là, te la couherey,                                     Amène-là moi, je te la coifferai
A l'oumbrette, à l'oumbrette,                                   A l'ombrette...
Mène-me là, te la couherey                                      Amène-là moi, je te la coifferai
A l'oumbrette daou perseguey.                                 A l'ombrette du pêcher.

    La femme de Jean de La Réoule était ensuite déclarée "maou cintade" (mal attifée), "maou justade" (mal ajustée),"maou jupade" et "maou caoussade", et on insistait toujours dans les mêmes termes, auprès de son mari, pour lui faire confier à un autre le soin de mieux l'attifer, l'ajuster, lui arranger sa jupe ou ses chaussures.
    A la strophe "Ah! que ta femme est maou couhade (mal coiffée), la malice populaire eut vite fait, vers la fin du XVIº siècle vraisemblablement, de substituer une variante "maou couyade" (mal...besognée), d'où est sortie une troisième version, qui est la version actuelle :

Jean de La Réoule, moun amic,                              Jean de La Réole, mon ami,
Ah! que ta femme es maou couyade!                    Ah! que ta femme est mal... besognée!
Mène-me là, te la couyerey,                                    Amène-la moi, etc…
A l'oumbrette, à l'oumbrette,
Mène-me lå, te la couyerey,
A l'oumbrette daou perseguey,

II
Puisque te trobes décidat,                                          Puisque te voilà décidé,
en douman matin à boune hore,                                 Viens demain matin de bonne heure,
Te la couyerey à ton agrat,                                         Je te la .... besognerai à ton gré,
A toun plesi et à la mode,                                          A ton plaisir et à la mode,
En puy li baillerey lou plec                                       Et puis je lui donnerai le pli etc... ...
De la couyure, de la couyure,
En puy li baillerey lou plec
De la couýure daous Réoules.

III
Tu quès un guerrier distinguat,                                  Toi qui es un guerrier distingué,
Counserbe lou fruyt de ta femme;                              Conserve le fruit de ta femme;
Hey tchaou que ne s'aborti pas                                  Prends garde qu'elle n'avorte pas,
Qu'harès une porte bien grande !                              Tu ferais une bien grande perte.
Car ère te pourte un gouyat,                                      Car elle te portera un fils,
Qu'hara la glouare, qu'hara la glouare,                      Qui fera la gloire, etc...
Car ère te pourte un gouyat                                       Car elle te portera un fils,
Qu'hara la glouare de la cioutat.                               Qui fera la gloire de la cité

IV
A la nechense de soun hill                                      A la naissance de son fils,
Quand celebreran lou bateyme,                              Quand on célèbrera le baptême,
Hey ourna la gleyze de lis,                                     Fais orner l'église de lys,
Maride lou d'amb une reyne,                                  Marie-le avec une reine.
Et la peis per lors règnera                                       Et désormais la paix règnera
Deden La Réoule, deden La Réoule,                     Dans La Réole...... etc.
Et la peis per lors règnera                                      Et désormais la paix règnera  
Deden La Réoule tent que bioura.                         Dans La Réole, tant qu'il vivra

    Avec les mariniers qui la chantaient en manœuvrant leur bateau, cette chanson remonta la Garonne et fut transportée bien loin des limites de notre ville.
    Nous la retrouvons d'abord à Toulouse où, jusqu'à la Révolution on l'entendait couramment dans les rues, à la rentrée des étudiants et des magistrats, vers la mi-octobre. 
    On raconte qu'un membre de la famille de Seguin, de La Réole, ayant acheté, au début du XVIII Siècle, une charge de Capitoul à Toulouse, fut accueilli, le jour de son entrée en fonctions, par l’orchestre de la ville jouant "Jean de La Réoule” preuve que cet air était déjà connu et populaire en Languedoc à cette époque. Plus on s'écarte de son point de départ, plus grandes sont les altérations que subit le texte. En languedocien, le premier couplet devient :

Jan de La Rioule es arribat                                 Jean de La Réole est arrivé
Amb uno grosso troupo d'azes,                          Avec un grand troupeau d'ânes,
D'ases, Messius, toutis cargats                          D'ânes, Messieurs, tous chargés
De canounyés et de meynades,                          De chanoines et de filles
D'azes, Messius, toutis cargats                          D'ânes, Messieurs, tous chargés
De canounyés et d'aboucats.                              De chanoines et d'avocats.

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Dans le Lodévois, ce couplet est devenu :
Jan de La Riula est arrivat                              Jean de La Réole est arrivé
Amb una carga de balajas.                              Avec un chargement de balais.
Quan les vendès? Quinze dignès                     Combien les vendez-vous? Quinze deniers
Soun trop cadas, soun trop cadas!,                  Ils sont trop chers bis
Quan les vendès? Quinze dignès.                    Combien les vendez-vous? Quinze deniers
Soun trop cadas! Causissès.                             Ils sont trop chers.  Choisissez !

    Peut-on voir là autre chose qu'un dialogue entre un marchand de balais - la fabrication des balais fut toujours une importante industrie réolaise- et un acheteur éventuel qui s'amuse, pour obtenir un prix meilleur, à déprécier ce qu'on lui offre ? Là encore, la déformation locale doit provenir de la présence d'un individu particulier qui a servi de cible à l'esprit satirique des populations.
    Au contraire, le second couplet, concernant la femme du mari berné, est conservé presque intégralement dans la version toulousaine, et reproduit même dans les vers 5 et 6 la version réolaise la plus ancienne :

Jean de La Rioule, moun efant,                      Jean de La Réole, mon enfant,
Has ta femmo mal coufade;                           Tu as ta ferme mal coiffée;
Baillo-la mé, la couferei,                                Donne la moi, je te la coifferai etc ...
A touto ouro, à touto ouro,                             etc ...
Baillo-la mé, in coufereï,
A touto ouro de la neït.

    De Toulouse, la chanson gagna les localités voisines, et traversa même tout le Bas-Languedoc pour atteindre, par Castres (1) la région de Lodève et de Clermont l'Hérault. Du Bas-Languedoc, par déformations successives, elle atteint le Roussillon : de nos jours encore, à Perpignan, Céret, Prades et les villages d'alentour, on clôture les danses, les soirs de fête, par une sorte de quadrille ; parmi les morceaux exécutés à cette occasion, on peut entendre un "En Jean del Riu" qui n'est autre que notre "Jean de la Réoule".

    La musique est la même, mais les paroles sont réduites aux huit vers suivants qui comportent du reste des variantes :
En Jan del Riu n'es arribat Jan del Riu                        (Jean de la Réole) est arrivé
Amb una carga de monines;                                        Avec un chargement de singes;
En Jan del Riu es arribat                                             Jan del Riu est arrivé
Amb una carga d'escarbats.                                         Avec un chargement de scarabée.
N'ha comprat un biolon                                               Il a acheté un violon
Per fer balla las ninetes,                                              Pour faire danser les jeunes filles,
N'ha comprat un biolon                                              Il a acheté un violon
Per fer ballar les minyons.                                          Pour faire danser les garçons.

Le second vers est parfois "Amb un pot de confitura" ou" Amb una bota de vi ranci" (une bouteille de vin ranciot) et au lieu du quatrième vers, on peut dire: "Amb lou pot de rasinat" (le pot de raisiné) ou "Amb una bota de muscat" (une bouteille de vin muscat).


(1) Elle est citée dans les "chants populaires du pays castrais" d'Anacharsis Combes (Castres 1862).

I - 1958 - Une culture abandonnée : le chanvre (Manley-Bendall) Cahiers du Réolais n°33 II - 2025 - Le chanvre, une culture d'avenir ? L...




I - 1958 - Une culture abandonnée : le chanvre
(Manley-Bendall) Cahiers du Réolais n°33
II - 2025 - Le chanvre, une culture d'avenir ?

Le chanvre (Cannabis sativa) est une plante annuelle dioïque à l'état normal, à tiges dressées de 2 à 4 m de haut en moyenne, pouvant s'élever jusqu'à 6 à 10 m ; le diamètre à la base des tiges est de 20 à 30 mm ; la tige comporte, dans sa partie libérienne, les fibres. L'aire de culture est très étendue, des zones tempérées aux zones subtropicales. Son cycle de développement est très court, de 50 à 160 jours. La culture du chanvre est en régression. Essentiellement produit pour sa fibre (toiles, cordages), le chanvre a été fortement concurrencé par des fibres issues d'autres plantes (sisal, jute) et par les fibres synthétiques. La Chine, la Roumanie et l'Inde sont les premiers producteurs mondiaux. (Larousse)

I - Une culture abandonnée : le chanvre
Cahiers du Réolais N° 33 - 1958
    Le chanvre (Canabis sativa) était autrefois cultivé dans toute la région, et il y a un siècle encore, le Bordelais en était grand producteur.
M. de Tourny (1743-1747) encourage une industrie toute locale, mais qui s'avéra bientôt de première importance pour l'économie domestique.
    Toutes les communes du Réolais avaient leurs chènevières placées dans les terrains "frais", auprès du Dropt ou des affluents, jamais sur les hauteurs, trop sèches et convenant mieux à la vigne.
    Le grand intendant de Guyenne fut le protagoniste de cette culture dans sa généralité, et il y a seulement soixante-quinze ou quatre-vingt ans, chaque propriétaire "faisait son chanvre" comme de nos jours il "fait son vin". La production était limitée à ses besoins personnels ; en cas de surplus, celui-ci était vendu.
    Plante annuelle, les semis se faisaient très drus, au printemps, de mars à mai, à la grande joie des oiseaux, friands de chènevis, et auxquels les enfants faisaient peur en attendant que la terre soit retournée. La récolte avait lieu de fin juillet à la mi-août; le rouissage  suivant le plus tôt possible afin d'obtenir des chanvres très blancs.
Cette opération séparait la fibre textile ou chènevotte de la gomme résineuse qui la fixe à la tige.
    Dans le Dropt ou la Garonne, les touffes de chanvre réunies en radeaux restaient maintenues sous l'eau par des poids pendant cinq ou six jours; cette fermentation microbienne dégageait la fibre du mucilage qui l'entoure. Puis on l'épandait sur un pré pour la sécher et la blanchir, en la retournant pendant quinze ou vingt jours.
    Le Dropt, à courant continu malgré les écluses, enlevait assez vite ce qui pouvait offenser les narines de nos ancêtres, car l'odeur nauséabonde était jugée nocive, à tort d'ailleurs.
    Le broyage, le teillage (enlèvement de l'écorce) et le peignage produisaient la filasse. 
A la veillée d'automne ou d'hiver, les femmes filaient les fibres sur fuseaux, les plus adroites au rouet, appareils qu'on ne trouve plus que rarement dans les familles. Puis le fil était mis en pelote et remis aux tisserands qui travaillaient à façon les diverses étoffes qu'on leur demandait : tissage sur métier Jacquart, à bras, que l'on voyait encore à la génération précédente.
    Le fil de chanvre mélangé au fil de coton se muait en grisette pour pantalons et vêtements de travail. Le coton teint à l'indigo laissait de fortes empreintes sur la peau, et deux lavages de l'étoffe étaient nécessaires pour arrêter cette coloration. On mélangeait parfois chanvre et laine, on faisait alors des "cadis"(2).
    Mais c'était surtout la toile pour draps et serviettes qui était prisée comme inusable.
Certains ménages possèdent encore des draps entièrement neufs, n'ayant pas été encore utilisés.
Le stock ancien étant plus que suffisant. On trouve des pelotes de fil dans des tiroirs; elles y font figure de fossiles, car on ne songe plus à les utiliser pour le tissage.
    Les tisserands toiliers produisaient de la toile de " brin " faite du chanvre le plus fin, d'une aune de largeur et valant, à cette époque, 40 sous l'aune. Le " boisradis" était une seconde qualité à 30 sous l'aune; le "terlis " était une grosse toile pour les sacs. Les sergeurs fabriquaient les " cadis " très employés, les cordelats et des droguets de fil et de laine.
    Au XVIII° siècle, le chanvre était cultivé un peu partout en France et, grâce à Tourny, dans les environs de Bordeaux, dans le Réolais et aussi en Agenais.
L'exportation en nature était interdite et la plus grande partie des "cherves"(3) reçues à Bordeaux était expédiée à Bayonne et à St-Jean-de-Luz.
    Mais Bordeaux recevait également des chanvres de Navarre et un règlement de la Jurade défendait aux cordiers de mélanger les chanvres de Guienne avec ceux de Navarre, sous peine du fouet et de 300 sous d'amende.
1745 - 16 Mars. Ordonnance de l'Intendant afin que les chanvres soient mieux broyés ; il proclame la supériorité des chanvres de Guienne sur ceux de Bretagne à la suite d'expériences faites à Brest par la marine.
1746 19 Août : Vu l'épizootie en Périgord, défense de faire rouir le chanvre dans le Dropt.
1756 - Le chevalier de Vivens écrit : "Il est surprenant que la France ait besoin de chanvres étrangers" (Riga).
    Pour peu qu'on ait voulu favoriser la culture dans notre province, où on l'entend très bien, on en recueillerait bientôt au-delà des besoins du royaume.... Le commerce qui en augmenterait la culture est le plus aisé de tous. Rien de si sûr que de spéculer sur le chanvre, la garde en est facile et paie l'intérêt de l'argent; ce serait surtout le long de la Garonne, dans les plaines qui sont si propres pour le chanvre, où l'on en ferait venir une prodigieuse quantité ".
1781 25 Oct. : Lettre de Versailles à l'Intendant de Bordeaux :
    La marine royale consomme annuellement de 11 à 12 millions de livres de chanvre; la marine marchande aussi de grandes quantités; on est obligé d'en tirer une grande quantité du Nord et de faire passer des fonds considérables à l'étranger; la guerre rend cette importation difficile et dispendieuse.
D'où nécessité de développer la culture du chanvre. Il reste encore tant de terrains à dessécher et à défricher..! "

    Et Latapie, inspecteur des manufactures, dans son rapport "L'état de la culture du chanvre en 1781, dans les élections de Guienne", dit : "Dans la généralité de Bordeaux, c'est dans les sud délégations de Marmande (dont faisait partie La Réole) et d'Agen, que l'on trouve les terrains les plus fertiles en chanvre; celle de Marmande recueille seule le tiers de tout le chanvre de la généralité
1°- parce que les terrains qui avoisinent la Garonne sont excellents,
2°- parce que les corderies de Tonneins et de La Réole qui sont au centre du pays, y procurent un débouché certain et rapide. Il n'y a que les bords des rivières que l'on puisse destiner à cette culture parce que cette plante exige de l'humidité des meilleurs fonts possibles... 40 mille quintaux manquent à la marine de Bordeaux en temps de guerre et il faut absolument faire le sacrifice de 1.600.000 livres en faveur de l'étranger et cela pour un seul port... Chaque arpent cultivé avec les engrais suffisants produit en Guienne, année moyenne, 8 quintaux de chanvre...
    Au temps de Colbert, on disait que les chanvres de Bretagne étaient supérieurs à ceux du Nord, pour la force, mais que sous ce rapport ceux de Guienne valaient encore mieux...
1789-90 : Dans ses "Voyages en France"', Arthur Young, toujours impressionné par la fertilité de la moyenne Garonne, dit: "Dans le voisinage d'Agen, le chanvre donne 10 quintaux par carterée (1) à 40 livres par quintal ".
    Monségur était lors du dénombrement de 1730, réputé pour la finesse de ses chanvres; ceux-ci étaient appréciés bien au-delà de la juridiction; la demande était justifiée par les besoins de la population à ure époque où la culture du coton n'avait pas l'importance mondiale qu'elle a aujourd'hui.
    On comptait à ce moment "quatre blanchisseurs de toilles", cinq " filasseurs ", trente-et-un "tisserands d'étoffes", huit drapiers faiseurs - ce qui représentait un nombre considérable de travailleurs de chanvre dans un bourg de 1162 habitants.
    Il n'y a pas très longtemps existaient encore des rouisseurs de profession. Les odeurs provenant du rouissage incommodaient les populations.
    Nous lisons: "Il y a grande sécheresse depuis plusieurs mois, il y a fort peu d'eau dans le Dropt, où en semblable saison on met quantité de chanvre et les eaux sont complètement gâtées, on ne peut plus abreuver le bétail... Il y a lieu de défendre à toutes les personnes de quelque qualité ou profession qu'elles soient, de tremper le chanvre à peine de confiscation, de 50 livres d'amende et de prison.
Cet avis sera publié dans toutes les paroisses
" (6 août 1705).
    La défense de rouissage dans le Dropt est renouvelée en 1746, 1756 et 1764. Et la Maîtrise des Eaux et Forêts fait de même en 1782.
1790- Décembre. Le prix moyen de la filasse est, depuis dix ans, de 6 livres le quintal.
An III - Frimaire. Le Directoire de La Réole réquisitionne tout le chanvre brié ou non brié, le fil blanchi ou écru. Pour le chanvre non brié, il sera procédé au briage: cela " pour le service de la marine, le triomphe de la liberté et le maintien de la République ". Réquisitions renouvelées dans les années qui suivent.
An VI Une patente de tisserand est de 4 francs, et le titulaire pourra exercer sa profession sans trouble ni empêchement.
1802 Juin, Le commerce du chanvre, des grosses toiles et du fil entretient un marché important dans la ville de Monségur et des environs".
1812 Jurade. Il n'y a plus que 4 tisserands travaillant - quatre mois de l'année et gagnant 1fr50 par jour; les autres passent huit mois à la culture de la terre.
    Deux fabricants de grosses toiles et cadis sont de simples ouvriers qui cordent et tissent à domicile; ils ont de 70 à 75 centimes par aune des étoffes qu'ils fabriquent; l'un gagne 300 francs, l'autre 100 francs seulement par an.
1822 - 22 juillet. Le procureur du Roi auprès du tribunal de La Réole informe que la prohibition du rouissage dans le Dropt provoque le plus grand mécontentement dans le canton de Monségur et que l'exaspération est telle qu'il craint que le bon ordre ne soit troublé Le juge de paix de Monségur ajoute : " les esprits sont excessivement montés, infiniment plus qu'il ne pourrait le dépeindre. Le chanvre est un objet de première nécessité et l'usage de faire rouir le chanvre dans le Dropt est immémorial.
    Les paysans de cette contrée sont dans une honnête aisance, d'un caractère paisible et ne prononcent le nom du Roi qu'avec respect. Il est d'extrême urgence d'aviser ".
1825 Mars. Bénéficiant de chemins en bon état, "Sainte-Bazeille reçoit le chanvre, dont elle fait un commerce considérable ".
1838 - Dans la commune de La Réole, il y a 35 journaux cultivés en chanvre mais pour les besoins locaux seulement. En Septembre au marché : chanvre 1ère qualité, 50 francs les 50 kilos; 2ème qualité,
A Monségur et Sauveterre: 47 francs.
    La statistique de l' arrondissement de La Réole donne pour la production totale : 800 hectolitres soit 150.000 kilos.
1840 - Statistique à la demande du maire de Monségur : les bords du Dropt, on cultive le chanvre avec plus de succès que sur la côte ; les chènevières y sont plus communes et cette culture est l'une des meilleures et des plus revenantes.
1853 - Dans le canton de Monségur, il y a 100 hectares cultivés en chanvre, ce qui, avec 5 hectos de graines par hectare, fait 500 hectolitres. Le prix moyen d'un hecto de grain est de 20 frs; le kilo de filasse est de 0.80 centimes. (Il n'y a pas de lin).
1857 Sept - A l'occasion du Comice agricole tenu à Monségur, l'on voit une machine pour briser le chanvre, œuvre de Pierre Raffé, du Puy, employée avec avantage et déjà l'objet d'une récompense au Comice de Sauveterre, l'année précédente.
1865 -  J. Reclus dit (Comm. Mon. Hist. ): " le canton de Monségur produit beaucoup de chanvre. "
1870 - Après cette date, le chanvre fut la seule matière textile cultivée dans le Bordelais et employée surtout pour la corderie.
1877 : 50 livres de chanvre à 1,20 la livre font 60 francs.
1884 Juin - La surface affectée à la culture du chanvre, dans la commune de Monségur, est inférieure à 2 hectares.
Taillecavat, comme beaucoup d'autres communes du canton, avait des chènevières importantes et des tissages à main. Le nom du lieu- dit de Piquetuille viendrait de Pique Telle (toile) ; hameau où se réunissait les travailleurs autour de la source qui alimentait, avec d'autres points d'eau, les "gannes" fossés creusés à un mètre de profondeur sur deux ou trois de large, comme canaux d'irrigation et surtout pour le rouissage.
On voit souvent " Pique teulle ". (Ed. Lecourt).
Cours, il y a moins d'un siècle, avait une spécialité de grisettes.
1860 Roquebrune avait 10 hectares de chènevières avec un produit moyen de 3 hectos de grains à 25 francs l'hectolitre. Le chanvre produit en moyenne, par hectare, 700 kilos de filasse.
En 1874, à Sainte-Gemme, la récolte du chanvre excède de la moitié la consommation de la commune.

    Il ne reste plus rien, dans le Réolais et le Monségurais, de cette ancienne industrie paysanne et artisanale du textile local. La culture intensive du coton dans le monde et la très grande industrie cotonnière du Nord et de l'Est ont porté un coup mortel à la culture du chanvre dans le Sud-Ouest.
    Pendant la 2ème guerre mondiale (1939-44), les pouvoirs publics ont tenté de faire revivre, partout où cela était possible, la culture du chanvre et la propagande par radio a fait dresser bien des oreilles, mais ce renouveau n'a pas été réalisé, ici, malgré les hauts prix des textiles.
    A Roquebrune et ailleurs, quelques semis ont été faits, vite abandonnés par suite du manque de main d'œuvre réservée aux travaux qui ont fait depuis longtemps la fortune de ce pays béni des Dieux maïs, seigle, tabac, vigne, blé...  avec l'incomparable profusion des arbres fruitiers de l'Agenais, cette splendeur !...
MANLEY-BENDALL

(1) carterée : 2000 m²
(2) Cadis : Tissu de laine du genre de la bure ou de la flanelle.
(3) Cherves : chanvre


II - Le chanvre, une culture d'avenir ?
Face aux difficultés de la viticulture en Gironde, une poignée d'agriculteurs explorent une nouvelle voie : le chanvre, plante robuste, aux débouchés prometteurs, de l'alimentation à l'écoconstruction.
    Une association a été créée il y a un an
Linda Douifi Sud Ouest 15-09-2025
L.douifi@sudouest.fr


Plusieurs agriculteurs et porteurs de projet ont assisté à une rencontre d'information autour du chanvre jeudi 11 septembre. Un rendez-vous organisé par la Chambre d'agriculture. L. D

    Lucie et Jérôme Taffin montrent, avec une pointe de fierté, une photo de leur champ verdoyant : 1,4 hectare de chanvre qu'ils ont semé pour la première fois au printemps der nier, dans leur exploitation de Lagorce près de Libourne (viticulture et élevage). Une culture encore balbutiante en Gironde, mais qui suscite déjà beaucoup d'attentes.
"Pour l'instant, aucun regret, confie Jérôme. Malgré la sécheresse du début d'été, ça a très bien résisté"
Sa fille Lucie, 21 ans, voit dans cette plante une voie d'avenir: "Elle correspond bien à notre exploitation familiale, demande peu d'eau, mais valorise bien la matière organique issue de notre élevage" 
    Les Taffin ne se sont pas lancés seuls. Comme d'autres agriculteurs du secteur, ils ont rejoint l'association Chanvre en Libournais, créée il y a un an. Objectif: structurer une nouvelle filière dans un territoire marqué par les arrachages de vignes et la chute de la valeur foncière.
    Un marché en attente Au-delà de l'aspect économique, cette aventure est aussi une manière de rompre l'isolement. "Le collectif, c'est indispensable. Tout le monde n'a pas le matériel ni l'expérience, rappelle Lucie.
    Grâce à l'association, on partage les semoirs, on s'entraide pour les récoltes. "Quand l'un flanche, un autre prend le relais". Dans un métier où la solitude est souvent pesante, l'entraide redevient centrale. Notamment pour les investissements nécessaires. À la présidence de l'association, on trouve Fabienne Krief, viticultrice et maire de Bayas. Comme beaucoup, elle a arraché une partie de ses
vignes. Pour elle, le chanvre représente "une plante adaptée au changement climatique, peu gourmande en eau, et qui trouve déjà ses marchés, mais aussi bien pour la graine alimentaire que pour la fibre utilisée dans l'écoconstruction".
    Le chanvre cultivé dans le Libournais n'a rien à voir avec sa réputation sulfureuse.
Avec moins de 0,2% de THC (1), il est destiné à l'alimentation. - les graines riches en protéines intéressent restaurants collectifs, hôpitaux et maisons de retraite - et surtout à la construction écologique. La tige, une fois défibrée, fournit d'un côté la fibre, utilisée comme isolant, et de l'autre la "chènevotte", un granulat qui se mélange à la chaux ou à l'argile pour des enduits et des bétons.  "Aujourd'hui, les professionnels du bâtiment attendent du chanvre local, assure Fabienne Krief.
    Benoît Duret, tailleur de pierre à Lussac, fait venir plusieurs semi-remorques depuis le nord de la France pour restaurer des châteaux. L'idée est de "produire ici ce qu'on importe de loin."

L'enjeu du défibrage
    Encore faut-il franchir un cap: atteindre la masse critique de surfaces cultivées. <<Pour qu'une unité de défibrage voie le jour, il faut entre 100 et 150 hectares par an », précise la présidente. Cette unité, estimée à 700 000 euros, permettrait de séparer la fibre de la chènevotte et de donner toute sa valeur ajoutée à la culture. Pour l'instant, la vingtaine d'adhérents de Chanvre en Libournais n'exploitent qu'une dizaine d'hectares.
    L'an prochain, ils espèrent passer à 20. La paille, elle, peut être stockée en attendant. Des financements publics et privés soutiennent déjà l'initiative. Lisea, gestionnaire de la LGV, finance 50% du matériel, le Département suit également le projet. Une moissonneuse-batteuse d'occasion a ainsi pu être achetée collectivement, première pierre d'un équipement qui doit encore s'étoffer.
Pour l'heure, la Gironde ne compte qu'une seule association dédiée, mais d'autres pourraient émerger. 
    D'où l'opération d'information menée par la Chambre d'agriculture de la Gironde et Chanvre du Libournais, jeudi 11 septembre à Chamadelle.
"Le marché est là, c'est à nous de nous organiser pour l'alimenter", résume Fabienne Krief. 
    Dans un département où la viticulture peine à se relever, le chanvre apparaît comme une alternative crédible. Pas une solution miracle - la rotation impose de ne pas en ressemer sur la même parcelle avant cinq ans - mais une culture complémentaire, porteuse d'espoir et de solidarité. Chez les Taffin, la récolte de cette première campagne approche. "On va voir ce que ça donne, mais on est convaincus, assure Jérôme. C'est une plante robuste, pleine de débouchés."
    Un pari sur l'avenir que partagent, désormais, une poignée d'agriculteurs girondins.(1) THC: le principe actif du cannabis qui entraine une dépendance.

- Chanvre ou CBD, deux cultures différentes
Si le chanvre et le CBD (cannabidiol, qui n'entraîne pas de dépendance) proviennent de la même plante, leurs cultures n'ont rien en commun. Le chanvre cultivé en Gironde l'est à forte densité (jusqu'à 100 pieds/m²) pour produire graines et fibres. Le CBD, lui, nécessite des variétés spécifiques, semées beaucoup plus clairsemées (4 pieds/m²). Les deux ne peuvent cohabiter: une pollinisation croisée ruinerait la teneur en CBD.

- Du chanvre est tiré un nombre important et toujours croissant de produits : fil, ficelle, tissu, papier (plus de 70 % de la production avant 1883), mais aussi matériaux de construction et d'isolation, carburant, plastiques, produits alimentaires, médicaments.

Sommaire Pierre Broustet. Fondateur de la cardiologie bordelaise Pierre Broustet naît en 1904, à La Réole, dans une famille de médecins. Ap...



Pierre Broustet. Fondateur de la cardiologie bordelaise

Pierre Broustet naît en 1904, à La Réole, dans une famille de médecins.
Après de solides études, son père l'oriente vers la médecine où brillant élève, il gravit tous les échelons.
    En 1930, il entre dans le laboratoire du physiologiste Victor Pachon.

    II réussit le doctorat avec une thèse portant sur la cardiographie : méthode consistant à recueillir les variations des tensions musculaires de la pointe du cœur.

    En 1937, il décroche l'agrégation de médecine générale. En 1949, il devient titulaire de la chaire de thérapeutique à la Faculté de médecine de Bordeaux et en 1956 de la chaire des maladies du cœur et des vaisseaux.. 
    Disciple du professeur Pierre Mauriac, il enseigne et applique une médecine humaniste. "Prodiguant ses soins de jour comme de nuit avec beaucoup de dévouement. Il était appelé directement par ses patients quelle que soit la pathologie. Ses compétences pour les maladies du cœur le faisaient appeler en consultation par ses confrères médecins, mais aussi pour tous les cas difficiles de pathologie générale.
    Il était un des rares à Bordeaux à posséder à son cabinet un électrocardiographe, qualifié de portatif, mais dont le poids avec les accus devait dépasser les 30 kilos. Son maniement était extrêmement délicat, et le succès de l'enregistrement n'était pas garanti, tout particulièrement au domicile du patient. Le tracé était enregistré sur film photographique qu'il fallait faire développer chez un photographe. 
    Le résultat de la consultation ne pouvait être connu qu'après examen du tracé le plus souvent le lendemain". (Dr Jean Cazeau)
    Le professeur Pierre Broustet dispose dans son cabinet d'un appareil de radioscopie, permettant d'apprécier le volume du cœur et de l'aorte d'observer l'état des poumons..
    Jusqu'aux années 1960, pour traiter les problèmes cardiaques, le médecin Broustet tient compte des maladies non encore éradiquées provoquant des anomalies des veines et des artères comme la tuberculose, la syphilis et le rhumatisme articulaire aigu.

    Après la guerre de 1939-1945, pour mieux connaître les maladies congénitales du cœur et apprendre les nouvelles techniques, il se rend aux États-Unis en compagnie du chirurgien Dubourg.
    En 1949, de retour à Bordeaux, il pratique plusieurs expériences sur des chiens, avant de réussir en juin, à la clinique Pasteur, la première intervention pour la correction d'une malformation cardiaque congénitale dite "tétralogie de Fallot ou maladie bleue.”
    En 1950, s'ouvre à Bordeaux, à l'hôpital du Tondu, un service médico-chirurgical de cardiologie avec deux chefs de service : Pierre Broustet et Georges Dubourg. Par la suite, chacun reprenant son autonomie, Pierre Broustet devient le patron de la clinique médicale cardiologique et s'entoure de collaborateurs réputés. Il envoie ses jeunes praticiens faire des stages en Amérique pour "y apprendre là-bas ce que, moi, je ne peux vous enseigner".

    Formateur de nombreux cardiologues, Pierre Broustet publie un manuel de cardiologie et un traité sur ses travaux scientifiques concernant l'hypertension, l'insuffisance cardiaque, les troubles du rythme, les coronaropathies.
    Membre, puis président de la Société française de cardiologie, ses publications servent encore de référence.
    La première greffe du cœur réalisée le 3 décembre 1967 par le chirurgien Christian Barnard au Cap, en Afrique du Sud, ne le surprend pas. Il suit de très près les avancées techniques de la science et jusqu'à la fin de sa vie, en 1974, organise conférences et colloques.
    Bien que titulaire des plus hauts diplômes, cet éminent professeur, ce médecin humaniste n'a jamais cherché à quitter Bordeaux où plusieurs membres de la famille Broustet continuent à faire la réputation de la médecine.

"Les Illustres de Bordeaux" in Les Dossiers d'Aquitaine ISBN :978-2-84622-255-6


Cahiers du Réolais n° 97


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Histoire de l’hôpital cardiologique de Bordeaux

Gallon Philippe
mardi 26 avril 2016

Les débuts de la chirurgie cardiaque à Bordeaux
Enfant bleue Sud-Ouest 4 septembre 1949

    Tout commença un matin de Juin 1949, à la clinique Pasteur de Bordeaux ; le docteur Georges Dubourg s’apprêtait à opérer Jeanine For… 15ans atteinte de la maladie de Fallot, cardiopathie cyanogène. Le chirurgien allait réaliser un shunt entre l’artère sous-clavière et l’artère pulmonaire droite ou opération de Blalock-Taussig, du nom des concepteurs -Baltimore aux Etats-Unis.
    Autour de lui, se tenaient le Pr. Pierre Broustet à l’origine de l’évènement, l’anesthésiste Roger Bahuet, le « réanimateur » Jacques Duhart, l’infirmière instrumentiste Mle Buhan, l’étudiant Jean Gazeau qui s’occupait de l’appareil ECG et sœur Hélène, religieuse de Sainte Marthe, cheftaine du bloc.
Auparavant, à 7 h du matin, tout le monde avait assisté à la messe dans la chapelle de la clinique.
    Antérieurement, ces enfants devaient être opérés soit à Paris par Charles Dubost, soit à Lyon chez Paul Santy. Les hôpitaux bordelais étaient vieillissants et leurs chirurgiens peu entreprenants, raison pour laquelle Pierre Broustet, professeur de thérapeutique, féru de cette cardiologie naissante et moderne, s’était adressé au chirurgien le plus en vue à Bordeaux, mais « privé » : Georges Dubourg.
    « Que faut-il faire ? » avait demandé Dubourg ; « c’est simple », a répondu Broustet, « vous allez à Baltimore, chez Blalock, vous former à cette intervention ».
    C’est ainsi qu’à 45 ans, ce chirurgien a laissé sa clinique et ses patients pour partir, fin 1948, aux Etats-Unis. A son retour, il s’entraina, sur des chiens dans un réduit de la faculté de médecine, à réaliser cette si difficile suture vasculaire, à points séparés, au fil de soie, « nette et sans froncement ». Le danger était l’hémorragie par la fuite de sang entre 2 points ou déchirure des parois de l’oreillette. Des Etats-Unis, il avait aussi rapporté un nouvel appareil d’anesthésie, moderne, avec manomètres de contrôle de pressions des gaz, circuit fermé et ballon de ventilation.
    L’anesthésie de cette intervention a été : cyclopropane à l’induction, éther, N2O et oxygène pour l’entretien, ventilation manuelle avec masque facial. Rien de noté sur l’analgésie, morphine sans doute. A la fin de l’opération, la jeune fille fut réveillée sur table et déclara : « je ne me rappelle plus de rien, sauf qu’en me réveillant, il me semblait que j’étais au cinéma ». Cette opération eut un grand retentissement à l’époque à Bordeaux avec les honneurs de la presse régionale.
    A cette époque, les médecins étaient préoccupés, au plan cardiaque, par les insuffisances cardiaques pour lesquelles les médicaments étaient peu efficaces comme la classique digitaline, la théobromine, diurétique à base de théophylline et la pose de sangsues sur la région hépatique…        Pour l’hypertension artérielle, au régime sans sel, on associait un vasodilatateur : la papavérine.
Les patients étaient vus, le plus souvent, au stade d’œdème aigue du poumon ou d’hémiplégie. Parmi les troubles du rythme, la fibrillation auriculaire dominait.
    Son enregistrement ECG était difficile car les appareils étaient rares. Sa réduction reposait sur les sels de quinidine, la Quinicardine, traitement bien codifié, efficace mais dangereux, car par allongement du complexe QRS, la contraction du cœur diminuait en fréquence et en puissance avec risque d’arrét cardiaque, donnant des émotions aux jeunes internes chargés de le surveiller…     L’angine de poitrine ou angor était fréquente, mais c’était une pathologie de ville, on en voyait très rarement à l’hôpital. De diagnostic surtout clinique (ECG rares, transaminases qui n’arriveront qu’en 1954 et les CPK en 1960). La trinitrine restait le traitement miracle qui supprimait instantanément la douleur mais ne traitait pas la cause. En cas d’infarctus, on prescrivait encore la Khelline, ou Khella, sorte de fenouil à action antispasmodique et vasodilatatrice et pour « soutenir » le cœur, des injections intra musculaires de camphre. Si par chance le patient pouvait étre hospitalisé « en clinique », alors un traitement anticoagulant, Héparine toutes les 6 h surveillée par le temps de coagulation, pouvait limiter l’extension de la nécrose myocardique.
    Le pronostic était rude, un patient sur trois faisant un infarctus mourrait dans l’année. Seules, les endocardites infectieuses commençaient à étre traitées avec des chances de guérison grâce au tout nouveau traitement apporté par les américains : les antibiotiques, la pénicilline.

    Au plan chirurgical, bien sur, on abordait ni dans ni autour du cœur, laissant les jeunes enfants atteints de malformations cardiaques évoluer spontanément vers le décès. C’est pourquoi, cette intervention de Blalock-Taussig eut un énorme retentissement, pour la première fois on pouvait les sauver. Au plus vite toutes les équipes s’y sont mises, occasion, comme à Bordeaux, de moderniser les pratiques médico-chirurgicales.

Pierre Broustet (1903-1974)

    Pierre Broustet, 46 ans en 1949, était de ces médecins impatients de pouvoir agir, chercher et progresser. Interne en 1924, il avait fait sa thèse dans le service du Pr. Pachon, sur l’ECG dans l’insuffisance cardiaque. Agrégé en 1937, mais professeur qu’en 1949 car, faisant parti de l’écurie du Pr. Pierre Mauriac (1882-1963), ancien doyen de la faculté de médecine, il subit, dommage collatéral, la mise à l’écart de son « patron » à la Libération.
    Passionné par la cardiologie, il fut sans doute le premier à posséder un appareil à ECG, un Boulitte modèle 1922, avec galvanomètre à cordes et impression de l’image ECG sur un film photographique qu’il fallait faire développer chez le photographe du quartier. Il s’ennuyait à l’hôpital ou le chef de service discourait plus volontiers de philosophie ou sur l’œuvre de Montaigne que sur les nouveautés médicales. Comme les médecins hospitaliers de ce temps, il recevait l’après-midi « ses » patients à son cabinet ou à la maison de santé protestante Bagatelle à Talence.
    C’était là , et non pas à l’hôpital Saint-André, qu’il avait installé son ECG et ce fut ainsi qu’il fit en 1948, par hasard, l’enregistrement en direct, d’une « grande onde coronarienne transitoire » chez un patient en pleine crise de douleur angineuse. Il fit le diagnostic de spasme coronarien et publia son observation, malheureusement dans une revue locale, ce faisant voler la vedette, 10 ans plus tard par Prinzmetal…

Georges Dubourg en 1954

    Georges Dubourg était un chirurgien du privé. Né en 1903, Interne en 1926, il n’était « que » chirurgien des hôpitaux, barré à l’agrégation par un collègue dans de sombres histoires de rivalités.     Il fut le premier à Bordeaux à réaliser l’anastomose porto-cave, la pancréatectomie ou l’œsophagectomie, c’était « Le chirurgien » de Bordeaux. Grand, sec, distingué « aristocratique », cultivé, d’un humour caustique, il était très technique quand il opérait et, avec une apparente facilité, tout ce qui apparaissait compliqué devenait simple…
    « Pas un geste inutile, pas une minute de perdue ».
    Pierre Broustet pensait qu’il fallait, à Bordeaux, un centre de cardiologie, autonome et performant comme dans les grandes villes de France. Les hôpitaux Saint-André et Pellegrin étaient saturés et les chefs de service peu enclin à faire de la place et à laisser partir ces patients cardiaques, même si on ne pouvait rien pour eux. Il se réfugia alors à l’hôpital de Tondu, proche de Pellegrin où le Pr. Portmann, nouveau doyen, « offrit », à Pierre Broustet, 12 lits de son service.
    Georges Portmann, «grand patron», personnage médiatique, sénateur de la Gironde, était le chef de la grande école bordelaise d’ORL, côtoyant et soignant les grands de ce monde.
    Bien qu’il y eu d’autres services et l’école d’infirmières, le Tondu comme on disait familièrement, était « Son » hôpital.
    Le Tondu, ancien hôpital plus ou moins prison, bâti en 1892, à l’origine pour les prostituées bordelaises, était austère, mal commode et sombre. Seule la cour jardin- centrale, style cloître avec déambulatoire, donnait un peu de lumière. Quoiqu’il en soit, ce fut en avril 1950 que Pierre Broustet y ouvrit le service de cardiologie : deux salles de six lits chacune, à gauche et à droite de cette cour centrale. A gauche, salle A pour les hommes, à droite salle B pour les femmes.
    Les enfants étaient mélangés avec les adultes. Salles communes avec des lits de chaque côté, plus une chambre à chaque extrémité pour isoler les cas graves. Enfin, il pouvait mettre en application ses deux principes de fonctionnement, l’excellence et la multidisciplinarité.
    D’abord, le service sera commun, malades médicaux et chirurgicaux mélangés. Ensuite, s’entourer des meilleurs de ses élèves et les envoyer compléter leur formation à l’étranger chez les plus grands, avec, à leur retour, chacun une spécialité dans la cardiologie dans le but d’être au maximum et d’en faire profiter toute l’équipe, au service de tous : « vous apprendrez là -bas ce que, moi, je ne peux vous enseigner ! ». Le premier fut Robert Castaing, qu’il envoya en 1949-50, un an à New York, hôpital Bellevue chez André Cournand. Il y apprit le cathétérisme cardiaque. A son retour, il installa, dans le sous-sol du Tondu, une salle de cathétérisme où par dénudation d’une veine, il montait la sonde de Cournand dans le cœur droit (le cathétérisme gauche n’existait pas encore) pendant qu’un étudiant surveillait en permanence l’ECG. Cette salle servait également de salle pour l’angiographie naissante, de salle de cours, de laboratoire pour les gaz du sang et… de chambre de garde ! De temps en temps elle était inondée par les eaux du Peugue, petite rivière qui traversait le coin avant de se jeter dans la Garonne. Alors, véritable « branles bas de combat », tout le monde était rappelé pour mettre les divers appareils au sec !
    Le second fut Pierre Blanchot parti apprendre l’électrophysiologie chez Paul Dudley White à Boston, puis chez Prinzmetal au Cedars Lebanon de Los Angeles. Le troisième fut Jean Gazeau qui passa deux ans à l’Institut de Cardiologie de Mexico chez les professeurs Chavez, Sodi-Pailleres et Cabrera.

Sud-Ouest 19 janvier 1950

    En 1949, Georges Dubourg repartit, cette fois pour Stockholm auprès de Clarence Crafoord, apprendre la très difficile chirurgie de la coarctation de l’aorte.
     Intervention qu’il fit en janvier 1950 toujours à la clinique Pasteur. Cette fois encore, il eut les honneurs de Sud-Ouest. Cette même année, il se lança aussi dans la cure des péricardites constrictives d’origine tuberculeuse. Codifiées depuis 1947 par Paul Santy (Lyon) et Louis Barraya (Nice). Opérations très compliquées par un double risque mal maitrisé à l’époque, celui de l’anesthésie avec la défaillance cardiaque par mauvaise compliance du muscle cardiaque et bas débit et le risque redoutable aussi, pour le chirurgien, d’hémorragie par déchirure des parois du cœur sur les adhérences tuberculeuses fortes et serrées.
    Heureusement, Roger Bahuet et Jacques Duhart connaissaient bien la notion de remplissage vasculaire et l’urgence à compenser les pertes sanguines. Duhart, interne en 1936, était un véritable réanimateur avant la lettre, sans doute le premier à Bordeaux. Célibataire, il habitait dans la clinique et surveillait ses malades nuit et jour, même les dimanches… dont il passait la journée invité chez ses collègues, finissant par faire partie de la famille !

    Georges Dubourg commença à opérer au Tondu. Salle « prêtée » d’abord un jour par semaine, le vendredi matin, puis le programme augmentant, un 2ème jour, le mardi. Il se faisait apporter de la clinique tout le matériel nécessaire ainsi que le linge (sarraus, pantalons de bloc, bottes, mitaines qu’il portait sous ses gants car il était allergique au latex). Son instrumentiste de la clinique, Mlle Buhan, venait spécialement pour l’aider au bloc et s’occuper du matériel. Plus tard, en 1954, il fit la première commissurotomie mitrale à Bordeaux. Enfin on « entrait » dans le cœur. Il publie en 1956, trois cas sur ses 40 interventions, dont un avec un décès, de déchirures per opératoire de la paroi de l’oreillette, complication redoutable car la pression du sang et le flot hémorragique continuaient à déchirer l’oreillette comme du papier mouillé.

    A partir de 1957, il commença les premières cures de l’atrésie tricuspidienne, sous hypothermie. Il s’agissait, comme pour la commissurotomie mitrale, d’aller au doigt, écraser et ouvrir la valve tricuspide.
    Le patient, intubé et ventilé au ballon d’anesthésie, était refroidi par un bain prolongé d’une demi-heure dans une baignoire d’eau glacée ; sa température descendait à 33-32°, qui avec l’inertie atteignait 31-30°. Puis, il était sorti rapidement de la baignoire, séché, et installé sur la table d’opération. L’incision était bilatérale dans les 4ème espaces intercostaux plus sternotomie médiane. Puis, clampage des 2 caves, arrêt circulatoire à cœur battant, ouverture sur bourse de l’artère pulmonaire, introduction du doigt ou du bistouri, dite "al volapié*", et ouvrir les valves tricuspides. Le tout ne devant pas durer plus de 5, maximum 7 min sous peine de troubles ischémiques et neurologiques. Egalement, quelques cures de fermeture de CIA furent faites selon cette technique. compliquée à mettre en œuvre, demandant beaucoup de personnel spécialisé. Grevée de complications et de mortalité post opératoire trop importantes, cette technique fut, à Bordeaux, vite abandonnée au profit de la machine cœur-poumons ou CEC circulation extra-corporelle qui arrivait à point nommé.

    Ce fut en 1955 que Charles Dubost, à la clinique Marie Lannelongue, rue de Tolbiac à Paris, fit la première opération dite à « cœur ouvert ». La pompe était le modèle Lillehei-De Wall avec oxygénateur à bulles. En 1957, il exposait à Bordeaux ses 24 premières interventions.
    Dès lors, l’équipe bordelaise, renforcée d’Henri Bricaud et de Francis Fontan, commença à s’entrainer, toujours sur des chiens, dans les sous-sols du Tondu, à cette nouvelle technique. 
Henri Bricaud, aidé d’un technicien en électricité, monsieur Daney, s’entraina spécialement à la machine cœur-poumon. 
Là, c’était le modèle dit de Senning avec oxygénateur à disques positionné en hauteur, obligeant le sang à remonter dans le bocal en s’oxygénant au contact des disques sur la surface desquels arrivait l’oxygène. Francis Fontan, chef de clinique, aidait Georges Dubourg. Leur « première » eut lieu au printemps 1958, pour la fermeture d’une CIA. Henri Bricaud en salle d’opération « aux manettes » de la CEC.
Henri Bricaud (1925-2010),

    Henri Bricaud (1925-2010), interne en 1948, chef de clinique du Pr. Broustet,et fut agrégé en 1958. Il apprit auprès de Robert Castaing le cathétérisme cardiaque, utilisant, à une époque, même la voie trans thoracique, directement dans le VG –ventricule gauche ! On dit que pendant que le docteur Martin radiologue injectait dans une veine du bras le produit opaque pour l’angiographie, Henri Bricaud dénudait la veine de l’autre bras pour le cathétérisme ! Rapidement, il s’est imposé comme le second du Pr. Broustet, voyant tout, supervisant tout, organisant tout.
    Décontracté, il avait l’habitude d’entrer dans son bureau par la fenêtre, heureusement situé au rez-de-chaussée… Stagiaire aussi à l’Institut d’Hygiène, il devint en 1954, chargé de recherche au CNRS avant de créer en 1964, l’unité 8 cardio-vasculaire de l’INSERM dont il sera longtemps le directeur. Plus tard, il sera le dernier doyen de la faculté avant de fonder en 1970 et de présider l’Université Bordeaux II, associant aux disciplines médicales les sciences sociales et même l’œnologie ! Il succéda au Pr. Broustet à la chaire des maladies cardiaques.

    Comme tous les internes de ce moment, Francis Fontan était entré, en 1952, dans le service de Georges Dubourg, pour apprendre la chirurgie générale. Il l’apprendra à ses côtés à la clinique Pasteur, mais surtout au Tondu. Il se formera et s’enthousiasmera à cette nouvelle et moderne chirurgie du cœur. En 1957, il sera chef de clinique du Pr. Broustet car Dubourg, rappelons le, n’était pas encore professeur et, par conséquent, ne pouvait avoir de chef de clinique. Il le deviendra l’année suivante, mais gardera, de cette année une formation de cardiologie médicale, une grande expertise.
    En 1959, le Pr. Broustet lui confie l’autopsie d’un jeune enfant atteint d’une atrésie tricuspidienne décédé dans le service. Ce fut à partir de cet évènement qu’il se mit à étudier quelle technique chirurgicale, supprimerait définitivement cette malformation, … La solution : « restaurer la petite circulation avec suppression du mélange des sangs droit et gauche. La Veine cave supérieure se drainant vers l’artère pulmonaire droite, la veine cave inférieure vers l’artère pulmonaire gauche, mise en place de 2 homogreffes valvulaires pour empêcher le sang de refluer et fermeture de la CIA ».
    Après des années de recherches, de tâtonnements et de chirurgie expérimentale, l’occasion se présenta en avril 1968. Pierre Broustet lui présenta le cas d’une fillette atteinte de cette pathologie et lui demanda s’il pouvait l’opérer. Fontan lui répondit : « Monsieur, je me prépare depuis longtemps, mais sur le plan de l’expérimentation, c’est un échec, aucun chien n’a survécu ». 
Le Pr. Broustet lui dit alors : « bien, je vous fait confiance ». L’opération eut lieu le 25 avril 1968. Ce fut un succès complet. En 1970, il en fit deux autres et publia ses observations dans la revue « Thora». Connue sous le nom « d’opération de Fontan », elle eut un grand retentissement dans le monde de la chirurgie cardiaque.
F. Fontan P. Broustet Le Tondu 1971

    Comme son collègue Bricaud pour la cardiologie médicale, Francis Fontan prendra petit à petit l’autorité sur le service de chirurgie, d’autant que Georges Dubourg, toujours bi appartenant, passait beaucoup de temps pour sa clientèle privée de chirurgie générale dans sa clinique. 
    Il finit par le remplacer en 1968. Il fut, également, à l’origine et le concepteur de l’hôpital cardiologique du Haut Lévêque, ouvert en 1978. Chirurgien hors pair, innovant, exigent, sévère, mais créateur d’une grande école de chirurgie cardiaque recevant des étudiants et stagiaires du monde entier, monsieur Fontan laissera une empreinte exceptionnelle dans le milieu médical et cardiologique bordelais, national et international, faisant quelque peu « oublier » son patron, le fondateur de cette discipline, Georges Dubourg.
    Officier de la Légion d’Honneur en 1954, Georges Dubourg fut nommé, en 1958, professeur avec chaire de chirurgie des maladies cardiaques, crée spécialement pour lui et ce, malgré qu’il ne fut pas agrégé. Il fut élu à l’Académie de médecine en 1969. Il décéda en 1981.
    Quant au Pr. Broustet, il ne prit jamais tout à fait sa retraite et continua à conseiller, à mettre sa notoriété au service de tous. Ce fut, en 1974, en regardant un France Angleterre de rugby, qu’il mourut d’une crise cardiaque, maladie qu’il avait combattu toute sa vie.

Sources :
1. Journal de médecine de Bordeaux
2. Archives des maladies du cœur et des vaisseaux
3. Entretiens et interviews de nombreux témoins de cette époque dont
le professeur Fontan le 29 janvier 2013
le professeur Jean-Paul Broustet le 20 janvier 2014

* "Al volapié" est un terme tauromachique : au moment de la mise à mort, le torero debout droit et genoux serrés, porte l’estocade avec l’épée, bien droite dans la nuque du taureau.

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