LA REOLE en majuscule LA RÉOLE avec l’accent, c’est l’histoire de deux frères jumeaux nés un jour de l’année 1943, le 25 octobre, proche de la Garonne dans le village de Castillon de Castets, ce fleuve, au mille qualités, et qui parfois déborde pour nous enlever, un espoir, un enfant…
Christian Cuch et François Cuch, deux gamins parmi tant d’autres, seuls dans cette tourmente des années 1950 de l’après-guerre, s’amusent avec leurs premiers vélos et grandissent dans un silence champêtre aux abords de leur prochaine cité et qui sera le départ de leurs étonnantes activités sportives : LA RÉOLE.
Peu avant 1958, Auguste Liessi qui n’avait pas encore débuté les compétitions cyclistes en France, rejoignait Armand Pagnocca, pour les sorties d’entraînement depuis son domicile de Castillon de Castets à Floudès, très régulièrement en empruntant au grès du vent et des feuilles de peupliers qui ombrageaient la route, parallèle à la digue qui protégeait les riverains des inondations de la Garonne, puis cherchera aussi à aider les deux jeunes garçons passant à proximité de leur domicile familial, le village de Barie.
Puis, un jour vint un autre jour, et les deux jeunes garçons voulaient décider de faire de la compétition mais ils n’avaient pas atteint leur majorité, l’accord parental était obligatoire comme la visite médicale. Le vénitien s'arrêta de nouveau à la demande de Christian et François car ces garçons étaient prédisposés à faire du cyclisme au Vélo Club Réolais, mais ils espéraient que leur aîné, ami cycliste, ne dodelinait pas de la tête à leurs interpellations. Comme, Ils avaient de la chance que les parents d’Auguste habitaient tout près, de leur lieu de naissance de nos joyeux frangins, la commune de Castillon de Castets, décidément le monde est parfois petit, ils avaient le sentiment de pouvoir bénéficier du coup de pouce pour rêver à leurs futurs exploits qui gambadait dans leurs cerveaux, chacune de leur nuit.
Auguste viendra en aide à ses jeunes garçons, peut-être par l’esprit sportif et étant comme eux de parents italiens. Cependant, nos deux garçons rêvent les nuits de leurs champions Gino Bartali et Fausto Coppi mais ces derniers avaient un dossard chacun, ils n’étaient que spectateurs pas encore des acteurs, les rêves les hantaient, les poursuivaient.. ils sont plongés dans ces cauchemars, au réveil du petit matin, ils avaient compris qu’ils étaient habités par ces rêveries de gamins, chacune de leurs nuits, de cette passion si étrange, ils savaient que bientôt c’était à leur tour, d’écrire leur propre histoire, et durant les semaines qui s’en suivirent, ils fondaient leurs espoirs sur Auguste pour convaincre leur mamma!!.
Ce fut au bout de quelques mois qui ont paru une éternité pour nos futurs élus qui rongent leurs freins d'impatience, la maman enfin se décida de leur octroyer le précieux sésame. Voici, comment les frères Cuch ont mis le pied dans la petite reine. Ils sont repérés aussitôt et présentés à Pierre Dader dirigeant du Vélo Club Réolais. Ils débutent leur apprentissage en course par des épreuves de catégorie cadets.
Cela n’a pas tardé, lors de leur première rencontre, ils tombent sur le girondin Jacques Suire favori de l'épreuve de ce championnat d’Aquitaine, ce jour-là adversaires dans cette épreuve qualificative au championnat de France bien qu’Ils ne le savent pas, cependant, cette première manche était très prometteuse et Christian se classa à une honorable seconde place dans son premier grand rendez-vous avec les ténors du comité de Guyenne, de Dordogne.. d’un niveau très relevé (Photo dans le rappel des mémoires), Jacques Suire devenait le champion de France.. Ces athlétiques garçons de 187 centimètres taillés dans le diamant brut local et de leur poids identique aussi 78 kilos représentaient pour leurs jeunes adversaires une menace constante sur leur résultat et à chaque course, une énigme à résoudre car ils avaient l’ambition de ne rien laisser à personne l’espoir de rêver et de gagner les courses sauf à un de leurs équipiers ou de leurs couleurs bleues et blanches, du Vélo Club.. Imaginez quand vous venez de faire une course après des dizaines de milliers de kilomètres avec l’objectif d’une sacro-sainte victoire et que vous courrez pour la seconde place. Je peux vous dire que c’était exactement ce qui se passait. (photo Grand Prix de Barsac 1961, l’équipe du VCR autour des frères Cuch).
Mais par un premier fait étrange, la carrière de Christian Cuch allait s’opérer en solo, loin de son frère et de ses premiers fidèles équipiers. En effet, lors d’un chrono du Grand Prix de France 🇫🇷1962 de MACON, ville de la Haute-Saône, n’ayant pas réalisé un chrono habituel mais par sa classe naturelle, son élégance, il avait enthousiasmé Mickey Wiégant qui lui demanda de venir sur Paris, rejoindre l’ACBB (1) mais son mentor girondin devait parlementer en privé avec Louis Gérardin (entraîneur de l’équipe de France sur piste) et les dirigeants du club de La Réole même s’ils s’en remettent aux décisions prises par Pierre Dader (manager de l’équipe).
Il ne s’agissait que de recommandations, de protéger Christian car la ville de Paris n’était pas son lieu de vie, habitué au calme de nos campagnes comme de son village de naissance, Christian devait être entouré et protégé. C’était les recommandations souhaitées de la direction sportive.
Dès l’arrivée de Christian, il éclabousse de sa classe tous les cadors de l’île de France, et il fut imbattable sur les pistes parisiennes, pas de temps d’observation, il doit représenter la France au mondial de Milan.
Juste avant de partir, un drame se produit, la veille, il s’était imposé à Mérignac chez son copain de toujours Jacques Suire depuis sa rencontre du championnat d’Aquitaine, il n’avait pas encore passé la surmultipliée par esprit de camaraderie mais il apprend le décès de François son jumeau qui s’est noyé accidentellement dans la dame Garonne qui l’avait vue grandir.. ,il se dit ceci parfois « mourir, c’est achevé de naître » mais comment ce garçon si doux, gentil, affectueux, bien élevé a pu nous quitter si tôt, il n’avait pas 20 ans, il était promu à une carrière professionnelle, internationale comme Christian pour affronter les Eddy Merckx, Luis Ocanã, Jan Jansen des prochains vainqueurs sur les routes des grands Tours et tant d’autres épreuves.. nous ne pouvons le confirmer. Malheureusement .. Il nous avait quitté, nous avons tous autant pleuré dans notre cité des cœurs vaillants qu’une rivière débordait de son lit. Christian ne pourra jamais cicatriser cette perte de son frangin bienaimé, personne ne pouvait parler à sa place et ressentir, un chagrin pour l’éternité. 🙏
Mais Christian est un champion, son entraîneur et ses équipiers ont besoin de lui, c’est le pilier de l’équipe, le moteur, le SHELBY de l’aventure.. mais en quart de finale à Milan (championnat du monde), la FRANCE (D.Morelon, J. Suire, J.Kotwas, C.Cuch) s’inclinera devant les allemands de l’ouest qui seront les futurs champions de la discipline mais c’était aussi les favoris. La France demeurait l’équipe la plus jeune en compétition, l’addition de l’âge des 4 français était de 75 ans, fait rare dans le cyclisme international et c’était une première dans une poursuite à 4 !
1962 (Milan Italie),1963 (Rocroi Belgique),
1964 (Paris), l’équipe de France en poursuite par équipes avec en leader Christian Cuch termine chaque fois à la 4ème place.. juste avant de partir aux JO très confiantes dans leur approche…
1963, après plusieurs titres remportés en équipe et seul en Ile de France, il part gagner en solitaire l’épreuve des jeux méditerranéens de Naples et obtient une belle médaille 🥇puis en équipe avec (D.Morelon, J.Suire, D.Fix, Pierre Trentin, C.Prud’homme), la France en poursuite olympique sur piste remporte l’épreuve Pré-Olympique la première du nom.. 1964, désillusion à Tokyo, les bleus contre toute attente sont éliminés dès les séries, Christian a été gêné dans la préparation et la course par le climat très humide du Japon, l’équipe de «toto Gérardin» est très déçue de la contre-performance générale de l’équipe, disons très amer de cette représentation de sa formation tricolore car en haut-lieu de sa direction, il existait de très nombreux espoirs de voir les français s'imposer mais c’était sans compter sur le tirage qui exposait les deux meilleures machines à rouler et à gagner..
Nullement agacé Christian toujours dans sa peine, secoué par cette épreuve familiale, toujours dans son combat dans ses chairs par la disparition de son alter-ego, Christian met cap sur la route, un champion demeure un champion et il le prouve, s’impose pour gagner le titre de Champion de l’île de France en dominant tous les parisiens avec la phrase du jour « une jambe attachée au cadre » dixit la vox populi.. du jamais vu.. tellement ce jour-là, Christian était immense dans la performance… d’ailleurs son visage radieux le démontra.
Après avoir gagné le Tour du Blayais 1962, la nocturne cycliste de La Réole 1964 devant un plateau très difficile de puissance et de routiers sprinters les plus aguerris voulant battre sur ses terres Christian, puis les Chronos de La Réole 5ème du nom (1966) sous les couleurs de l’ACBB (1) mais avec Pierre Dader à ses côtés et Monsieur Giro le nouveau Président du VC RÉOLAIS en 1h00´50’´devant Patrick Raymond (CC Bordelais) à 13 secondes et Michel Aso (Macau) à 55 secondes sur un parcours accidenté de 42 kilomètres, le 19 juin.
Le milieu professionnel réclame l’idole des kermesses parisiennes mais il refuse une proposition de la marque Peugeot et de son directeur sportif Maurice de Muer, il est un leader pas un porteur de bidon, réponse cinglante voulant rester maître de sa propre histoire après avoir tiré les augures.
Même il quittera la société parisienne.. il signera au VC LANGON pour finir sa décennie d’étoile des routes, il déchaînera de nouveau les foules, comme un soir de la nocturne de 1969, dans les rues de Langon, ses adeptes, les amoureux du braquet et de la petite reine dans des arrivées débridées permettaient de voir Christian surprendre les rois du sprint et s’imposer. Puis ses copains de toujours le réclamaient pour venir les rejoindre à la nouvelle équipe De Gribaldy--Frimatic revoir ses complices Joseph Paré (Lamothe-Montravel), le bordelais Jacques Suire, Pierre Beuffeuil et Jean Jourden (Champion du monde route 1961 - Vainqueur du Grand Prix de Plouay 1968-1969).
Il signera une dernière année et se retirera de la FFC (Fédération Française de Cyclisme) par la porte de l’UFOLEP puis dans sa petite entreprise de peinture en bâtiment, loin du vélo, juste une apparition au vélodrome de Bordeaux puis il tourna la page..
Un palmarès élogieux, une carrière très exceptionnelle frappée par ce drame, un garçon d’une extrême politesse, d’une gentillesse avec son frère que nous pouvons dire même pour tout son entourage, nous ne t’oublierons jamais les frères Cuch sont inscrits dans les mémoires du cyclisme international même olympique pour Christian.
Ils nous ont quitté dans le même silence, François, un 18 août 1962, et Christian un 17 août 2014.. il y a peu pour ce dernier.
Michel Dader
Fils cadet de Pierre Dader
Ancien Secrétaire Général VCR
Ancien reporter sportif
Sud-ouest - L’EQUIPE -
Journal le Réolais (cher à l’unique Madame Josette Gimenez).
Sources :
Jean-Pierre Dader fils aîné de Pierre Dader ( ancien coureur VCR)
Famille Pierre Dader, Famille Charles Giry, Auguste Liéssi, Mario Stévanato, Jean-Pierre Pagnocca( tous 3 anciens coureurs).
(1)
L’ACBB (Athletic-Club Boulogne-Billancourt) créé en 1924, l’ACBB section du cyclisme est le club ayant marqué l’histoire du cyclisme français avec plusieurs décennies de règne national notamment sur piste lors de Jeux Olympiques 5 médailles en or, 10 titres de champions du monde, titré des jeux méditerranéens médaille en or (Christian Cuch).
Le club a compté dans ses rangs les professionnels des coureurs illustres comme Jacques Anquetil, André Darrigade, Jean Stablinski, Bernard Thevenet, Stephen Roche et Robert Millar, pour ne citer qu’eux, la liste est très longue et non exhaustive.
Photo 1 - A gauche, Pierre Dader et à droite François et Christian CUCH.
Photo 2 - championnat d’Aquitaine en cadets Ste Foy la Grande 1958 Christian Cuch dauphin de Jacques Suire à droite, ce dernier deviendra le champion de France. Les premières tours de roues en compétition pour Christian !
Photo 3 - La Réole Christian gagne une de ses premières courses avec un brillant second Bernard Lataste 1959. public autour de jeunes enfants de Réolais venus acclamer nos coureurs, vous pouvez reconnaître la famille de enfants Mazeau, Mr Simon Lajoinie (dirigeant du VCR à gauche de Bernard).
Photo 4 - Le Vélo Club Réolais à gauche Pierre Dader, puis Jacques Battles, Christian Cuch avec sa gerbe de fleurs du vainqueur de la course, Armand Pagnocca brillant dauphin à sa droite, puis François Cuch en civil.1959
Photo 5 - Les premières années de Christian Cuch, photo dédicacée 1959.
Photo 6 -
Photo 7 - Christian Cuch 1962 groupe sportif A.C.B.B
Photo 8 - l'équipe de l’ACBB et avec Louis Gérardin entraîneur équipe de France (piste) la consécration pour Christian, star parmi des stars !
Photo 9 - L’équipe de France JO 1964 . A gauche, C.Cuch, J.Suire, J.Paré, Vargat.
Photo 10 - JO Tokyo Christian Cuch et l’équipe de France de poursuites 1964
Photo 11 - Nocturne cycliste de La Réole 1964 de gauche à droite : Christian Cuch( Vainqueur), Joseph Paré, Jacques Suire, Armand Pagnocca(Vainqueur sortant 1963).
Photo 12 - Une victoire parmi tant d’autres comme le Tour du Blayais 1962, les chronos de La Réole 1966..
Hommage à Christian Cuch (Gérard Descoubès)
Une fois les fleurs de sa jeunesse fanées, redevenu anonyme, il n'avait pas cherché à garder le contact avec le milieu cycliste. Pourtant à sa belle époque il fit courir les médias et déplacer les foules. On ne revit qu'une seule et unique fois Christian dans le milieu, quand il honora de sa présence l'invitation reçue pour l'inauguration du Vélodrome de Bordeaux.
Athlète splendide d' 1,87m pour 78 kg, puissant et très élégant en machine il éclate sur route dès 1961, où il claque dix victoires sur route. Parti disputer le Grand Prix de France chrono à Macon en 1962, et bien qu'il soit loin d'y réaliser une performance ce jour-là, par son style il subjugue Mickey Wiegant qui lui demande de monter à Paris dès le lendemain. A l'issue de l'entretien il signera un contrat à l'A.C.B.B. aussitôt enrôlé à l'I.N.S. il tombe sous la coupe de Toto Gérardin.
Son but suprême, les J.O de Tokyo
Mais arrivé au Japon, c'est la pleine saison des pluies, Christian ne va jamais s'adapter à une humidité de l'air qui atteint des sommets. Il craque dès les séries, entrainant l'équipe de France avec lui dans l'échec. Lui le poumon de cette équipe a failli, Gérardin ne lui pardonnera pas, il ne sera plus jamais retenu en sélection nationale. Il n'a pourtant que... 21 ans. A partir de 1965 il va peu à peu délaisser la piste et revenir plus assidument à ses premiers amours, la route.
Gérard Descoubès