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Sommaire général Sommaire Cahiers du Réolais Une parisienne à La ...Réole !         En cet été 2023, lors d’un " mercredi en musique ...

Sommaire général

Sommaire Cahiers du Réolais

Une parisienne à La ...Réole !


        En cet été 2023, lors d’un "mercredi en musique" à La Réole, une rencontre inopinée avec M. Pourrat (que nous prononcions "Pourratt") fit remonter des souvenirs de mon enfance, lorsque nous venions, mes sœurs et moi, en vacances chez ma grand-mère et ma tante, à Pâques et aux vacances d’été qui se prolongeaient, à l’époque, jusqu’aux vendanges en octobre. 


     Souvenir du foulage aux pieds du raisin, effectué par Pierre (parent de JC Pourrat), "domestique",  terme désignant autrefois les ouvriers agricoles. Ce vin était (heureusement) pour sa propre consommation lors des repas qu’il prenait chez ma grand-mère ; au dîner, il faisait chabrot – curieuse coutume à mes yeux de petite fille de la ville. La seule phrase en patois que je connaisse encore est « Baïté o litt », qu’il nous criait quand il passait sous les fenêtres de nos chambres, le soir, en retournant à son logis.

   Après presque trois mois d’Entre-deux-Mers, je revenais chez mes parents "avé" un léger accent et des mots, tels que : la côte prononcée "cotte", les eh bé !, qué calou !, bouzic, (mémorables courses de vers de pommes) singalette, bourrier, clotte, pigne de pin, piple, panouille – transformée en poupée aux longs cheveux -, ou encore caleilh, gaspuraille (sans doute d’origine gavache), etc... dont il me fallait quelques secondes de réflexion pour traduire, devant l’air interrogatif de mes amies banlieusardes. 

   Il y avait encore les "saïe saïe saïe" de ma tante appelant ses moutons, qui les ramenaient aussitôt vers elle. 

   Monique, la fille des métayers m’apprit d’autres mots : esclop, lou capet, bouffiole, la clouque, œuf barloque, clapot, pégnon, mounac... et parlait de l’heure solaire. Je me souviens avoir gardé les vaches avec elle. Elle portait de petites boucles d’oreille dorées. C’était la mode d’alors à la campagne et ce, dès tout bébé. Cette coutume "barbare" à mes yeux, a fait que ma fille, de haute lutte à l’adolescence, eut enfin l’autorisation de se percer les oreilles.

  N’ayant pas de télévision, on nous permettait de suivre la "Piste aux étoiles" chez Monique, dont la maison était distante de plusieurs centaines de mètres. Le retour m’effrayait toujours, par ce ciel très sombre et ses milliers d’étoiles, que je ne percevais en ville. Par contre, j’étais fascinée par les vers luisants, le long du chemin.

  Mon premier été en Pologne fit renaître des images oubliées à la vue des coquelicots et des bleuets  sauvages fleurissant les près, ces derniers ayant depuis fort longtemps disparu de la campagne réolaise.


        Enfants, nous n’allions guère à La Réole, cependant je captais, dans les conversations des adultes, des noms restés gravés dans ma mémoire de commerçants, artisans ou amis réolais.

        M. POURRAT, plombier chez M. TEYNIÉ (chauffage, sanitaire, plomberie, électricité), rue Armand Caduc, qui m’évoqua ses nombreuses interventions, notamment lors de la transformation de la métairie, attenante à la demeure familiale, en maison de location.     Je me suis souvenue de son nom lorsqu’il se présenta, ce mercredi soir-là. Tous les deux, issus de vieilles familles réolaises ; on retrouve leurs noms dans l’Almanach Annuaire de La Réole de 1903.

  

        Le photographe ROBERT, rue Armand Caduc, avait tiré et collé sur un panneau de 80 x160 cm, une photo de peupliers - ceux plantés par mon aïeul le long du Pinpin, dont il avait rectifié le cours. La reproduction trône encore dans le vestibule ; le bel alignement de ces arbres n’existe plus, certains, depuis, victimes du vent ou de vieillesse. 

  Aux pieds de ces peupliers poussaient d’excellents champignons, révélés par Raymond, "domestique" landais - il avait un tel accent que je le comprenais difficilement -, champignons que nous dégustions avec plaisir jusqu’au jour où mon oncle eut une intoxication (je penche plutôt pour une indigestion). Point final définitif à la cueillette...


        Il y avait aussi M. PREIGNAC, pâtissier, rue Armand Caduc. Parfois le dimanche, nous était offerte sa "tarte", comme nous la nommions. Beaucoup plus tard seulement, je devais apprendre que ce gâteau s’appelait Frangipane. Elle reste ma "madeleine de Proust"

   Ma tante lui apportait régulièrement des œufs frais.

   J’aimais, un petit panier en vime au bras, les ramasser dans les pondoirs ; mais aussi dans la grange, lorsque soudain j’entendais le "cot cot cadett" - me semblait-il courroucé - d’une poule ayant dédaigné le poulailler ; je me transformais alors en Sherlock Holmes à la recherche du trésor caché.                                                                                                                                                                                

        Le boulanger DARBLADE, rue du Gal Leclerc, lors de sa virée dans la campagne, déposait notre pain à 300 mètres de la maison, dans une caisse en bois montée sur pilotis. À l’époque, on pouvait en toute confiance déposer la monnaie la veille et récupérer le pain le lendemain matin. J’aimai aller le chercher à bicyclette. Ma tante faisait avec son couteau une croix sur le pain de 2 kg avant de l’entamer. Souvenir de tartines grillées (grill en amiante!!, posé sur la cuisinière en fonte) ; je grignotais la croûte pour finir par la mie inhibée de beurre fondu : un délice !

   De même, le bidon de lait, déposé la veille au soir le long de la route au bout de notre allée, était ramassé aux aurores par la coopérative. Je me rappelle encore Pierre et Raymond, assis sur un petit tabouret trépied en bois, trayant les vaches. J’aimais l’odeur et le bruit du lait frais giclant contre la paroi du seau en ferraille. Le lait était ensuite filtré par une gaze posée sur le goulot du bidon.      

   Me revient à l’esprit le "baptême" d’un veau, derrière les coulandres de l’étable. Ma grand-mère nous avait déguisées, mes sœurs et moi, de vieux rideaux recyclés en merveilleux voiles de dentelle tombant jusqu’aux pieds. Quelle était la cérémonie imaginée par elle, je n’en ai plus aucun souvenir ! Ce qui importait, à nos yeux, était d’être costumées !  

                 

        Il y avait aussi l’épicerie JEANESSON qui se trouvait près du Turon, à côté de l’ancienne poste. Un incendie ne laissa qu’une carcasse de la façade de la maison - qui depuis a laissé place à une agence d’assurance.

   Sans doute, venait-on y acheter des oranges au moment des Rameaux, fruits rares sur les tables dans les années cinquante. Elles servaient de joints entre les deux bouts de tige de laurier qui allaient devenir des rameaux avec sa ribambelle de bonbons et noix recouvertes de papier Alu. Souvenir de cette cérémonie, sous un soleil radieux, où la foule était assemblée autour du bel escalier à double révolution du prieuré bénédictin, d’où le prêtre bénissait nos véritables petits sapins de Noël. 


        Le boucher MAIXANT, place Georges Chaigne, venait acheter de temps à autre des animaux à la propriété. Je n’ai oublié ni son visage rubicond, ni sa silhouette imposante, enveloppée d’un grand tablier blanc. Petite fille, il m’impressionnait. Son nom de famille apparaît aussi dans l’almanach de 1903.

                                                           


   Je n’ai aucun souvenir de l’anecdote suivante, où je devais avoir deux ans et demi : assistant à la sortie du troupeau de la bergerie, le bélier fonça soudain sur moi, me projetant en l’air. Le lendemain, il était parti pour la boucherie… Cette dernière, depuis, a été remplacée par une boulangerie.  

  Ma grand-mère allait aussi, parfois, chez MERLIN, autre boucher de La Réole, au 2 rue Armand Caduc.


        BUFFANDEAU, boucher-épicier, est un nom enfoui dans ma mémoire. D’abord boucher, il fut le premier à La Réole à adjoindre une épicerie dans son magasin, formant ainsi la première petite supérette – me précisa Suzy Labadens.

   Une anecdote était racontée dans notre famille : d’un régime de bananes, pendu à un crochet, tomba un jour un petit serpent ; l'épicier en fut terrorisé, car il resta introuvable. Cela se passait-il chez Buffandeau ? (épisode datant d’avant guerre). 

   La famille Buffandeau, en effet, était établie depuis fort longtemps, comme le montre cet extrait des Cahiers du Réolais (n° 81), évoquant les monnaies de nécessité :

   « Dès le début de la Première Guerre mondiale, le manque de petite monnaie se fit sentir et créa une gêne énorme pour le petit commerce. Le ministre des Finances autorisa les Chambres de Commerce à émettre des coupures au porteur au-dessous de cinq francs. Ainsi, à La Réole, des tickets-monnaies furent proposés par l'Union des Commerçants, le Casino Réolais, le café du centre (rue des Tilleuls) et la boucherie Buffandeau. Cela pris fin en 1926. »


        Le glacier apportait un gros pain de glace reposant sur son épaule couverte d’un sac de jute, servant à ensacher le blé du dépiquage. Notre fox, Tobby, aboyait de toute sa force quand il débarquait de sa voiture (verte - me précisa Alain Lamaison). Chez ma grand-mère n’existait pas encore de réfrigérateur, mais une glacière, petit meuble dont l’intérieur était recouvert de zinc, un récipient récupérant, au dessous, la glace fondue. 

   De même, pas de machine à laver. La lessive s’effectuait dans la basse-cour : une grande lessiveuse en zinc, posée sur un trépied, était chauffée au feu de bois. Ma tante manipulait de longues pinces en bois pour en extraire, tissés par nos ancêtres, les gros draps en chanvre. Ceux-ci comportaient une couture dans le sens de la longueur, en cas d’usure : après avoir coupé l’étoffe en deux, les bords externes se retrouvaient cousus au milieu. Je n’aimais pas ces vieux draps râpeux inconfortables.

                                            

        Tobby, nous prévenait aussi de l’arrivée à bicyclette du facteur. Il voulait toujours lui mordiller les chevilles ou mollets. Passant de maisons en maisons, il apportait sans doute leurs odeurs, ce qui l’excitait. (« Le facteur réolais se déplaça jusqu'en 1940 avec le cheval des postes, orné de grelots » se souvient ma tante).

   Ce chien, débarquant un jour chez nous et décidant de nous adopter, avait une curieuse habitude : il disparaissait le week-end !! L’explication fut donnée lorsqu’un jour, ma grand-mère vit son chien entrer chez l’antiquaire, qui s’exclama : « Alors, te voilà revenu à la maison !». Tobby avait deux maîtres ! Il resta avec nous.


        De la fabrique artisanale de M. BERGEGÈRE - dont se souvient ma sœur aînée -, sortaient des camions remplis de balais de sorgho. Maman raconte qu’une dame Bergegère avait des vues sur ma tante et elle, adolescentes, pour ses deux petits-fils !

  Vers 1960, dans la vallée de la Garonne, était encore cultivé le sorgho; cette culture permettait, autrefois, aux paysans de faire les balais le soir à la veillée, puis de les vendre sur les marchés. 


        Le nom du grainetier LARROZE, dont le magasin se trouvait sur les quais, évoque pour moi, une très grande pièce sombre avec un haut comptoir (je devais être toute jeune) où ma tante venait acheter des semis ou de l’engrais. Il semble que cette belle maison du XVIII° siècle, dont il ne reste malheureusement que les murs - l’un étant l’ancien rempart - doit être un jour... réhabilitée par la commune. 

  Extrait d’une lettre datant de 1943, prouvant que la famille Larroze était réolaise de longue date : « Larroze n'est pas encore venu chercher le blé et les souris font un de ces ravages dans le grenier à grains! ». 


        La Quincaillerie GRILLON existe toujours avenue de la Victoire. Je ne sais pas si la même famille tient toujours ce commerce, mais je continue à le nommer Grillon. 

   Ma tante s’y approvisionnait en tout bricolage ; elle m’apprit à poser les olives de lampes de chevet, à mastiquer les vitres, à remettre des plombs (d’alors) quand ils avaient fondu, et autres petites réparations.

   La famille Grillon est d’une vieille souche réolaise ; j’ai retrouvé dans le journal de mon grand-père, cet événement : « Le 11 décembre 1919, la maison des Grillon s’est effondrée. Je suis appelé en urgence. Le 14/01/1920: je travaille pour le chantier Grillon (magasin des Nouvelles Galeries – rue Sainte-Colombe à La Réole). 


Pub dans l’Almanach Annuaire

       de La Réole de 1903


        Le cordonnier AVADIAN, seul Arménien réolais, que des amis arméniens libanais, en visite quelques jours à La Réole, découvrirent lors d’une balade en ville. Je n’en avais jamais entendu parler.

   Michel Balans, "la mémoire de La Réole" comme le nomme Alain Lamaison, me précisa son nom et les lieux successifs de sa boutique « en bas de la rue Camille Baylens, puis impasse des Galants, derrière le fronton du patro ».


        Mme Juliette BARBE, modiste, rue Armand Caduc est aussi une vieille famille réolaise, ma grand-mère note dans son agenda, l’achat d’un chapeau en avril 1920.

    J’ai connu cette souriante dame, qui accompagnait, même à un âge très avancé, sa fille Jacqueline (amie de maman et cousine germaine de Michèle Perrein) dans tous ses déplacements en voiture. Elle décéda à 100 ans passés.


        Madame RAPIN tenait une mercerie, rue Sainte Colombe. C’est là que ma tante achetait de la laine pour nous apprendre à tricoter.  Ancienne famille réolaise.                                      

  

  Almanach 1903


    Guy Rapin, professeur au "collège", était le grand ami de mon oncle. Ils firent de la spéléo dans les Pyrénées, puis dans les Alpes. Je l’ai souvent rencontré chez mon oncle à Grenoble. Petite fille, j’étais charmée par son visage souriant et bronzé de Gascon, son accent chantant (nous parlions pointu, ma grand-mère étant originaire des confins de la Lorraine, mon grand-père réolais décédé juste avant guerre, ma mère n’a pas l’accent du Sud-Ouest).


    Mlle TAYLOR, modiste à domicile, vieille Anglaise, logeait au Tunnel. Sa cuisine comportait un "potager" typique des vieilles maisons, avec son carrelage en faïence Bleu de Delft.

   « L'après midi de l’Ascension : courses de chevaux. Tout le monde se mettait sur son trente et un. Mlle Taylor se réjouissait quand éclatait un orage impromptu : elle revoyait les chapeaux de ces dames qui étaient à refaire! En fin de journée, le café du Turon dressait des tables sur la place, comptant sur l'arrêt obligatoire des Réolais rentrant chez eux » (Extrait d’une lettre de ma tante).

      Les chapeliers étaient encore nombreux en France au milieu du XX° siècle. Je les avais complètement oubliés jusqu’à mon premier voyage en Pologne, lors de l’état de guerre sous Jaruzelski. Les anciens métiers existaient encore dans ce pays. De nombreuses images me sont revenues à la mémoire lors de ce séjour : murs des bâtiments noircis de crasse - comme à Paris autrefois ; tombereaux dans les campagnes tirés par des chevaux ; très peu de tracteurs et de voitures, de même dans le Réolais, les années 1950-60. Petites filles, nous pouvions sans danger nous balader à bicyclette sur les routes. Grande frayeur, lors d’une descente folle vers Saint-Sève, mon pied s’étant coincé entre le garde-bout et le cadre du vélo. Je réussis à éviter la chute !


    "Madame La France" (mère du docteur Henry), libraire, dont le commerce se situait rue Armand Caduc, nous achetait, elle aussi, des œufs. J’attendais avec impatience le jour de la sortie de "Lisette", journal hebdomadaire pour fillettes. Sans doute aussi y étaient achetés les cahiers de vacances, tant redoutés ! Ma fille y échappa contre le récit illustré quotidien de ses journées estivales. *

    Un jour, ma tante fut interviewée, à son corps défendant, dans la librairie par la télévision, alors qu’elle était venue acheter "Le buveur de Garonne", de Michèle Perrein. Ma tante disait que les Réolais tremblaient de se voir dépeints, chaque nouvelle sortie de ses romans. 


        RIBÉRA, magasin de vêtements, était situé, non loin de la librairie, dans une belle maison Renaissance avec ses fenêtres à meneaux. Nous allions parfois y faire des emplettes. Ma grand-mère y acheta « une robe (en tergal rêche) sans manche, genre tablier boutonnée devant », pour ma sœur aînée, adolescente. Elle n’apprécia pas le cadeau… 

  À l’époque, les femmes portaient souvent ce genre de robes-tabliers pour économiser leurs habits. Elles arboraient aussi fréquemment un petit chapeau de paille. 

  Souvenir, au marché de Monségur du vendredi matin, d’une dame âgée au visage buriné, chapeautée de noir, haute comme trois pommes, vêtue tout de noir, assise sur une petite chaise au bord du trottoir ; à ses pieds, un panier avec quelques légumes de son jardin, une poule, les pattes liées. Elle m’avait paru très pauvre. 

  À Monségur, on y entendait souvent le patois. J’ai découvert, plus tard, qu’outre le gascon, la langue gavache s’y parlait encore à cette époque. Je pense avoir retrouvé l’origine de mes ancêtres gavaches, grâce au mot caleilh (lampe à huile en cuivre) que je croyais gascon, mais qui est d’origine périgourdine (ou limousine).


      Au marché de La Réole, les volailles avec ses poussins et canetons m’attiraient le plus. Le foirail se trouvait de l’autre côté de la route, contre les remparts. Il y avait surtout des bœufs – me semble-t-il.

        La bijouterie ROQUEFLOT existait rue Gambetta.

   Un incident douloureux me fit pousser, un jour, la porte de la boutique, suite à une piqûre de guêpe. Mon doigt avait rapidement doublé et, seul le cisaillement de ma bague apporta un soulagement immédiat. 


    Le potier, M. VALLADE, habitant une maison en brique rouge, route du cimetière, était nôtre fournisseur en poterie. Je me souviens d’une pièce profonde et sombre remplie de pots.


Il y avait aussi :

        ABRIBAT, magasin d’électroménager, rue Armand Caduc ;


        SAUBAT, peintre (prononcé par nous SAUBATT). Il tenait aussi une droguerie. Ancienne famille réolaise.

Pub de l’Almanach Annuaire de 1903

   N’existaient pas encore de grandes surfaces, mais de nombreux magasins de toutes sortes dans chaque quartier de la ville, d’où le nombre élevé des bouchers, épiciers, boulangers réolais... 


        Les docteurs CHAVOIX : lui, médecin de ma grand-mère ; sa jeune femme pédiatre m’a soignée vers l’âge de 5 ans, pendant mes vacances réolaises. Quand elle pénétra dans ma chambre, j’eus l’impression qu’elle avançait sans toucher le sol. Souvenir douloureux des piqûres de Pénicilline !!


        Ce fut M. CAZAUBON, vitrier, (rue des Écoles), qui remplaça le carreau d’une porte vitrée, brisé sous le choc (accidentel) du coude gauche de ma sœur. Le nerf cubital fut sectionné, entraînant la paralysie de ses annulaire et auriculaire. Il paraît que je me suis évanouie devant le spectacle sanguinolent !  

                 

        Le docteur QUEYROI, jeune chirurgien, l’opéra, après avoir potassé le sujet toute une nuit. Opération très délicate, mais réussie.


        Plus tard, M. QUEYRENS, directeur de l’hôpital de la Réole ayant donné son autorisation, le docteur Queyroi accepta ma présence en salle d’opération dans le bâtiment récemment construit ; c’était au mois de juillet, dès le début de mes études. 


        Lors de la première intervention à laquelle j’assistais, Mlle FISHER, infirmière-chef, aperçut ma pâleur et les gouttelettes de sueur perlant de mon front. Elle me fit sortir précipitamment de la salle : la longue station debout, le masque devant le nez, la ventilation en panne en plein été en furent la cause - le sang giclant dans les films à sensation est loin de la réalité !! Un sucre me remit d’aplomb. 


        Alain PÉTROVITCH, alors interne, m’apprit à faire les sutures, les nœuds chirurgicaux d’une seule main, à poser les plâtres et à les découper, à mettre des bandages. Il était patient et pédagogue, comme Queyroi. Je les suivais lors des visites médicales. Le grand dortoir, dans l’ancien hôpital, existait toujours en 1971. Je me croyais retourner au XIX° siècle ; on y mourrait encore de tuberculose (un patient venu trop tardivement se faire soigner) ! Quel contraste avec le nouveau bâtiment claire et moderne.


        Les trois religieuses infirmières furent aussi très accueillantes. Grâce à elles, je devins une experte en toutes sortes de piqûres. 


        De "l’autre côté de l’eau", se trouvait la pharmacie du Rouergue de M. MARTY, chez qui se fournissait ma tante, pour les traitements de ses moutons. Petites filles, nous ne connaissions guère ce quartier, la Garonne l’isolant du reste du bourg.

 

        C’est au garage ARROUAYS, route de Monségur, qu’on effectuait le plein d’essence de la Deux-Chevaux, au bruit de moteur si caractéristique. J’en garde un souvenir ému chaque fois que je l’entends encore de nos jours.

   Ma tante nous emmenait parfois lors de ses déplacements en auto. Sur la route descendant de Blasimon, je l’avais interrogée sur le faîte d’un bâtiment émergeant de la cime d’un bosquet touffu. Les édifices remarquables, telle que l’abbaye, n’étaient, alors, ni restaurés, ni mis en valeur et laissés à l’abandon !  

       

        Mlle QUEYRENS, sœur du directeur de l’hôpital, s’occupa du groupe folklorique Lous Réoulès, dont firent partie maman et ma tante.(un Maixant était le cavalier de maman et un Ithier celui de ma tante).      La Maristingo, la messe de minuit, le chant Jean de la Réoule… sont des airs que j’ai entendus dans mon enfance. Mlle Queyrens était assistante sociale

Les Queyrens sont mentionnés dans l’Almanach de 1903.


   Et tant d’autres noms oubliés par moi…

   Parmi les connaissances et les amis de la famille de longue date, se trouvaient :


           La famille ESTÈVE :

   Mes arrière-grands-parents étaient déjà amis avec le pharmacien, créateur de l’alambic Estève.   

Almanach Annuaire 1903



   Ma grand-mère était très liée à sa belle-fille Anne Marie, nommée Juste parmi les Nations. Il me reste une image étonnante d’elle : je ne l’ai pas vue vieillir, gardant toujours la même silhouette, le même visage souriant. 

   Son époux et mon grand-père siégèrent, avant-guerre, ensemble au conseil municipal de La Réole.

   Jeanne (amie de maman depuis l’enfance) habita, à la retraite, la maison familiale, le "Point du Jour", dominant de 100 m la plaine de la Garonne, avec son magnifique panorama.     Je la considérais comme une tante, j’adorais l’écouter évoquer ses souvenirs. 


           La famille BECQUET habitait, face à la croix de Sqirs, la villa Bagatelle. Michel Balans ajoute « qu’il a connu un petit jardin et la maison du fond, où Ernest Becquet avait son agence d’assurance. À l’arrière de la villa, sur la route du Pigeonnier, un terrain de foot servait à la Phalange Réolaise. L’abbé Grenié y jouait avec les garçons du Centre Saint-Jean de Bosco ».

    Les Becquet étaient réolais depuis plusieurs générations. Le premier fut Victor, au début du XIX° siècle, compagnon chapelier, parti du Nord de la France. Il arrêta son Tour de France pour les beaux yeux d’une Réolaise. Le 31 mars 1870, un incendie de tout le stock de chapeaux mit un terme à cette entreprise, remplacée par l’assurance "La Paternelle" – me précisa Monique Berland (Becquet).

Almanach 1903
1930

    Ernest deviendra assureur à sa retraite de l’armée. Homme très distingué avec son parapluie très british quand il voyageait – il était passionné de courses de chevaux.

    Son épouse Gabrielle dut passer le permis, car il refusait de conduire tout moyen de locomotion autre qu’hippomobile.  Une rue de La Réole porte son nom : il fut très impliqué dans la vie de la cité. Ma tante était amie de Monique, leur fille.


         Les LABROUSSE demeuraient à Saint-Hilaire-de-la-Noaille ; j’étais impressionnée par la longueur des bras du monsieur. Ils étaient marchands de chaussures à La Réole, rue Sainte-Colombe, rue (depuis débaptisée) très commerçante alors… !

    Grand-mère et lui étaient passionnés de rugby. Il venait suivre avec elle les matches à la télévision, quand celle-ci fut enfin achetée. À Saint-Hilaire, nous assistions à la fête de l’Agneau, le jeune ovin bêlant parfois pendant l’office ! Il était décoré de petits rubans tricolores, ses parrain et marraine étaient costumés.                         

        Anecdote concernant madame Rose COCUT (mère de madame Labrousse). Mon oncle, enfant, eut mission, un jour, d’aller chercher des kakis chez elle. Tout au long du chemin, il répéta la phrase : « Bonjour Mme Cocut, je voudrai des kakis ». Or, sa langue fourcha : il se fit bien recevoir par la dame ! Je soupçonne mon oncle, très farceur, de ne pas avoir commis d’impair et d’avoir malicieusement inversé les noms ! En tout cas, quand il racontait cette histoire, il en riait encore !


        Mme FOLTZ, habitait "Le Séjour", propriété surplombant le bois de la Hoch, rachetée par une famille Poniatowski. Je me rappelle d’une petite dame toute en noir, d’une cour assombrie par les arbres qui y poussaient. Son mari, ingénieur, avait été à l’origine de la construction, au Pérou, d’une voie de chemin de fer en haute montagne. Il avait rapporté de ses voyages une flèche empoisonnée au curare qui était exposée dans une salle du "château". Ma tante raconte l’anecdote suivante :    « Monsieur Foltz était monté dans la locomotive avec le conducteur. Quand ils arrivèrent à destination, tous les membres de l’expédition ayant pris place dans les wagons avaient été tués par des indiens hostiles à la modernité et effrayés par cet engin diabolique ! »


        Jean MARTINESQUE, prof. de lettres classiques au "collège" de La Réole et son épouse Lucienne, à l’origine des Éclaireuses de La Réole pendant la guerre, devinrent plus tard de grands amis de mes parents. Et pourtant, maman n’avait guère apprécié son professeur, au lycée : il était sévère, car tout jeune (à peine plus âgé que ses élèves) et sans doute peu assuré face à toute une classe d’adolescents. C’était son premier poste. 

   Je me souviens d’un monsieur très cultivé et elle, souriante et adorable. 


        Monsieur KIRSCHBAUM fut directeur de l’École d’Agriculture de La Réole jusqu’à sa fermeture en 1934. Des liens d’amitiés persistèrent après leur départ de La Réole entre nos familles.

   Anecdote racontée par ma grand-mère : « Le fils aîné avait voulu ouvrir un bidon de goudron, laissé au bord de la route, près de chez ses parents. Pendant que sa mère lui frottait énergiquement la peau pour faire disparaître les traces de son forfait, le cantonnier s’époumonait, devant les fenêtres ouvertes de l’École, contre le chenapan qu’il soupçonnait du délit - le goudron, à l’ouverture du bidon, chauffé par le soleil, avait giclé et son contenu s’était répandu sur la chaussée… ».


        Madame DUCAU, « dame qui avait une grande allure. Elle était représentante d'une marque de vêtements. Elle avait une belle maison à la sortie de La Réole avec un grand jardin en pente sur le devant, côté route de Saint-Hilaire, et un autre jardin côté Chemin de Ronde », m’écrivit Michel Balans.

       Un de ses fils, Yannick, était artiste peintre. Son neveu vint un jour rendre visite à mes jeunes frères. Ayant allumé un feu, ils jouaient autour. Soudain, un cri perça. Philippe - l’invité - avait saisi à pleine main les ardillons d’une fourche chauffée à blanc. Brûlure au deuxième degré que madame LALANNE, habitant au Tunnel, agent immobilier et de surcroît guérisseuse, soigna ; elle avait reçu le don " d’ôter le feu " de sa grand-mère. Le gamin doutait beaucoup du résultat. Maman passa peu après prendre des nouvelles. Elle trouva le drôle en train de faire du vélo. La douleur et la brûlure avaient totalement disparu !


        Pierre LAVILLE, prof. de dessin au "collège" de La Réole, venait souvent peindre la maison ou les ormeaux plusieurs fois centenaires - depuis disparus, ayant succombé à une maladie cryptogamique, sévissant dans toute la France. Nous possédons une dizaine de tableaux, dont le portrait de ma sœur aînée à l’âge de 6 mois. Certaines de ses peintures se retrouvent dans le bel album sur Pierre Laville, édité en automne 2023, à l’initiative de son fils François.

   Pierre Laville venait parfois avec son fils Michel – que j’ai rencontré à La Réole lors de la sortie de cet album. La plus jeune de mes tantes, du même âge, l’instruisait sur la vie campagnarde (surtout sur les animaux de la ferme, m’a-t-il dit). 

« Le professeur de dessin est prisonnier. Quand il rentrera, je lui demanderai de donner des leçons à ma fille Irène, qui est vraiment douée » écrivait ma grand-mère en février 1942. Maman est sans doute l’une de ses premières élèves encore de ce monde en 2023. Elle a atteint l’âge de cent ans.


     Telles sont quelques brides de souvenirs d’enfance de mes formidables séjours réolais : 

la vie campagnarde d’autrefois avec tous ses animaux ; l’odeur caractéristique de maison ancienne et celle du feu de bois ; le sucre fondu entre les pinces chauffées dans la cheminée, l’entrecôte à la bordelaise cuite sur les ceps de vigne, la langue de bœuf à la sauce dépiquage, les pommes de terres sautées longuement sur la cuisinière à charbon (odeur soudain redécouverte lors d’une visite hivernale à Każimierz - village au bord de la Vistule) ; mais aussi le dépiquage et sa locomobile bruyante, engendrant un nuage de poussière ; la fragrance des orangers, citronniers ou figuiers; les stridulations des grillons au crépuscule (pas encore de cigales), les hannetons, les hirondelles (deux espèces disparues soudainement de nos prairies), le "HLM à moineaux" comme je baptisais les palmiers trônant devant la maison où piaillaient, alors, une multitude de ces oiseaux (volatilisés de la propriété ; maintenant réfugiés à la gare Montparnasse!!), la chasse aux papillons (presque disparus des prés) ; mais aussi la nuée de mouches venant se coller au ruban adhésif spiralé, pendant de l’abat-jour de la cuisine… Sous son éclairage, au crépuscule, ma grand-mère nous racontait les histoires de nos ancêtres, ce qui me ravissait.


     À La Réole, les rues y étaient animées grâce à tous ses commerçants et artisans. 

     C’était autrefois, il y a plus d’un demi-siècle !   

                                                                              Été – Novembre 2023 - B. Bulik    


Commentaire complémentaire de Jean Marc Patient :

    Quel bonheur d'entendre ces noms entendus maintes et maintes fois chez ma grand-mère Thérèse BEYLARD et chez mon oncle et ma tante Georges et Andrée LACLAVETINE (horticulteur et fleuriste rue des Frères Faucher) durant les années 1940-50 lors de mes vacances à La Réole et il y en aurait encore beaucoup à ajouter à cette liste, par exemple :
IZARY Raymonde lingerie, CHARDON Lucien électricien, CHARDON Valmy tenant la buvette de la gare, PETITEAU Marcel et son fils Pierre (dit Nino) taxi tous les 2 et son épouse épicière, VERGNE boulanger, BEÏS limonadier en gros, BOUTET expert immobilier, DAVANT plâtrier, FOURCADE tonnelier, VIREPINTE épicier, ARROUAYS armurier, BOE médecin, DARMUZEY pharmacien, Ferret libraire et journaux, SAUBAT Max bazar (le frère du peintre Jean aussi directeur du cinéma Casino), MALLET épicier (boutique restée figée dans son époque d'avant guerre), DUMUR bazar, TRENTY pharmacien, LAROUBINE pharmacien, JUBILY coiffeuse, FERRAND atelier mécanique, LACOMBE mécanicien vélos, COUSSIRAT Huissier, TOURNEPICHE herboriste, LESBAT boulanger, VIDAL Isnel mécanicien moto, JOUVION quincaillerie, FELON paniers et objets en bois, LADEVEZE transports, FORTIN matériaux construction, DELAS vins en gros, MARTIN Pierre et sa sœur Henriette épiciers, ROSYS papiers peints, GENTILLE menuisier, DUPIOL transporteur, GIRY marchand forain, DADER son gendre bazar quincaillerie, CAZAUBON coopérative au Turon, etc.... tous du "La Réole de ces années là", et j'en oublie beaucoup !...
    Pour moi, le patrimoine c'est le fixe (site, bâtiments) et l'éphémère (les personnes qui y ont vécu et animé ses rues et ses commerces). C'est un tout indissociable.

     Il y a quelques années, le lundi 18 février 2013, Guy Labadens, cousin germain de Max et Mimi, a photographié ses souvenirs de vacances...

    Il y a quelques années, le lundi 18 février 2013, Guy Labadens, cousin germain de Max et Mimi, a photographié ses souvenirs de vacances réolaises des années 60.


Album photo

    Les images sont d'aujourd'hui, les souvenirs forcément d'hier.
    Foin de nostalgie, mais traces légères de moments de découvertes, de rencontres, de plaisirs avec celles et ceux qui ont composé le paysage d'une partie de ma jeunesse.
    La Réole si proche et si différente. Mes jeunes années courent le long de tes quais.


L'épicerie

La grand'mère de Suzy tenait une épicerie. Les étiquettes étaient écrites à la main, à l'encre violette, sur des morceaux de carton. Certaines, proches des produits plus gras avaient leur lettrage coulant, non sans grâce, vers le bas de l'annonce.
    L'épicerie a fermé son commerce avec l'arrivée massive des pointes Bic.

Le tabac journaux

Dans ce tabac journaux, il y avait un curieux mélange olfactif, à nul autre pareil, entre papier, tabac, confiserie. J'allais y chercher, pour le Pépé, le magazine Rustica et des Gauloises "disque bleu".
    Un jour, il y a peu, au hasard de mes nombreuses circulations, je suis tombé sur la même odeur, dans un tabac-journaux de Bretagne, autant qu'il m'en souvienne.
    L'enfant qui y achetait des bonbons se forgeait, sans le savoir, une mémoire pour la vie.

Lous Réoules

Cet ensemble folklorique fameux avait vu la rencontre de Max et de Suzy. Je me rappelle avoir vu danser Lous Réoules, devant le plus vieil Hôtel de Ville de France, un jour de fête. Ces danseurs étaient très aimés et très applaudis par les réolais.
    Au demeurant le groupe partait souvent en tournée pour donner des représentations à travers le département et bien au-delà.
    C'était le début des années 60 et il y avait toujours ce décalage pour moi, dans ce La Réole que j'aimais, entre la modernité qui poussait et ce que je ne nommais pas encore patrimoine et qui avait tant de richesse architecturale.
    Entre le Teppaz de ma cousine et la maison à colombage de la rue Peyssegin, entre Lous Réoules et l'arrivée des yéyés, entre Aliénor d'Aquitaine et Catherine Langeais il y avait ces écarts de temps qui nous constituent et nous guident sur la promenade de notre vie.

L'homme des vœux Bartissol

C'est à ce croisement, me semble-t-il, que l'oncle Marc crut rencontrer L'homme des vœux Bartissol.  
    Pour ce jeu radiophonique de Radio Luxembourg, il fallait dire à un inconnu demandant un renseignement géographique à priori incongru: "Vous ne seriez pas L'homme des vœux Bartissol? " 
S'il répondait : "Oui", on devait lui présenter immédiatement une capsule, même aplatie du fameux vin cuit et alors, L'homme des vœux Bartissol pouvait satisfaire un souhait de l'heureux gagnant.
    Il n'existait qu'un seul  Homme des vœux Bartissol pour tout le territoire français, en conséquence les chances de gain étaient réduites.
    Cependant le dimanche, les adultes trinquaient au Bartissol, qui avait supplanté pour un temps Byrrh, Cinzano et autre Martini.
    De Gaulle était au pouvoir, la loi Evin était encore loin.

La côte des Quat' Sos
  
C'était mon Izoard à moi. Longtemps je ne pu atteindre son sommet. 
    Certes la côte n'est pas très longue et le pourcentage reste très modeste, mais il me manquait toujours quelques coups de pédales pour arriver en digne grimpeur sur la place de l'église.
    Et puis un jour, dopé sans doute à la cuisine familiale et accompagné d'un moral de vainqueur, j'avalais le dernier lacet.
    Je vis flotter devant moi l'ombre de Charly Gaul et je me décernai, ipso facto, le surnom d'Ange des Quat' Sos.

La grille

 Cette porte est un peu emblématique de La Réole. Surplombant la Garonne, véritable œuvre d'art, elle illustre l'aspect patrimonial de la ville.
    Pour moi, elle évoque, à tort ou à raison, le mariage de mon cousin Max avec Suzy. 
    Y a-t-il eut une photo devant elle, les mariés sont-ils passés par le cloître avec celle-ci en fond, la noce a t'elle descendu l'escalier vers le fleuve? Des images sont là, mais la mémoire précise fait défaut.
    Cette porte a été photographiée des milliers de fois depuis ce jour de mariage: souvenirs de voyage, promeneurs du dimanche, cartes postales, guides touristiques, contre jour sur fond de ciel orageux, en argentique, en jetable, en iPhone, en bridge, en compact, en reflex, en noir et blanc et en couleurs.
Plus une, ci dessus.

Jean de La Réoule

Lors de nos premières visites à La Réole, sinon la première, mon oncle déclara qu'il fallait aller voir la statue de Jean de La Réoule située au centre ville et symbolisant la résistance des Réolais aux envahisseurs.
    Il avait certainement si bien présenté ce héros que je m'attendais à une statue imposante, peut être comme celle de Gambetta, sur les allées de Tourny de mon enfance.
    Arrivés sur la place de la Libération, enfin au Touron, il fallut nous tordre le cou mes parents et moi-même, pour apercevoir une toute petite statue du héros sus nommé, posée en hauteur sur un immeuble d'angle. Elle était sans doute haut perchée pour mieux voir les ennemis de loin.
    Celui qui ne fait que passer ne peut voir Jean de La Réoule. Il faut s'arrêter et regarder vers le haut.     La marque des plus grands.

Place du Martouret
   
Il y avait une amie de ma cousine, prénommée, je crois, Régine, qui habitait une maison autour de cette place.
    Le jour où elle lut les résultats du bac dans le journal Sud Ouest, elle avoua avoir dit, ce qui me stupéfia : "J'étais tellement sûre de l'avoir, qu'avant de lire la liste des admis, j'ai regardé les programmes de cinéma" .
    C'est à ce moment précis, je pense, que j'ai pris la décision d'arrêter mes études et de faire du théâtre.

Cinéma Le Gymnase
 
J'y ai vu, à la toute fin des années cinquante, avec mon oncle Marc, un western avec Randolph Scott     L'aventurier du Texas.
Allant très peu au cinéma avec mes parents, cette sortie, durant les vacances de Pâques, fût une véritable fête qui m'accompagne toujours. Mon oncle avait dit en sortant de la salle: "Ce western est bien, c'est une histoire d'hommes".
    J'ai revu, il y a peu, cette histoire d'hommes. Randolph Scott continue de chevaucher en solitaire, emportant son passé et ses secrets à la frontière du Texas et du Mexique, frontière matérialisée par un simple pont enjambant un bras du Rio Grande sur mon générique de  La dernière séance.


La route de l'aéroport

Après avoir passé le pont du Rouergue, nous prenions souvent la route de l'aéroport pour une balade vers le canal de Garonne. Le cousin Max avait assemblé un vélomoteur qu'il me confiait.
    Cet engin avait une particularité: le frein arrière était fixé sur la poignée de droite, contrairement aux montages traditionnels "Parce qu'on a plus de force avec cette main " justifiait mon cousin avec conviction.
    Encore fallait-il lâcher simultanément la poignée des gaz, qui elle était restée à sa place habituelle et serrer au même instant celle du frein.
    Un coup à prendre, réservé aux droitiers, entre lâcher prise et fermeté.

Le stade

Le stade, régulièrement inondé durant les grandes crues de la Garonne, était le fief du XIII. 
    Le terrain, naturellement gras, ne se prêtait pas toujours aux envolées légères de trois-quarts  inspirés. 
    A ma connaissance Puig Aubert, dit Pipette n'y botta pas ses drop goals de légende. 
    C'était un jeu plus âpre, de rentre tronche, de baffes sonores, de pisse blaire, de bouffe gazon. 
Les bagarres y étaient fréquentes sur le terrain comme dans les tribunes. On a encore en mémoire le visage de quelques spectateurs au verbe haut et aux poings lourds qui, le dimanche finissant, après avoir réglé son compte tant à l'arbitre qu'aux spectateurs adverses, juraient que le XIII était le vrai et beau jeu, par rapport à ce XV hautain et si amateur.
    Quand une profession de foi tient à quelques mandales et à une soustraction.

On the road

À l'époque où nous avions vu ma cousine et moi Johnny Hallyday aux fêtes de Blasimon, était paru un article dans Salut les copains où la vedette évoquait ses nombreuses tournées et les différents moyens de locomotion qu'il utilisait: trains, voitures, bateaux... 
    Il se représentait même ces modes de transports regroupés en une seule image comme dans les livres scolaires de notre enfance.
    Depuis les hauteurs de La Réole, tout est à la disposition de l'imaginaire du voyageur potentiel y compris, dans le lointain, le terrain d'aviation et le canal de Garonne.

Les quais

Les quais... lieu incontournable du marché du samedi matin, de la foire de Toussaint, des inondations spectaculaires et... d'un critérium cycliste.
    Je n'y étais pas à ce critérium, mais j'ai su qu'Anquetil, Geminiani et autres gloires de l'époque, avaient effectué sur un circuit court créé à l'occasion une prestation sportive et commerciale qui avait drainé les amoureux de la petite reine.
    Quand je circulai sur les quais, aux vacances suivantes, pédalant sur le vélo de ma cousine, longeant les bandes blanches, restes du tracé cycliste, je m'imaginai dans la roue des champions et ne reculant devant rien, les jours de folie, réglant tout le monde au sprint.

Le Rex
 Le Rex était le cinéma phare de La Réole, au prestige inégalé comparé aux deux autres établissements cinématographiques: Le Casino et Le Gymnase.

    Trônant au milieu de la place de la Libération, il ne pouvait échapper ni aux regards des autochtones ni à celui des voyageurs traversant la ville, surtout dans le sens Marmande Langon.

    Façade dégagée sur Le Turon, il était une invite à de grands spectacles en scope et couleurs.

Cependant je n'ai qu'un seul souvenir de spectateur dans cette salle et ce ne fut ni Ben Hur , ni Autant on emporte le vent, ni même Le docteur Jivago mais la très modeste Cuisine au beurre avec Fernandel et Bourvil, film 35 mm en noir et blanc et à la digestion instantanée. Cette comédie légère fait encore les fins de soirées des chaînes de la TNT alors que la façade du Rex invite toujours aux voyages du 7ème art.


Le marchand de journaux du centre


Nous y achetions de temps à autre, ma cousine et moi des publications correspondantes à nos âges et nos goûts.

    Mais surtout, nous allions chercher pour toute la maisonnée, la bible télévisuelle hebdomadaire : Télé 7 jours. Savoir qui Jacques Chabannes et Suzanne Gabriello allaient accueillir à Paris Club, qui rencontrerait qui, au prochain Intervilles et quel film cette semaine serait programmé le dimanche soir.

    Le magasin a fermé. La revue existe toujours, la télévision aussi.


La maison de la rue Duprat


Certainement le lieu par excellence de(s) mémoire(s): l'atelier de l'oncle Marc où grâce à une installation ingénieuse, un cordon, un seul, tiré de façon nette donnait la lumière à l'atelier, alimentait les machines et donnait vie à la radio ; les merveilles et les bocaux de cèpes de ma tante/marraine Yoyo, les poulets aux grains du Pépé (ses petits amis), le vaisseau spatial de Guy Léclair conçu et réalisé avec ma cousine Mimi.

    Au premier étage côté rue, l'ancienne chambre de mon cousin Max, avec ses livres de science fiction aux couvertures dessinées avec engins spatiaux extraordinaires, monstres et héros déterminés et un cendrier carré avec une tête de boxeur en relief encaissant un crochet du droit.

    Et puis il y avait Zappy, les J.O. de Rome à la télé en noir et blanc, le grand pré vert en pente, les toilettes au- dessus du Charros, ah... ces ploufs spectaculaires, les oiseaux en cage, la tourterelle jouant avec le chat, la famille Duraton, le téléphone dans le couloir, les locataires qui rient...

    C'était pour moi les vacances de Pâques ou d'été en amont de la Garonne et au bout de la ligne des autobus de la compagnie Citram.


La Réole - Images/Mémoire(s)

Avec:

Yoyo, Marc, Renée, Maurice, Mimi, Suzy, Max, le Pépé, les Sauvignon, Régine, Randoph Scott, les 4 Sos, Jean de La Réoule, Bourvil, De Gaulle, Evin, Fernandel, Zappy, L'homme des vœux Bartissol, Charly Gaul, Jacques Chabannes, Guy Léclair, Raphaël Géminiani, La famille Duraton, Aliénor d'Aquitaine, Puig Aubert dit Pipette, Catherine Langeais, Johnny Hallyday, Suzanne Gabriello...


Sauf erreur ou omission...



















Seul manque le cinéma Casino devenu un parking...







La Garde Nationale à La Réole - 1870 d’après les notes de Jean Fauchez, réolais qui y relate les événements à travers son vécu, d’abord à ...



La Garde Nationale à La Réole - 1870

d’après les notes de Jean Fauchez, réolais qui y relate les événements à travers son vécu, d’abord à Bordeaux, puis à La Réole.
[ Début juillet 1870, à Ems, se déroulent des négociations entre l'ambassadeur de France et le roi Guillaume Ier de Prusse concernant le conflit né de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne. N'obtenant pas satisfaction, ni de Guillaume, ni de Bismark, la France déclara la guerre, le 19 juillet 1870 à la Prusse. ]

JUILLET 1870
    Ce soir, 19 juillet 1870, la guerre a été déclarée contre la Prusse. On parle d’assembler la Garde Nationale mobile. Le 26, les préparatifs de la guerre se font avec beaucoup de vigueur et d'entrain.
Des trains entièrement chargés de munitions, de vivres et de soldats circulent continuellement.
    Les troupes d'Afrique débarquent à Toulon ; la flotte est prête à faire expédition dans la Baltique.
Le 27, la Garde Nationale mobile va recevoir les feuilles de route.
Le 30, l'Empereur s'est rendu à Metz comme commandant général de l'armée du Rhin.


Départ de la garde nationale mobile de la gare d'Aubervilliers en juillet 1870

AOÛT 1870
Le 3, les Français ont pris la petite ville de Saarbruck aux Prussiens. Elle a été réduite en cendres.
Le 5, les Prussiens ont attaqué ; ils étaient soixante mille contre huit à dix mille français. Deux généraux français ont été tués et un grand nombre d'officiers a été pris. L’ennemi est entré en France avec des troupes considérables. Ils y ont perdu sept à huit mille hommes ; nous, cinq à six cents. 
    Toute la France est étonnée. On propose des enrôlements volontaires pour aller au secours de l'armée. Grande animation dans Bordeaux.
    Le 8, on a convoqué la Chambre des députés et le Sénat pour proposer la levée des 20 à 30 ans pour le service militaire et des 30 à 40 ans pour la Garde Nationale sédentaire.
    Le 9, début des enrôlements volontaires. Le bureau était en plein air, sur le péristyle du Grand Théâtre ; spectacle vraiment imposant : ces jeunes gens se bousculaient pour se faire inscrire. Le soir, sur la place de la Comédie et à la Préfecture, foule immense et compacte, assez impatiente de nouvelles.
    Le 10, poursuite des enrôlements presque toute la journée; grande agitation dans la ville.
Ce soir, déferlement continu, du Cours de l'Intendance jusqu'aux quais, place de la Comédie, Allées de Tourny, Cours du 30 Juillet et rue Sainte-Catherine. Les engagés se sont emparés d'un drapeau arboré à un café sur l'Intendance. 
À 10 heures ½, la foule s'est portée à Tivoli, à l'établissement des Jésuites : ils ont ébranlé le portail de fer et le mur de clôture pendant ¾ d'heure, puis une charge d'agents de police et de mouchards les a dispersés à coup de casse-tête.
    Le lendemain, beaucoup de mouvements dans la ville.
    Le 16, combat entre les armées ennemies ; grandes pertes côté prussien. Deux jours plus tard, le maréchal Bazaine a refoulé une division prussienne dans les carrières de Jauvont.
Les escadres de la Baltique et de la Méditerranée ont fait la capture de plusieurs navires prussiens.
    Le 25, la Garde Nationale sédentaire est montée à Bordeaux et fait déjà le service de la troupe absente.
    Le 30 août, je suis allé me faire inscrire pour la Garde Nationale sédentaire.

SEPTEMBRE 1870
    Exercice de la Garde Nationale, le 1er septembre (depuis le 30 août, on se bat avec des succès et des revers entre Metz et Sedan); le lendemain, le combat continue, jour et nuit. Mac-Mahon est forcé de se replier sous le nombre des ennemis jusque sous Sedan. Il est gravement blessé. Failly a été surpris par l'ennemi et a été tué ; les uns disent par ses soldats, les autres disent par les mitrailleuses ennemies.
    Le 3, on annonce l'arrivée dans la rade de deux batteries flottantes de douze canons chacune.
La ville de Sedan a dû se rendre. Le général Weinpffin a signé la reddition. L'empereur a été fait prisonnier avec le reste de l'armée de Mac-Mahon, qui au départ comptait quarante mille hommes.
    Il ne reste plus que Bazaine sous les murs de Metz. Il a perdu beaucoup de monde et il est cerné. Strasbourg est à moitié détruite par les bombardements.
    La levée des hommes de 25 à 35 ans se fait à la hâte, mais on manque d'armes.

Le dimanche 4 septembre, la statue de l'empereur sur les Allées de Tourny a été jetée à terre.
    Cette statue équestre était en zinc d’environ un centimètre et demi d'épaisseur. Il n'y a ni opposition ni désordre, chose extraordinaire pour une foule d'au moins dix mille personnes. On a traîné le socle de la statue (tout le reste ayant été réduit en petits morceaux, y compris les jambes du cheval) jusqu'au fleuve, où elle a été jetée depuis le milieu du pont. Au retour, on a escaladé tous les drapeaux pour en enlever les aigles.
Ce soir à Paris, on a proclamé la République.
On a commencé à démolir, le 5, le piédestal de la statue. Le préfet a été démis de ses fonctions et remplacé. Le lendemain, l'Impératrice a abandonné les Tuileries, ainsi que la régence. Tous les ministres ont été changés et pris parmi les députés de gauche ; le sénat a été dissous.

Une cousine de Jean, habitant Libourne, décrit ce qu’elle y voit pendant ces événements :
Les Gardes Nationaux sont 1.500 à faire l'exercice tous les jours (3 heures, trois fois par jour). Ils sont écrasés de fatigue ; pourtant lors des repas, ils chantent à tue-tête la Marseillaise ; les Girondins ajoutent le Chant du Départ.
    Mon époux a été nommé caporal, car au second jour de l'exercice, le lieutenant, remarquant que le sous-lieutenant était inapte à commander des hommes, s'écria: " R., vous sentez-vous la force de commander et connaissez-vous la théorie ? ". " Non, mon lieutenant, je ne suis pas très fort, mais je l'étudie tous les jours ". Il espère passer sergent. Pour l'instant, il reste à Libourne : les jeunes gens non mariés sont dirigés sur Paris. N'étant pas en nombre suffisant pour former un contingent, les hommes mariés sans enfants vont être tirés au sort.
    Le 4 septembre, la ville de Libourne fut assez calme jusqu'au soir ; mais à l'arrivée du train de 11 h, quand on apprit ce qui s'était passé à Bordeaux (statue de l'Empereur traînée dans les rues et jetée à l'eau), il n'en fallut pas davantage. Cette nuit-là, j'entendis une rixe entre deux individus, des bruits de tambours, puis une rumeur qui allait toujours croissant ; la place de la Mairie était envahie par un attroupement. Peu après, une foule immense passait sous nos fenêtres, déambulant en rangs serrés, de la Place de la Mairie à la gare, en criant : " À bas l'Empereur, vive la République ". 
    Cela faisait un tohu-bohu d'enfer ! Tout le monde (les gens calmes, en simple costume, restaient - bien entendu - chez eux) regardait, aux fenêtres, défiler les émeutiers. Ceux-ci réclamèrent un drapeau. Comme il n'y en avait pas, on les fit entrer dans la buvette de la gare, où il leur fut distribué du vin blanc à discrétion et du tabac. Ils repartirent comme ils étaient venus, vociférant et devancés par les roulements de tambour. 
    Ils ne cessèrent de brailler jusqu'à 4 heures du matin ! Une heure plus tard, les va-et-vient reprirent avec, cette fois-ci, des drapeaux. Ils réclamèrent le buste de l'Empereur qui se trouvait dans la mairie et le brisèrent. Ils promenèrent, jusqu'à la gare, celui de l'Impératrice, ainsi qu'un grand portrait de son époux la tête en bas. Ils obligèrent tous les conducteurs croisés à crier : " Vive la République ", sinon ils les bloquaient.

Suite du récit de Jean :
    Le 10 septembre, Mac-Mahon n'est pas mort, comme on en avait fait courir le bruit. 
Les États-Unis d'Amérique nous envoie trois cent-mille fusils ; la Norvège et la Suède quatre vingt-dix-mille.
    Les Prussiens sont à 66 km de Paris. Le 11, il arrive, en masse, du monde de Paris, fuyant l'approche des Prussiens. Le général de Laon a fait sauter la citadelle, lorsqu'elle a été envahie par six-cents Prussiens. Il est mort avec eux. Le 24, on dit que Strasbourg a capitulé.
    
    Le 25 septembre, Jean Fauchez rentre définitivement à La Réole, n’ayant plus de travail, du fait de la guerre (arrêt de projets d’architecture).
Le 26, la Garde Nationale sédentaire de La Réole reçoit l’ordre de service n°1 :
« Le bataillon se réunira tous les dimanches à 3h de l’après-midi, sur la promenade des Tilleuls pour revues et exercices. Un poste de 24 hommes plus leurs chefs, fera le service de Sûreté et de Police et sera relevé toutes les 24h. Tous les Gardes Nationaux n’ayant pas accompli 35 ans seront réunis tous les jours de la semaine, dimanche excepté, de 8 à 10h du soir, pour être instruits et préparés au maniement des armes. Toutefois, ceux de la 6° Compagnie (hors ville) en sont dispensés les mardi, jeudi et samedi de chaque semaine ».

OCTOBRE 1870
    Jean reçoit le 3 octobre, un courrier du Service obligatoire - Garde Nationale de Bordeaux :  "Veuillez vous rendre le 5 courant à 6h ½ du matin très précise, en tenue et en armes à la Place des Armes ".
Le 4 octobre, ordre du jour des Gardes Nationaux réolais n°2 :
« Instruction et exercice des six Compagnies, tous les jours, sauf dimanche, par demi-section et à tour de rôle. Revue et exercice le dimanche à 2h, promenade des Tilleuls. Remise par le Maire de 26 fusils à chacun des chefs des six Compagnies... »
Le 24 octobre, l’ordre du jour n°3 modifie le précédent, « à la demande de tous les chefs de poste, en réduisant le nombre à 12 hommes. De plus, la 6° Compagnie étant de service 24h, ne pouvant travailler les champs, leur service sera allégé ; elle fournira chaque nuit un piquet de six hommes commandé par un caporal ou un sergent, pour faire une patrouille et devra se faire reconnaître par le poste de la Place du Turon, où le chef aura pris auparavant le mot de ralliement et ses instructions. Un tambour conduira la montée et descente de la Garde ».
    Le 28, la capitulation de Metz démoralisait toute la France et déshonorait le maréchal Bazaine.
L'armée de Paris tente une sortie par l'Est et l'armée de la Loire avance également.

NOVEMBRE 1870
    Le 7 novembre, l’ordre de jour n°5 précise que « chaque remplacement d’un Garde National pour le service de poste, dûment autorisé par son chef, sera fait uniquement par un membre appartenant à sa Compagnie. M. les chefs de Corps sont priés de veiller à ce que le prix du remplacement ne dépasse pas le prix de la journée d’un ouvrier. Le 13, inspection des armes ».
    Le 15, l’ordre du jour n°6 fait remarquer « qu’après la pause pendant les exercices du soir, beaucoup de Gardes Nationaux sont en retard ou déjà partis. Dorénavant le début et la fin du repos seront indiqués par un roulement de tambour ».

DÉCEMBRE 1870
    L'armée de Paris a traversé, le 2 décembre, la Marne ; deux jours plus tard, celle de la Loire recule sur Orléans, qu'elle avait déjà reprise aux Prussiens. Le 6, l’ennemi rentre dans Orléans.
Le lendemain, je reviens, vers 5 heures, à La Réole avec les célibataires de Sauveterre. Tous les cantons se sont réunis pour former un bataillon.
    Le 9, le gouvernement provisoire a quitté Tours pour Bordeaux. Ce déménagement a produit une mauvaise influence sur le pays. L'armée de la Loire a été coupée en deux par les Prussiens. Neige et gel depuis quelques jours.    
    Le 13, sont arrivés cinquante blessés à la gare de La Réole, et le lendemain, à 10 heures du matin, 550 lanciers, les officiers avec femmes, enfants et bagages, plus 250 chevaux ; la ville devient un dépôt pour réformer le régiment avec les célibataires de l'arrondissement de La Réole : 1.300 hommes en tout.
    Le 15, un cheval des lanciers a eu une cuisse écrasée d'un coup de pied ; on l'a abattu. J'en ai rapporté un morceau que tout le monde a trouvé excellent. Le 18, je suis allé faire l'exercice sur le port.
On a crié : " À bas le sergent major " à cause d'une convocation de Gardes aux Portes, que le capitaine adjudant avait ordonnée sans raison.
 
Des gardes nationaux, Gardes mobiles, français en 1870.

L’ordre du jour n°11 du 19 décembre est ainsi rédigé : « La Sédentaire et la Mobilisée, montent la garde à jour passé : ce soir, les mobilisés, demain la 1ère Compagnie et ainsi de suite alternativement ».
    Ce soir, le 23, on a élu le sergent-major (c'est moi), trois sergents et dix caporaux. Il est encore arrivé des lanciers avec des chevaux blessés à La Réole. Le 25, j’ai reçu l’annonce de la mort, à Bazas, d'un ami à cause de la picotte. Le 28, tout l'après-midi, le commandant des mobilisés a passé en revue les six compagnies formant le bataillon réolais. Le matin du 29 décembre, la Garde Nationale a été accompagner les mobilisés à la gare. La musique et quelques Gardes Nationaux les ont suivis jusqu'à Bordeaux. À 2 heures, je me suis rendu aux Quinconces, puis sur la place d'Aquitaine, où nous leur disons adieu. Ils vont camper à Bègles. Ce soir, vu des patineurs au Jardin Public.
    Il a neigé toute la nuit. Quinze centimètres de neige, le lendemain. Je suis retourné à La Réole.
Le 29 décembre, lettre du Maire au Commandant de la Garde Nationale: « Le Conseil municipal a exprimé le vœu que la Garde Nationale ne monte désormais qu’un poste de nuit de 12h ».

Voici les réflexions de Jean au sujet de l’année 1870 :
Cette année 1870 est une année de malheur : la variole a fait des ravages dans Bordeaux. On peut presque dire qu'elle a décimé la ville ; il y a eu beaucoup de cas de picotte pourpreuse, quelques cas de choléra. L'été a été d'une sécheresse comme on n'en a peu vue ; chaleur tropicale, jamais de pluie ; toutes les sources, puits, fontaines sont taris ; on ne trouve plus d'eau que dans les rivières et encore en très petite quantité (mon beau-frère a traversé la Garonne avec sa voiture en face de La Réole et sans se mouiller les pieds). Dans les Landes, les bœufs et les vaches meurent de soif dans leur étable. Il n'y a eu ni foin ni regain, ni légumes, ni pommes de terre.
    Pendant ce temps, l'Empereur ne sachant que faire, fait voter le plébiscite et déclare la guerre à la Prusse (qui a fait tout ce qu'il fallait pour se la faire déclarer). De notre côté, nous faisons trois corps d'armée avec 200 à 300.000 hommes contre les Prussiens qui sont 1.200.000 avec une artillerie comme jamais on a vu.
    Aussi le résultat est que notre armée recule ; nos ennemis envahissent l'Alsace, puis la Lorraine, puis l’Île de France, la Picardie, la Bourgogne, la Normandie, la Touraine. Toutes nos places fortes sont cernées et prises.
    Au désastre de Sedan, 150.000 hommes sont vendus par Napoléon III, le maudit.
Puis vint la trahison de Bazaine, qui rend Metz et son armée de 120.000 hommes sans avoir tiré un seul coup de canon. Enfin à Paris, Trochu et le gouvernement provisoire résistent, armés d'une façon formidable. De nouvelles armées se forment comme par enchantement ; on fait venir des armées des pays étrangers ; on fond des canons. Paris, cerné, communique avec la province par des ballons et la province avec des pigeons.

La Capitulation de Sedan vue  Honoré Daumier dans Le Charivari du 22 septembre 1870

    À l'été brûlant et un automne très sec, succède un hiver humide, pluvieux et froid, comme si nous étions transportés en Sibérie. Il a neigé deux fois et la neige est restée huit à dix jours. Les gelées ont été des plus rudes. Triste temps pour faire la guerre et camper. Nos Gardes Mobiles, nos soldats et nos mobilisés, qui n'ont jamais été aguerris et qui ont été si mal vêtus avec des draps de très mauvaise qualité et des vêtements insuffisants.
    Et tout le mal que font nos envahisseurs dans les pays qu'ils traversent : ils pillent, ils brûlent et n'ont de plaisir qu'à détruire, à anéantir. Ils violent et tuent des gens inoffensifs pour le plaisir de tuer.
    Ils ont même poussé la barbarie jusqu'à brûler vifs des femmes, des vieillards et des enfants ; ils ont crucifié des journalistes.

JANVIER 1871
    Ce soir, dimanche 15 janvier, la Garde nationale a fait une sortie : il manquait les deux tiers.
 Le surlendemain, est parti un escadron de lanciers (cent-cinquante hommes) nouvellement équipés.
    Le 21, la Garonne a monté jusqu'au champ de foire ; le dimanche 22 : pas de promenade pour la Garde Nationale.

FÉVRIER 1871
    Le 1er Février, on a reçu les conditions de l'armistice. Le lendemain, l'armée du successeur de Bourbaki a passé en Suisse poursuivie par l'ennemi. Aussitôt sur le territoire neutre, elle a été désarmée.
On parle de dix-mille hommes qui se seraient évadés. Le 7, grande distribution de bulletins avant le vote de demain pour l'élection d'un chef-lieu de chaque canton. Il y a peut-être moins d'absents que si l'on avait voté dans chaque commune.
Ils sont arrivés, tambour et drapeaux en tête ; les vieillards en véhicule.
    Le 9, la Garonne croît beaucoup.
    Le 19, lettre du commandant : "Bataillon de la Garde sédentaire de La Réole",
"En me plaçant à la tête de votre bataillon, vous m’avez donné une preuve de confiance et d’estime, dont je suis fier. J’ai fait tous mes efforts pour maintenir la discipline et faire comprendre à chacun qu’il devait prendre au sérieux ses devoirs de garde national. Élu après la prononciation de la république, je suis obligé, quoique à regret, de décliner l’honneur de vous commander.."
    Le 23, les exercices de la Garde Nationale sont suspendues, comme l’indique l’ordre du jour n°15: « Le service du Poste de la Place du Turon est suspendu jusqu’à nouvel ordre, signé Renou, maire de La Réole ».
    Le 27, on dit la paix signée, à quelles conditions ?
Dépêche annonçant l'armistice - À Bordeaux, le 29 janvier 1871
AVRIL 1871
    Le 7 avril, le dernier escadron de lanciers du Cinquième régiment est parti.
    Le 8, Jean note : « Après la guerre avec les Prussiens, les Parisiens se sont mis en guerre civile ; ils ont essayé d'aller à Versailles escamoter l'Assemblée nationale pour instituer le gouvernement par la Commune. Les armées sont obligées de cerner Paris et même, ce qu'il y a de plus pénible, de battre les Parisiens ».
    Le 21, la guerre civile avait commencé à éclater à Bordeaux, mais cela a été vite arrêté. Cependant, la troupe a fait feu sur le public. On parle d'un mort et quelques blessés. Les balles ont criblé les magasins en face de la Caserne du Cours des Fossés.

MAI 1871
    Le 13 mai, le gouvernement de Versailles a pris le fort d'Issy-les-Moulineaux et celui de Vanves va lui appartenir sous peu. Les communeux de Paris commencent à ne plus être d'accord. Leur ministre de la guerre a donné sa démission.
    Le 26, les communeux de Paris touchent à leur fin ; on dit plusieurs chefs pris et fusillés. Mais les vandales détruisent par le feu les principaux monuments de cette première ville du monde : les Tuileries, l'Hôtel de Ville, le Palais de Justice.

JUIN 1871
    Enfin le 8 juin, les derniers communeux de Paris sont pris ; la guerre civile est momentanément terminée.

JUILLET 1871
    Le 5 juillet, je suis allé faire signer la liste des fusils de la Garde Nationale de La Réole.

OCTOBRE 1871
    Le 16 octobre, je suis allé à La Réole, porter les bulletins de convocation aux Gardes Nationaux de la Sixième Compagnie.

DÉCEMBRE 1871
    Le 11, j’ai apporté, à la mairie de La Réole, la liste des fusils délivrés à la Garde nationale. C'est aujourd'hui ou cette semaine, que se fait le désarmement définitif de celle-ci.

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Autre évocation, à La Réole, de la Garde Nationale d’après le Journal de Toulouse, le 20/9/1849

    Dimanche dernier, le 16 septembre 1849, la Société d'Agriculture de la Gironde a célébré sa fête annuelle et procédé à la distribution de ses prix. Elle a fait choix cette année, pour son champ d'épreuves, du domaine de M. Duran de Laubessa, situé dans l'arrondissement de La Réole.
    À cinq heures du matin, un bateau à vapeur, affrété à cet effet, partait du quai de la Grave emportant les membres de la Société d'Agriculture et de nombreux invités, parmi lesquels on remarquait Mgr l'archevêque, M. le maire de Bordeaux...
    À son arrivée à La Réole, le bateau fut salué par des salves d'artillerie. Les passagers mirent pied à terre au milieu d'une population considérable. Ils furent reçus à leur débarquement par MM le maire (Boué), le sous-préfet (Gravier), le curé et les membres du Comice agricole de la localité.
Le cortège, escorté par la Garde Nationale en armes, se rendit à la sous-préfecture, d'où, après une courte station, on se remit en marche pour se rendre sur la propriété de M. Duran de Laubessa.
Là, un autel avait été dressé en plein air (sous les ormeaux bicentenaires). Avant de procéder aux opérations du concours, Mgr célébra la messe, en présence d'une foule compacte et recueillie... ]

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