Rechercher dans ce blog

  Après "Si La Réole m'était contée..." voici l' agenda de Jean retrouvé par son arrière petite fille, Brigitte Bulik. Il...

Agenda de Jean, réolais, né en 1842

 

Après "Si La Réole m'était contée..." voici l'agenda de Jean retrouvé par son arrière petite fille, Brigitte Bulik. Il y raconte la vie quotidienne d'un jeune réolais (il a 22 ans en 1864)

Les textes en italique sont des explications actuelles pour la compréhension du texte de l'époque.

Agenda de Jean, réolais, né en 1842

Extraits (1864 à 1877) 

1864

Mai 1864
Le 14 mai, à 8 heures 1⁄2 du soir: consternation générale par l'apparition d'un météore lumineux (diamètre 0,60 mètre) traversant majestueusement les airs de l'ouest à l'est. Sa lumière efface celle de la lune: elle paraît s'éteindre et se rallumer avec un éclat, pareil à un soleil électrique; puis s'éteint en se divisant en plusieurs étincelles; environ une minute après, deux détonations se feront entendre. Nous aurons l'explication de ce phénomène plus tard. Cet aérolithe s'est divisé au zénith de Montauban; une grande quantité de fragments a été recueillie dans les communes environnantes. Bruit comparable à une fusillade mêlée de coups de canons. L'intervalle entre le dernier éclat et le bruit donne à ce météore une hauteur d'au moins de 18 km. Le thermomètre est monté d'un ou deux degrés pendant quelques minutes.  Le 22 : inauguration des bains à La Réole par une douzaine de baigneurs. 

[ Arrêté pris par le maire de La Réole, le 19 juillet 1845 :  Le maire de La Réole, considérant que dans la ville n'existe aucun établissement pour les baigneurs, que les bains publics en rivière sont les seuls dont la population fasse généralement usage; considérant que sous le rapport d'hygiène, les bains sont d'un intérêt général et que d'un autre côté, ils peuvent donner lieu à de fâcheux événements ou de devenir un sujet de scandale public; que dans ces circonstances, il est du devoir de l'autorité municipale de régler, par de sages et paternelles dispositions, les mesures qui doivent être observées pour éviter des accidents funestes et tous actes contraires à la décence et aux bonnes mœurs. 

Article 1er: aucun individu ne pourra, dans cette commune, se baigner publiquement dans les eaux de la Garonne, s'il n'est couvert d'un vêtement de la ceinture jusqu'aux genoux.  Article 2: il est interdit à toute personne de se baigner de 6 heures du matin jusqu'à 4 heures du soir.  Article 3: les graviers de la rive droite, en aval de l'embouchure du ruisseau de Charros eceux de la rive gauche, en amont du pont suspendu, sont affectés au bain des hommes.  Article 4: les graviers en amont de l'embouchure du Charros, vis à vis le foirail et les allées du port, sont expressément réservés et affectés aux dames. Article 5: il est défendu de se baigner dans tous les autres lieux que ceux qui viennent d'être désignés et hors des limites qui sont déterminées par des poteaux indicatifs. Il ne pourra être dérogé à cet article que pour les joutes et autres exercices nautiques à l'occasion des fêtes publiques.  Article 6: avant 6 heures du matin et après 4 heures du soir, les hommes ne pourront sous aucun prétexte se baigner dans les limites de l'emplacement réservé aux femmes. Ils ne pourront, non plus, conduire les chevaux à l'abreuvoir, ni stationner sur les bateaux, soit sur la rive, soit sur le chemin de halage, dans l'étendue de ces mêmes limites. Aucun garçon au- dessus de sept ans ne pourra être admis, lors même qu'il serait accompagné d'un membre de sa famille. 

Article 8: défenses sont faites aux individus en état de nudité de parcourir la plage, d'établir des luttes ou autres amusements, et en général de faire, en cet état, aucun exercice qui puisse attenter à la décence et à la morale publique. Article 9: sont expressément défendus, pendant les bains, toute espèce de cris ou de vociférations. Article 10: le présent arrêté sera publié et affiché partout où besoin sera et les contrevenants aux dispositions qu'il renferme seront poursuivis et punis conformément auxlois.] Tempo 


Le 29 mai, à 6 heures 1⁄2: sortie de la procession, beau coup d'œil. La Rue Neuve s'est distinguée par son reposoir. Entrée de la procession dans l'église un peu tard et à plus forte raison, la sortie. 

Juin 1864
Le 23 juin : Feu de Saint Jean 

[ Coutume lors de cette fête: les participants tournaient autour du feu, en récitant des prières. Puis des éclats de rire se faisaient entendre: c'étaient les voix des jeunes filles, qu'on saisissait et "passer par le feu" - les jeunes gens prenaient dans les bras les jeunes filles et sautaient au-dessus du feu. Quand la flamme s'était abaissée, les petits garçons sautaient au dessus des braises L'Illustration 1858 ]

Juillet 1864
Le 10 juillet : temps couvert toute la journée. L'après midi: chaleur étouffante; à 2 heures 1⁄2, un orage très intense nous arrose d'une pluie torrentielle accompagnée de grêle pendant une heure. Les terres sont ravinées, l'eau ne respecte ni les champs, ni les maisons. En un instant, les ruisseaux des vallons ont été des rivières. À 5 heures, un deuxième orage, non moins terrible que le premier: absence de grêle, mais pluie torrentielle; cet orage a continué l'ouvrage du premier.

Août 1864 (Jean a 22 ans)
Le 6 août : ce soir à 10 heures 1⁄2, un aérolithe a traversé l'air du sud au nord. On a vu la lumière de différentes couleurs.
Le 14 : ouverture de la chasse.
Le 20 : distribution des prix du collège dans la salle du théâtre.
Le 27 : à 8 heures, départ de l'orphéon et de la philharmonique pour la gare, escortés par une foule. Le lendemain matin, avant d'arriver à Bayonne, on aperçoit à l'horizon comme des nuages noirs: ce sont les Pyrénées. À 9 heures, revue du régiment; musique militaire. À 10 heures 30, défilé : on fait presque le tour de la ville. Au cirque, nous nous exécutons avec un aplomb et un entrain que nous avons rarement. Chaque morceau est suivi d'un tonnerre d'applaudissements: nous avons le premier prix et une mention particulière par le directeur. Après le concours, dîner à l'hôtel d'Espagne pour trois francs; ensuite, promenade jusqu'au soir. Enfin, campement sous les tentes. La paille n'abonde pas; à 3 heures du matin, le froid se déclare.
Le 29 : à 8 heures, réunion sur la place du théâtre pour jouer: on ne joue pas ! À 9 heures, départ pour Biarritz. Le casino en pierre est très vaste; le château de l'empereur a plutôt l'air d'une serre que d'un palais. Établissement de bains magnifique et vaste. À 11 heures, nous prenons un bain: eau très froide, vagues très fortes sur le bord seulement, mais qui pelotonnent très bien une personne. .
Enfin, le 30 août, retour à Bayonne; arrivée à Bordeaux à 10 heures du soir. 


Septembre 1864

Le 1er septembre : départ à 6 heures de Bordeaux pour arriver à La Réole à 8 heures 30. L'orphéon de La Réole a eu le deuxième prix médaille d'or, ainsi que la philharmonique.

Octobre 1864

Le 1er octobre : comice agricole : exposition d'assez beaux fruits ; les plus remarquables étaient les citrouilles, des betteraves et des navets, des cornichons en forme de serpent. À l'église, messe en musique pour le cardinal, des discours aux Tilleuls: grande affluence de crinolines. L'après midi : promenade; à 8 heures : bal sous les Tilleuls, fini à minuit et demi.

Novembre 1864
Le 1er novembre : promenade aux Tilleuls. Les saltimbanques ont attiré les gens sur le port, grandes toilettes. Le lendemain: à 11 heures, allé à la foire (une des plus belles que j'aie vues). Après souper, départ avec lanterne céphalique pour le théâtre: on joue une assez jolie pantomime; puis café chantant ; le chanteur est sifflé.
Le 3 : démolition du manège de bois et des baraques du port, sauf le cirque landais qui ne vaut pas Bazola. 

[ Vers 1860, la création du "Cirque des Fêtes de Paris" dirigé par Eugène Bazola de Nontron deviendra en une dizaine d'années le "Grand Cirque Bazola", se déplaçant de ville en ville. C'était un établissement capable de concurrencer, grâce à la qualité de son programme, les plus grands noms de l'époque, tels les Pinder. À son spectacle, figuraient essentiellement les membres de la famille, auxquels venaient s'ajouter des artistes de renom. Les cinq enfants d'Eugène, tous écuyers accomplis, en animaient la partie équestre. Rodolphe, un des fils, écuyer de vitesse, était surtout renommé pour son saut à cheval à travers de cerceaux garnis de pipes et de poignards. ] Internet 

Le 11 novembre: en revenant de Saint Aignan, à 6 heures du soir, au niveau du Martouret, un aérolithe, parti de l'est se dirigeant vers l'ouest, est apparu sur une longueur correspondant à environ 15 à 20 degrés. Il a traversé la lune à peu près au milieu de sa course. Il avait la forme d'une prune très allongée traînant une queue après lui, comme une comète, mais très étroite dans toute sa longueur. Cette ligne de fumée a persisté longtemps après l'extinction du phénomène d'environ cinq minutes.
Le 17 : crue du Lot: 4 mètres. La Garonne à Agen : 1,85 mètre au-dessus de l'étiage. Ce matin, elle augmentait à La Réole de 0,06 à l'heure, et cet après-midi, de 0,03 seulement.
Le dimanche 20 : célébration de la Sainte Cécile (patronne des musiciens); à 9 heures, réunion pour aller chercher le drapeau en présence de M. le sous-préfet (M. Grabias). Puis avant et pendant la messe: exécution de morceaux de musique ("Si j'étais roi; Giselle...; marche de Tannhauser"). Le soir : bal ; couché à minuit et demi.

Décembre 1864
Le 4 décembre : fête des pompiers.
Le 9 : imprimerie ambulante sur la place à La Réole. 


1865 

Janvier 1865
Le 14 janvier : cette nuit, tempête effroyable durant toute la nuit; pluie assez intense; vent d'ouest à tout déraciner ; grandes vagues sur la Garonne. Orage persistant le 15, dans la nuit.
Le 17 : l'eau de la Garonne touche les trottoirs des quais.
Le 18 : 7,15m  au-dessus de l'étiage. 


Février 1865

 Le 3 : grands coups de vent et orage le soir. Les journaux disent que les Anglais ont perdu quatre-vingts bâtiments; ils ne croient pas aux prédictions de M. Matthieu de la Drôme (éditant un almanach très célèbre dans toute la France). Le 4 : le marché s'est tenu aux Tilleuls, l'eau arrivait au bas de ses escaliers. La Garonne est montée à 7 m 08 au-dessus de l'étiage.

Mars 1865

 Le 4 mars : ce soir, concert pour les pauvres ; M. Koubi, régisseur au théâtre de Bordeaux, Mlle Olivier, première chanteuse, assez gentille. Couché à minuit.
Le 25: la foire a été attristée par un spectacle dramatique, très émouvant: une jeune fille de dix neuf ans, de Meilhan, est tombée à l'eau au milieu de la Garonne; à ses cris, son père, bon nageur, s'est précipité, mais il n'a pas pu la sauver. Quoiqu'ils soient restés cinq minutes à la surface en se débattant contre l'élément liquide, ils sont morts noyés en même temps, entrelacés. Les secours sont arrivés trop tard, on ne les a pas rattrapés; et il reste une veuve et trois enfants (on a retrouvé le corps du père cinq jours plus tard à Floudès et celui de sa fille le 5 mai à Arbanats).

Avril 1865

Le 16 avril, dimanche de Pâques : promenade à la Recluse. 

[ "La Recluse": lieu-dit au sud-ouest du Mirail, promenade traditionnelle du lundi de Pâques, d'où l'on contemplait le beau panorama de la plaine de la Garonne. Des gâteaux étaient vendus à cette occasion: les courgnolles, que les hommes emportaient, embrochées par leur canne, portée à l'épaule.
La légende de "La Recluse" se rapporte à Clotilde, fille de Clovis, roi des Francs. Elle avait épousé, vers les années 525, un roi Wisigoth, Almaric qui la maltraitait. Elle décida de s'enfuir, voulant préserver sa foi chrétienne et se serait installée dans un petit ermitage (Saint Martin), au Mirail, à La Réole. Waïffre, son beau-frère, vint la chercher en lui demandant de rejoindre son époux; comme elle refusait, il la tua. La nuit suivante, des anges descendirent du ciel et enlevèrent le corps de la sainte, parmi une multitude de cierges enflammés, en chantant des cantiques et l'ensevelirent dans le vallon de Laubessa. Waïffre entendit raconter tout cela et s'enquit des lieux où ces visions s'étaient passées. On retrouva le corps au milieu d'une odeur agréable et avec l'apparence d'un corps vivant... Il fut saisi d'une grande douleur et ordonna d'y construire une chapelle dédiée à Saint Michel.

Mai 1865
Le 2 mai est passé un poète de Castillonnès faisant des vers en patois et en français : il nous a débité quelques fragments. Je l'ai adressé au casino et au café de l'Europe.
Le 25 mai : fête de l'Ascension. Belle procession; jeux équestres peu sérieux ; concours de musique : treize ou quatorze Sociétés : les meilleures furent celles de Saint Macaire et de Saint André de Cubzac. En fin de soirée, un enfant de la philharmonique de Castillonnès s'est perdu. Couché à une heure du matin.
Le matin du 26, autre concours de musique à dix heures ; à 4 heures : concours hippique, puis le soir : café-concert. Entendu la première cigale.  Juin 1865 Le 10 juin : ce soir, les charpentiers sont venus poser la crèche  (coulanges).

[ L'étable, dont les mangeoires sont hautes, abrite le grenier à foin, débordant largement au-dessus des crèches. Celles-ci sont construites en bois de chêne, châtaignier et pin. Jusqu'au XVIIIème siècle, elles sont simples, à bardage droit et les mangeoires reposent sur un socle bâti en pierre. Puis vers 1840, elles prennent une forme d'amande, typique de la région, apparues avec les longères (maisons longues et basses, comportant d'un côté l'habitation et de l'autre la partie agricole). ] Patrimoine des communes de Gironde 


Le 18 juin vu passer la procession en haut de rue Sainte Colombe : reposoir remarquable. 

Juillet 1865
Le 9 juillet : ce matin, incendie à une cheminée de l'hôpital. Vu passer un régiment venant de Libourne.

Août 1865
Le 20 août : allé à la fête de Montagoudin. La haute aristocratie de Montagoudin (Famille Verduzan?) a fait sortie.

Septembre 1865  Le 2 septembre : allé à Foncaude ; le soir à 9 heures : quarante cinq à cinquante personnes aidaient à développer le maïs de sa feuille (on faisait des paillassons tressés avec des feuilles de maïs, les picots grattant la boue sous les souliers). Le 18 : on a commencé à vendanger dans les environs et cette chaleur fait piquer les vins dans les cuves. On attend la pluie pour le 20, promise par M. Matthieu (du célèbre almanach). Le 28 : cette nuit, terrible incendie au quartier du puits de la lune à La Réole (en haut de la rue Sainte Colombe) : cinq ou six maisons ont été la proie des flammes. Un autre incendie a également eu lieu à Saint Hilaire. 

1866 

Février 1866
Le 12 février : ce soir, grand bal aux fifres. 

Mars 1866
Le 1er mars : allé à La Réole pour faire ferrer la jument. Le cirque Bazola est arrivé. 

Le 3 : tirage au sort à La Réole. 

[Le recrutement est effectué par le tirage au sort : les mauvais numéros sont engagés dans l'active. Pour échapper à ce système, il existe la pratique de l'exonération depuis 1855: les personnes ne voulant pas incorporer l'armée versaient à l'État une somme ou entraient dans la réserve en nommant un remplaçant. ] Internet 

(Tirage des conscrits. Ce jour-là, les conscrits passaient dans les rues, précédés de joueurs de fifres et de tambour, embrassant les filles qu'ils croisaient. Les femmes rentraient leur balai (habituellement posé dehors, à côté de leur porte), de peur qu'il soit ramassé et déplacé dans la ville).. ]


Le 24 mars : vu un beau magnolia pour 5 francs, planté le 31. 

[ Au XIXème siècle, seuls les propriétaires aisés pouvaient s'offrir des arbres exotiques, comme les magnolias ou les séquoias - pépinières Issartier à Monségur.

Avril 1866
Le 19 avril : presque tous les jambons se gâtent cette année, sans doute par l'absence de froid, lorsqu'on a tué les cochons. Le Dropt en est presque couvert; dans certains ruisseaux, ils obstruent les vannes, empêchant les moulins de tourner; le gras devient bleu.

Mai 1866
Le 10 mai : jour de l'Ascension. Allé à la procession comme à l'habitude ; beaucoup de monde à 3 heures. Régates, courses aux hommes, jeux équestres. À 8 heures : défilé des Sociétés musicales, éclairé dans toute la grande rue, par des feux de Bengale. Concours musical en lanternes vénitiennes (lampions en papier) : chaque Société n'a joué qu'un seul air. Illuminations magnifiques de lustres, en forme de grappes de raisin en opale ou en verre dépoli. Couché à 11 heures. Le lendemain à 11 heures : concours d'orphéon assez beau. À 4 heures: courses de chevaux, grandement disputées dans la première et deuxième catégorie. À 7 heures: distribution des prix et médailles. Ce soir, bal. 

[ La Garonne servait de terrain de sport. On y fit des régates lorsque arriva la mode, venue d'Angleterre. Des manifestations nautiques à la voile ou à la rame furent aussi organisées. L'Aviron Réolais est la plus ancienne association de la ville: c'est en 1864 que la Société des fêtes de La Réole prend le nom de Société des fêtes et régates réolaises et se dote de nouveaux statuts qui mentionnaient pour la première fois des régates à l'aviron sur la Garonne. Ils précisaient: "encourager et développer le goût des exercices nautiques et propager ainsi le progrès dans la construction des embarcations... , venir en aide à la classe malheureuse à laquelle sont spécialement réservés les bénéfices de la Société et assurer la durée et le succès des fêtes, qui sont organisées depuis longtemps à l'occasion de l'Ascension...". Cette date correspond au souvenir d'une inondation catastrophique, qui avait emporté quatre vingt dix personnes à La Réole au XVIème siècle. Dès lors, après la messe de l'Ascension, une bénédiction avait lieu sur le fleuve avec un bateau, qui emmenait le prêtre et les communiants de l'année. Des joutes nautiques se déroulaient à partir de 13 heures, ainsi que des courses de chevaux sur les quais de la Garonne. En 1878, l'association se sépare de la Société des fêtes et prend le nom de Société des régates réolaises, puis en 1897 devient la Société d'émulation nautique et sauveteurs réolais. Elle assure alors la formation de sauveteurs parmi les meilleurs nageurs et organise les secours en Garonne avec les autorités locales... Son nom actuel: Aviron et Sauveteurs Réolais date du milieu du XXème siècle. Le 21 mai: allé à la fête de Saint Aignan: beaucoup de monde et de poussière.


Juin 1866

Le 7 juin: il y a plus de huit jours que la cigale a commencé de chanter. Le dimanche 10: procession, où l'on a massacré tous les morceaux de musique.
Le 12: orage avec pluie assez intense. On dit que la vallée du Dropt a été ravagée.
Le dimanche 17: allé entendre un poète de Castelmoron (Lot et Garonne). 


Juillet 1866
Le 13 juin: ce soir, baignade pour la première fois à la Garonne. Le 14: depuis environ une semaine, grande abondance de champignons. On en porte à La Réole à pleines charrettes à ânes.  Août 1866 Le dimanche 5 août: allé à Pujols, puis Ruch: assez belle assemblée. Le 6: suite de la fête de Ruch ; cette nuit, pas très bien dormi : la musique et le bal étaient sous nos pieds. Visite de l'église : il ne reste plus qu'une pierre à poser et les ravalements à faire. Le 30 août : ce matin, fait nos adieux à La Réole. Partis par le train de 8 heures 1⁄2 pour Bordeaux. 


Octobre 1866 Le 31 octobre 1866 : retour à La Réole pour la Toussaint. Ce soir, café chantant. 


Novembre 1866 Le 1er novembre : chasse ; passé le matin par le Mirail voir le moulin à vent. Allé à la foire: beaucoup de monde. 

1867 

Mai 1867  Le 29 mai : parti de Bordeaux par le train d'une heure 20, arrivé à La Réole à 4 heures. Le 30 : jour de l'Ascension, vu le défilé des Sociétés de musique. Le mauvais temps a empêché les illuminations. Le concours a eu lieu dans le cloître. Le 31 : allé aux exercices équestres de la troupe Farina Artizelli: bons danseurs de corde, courses au galop d'amazones et d'hommes de la troupe. Reparti pour Bordeaux le dimanche soir. 

1868 

Janvier 1868
Le 4 janvier : la Garonne charrie d'énormes glaçons. Ce soir, environ deux ou trois centimètres de neige. Il fait environ - 8 ou - 9 degrés. Le 5 : toujours des glaçons dans la Garonne, qui sera entièrement prise le lendemain. 

Mai 1868
Le 21 mai, jour de l'Ascension : course aux vélocipèdes : quatre concurrents et deux ou trois amateurs. Nombreuses régates. Ce soir, assisté au festival donné par les Sociétés de musique de La Réole, au collège; musique et fanfare, plus l'Orphéon de Saint Macaire.
Le 22 : courses de chevaux. 

Décembre 1868 Le 25 décembre, le Dropt a débordé, la Garonne commençait à sortir ce matin; mais dès le soir, elle rentrait dans son lit. 

1869 

Janvier 1869
Le 2 janvier : foire de Monségur. Le clocher est monté jusqu'à moitié de la hauteur de la flèche; la halle ne comporte encore que ses huit portes monumentales en pierre et ses murs devant soutenir les grilles. 

Mai 1869
Le 6 mai, jour de l'Ascension ; vu la procession, puis les courses de chevaux: elles ont été intéressantes.
Le 7 : courses de taureaux ou vaches: pas fameux; j'ai escaladé les barrières. Ce soir, casino.
Le 8 : allé à Neuffons pour voir l'emplacement d'un futur pont sur le Dropt . 

Août 1869
Le dimanche 8 : obsèques du maire de La Réole, M. Beynard. 

1870 

Mai 1870
Le 26 mai, jour de l'Ascension : ce matin, vu la procession et l'après-midi, les régates et concours de concert des Sociétés de musique. Le lendemain : courses de chevaux au nouvel hippodrome. Au retour, grand encombrement sur le pont.
Le 29 mai : parti de La Réole par le bateau de une heure 1⁄2 pour arrivé à Bordeaux à 6 heures 3⁄4. 

Juillet 1870
Le 3 : allé à Pujols, commencé à ressentir vers 10 heures un malaise, une lourdeur de tête et des frissons, qui ont été en empirant jusqu'au soir.
Le 4: j'ai bien souffert du mal de tête et de reins ; j'étais comme moulu. À midi 1⁄2, je me suis couché et on m'a fait suer. Le lendemain, je continue à souffrir. Le médecin dit que j'ai attrapé la picotte (variole).
Le 6 : pris un vomitif et un calmant à l'éther, qui m'a bien soulagé. Le lendemain, je commence à prendre des bouillons.
Le 8 : je commence à manger et même un peu à me lever. 

[ Lorsque la France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, elle est en proie à une épidémie de variole sur tout le territoire qui n’épargne pas l’armée; les vaccins n’étaient pas de bonne qualité. C’est dans ce contexte sanitaire, pour le moins défavorable, que la guerre a été improvisée. La stratégie impériale voulait que les forces terrestres pénètrent en Allemagne entre la Confédération protestante du nord et les États catholiques du sud pour contrecarrer l’unification allemande. Simultanément, les forces navales basées en Méditerranée devaient remonter jusqu’à la mer du Nord et forcer les défenses maritimes 

allemandes de la Baltique. Si l’épidémie de variole n’est que l’une des causes de la débâcle française, elle n’en est pas la moindre. ] Internet 

Le 15 juillet : tout le monde se plaint de la sécheresse. Beaucoup de bétails se meurent de soif; les prairies sont complètement sèches, les arbres se meurent, les raisins se grillent. Ce soir, la guerre a été déclarée contre la Prusse. On parle d'assembler la Garde mobile. Le 21 juillet : promenade à La Réole, allé me baigner. Il n'y a presque plus d'eau dans la Garonne: on la traverse en face de la ville avec de l'eau jusqu'aux aisselles. Le 22 : feu dans les bois de Saint Hilaire. Depuis trois mois, il ne se passe pas de semaine sans un incendie dans les Landes. Le 27 juillet : la Garde mobile est prête à recevoir les feuilles de route. 


Août 1870 Le 1er août : pluie bienvenue pour tout le monde! Le 7 : on propose des enrôlements volontaires pour aller au secours de l'armée. Le 30, allé me faire inscrire à midi pour la Garde nationale sédentaire.


Septembre 1870 Le 2 septembre : on m'a prié de me chercher une autre place. Presque tous les travaux sont arrêtés par suite de la mauvaise position où se trouve le pays. Le 9 : à La Réole, il a fortement grêlé, mardi dernier: la moitié et plus de la récolte a été enlevée ; tous les fruits sont tombés, les arbres brisés par le vent.

Deux amis sont instructeurs de la mobile de La Réole. Décembre 1870 Le 6 décembre : parti pour Pujols ; foire à Sauveterre. Le 7 : revenu vers 5 heures à La Réole avec les célibataires de Sauveterre. Tous les cantons se sont réunis pour former un bataillon. Le 13 : arrivée de cinquante blessés à la gare. Le 14 : à 10 heures du matin sont arrivés 550 lanciers, les officiers avec femmes et enfants et bagages et 250 chevaux ; c'est un dépôt pour réformer le régiment avec les célibataires de l'arrondissement de La Réole : 1300 hommes en tout. Le 15 : un cheval des lanciers a eu une cuisse écrasée d'un coup de pied; on l'a abattu ; rapporté un morceau à la maison. Le 18 : allé faire l'exercice sur le port. On a crié "À bas le sergent major", à cause d'une convocation de gardes aux Portes, que le capitaine adjudant avait ordonnée sans raison. Le 21, il gèle toute la journée. Le 23 : ce soir, on a élu le sergent major (c'est moi), trois sergents et dix caporaux. Il est encore arrivé des lanciers avec des chevaux blessés. Le 25 décembre : nouvelle de la mort à Bazas d'un ami à cause de la picotte. Le 28 : tout l'après-midi, le commandant des mobilisés a passé en revue les six compagnies formant le bataillon réolais. Le 29 : ce matin, la Garde nationale a été accompagner les mobilisés à la gare. La musique et quelques gardes nationaux les ont suivis jusqu'à Bordeaux. À 2 heures, allé aux Quinconces, puis sur la place d'Aquitaine, où nous leur disons adieu. Ils vont camper à Bègles. Il a neigé toute la nuit. Le 30 : quinze centimètres de neige. Rentré à La Réole le lendemain.  ------------------------------------------------------------------------------------------------- 

Cette année est une année de malheur: la variole a fait des ravages dans Bordeaux. On peut presque dire qu'elle a décimé la ville; il y a eu beaucoup de cas de picotte pourpreuse, quelques cas de choléra. L'été a été d'une sécheresse comme on n'en a peu vu; chaleur tropicale, jamais de pluie; toutes les sources, puits, fontaines sont taris; on ne trouve plus d'eau que dans les rivières et encore en très petite quantité (mon beau frère a traversé la Garonne avec sa voiture en face de La Réole et sans se mouiller les pieds). Dans les Landes, les bœufs et les vaches meurent de soif dans leur étable. Il n'y a eu ni foin, ni regain, ni légumes, ni pommes de terre. Pendant ce temps, l'Empereur ne sachant que faire, fait voter le plébiscite et déclare la guerre à la Prusse (qui a fait tout ce qu'il fallait pour se la faire déclarer). De notre côté, nous faisons trois corps d'armée avec 200 à 300.000 hommes contre les prussiens qui sont 1.200.000 avec une artillerie comme jamais on a vu. Aussi le résultat est que notre armée recule ; nos ennemis envahissent l'Alsace, puis la Lorraine, puis l’Île de France, la Picardie, la Bourgogne, la Normandie, la Touraine. Toutes nos places fortes sont cernées et prises. Au désastre de Sedan, 150.000 hommes sont vendus par Napoléon III. Puis vint la trahison de Bazaine, qui rend Metz et son armée de 120.000 hommes sans avoir tiré un seul coup de canon. Enfin à Paris, Trochu et le gouvernement provisoire résistent, armés d'une façon formidable. De nouvelles armées se forment comme par enchantement; on fait venir des armées des pays étrangers ; on fond des canons. Paris, cerné, communique avec la province par des ballons et la province avec des pigeons.
À l'été brûlant et un automne très sec, succède un hiver humide, pluvieux et froid, comme si nous étions transportés en Sibérie. Il a neigé deux fois et la neige est restée huit à dix jours. Les gelées ont été des plus rudes. Triste temps pour faire la guerre et camper nos gardes mobiles, nos soldats et nos mobilisés, qui n'ont jamais été aguerris, qui ont été si mal vêtus avec des draps de si mauvaise qualité et des vêtements insuffisants. Et tout le mal que font nos envahisseurs dans les pays qu'ils traversent: ils pillent, ils brûlent et n'ont de plaisir qu'à détruire, à anéantir. Ils violent et tuent des gens inoffensifs pour le plaisir de tuer. Ils ont même poussé la barbarie jusqu'à brûler vifs des femmes, des vieillards et des enfants; ils ont crucifié des journalistes. 

1871 

Janvier 1871
Le 3 janvier : il passe beaucoup de glaçons sur la rivière. On ne désespère pas de la voir entièrement glacée.
Le 5 : la rivière est prise. La moitié de la population de La Réole l'a traversée sur la glace (hommes, vieillards, femmes et enfants ont voulu se payer ce plaisir, qui ne s'était pas offert depuis 1829 et 1830).
Le 6 : on a encore passé un peu sur la glace, mais il y aurait bientôt danger, aussi le maire a fait battre la caisse (tambour) pour interdire ce passage. Le lendemain, la neige achève de fondre.
Le dimanche 8 : la glace a rompu cette nuit à la rivière: tous les glaçons se choquent et montent les uns sur les autres de façon à former des petites montagnes.
Le 14 : foire du mois à La Réole.
Le 15 : ce soir, la Garde nationale a fait une sortie: il manquait les deux tiers.
Le 17 : est parti un escadron de lanciers (cent cinquante hommes) nouvellement équipés.
Le 21 : la Garonne a monté jusqu'au champ de foire.
Le 22 : pas de promenade pour la Garde nationale. 

Février 1871
Le 8 février : vote pour l'élection d'un chef lieu de chaque canton. Il y a peut-être moins d'absents que si l'on avait voté dans chaque commune. Ils sont arrivés, tambour et drapeaux en tête; les vieillards en véhicule.
Le 9 : la Garonne croît beaucoup.
Le 25 : les exercices de la Garde nationale sont suspendus jusqu'à nouvel ordre.
Le 27 : on dit la paix signée, à quelles conditions? 

Mars 1871
Le 11 mars: allé à la foire ; rencontré plusieurs amis célibataires nouvellement arrivés de leur courte campagne. 

Avril 1871
Le 7 avril : le dernier escadron de lanciers du Cinquième régiment est parti.
Le 21 : à Bordeaux, la guerre civile avait commencé à éclater ces jours derniers, mais cela a vite été arrêté. Cependant, la troupe a fait feu sur le public. On parle d'un mort et quelques blessés. Les balles ont criblé les magasins en face des casernes des fossés. 

Mai 1871
Le 18 mai, jour de l'Ascension: simple procession sur l'eau; pas de fête. 

[ Dès 1611, une procession était organisée à grands frais le jour de l'Ascension. Elle se déroulait sur l'eau dans des bateaux décorés où prenaient place les jurats et le clergé local. Depuis la berge des salves de mousqueterie, tirées par des arquebusiers, dirigés par un capitaine, et spécialement recrutés pour la circonstance, accompagnaient la procession. On pouvait distribuer jusqu'à deux quintaux de poudre aux arquebusiers (1664), au frais des habitants. En 1628: apparition de violons pour soutenir les cantiques. Cette onéreuse procession n'était pas la seule du genre. Il y avait celle de la fête Dieu et surtout celle dite du Vœu de ville, qui commémorait, tous les ans, la catastrophes du 2 juin 1591, où le Pinpin, brusquement gonflé, avait emporté plus de cinquante maisons, abattu le mur d'enceinte de la ville et fait plusieurs dizaine de victimes. En 1819, un arrêté municipal, en en rappelant l'origine, ordonnait à tous les magistrats et officiers municipaux d'y participer conjointement avec le clergé. ] Institutions municipales de La Réole par Malherbe 

Le 29 mai: allé voir la fête de Saint Aignan: peu de monde, pas de musique, absence de rafraîchissements.

Juin 1871 

Le 1er juin : vers 7 heures du soir: orage violent avec pluie torrentielle.
Le 4 : assemblade à Gironde et à Saint Hilaire de la Noaille. 

[Assemblée - Assemblade: dans certaines régions, fête locale, réunion des jours de foire ou de marché].  Dictionnaire Bordas 

Le 8 juin : la guerre civile est momentanément terminée.
Le 10 : foire excellente pour la vente du bétail.
Le 11 : première procession de la Fête-Dieu (Si on voulait avoir un modèle de modestie et d'humilité, il ne faudrait certes pas prendre notre curé).
Le 17 juin : ce soir, parti pour Saint André du Bois. Revenu en passant par Caudrot. Les derniers orages ont fait des ravages dans ces contrées: les terres sont entraînées, la grêle a tout haché. Le dimanche
18 juin : deuxième procession de la Fête-Dieu. 


Juillet 1871 

Le 5 juillet : allé faire signer la liste des fusils de la Garde nationale.
Le 16 : ce matin, partis pour Saint Ferme; arrivés à Monségur à 8 heures: joué sur la place trois morceaux et deux pas redoublés; on nous a porté de la bière et du bon vin blanc. Arrivés à Saint Ferme à 10 heures: joués à la messe. À une heure, mis à table (quatre cents couverts); fête très bien arrangée. À 5 heures, bal jusqu'au lendemain matin. Enfin partis à 11 heures, arrivés à une heure 1⁄2 du matin à La Réole.

Août 1871 

Le 7 août : convocation pour faire de la musique à la distribution des prix de collège (salle du théâtre). Le 10 : foire à Monségur : peu de monde.

Le 18 : allé à la sous-préfecture chercher un permis de chasse.

Le 20 : ouverture de la chasse ; allé chasse à Roquebrune : tué un perdreau, deux cailles et trois oisillons.

Le 22 : assemblée à Blasimon.


Septembre 1871 

Les 2-3-5 septembre : allé me baigner dans la Garonne (sans doute pour les dernières fois).
Le 25, allé à Blasimon et reparti à une heure avec le courrier de La Réole ; après trois kilomètres, ses chevaux n'ont pas pu aller plus loin : il a fallu faire le reste de la route à pied. Arrivé à 3 heures 1⁄2, très fatigué.
Le 27 : parti au Mirail, cet après-midi pour chercher la liste de la Garde nationale.

Octobre 1871 

Le 5 octobre : ce soir, allé donner une sérénade à M. Arago, nous remerciant de l'honneur. Le 6 : ce soir, répétition avec la philharmonique.
Le 8 : élection au Conseil Général et au Conseil d'arrondissement.
Le 9 : donné une sérénade à trois personnes.
Le 13 : parti à pied pour Blasimon et Pujols. Il a gelé ce matin. Arrivé le lendemain à La Réole par le courrier de Sauveterre.
Le 16 : allé porter les bulletins de convocation aux gardes nationaux de la Sixième compagnie.

Novembre 1871 

Le 2 novembre : très belle foire, immensément de monde.
Le 6: parti pour la chasse à 6 heures: pas trouvé de lièvre.
Le dimanche 26: messe (Sainte Cécile). Dîner à 2 heures. Bal à 9 heures assez bien; toilette remarquable d'une demoiselle. Quête pour les pauvres.
Le 27: projet de restauration de l'église de Montagoudin et construction d'un clocher.

Décembre 1871
Le 4 décembre: on dit que le Dropt est complètement gelé. Le lendemain, il passe des glaçons à la Garonne.
Le 6 : la Garonne est gelée dans les eaux tranquilles. L'hiver s'annonce très rude.
Le 11 : porté à la mairie la liste des fusils délivrés à la Garde nationale.
Le 12 : ce matin, allé remettre mon fusil de Garde nationale à la mairie. C'est aujourd'hui ou cette semaine, que se fait le désarmement définitif de celle-ci. 


1872 

Février 1872
Le 4 février : ce soir, un phénomène s'est produit vers 6 heures 1⁄2 : le ciel était rouge à notre zénith, comme si un incendie eut atteint la maison; cela s'étendait du couchant au levant; au nord- est, la teinte était jaune clair, comme au lever de la lune.
Le dimanche 11 : messe; les orgues, le nouveau buffet, la nouvelle installation ont été étrennés. Ce soir : vêpres; un chanteur s'est exécuté à la tribune. 

Mars 1872 

Le 6 mars : on a chargé le pont suspendu de La Réole avec de la grave pour l'éprouver; je crois qu'il le sera grâce au vent. C'est la deuxième fois qu'on l'éprouve dans les mêmes conditions. Le 7 : on a déchargé le pont après 24 heures d'épreuve. 


[ Le Pont suspendu   Le premier pont du Rouergue a été ouvert au public le 21 mars 1835. Il avait des piles en maçonnerie et la chaussée était en madriers de bois. Jusqu'en 1872, un péage était perçu: une personne payait 5 centimes (un enfant en âge de marcher seul aussi), un cheval ou un mulet avec cavalier: 25 centimes, un âne chargé: 15 centimes, une paire d'oies ou de dindons: deux centimes, une voiture de ville à quatre roues tirée par un cheval, conducteur compris: 70 centimes.  Ce pont servit pendant un siècle et fut remplacé par le pont actuel en 1934. Ce pont est un passage essentiel, d'autant plus que La Réole est la seule commune de Gironde avec Bordeaux à posséder un quartier sur l'autre rive du fleuve: le Rouergue. (Tempo - juillet 2002)

Le 9 mars : grands vents de l'est ayant occasionné la fonte des neiges, la Garonne a augmenté depuis hier soir d'environ 2 mètres 33. Elle continue à croître, mais avec moins de rapidité.
Le 10 : la crue n'a augmenté que de dix centimètres aujourd'hui.
Le 19 : projet d'église de Montagoudin.
Le 21 : le pont suspendu de La Réole est livré gratuitement à la circulation depuis cette nuit, à minuit.

Avril 1872
Le 15 avril : allé à la mairie voir l'instruction pour le recensement des habitants de La Réole. Il faut commencer demain et finir le 21.

Mai 1872
Le 9 mai, jeudi de l'Ascension : ce matin, pas de procession, mais simple promenade nautique avec le gros bateau tout pavoisé. L'après-midi : promenade aux Tilleuls. Jamais La Réole n'avait eu une fête aussi simple, pas même de musique!
Le 10 mai : cet après midi, allé au tribunal de La Réole voir le jugement du curé de Cazaugitat pour avoir accusé injustement une femme d'avoir commis un crime d'infanticide. Il s'était assuré, disent les témoins, de la grossesse de cette femme en lui mettant le doigt sur le ventre et en disant: "Ça y est". Il a voulu aussi faire faire un faux témoignage par un vieillard pour se sortir du mauvais pas dans lequel il s'était engagé. Le jugement ne sera rendu que vendredi prochain. Beaucoup de monde; on étouffe, on sue.
Le 17 : le tribunal s'est déclaré incompétent pour cette affaire; les deux parties sont à moitié dépens. Grand étonnement dans l'auditoire, on aurait même sifflé (dit-on) les juges.
Le 26 : assemblée à Saint Hilaire.
Le 27 : la Garonne a cru depuis samedi; elle monte jusqu'à la croix sur le port. Barie et Casseuil ont été submergés: les foins sont en partie perdus.

Juin 1872
Le 17 juin : ce soir, allé voir partir le pèlerinage pour Lourdes; beaucoup de curieux, environ cent cinquante partants.
Le 30 : projet d'un café dans la maison du Turon (Gallaud, le propriétaire, a des difficultés pour obtenir le permis de cafetier). 

Juillet 1872
Le 20 juillet : ce soir, allé prendre un bain chaud.
Le 21 : aidé un gamin, qui se noyait dans la Garonne.

Août 1872
Le 7 août : distribution des prix au collège.
Le 20 : ce matin, on a commencé à démolir chez Gallaud (maison du Turon).
Le 24 : début des fouilles pour la maison du Turon.
Le 27 : pose de la première pierre. 

Septembre 1872
Le 1er septembre : assemblée à Saint Vivien ; reparti le lendemain en passant par Lorette, où il y a un pèlerinage de La Réole. 

[ L'église Notre-Dame de Lorette a été bâtie sur l'emplacement d'une chapelle que fit construire Aliénor d'Aquitaine en commémoration d'une apparition de la Vierge survenue en 1150

 Le 21 septembre: la maison du Turon est montée jusqu'à la naissance des cintres, côté de la route départementale. Le 26 : distribution des prix à l'école communale. 

Octobre 1872 Le 3 octobre : parti à Bordeaux à 7 heures 40 avec Gallaud. Vu une glacière à la Bastide. Quatre morts à La Réole à cause de la typhoïde.
Le 20 : élection d'un membre à l'Assemblée Nationale (Armand Caduc a été élu contre Forcade de la Roquette). Tous les affluents de la Garonne ont débordé: l'eau arrive à moitié quai. Le lendemain, l'eau touche les maisons des quais.
Le 22 : pose de la première pierre du balcon de la maison du Turon.
Le 30 : pose de la pierre d'angle du balcon. 

Novembre 1872 Le 14 novembre : quatre charretiers de Frontenac, qui avaient promis de porter de la pierre pour la maison Gallaud, ne veulent pas venir. Parti à une heure 1⁄2 pour Rauzan chercher des charretiers : pas pu en trouver un seul de disponible. Parti à 7 heures 1⁄4 de Rauzan, arrivé à 11 heures du soir à La Réole.
Le 27 : pluie d' aérolithes ou d'étoiles filantes, qui a duré toute la nuit. On en a compté environ deux cents par minute.

Décembre 1872
Le 2 décembre : toutes les rivières de France débordent ou sont arrivées à un niveau très élevé.
Le 17 : la Seine et la Loire ont débordé. La crue a atteint le niveau le plus élevé de ce siècle.
Le 23 : il ne reste plus que 0,66 mètre à monter à la maison Gallaud pour recevoir la charpente. 

1873 

Janvier 1873
Le 21 janvier : tempête effroyable, qui a continué toute la journée; pluie torrentielle, grêle abondante, tonnerre: tous les ruisseaux ont débordés.
Le 22 : la Garonne a débordé à Floudès, Gironde et Barie.
Le 23 : elle arrive au niveau du trottoir de Massies (quincaillier sur les quais).
Le 24 : l'eau déborde de partout. Les bourrasques de ces jours derniers ont fait casser trois tringles de suspension au pont suspendu (dans le milieu).
Le 25 : à plusieurs endroits, les talus des routes se sont éboulés. Le marché s'est tenu aux Tilleuls.
Le 26 : la Garonne a rompu les digues de la plaine de Bourdelles. Elle atteint le dessus de la route nationale dans ses parties les plus basses. Un bateau Hirondelle de Bordeaux est arrivé en cas de sauvetage à faire: il est allé à Bourdelles faire une visite avec les autorités de la ville.
Le 27 : la Garonne est allée toucher la base des piles (rive droite) du pont sur le chemin de halage. Aujourd'hui, elle décroît, mais lentement.
Le 29 : elle est à peu près rentrée dans son lit; elle a raviné la plus grande partie des quais.

Février 1873                                                                                                                               Le 12 février : neige abondante et gel.

Mars 1873
Le 1er mars : la Garonne est montée jusqu'aux quais. Les maçons de la maison de Gallaud ont enlevé leur échafaudage. La crue continue: elle va jusqu'à la croix des quais.
Le 8 : poursuite de la construction de la maison du Turon: escalier extérieur provisoire, menuiserie des fenêtres, cage d'escalier, cave, première marche du rez-de-chaussée.
Le 14 : installation du café au premier étage.
Le 20 mars : l'eau de la Garonne commence à envahir Barie et les environs.
Le 27 : la souscription en becs de gaz a dépassé le chiffre demandé par la compagnie pour l'établissement d'une usine. 

Avril 1873                                                                                                                                  Les 12 et 13 avril : café chantant chez Gallaud, le soir (foule immense jusqu'à minuit - 240 personnes); plusieurs querelles.
Le 18 : reçu une partie des ornements de la salle du café, ainsi que deux sièges en fonte pour lieux d'aisance.
Le 25 : la vigne a gelé pendant trois jours.
Le 29 : pose des portes de la salle du premier étage de la maison du Turon. Ce soir: opérette.
 

Mai 1873

Le 25 mai: théâtre (Lucrèce Borgia)

Juin 1873
Le 1er juin : assemblée à Gironde.
Le 29 : il a grêlé depuis Caudrot en suivant la vallée de Dropt : les Esseintes, Saint Sève, Roquebrune, Saint Hilaire et Saint Gemme ont eu bien à souffrir. La grêle y a fait de grands ravages. 

Juillet 1873 Le 6 juillet : assemblée à Coutures; rentré ce soir à 8 heures 1⁄2.
Le 7 : il a grêlé; grêlons gros comme des noix.
Le 12 : la foudre a tué deux cochons dans leur parc d'une métairie à Saint Sève.
Le 13 : assemblée à Labarthe. Ce soir: théâtre.
Le 28 : un violent orage a grondé. La foudre est tombée sur un peuplier de l'allée et de là sur un fil télégraphique, qu'elle a suivi jusqu'à La Réole: elle a broyé six ou sept poteaux.

Août 1873 Le 15 août : allé à Pian, après Saint Macaire; belle assemblée, beaucoup de monde; belles illuminations, le soir. Revenu à La Réole par le train de 9 heures 1⁄2 , qu'il a fallu prendre à Langon.
Le 17 août : ouverture de la chasse.
Le 20 : distribution des prix à la Réunion (école privée).

Octobre 1873 Le 10 octobre : à 10 heures, le général inspecteur de la gendarmerie a passé en revue les brigades des deux arrondissements de La Réole et Bazas: soixante gendarmes.
Le 17 : on a posé la pompe devant chez Gallaud.
Le 21 : ce matin, sont passées deux compagnies de soldats de la ligne allant de Marmande à Sauveterre.
Le 25 : on a reçu une lettre de M. Caduc annonçant que le Parti Républicain (à la Chambre) compte trois cent soixante dix partisans s'opposant à l'avènement de H.V (Henri V, Comte de Chambord, petit fils en faveur duquel le roi Charles X a abdiqué en 1830).
Le 29 : grande cérémonie religieuse, bénédiction des cloches de La Réole. Le bourdon pèse 1736 kg, diamètre 1m35. Le lendemain, on a monté et installé les cloches.
Le 31 : ce soir, théâtre chez Gallaud. 

Novembre 1873
Le 1er novembre : ce soir, café concert.
Le 3 : belle foire, beaucoup de monde.
Le 13 : hier matin, la voûte de l'église de Meilhan s'est effondrée sur l'entrepreneur et ses fils au moment où ils enlevaient leur échafaudage: le père a été broyé et les fils gravement contusionnés.
Le 25 : cette nuit, à 4 heures 1⁄2 , un violent tremblement de terre s'est fait ressentir (intensité 7 ; épicentre : Bagnères de Bigorre). Nous avons tous été secoués dans nos lits; la maison, les portes et les fenêtres ont été vivement agitées durant environ quatre à cinq secondes. 

Décembre 1873
Le 1er décembre : on a démoli la pompe du Turon !
Le 8 : cet après midi, allé à Fontet un pèlerinage d'environ quatre mille personnes pour voir une folle, qui, de plus boit trop, aussi a-t-elle des visions (bachiques), mais le clergé crie miracle ; il le veut et cela réussira, malgré la moitié de la population de La Réole, qui est allée pour rire d'une pareille naïveté.
Le 24 : on est allé voir la Berguille de Fontet: la Sainte Vierge n'a pas voulu lui parler !!!
Le 26 : cet après midi, allé à Fontet; vu la Berguille l'extra-voyante (lire extravagante); il y avait environ quatre cents personnes qui étaient allées pour rire, sauf environ une vingtaine qui prennent au sérieux .

1874 

Janvier 1874
Le 11 janvier : cet après-midi, allé voir la Berguille de Fontet, qui nous a fait désopiler la rate.

Février 1874
Le 1er février : aujourd'hui, il arrive une foule de naïfs pour aller voir demain la Berguille.
Le 11 : M. Gallaud a pu prendre vingt quatre quintaux de glace à la Garonne.
Le 20 : on a commencé à démolir le clocher de l'église de Montagoudin. 

Mars 1874
Le 8 mars : ce soir, allé au concert: peu amusant; une belle fille, assez bonne voix.
Le 11 : cette nuit, il est tombé 0,5 cm de neige.
Le 14 : parti en bateau à vapeur à une heure 1⁄2 arrivé à 6 heures 1⁄2 à Bordeaux. 

[ En basses eaux, la durée pouvait doubler à cause des gravières. En 1843, plusieurs bateaux assurent un service journalier, avec une moyenne de 200 passagers, à Langon. En 1851, une nouvelle génération de bateaux, plus rapides (avec restaurant, bibliothèque...) apparaît avec des tarifs trois fois moins chers. Le déclin du trafic va débuter avec l'arrivée du chemin de fer en 1855.


Le 25 : cet après-midi, allé voir la Berguille. Un monsieur l'a passablement blaguée.
Le 29 : aujourd'hui, élection d'un député: trois candidats: Roudier, républicain, Larrieu (vice- amiral), légitimiste et le général Bertrand, bonapartiste. M. Roudier a eu la majorité. 


Avril 1874
Le 12 : ce soir, allé voir jouer les "Filles de Marbres" et "Edgard et sa bonne".
Le 16 : la Garonne a crû avec une grande rapidité (jusqu'à la croix).
Le 18 : ce soir, allé chez Gallaud pour voir jouer au billard par un professeur (jeune homme de 27 ans environ).
Le 20 : aujourd'hui à 11 heures, on est venu chercher les pompiers de La Réole en disant que la moitié du bourg de Gironde brûlait. Il n'y a eu qu'une maison de brûlée.

Mai 1874                                                                                                                                    Le 20 : allé à Montagoudin, le curé démolit le vieux clocher.
Le 23 : cet après-midi, entendu chez Gallaud trois instrumentistes excellents: une clarinette, un violoniste et un harpiste.

Juin 1874

Le 4 juin, ce soir: cirque Robba. Un excellent gymnasiarque faisant des équilibres de chaises et d'échelles sur son trapèze. 

Le 9 : violents coups de tonnerre, pluie intense, mais de peu de durée. La foudre est tombée sur deux poteaux télégraphiques. 

Le 14 : à 3 heures, course d'amazones, donnée par le cirque Robba: carrousel, course d'écuyers dans l'ancien hippodrome; un écuyer est tombé. Courses à ânes. Départ du ballon la Salamandre, gonflé au feu. Il a atterri à Puybarban. 

Le 15 : ce matin, il a gelé dans les vallons. Les blés ont beaucoup jauni pendant ces trois ou quatre derniers jours. 

Le dimanche 28 : à 4 heures 1⁄2 du soir, on a béni la première pierre du socle au clocher de 

Montagoudin. 

Juillet 1874                                                                                                                                Le 2 juillet : un maçon travaillant à Montagoudin est resté trois heures sans donner signe de vie : forte insolation.
Le 7 : depuis quelques jours, les plantes se rôtissent, les arbres se meurent, les sources tarissent. 

Août 1874
Le 8 août : toute la nuit, il a fait orage; pluie abondante. Ce matin vers 5 heures, la foudre a incendié une meule de paille à Floudès. On a sonné le tocsin sur le bourdon.
Le 13 : vu le cirque anglo-américain; de beaux chars, de belles femmes et de bons musiciens.
Le 30 : comice agricole à La Réole; les labours (pour le concours) se sont faits au pigeonnier de Saint Aignan. Exposition de fruits, légumes, abeilles pourpres et machines agricoles aux Tilleuls. Le cardinal, le préfet et les membres de la Société d'agriculture de la Gironde présidaient à la distribution des récompenses, qui a eu lieu à midi aux Tilleuls. Ce soir: mât de cocagne sur la place du Turon décorée d' illuminations.
Le 31 : courses de chevaux à Monségur. 

Septembre 1874
Le 19 septembre : ce soir, allé chez Gallaud; entendu un accordéoniste (assez bon).
Le 30 : cet après-midi, allé à Montagoudin ; il a fallu démolir un mètre carré de flèche (défaut de taille). 

Octobre 1874
Le 1er : vent d'ouest très violent. Les maçons n'ont pu rester sur l'échafaudage de l'église de Montagoudin, le vent enlevait les truelles et renversaient les pierres posées debout. Le 4 : élection d'un conseiller général.
Le 15 : cet après-midi, allé à Montagoudin, toutes les pierres des clochetons et des fenêtres de la flèche sont posées.
Le 21 : M. Deynaut ayant donné sa démission de maire à La Réole, M. Duprada, docteur médecin, déjà adjoint, est nommé maire.
Le 22 : la Garonne a énormément crû. L'eau vient aux pieds des maisons du quai. 

Novembre 1874
Le 7 : allé à Montagoudin à 9 heures 1⁄2, on a posé la croix sur la flèche. Ce soir, à 3 heures, les ouvriers sont venus me porter le bouquet. 

[ Le bouquet final, tradition dans le bâtiment, consiste à marquer l'achèvement du gros œuvre d'une construction par la pose d'un bouquet enrubanné, au faîte du toit, lors d'une cérémonie rituelle.] 

Le 8 novembre : ce soir, grande soirée de prestidigitation par un sujet grec en costume national; il est fort !
Le 12 : le froid a fait quitter le chantier de Montagoudin aux ouvriers.
Le 14 : cet après-midi, allé au café, tiré à une loterie et gagné un lièvre.
Le dimanche 15 : allé composer la liste du Conseil municipal.
Le 22 : la liste républicaine des élections municipales est passée. Fêté Sainte Cécile. Dîner dans la salle du théâtre, grand bal.
Le 27 : on a passé, à La Réole, le conseil de révision pour l'armée territoriale (jusqu'à 40 ans) ; demain, on doit continuer.
Le 28 : première foire des quatrièmes samedis du mois, assez de monde, le bétail s'est bien vendu. Le 30 : vingt quatre bouviers sont allés porter le vin à Gironde. 

Décembre 1874 Le 8 : affluence de monde à la Berguille de Fontet.
Le 17 : la nuit dernière, il a gelé et neigé. Ce soir, la neige a recommencé à tomber.
Le 26 : foire de quinzaine, beaucoup de monde, mais la crue de la Garonne a réduit la place du marché.
Le 27 : l'eau de la Garonne est entrée peu à peu dans toutes les maisons du quai. Le 29 : bénédiction du clocher de l'église de Montagoudin par Mgr de la Bouillerie. 

1875 

Janvier 1875
Le 9 janvier : M. Piot, professeur belge de billard, est arrivé chez Gallaud. Venu voir jouer ce professeur qui a fait quelques tours d'adresse et de talent.
Le 12 : allé à Montagoudin : l'échafaudage est démoli et le 14 : montage de la tourelle par les couvreurs.
Le 26 : cet après midi, la cloche est montée, on la sonne sans fatigue. 

Février 1875
Le 1er février : le charpentier fait les planchers à l'église de Montagoudin.
Le 6 : le vitrail est posé et fait belle effet. Les planchers seront finis ce soir; reste à faire l'escalier. 

Mars 1875
Le 11 mars : allé à la gare ; trouvé Vincent Rocque, serrurier à Blasimon. Il doit comparaître devant le tribunal (police correctionnelle) pour outrage au maire de sa commune.
Le 12 : malgré une bonne défense de son avocat, il a été condamné à quinze jours de prison (il se constituera prisonnier le soir du 21, jour des Rameaux); son ouvrier a été acquitté. 

Mai 1875 3 mai 1875 : allé à la commission chargée par le Conseil municipal de trouver des emplacements pour lieux publics. Je suis chargé d'étudier un petit projet.

Le 4 mai : le garçon-glacier de Gallaud prépare des glaces. On pose le châssis pour la tente du café.


Juin 1875

Le 18 juin : cet après-midi, examiné au microscope un insecte de phylloxera.
Le 23 : la Garonne croît assez rapidement.
Le 24 : ce matin, on a appris qu'à Toulouse, la Garonne a emporté deux ponts suspendus, démolis des casernes et une partie du faubourg Saint Cyprien. En un mot: de grands ravages sur son parcours; beaucoup de monde noyé ainsi que du bétail.
Le 25 : l'eau arrive à la Garonne avec une rapidité effrayante; dans la matinée, elle croît de 6 cm à l'heure; vers une heure de l'après midi elle fait 0,11; à 4 heures 1⁄2 , elle fait 0,40. Les digues rompent au Rouergue, à Bourdelles, à Jusix; l'eau se répand dans la plaine comme une immense vague de deux mètres de haut, emportant charrettes, bœufs, chevaux, hommes, femmes et enfants surpris au milieu des champs; plusieurs maisons effondrées. Le courant entraîne des meules de paille, de foin, de gerbes, des charrettes, cuves, barriques pleines, planches, toitures de maisons; désastre effroyable ! En deux heures: crue de 1m 20.
Le 26 : toute la nuit, on a entendu les gens de la plaine, réfugiés sur les toits des maisons, crier au secours et personne ne pouvait y aller. Que de monde et d'animaux, il a dû se noyer ! Dans la plaine de Floudès, un homme s'est réfugié dans un arbre et y a passé la nuit. À La Réole, la crue a dépassé d'un mètre celle de 1855. Les ravages sont plus grands à cause de la rapidité de la crue. Elle a commencé à diminuer ce matin à 5 heures. Ce soir, elle a baissé de 0,70.
Le dimanche 27 : l'eau diminue mais lentement. 

[ Les digues (Tempo juillet 2004

Il fallut près de 40 années de débats pour qu'enfin, un arrêté préfectoral de 1879 autorise la construction des digues sur les rives de la Garonne. Qui devait payer? Qui devait les entretenir ? Leur construction dura jusqu'au début du XXème siècle et il fut décidé que les propriétaires riverains devaient les entretenir, ce n'est plus le cas aujourd'hui (au vingtième siècle. Cependant, de violentes inondations eurent raison de ces remparts de terre en 1927, 1930, 1952 et le 19 décembre 1981 où, bien que cimentée, la digue céda à Tartifume. La Garonne s'engouffra alors dans la brèche inondant subitement le Rouergue, pris à revers! ]  


Le 29 juin : allé, cet après-midi, au Rouergue examiner les dégâts de l'inondation pour rémunérer chacun proportionnellement aux dégâts qu'il a subis.
Le 30 : le Conseil municipal doit se rendre à la sous-préfecture assister à la réception du Maréchal Mac-Mahon, président de la république (homme bien conservé pour ses 68 ans; barbe et cheveux blancs, bonne figure, mouvements assez vifs).

Juillet 1875 

Le 1er juillet : la Garonne est enfin rentrée dans son lit.
Le 17 : avec le mauvais temps, il se perdra beaucoup de blé: dans la plaine de la Garonne, il est tout germé, ayant été couché par l'inondation et couvert de vase et aussi par manque de beau temps pour le sécher.
Le 18 : l'inondation a laissé des odeurs infectes dans les granges. Il y a eu, ces jours derniers, plusieurs cas de charbon sévissant sur les bestiaux. Aussi, on blanchit à la chaux et on parfume les bâtiments pour en écarter les miasmes putrides.

Août 1875
Le 4 août : le sculpteur finira demain son travail sur l'église de Montagoudin.
Le 7 : le sculpteur a fini chez Gallaud; les maçons doivent finir mardi prochain.
Le 10 : ce soir, le Conseil municipal a voté 500 francs pour achever les travaux commencés du quai.
Le 17 : ce soir, répétition pour aller dimanche à Monségur aux courses.
Le 21 : des chevaux d'officiers sont arrivés pour faire demain la course.
Le 22 : parti à une heure 1⁄2 avec la Philharmonique de La Réole pour Monségur. Belles courses au galop avec obstacles; courses militaires au galop; plusieurs officiers ont très bien couru. 


Septembre 1875

 Le 13 septembre : la Garonne augmente. On dit que la ligne de chemin de fer est coupée vers Béziers par une inondation.
Le 15 : l'eau est à la croix sur le quai.
Le 19 : ce matin, un tuilier de Saint Sève a été emmené au parquet pour avoir insulté un brigadier de gendarmerie.
Le 25 : le Conseil municipal, voté 200 francs pour un secours aux familles des réservistes indigents. 

Octobre 1875                                                                                                                             Le 6 octobre : un officier et un capitaine du Cent-vingt-troisième venant de La Rochelle sont arrivés pour préparer le logement de l'état major. Ils sont ici pour deux jours, allant à Bazas à la rencontre de l'autre armée dans les Landes.
Le 7 : temps chaud. Ce matin, le Cent-vingt-troisième de ligne est arrivé à La Réole se dirigeant vers la lande par Fontet où il doit se rencontrer après-demain matin pour faire la petite guerre avec le Cinquante-troisième.
Le 9 : orage, pluie intense. À 7 heures: les ponts du canal sont défendus par le Cinquante-troisième et attaqués par le Cent-vingt-troisième: forte fusillade sur toute la ligne de Tartifume à Puybarban. Le Cent-vingt-troisième a eu une colonne coupée sur le pont de la route départementale; une partie de la colonne a été faite prisonnière. Le Cinquante-troisième a eu deux compagnies prises au pont de Puybarban. Une partie s'est dirigée sur Aillas, une autre sur Auros.

Novembre 1875                                                                                                                         Le 2 novembre : la Garonne couvre presque tout le quai; la foire et le marché sont tenus dans toutes les parties de la ville.
Le 4 : l'eau affleure les maisons du quai; elle couvre toute la plaine jusqu'au canal. Le 6 : persistance du mauvais temps. Il y a très peu de terres ensemencées et on ne voit guère le moyen de continuer. La terre est tant détrempée, qu'elle n'absorbe plus d'eau.
Le 8 : recrudescence de la crue.
Le 11 : la violence du vent a déraciné plusieurs peupliers sur le bord des routes.
Le 12 : retour de la Garonne dans son lit.
Le 15 : la Garonne a fait de nouveaux ravages au Rouergue: une construction toute neuve s'est lézardée. Un peu plus haut (route de l'ancien hippodrome), la digue a crevé et l'eau a creusé une immense fosse de 50 mètres de long sur 30 à 35 de large; l'eau, qui est dans cette fosse, empêche d'en voir la profondeur.
Le 28 : fête de Sainte Cécile; le bal a très bien réussi. Ce soir, il a commencé à neiger et fortement geler. 

Décembre 1875
Le 7 décembre : des glaçons passent à la Garonne.
Le 11 : il ne dégèle pas; la glace atteint 0,10 mètre d'épaisseur. 

1876 

Janvier 1876
Le 9 janvier : une maison de la rue Saint Martin a entièrement brûlé et les voisines sont légèrement atteintes.
Le 10 : il passe de forts glaçons à la Garonne. Les neiges empêchent les trains de circuler dans le voisinage des montagnes.
Le 12 et le 13 : la neige tombe, vent froid. Il gèle.
Le 18 : les glaçons ne passent plus à La Réole depuis hier, car la Garonne est prise à Meilhan.
Le 26 : depuis quelques jours, il meurt beaucoup de monde. Le temps est très malsain; le dégel est mauvais du point de vue hygiénique.
Le 30 : les délégués votent à la préfecture pour la nomination des sénateurs: 94 républicains, 16 constitutionnels, 81 monarchiques et 31 bonapartistes.

 

Février 1876

Le 4 février : tirage au sort des conscrits à La Réole. 

Avril 1876
Le 19 avril : cette nuit, orage violent venant de l'ouest; la foudre est tombée sur l'horloge de l'ancien Hôtel de Ville à La Réole. Les vitres des fenêtres ont été brisées par la violence de la détonation jusqu'à 100 mètres de distance. Le fluide a lézardé la façade dans toute sa hauteur (25 mètres environ et 30 centimètres d'épaisseur).
Le 23 : l'eau de la Garonne s'étend dans la plaine de Floudès et de Bourdelles : c'est le cinquième débordement depuis le mois de juin dernier. 

Mai 1876 Le 22 mai : allé à la réception du nouveau préfet M. Decrais

[ Avocat, diplomate et homme politique libéral. En 1902, il ordonne de ne pas évacuer Saint Pierre en Martinique pour que les élections se fassent. Il est donc responsable des 32000 morts dus à l'éruption de la Montagne Pelée.

Le 25 mai, jour de l'Ascension: la procession sur l'eau a eu lieu cet après-midi; beaucoup de monde aux Tilleuls : petites courses nautiques.

Juin 1876
Le 3 juin : ce soir, le Conseil municipal a procédé à l'installation du maire et des adjoints nommés par décret présidentiel.
Le 9 : ce soir, répétition de musique sous les Tilleuls.
Le 14 : allé rendre visite au sous-préfet (Jules Barreme) avec le Conseil municipal.
Le 22 : allé voir M. Barreme, sous-préfet. Il m'a proposé d'être secrétaire de la commission de recrutement des chevaux, en cas de guerre pour l'armée territoriale. 

[ M. Barreme, marié avec une jeune fille de Pellegrue était un fervent républicain, plein d'esprit d'initiative; son avancement fut rapide; préfet de l'Eure en 1886, il fut assassiné dans le train de nuit de la ligne Paris-Evreux. On n'a jamais découvert son assassin, ni le mobile du crime].

Juillet 1876 Le 5 juillet : incendie au bourg neuf de La Réole.
Le 27: M. le préfet est venu présider le Conseil municipal pour les questions de la route n°15, le collège et le quai.

Août 1876 Le 12 août : installation de l'estrade, les barrières, les mâts, etc... pour le concert de demain soir au profit des inondés d'Alsace et de Suisse.

Septembre 1876 Le 17 septembre : assisté à la mairie à l'adjudication des fournitures de pétrole pour l'éclairage de la ville.
Le 21 : distribution des prix aux élèves de l'école communale. M. le sous-préfet a fait un discours dans le sens républicain, qui a été bien applaudi.

Octobre 1876

 Le 15 octobre : ce soir, allé avec la Philharmonique donner une sérénade à M. le préfet et aux membres du Conseil Général venant d'un comice agricole d'Auros. Ces messieurs ont été charmés, aussi ont-ils manifesté leur reconnaissance en offrant à la Société cent francs et une médaille commémorative. Une dame nous a offert des rafraîchissements. 
Le 22 : des peintres sont arrivés chez Gallaud pour décorer la salle. M. Issartier de Monségur a fait une conférence sur le phylloxéra.
Le 28 : foire. Gallaud a transféré son café au premier étage. Les peintres et doreurs sont à la salle du rez-de-chaussée. 


Novembre 1876 Le 12 novembre : allé voir les travaux du quai; ils sont maintenant conduits avec vigueur. Le 22: la Garonne croît très rapidement. Ce soir, elle affleure le quai du marché au blé. 


1877 

Février 1877 Le 27 février : ce soir, a commencé, à 6 heures, l'éclipse totale de lune ; à 7 heures 1⁄2 : milieu de l'éclipse, la lune apparaissait comme un immense boulet à peine rouge. À partir de ce moment, la partie inférieure du disque éclairait de plus en plus et enfin à 8 heures, elle commençait à sortir de l'ombre. À 9 heures 10, elle était revenue à son état normal. 

Mars 1877 Le 16 mars : allé au tribunal entendre juger l'action en diffamation intentée par M. R. Mitchell à son ami M. Judde de la Rivière. 

Mai 1877 Le 10 mai, jour de l'Ascension: temps sombre toute la journée, pluie fine. Ce matin: allé jouer à la procession, les Sociétés (de musique) commencent à arriver. À 2 heures 1⁄2 : régates assez belles, malgré le mauvais temps. À 5 heures: distribution de médailles.

À 7 heures : défilé des Sociétés; le mauvais temps a empêché l'usage des flambeaux. Le concours a été installé au dernier instant dans le cloître de la sous-préfecture; joli concours, de bonnes Sociétés (Saint Émilion et les enfants de Marmande, entre autres).
Le 11 : journée plus clémente. À 11 heures : distribution des médailles aux Sociétés. À 3 heures, spectacle concert : foule immense aux Tilleuls, ce qui relève la recette d'hier. Nous espérons couvrir les frais. Ce soir à 9 heures, grand bal champêtre sous les Tilleuls, grandes illuminations, effet charmant.
Le 12 : début des démolitions des installations de la fête.
Le 13: réunion de la commission des fêtes. 

Juin 1877  Le 10 juin : allé jouer à la procession. La fanfare a joué également. Un conflit a eu lieu au reposoir du Martouret : les deux Sociétés rivales ont failli jouer en même temps ; grande animosité entre elles. Le 23 : ce soir, allé accompagner les orphéonistes en musique et avec lanternes vénitiennes à la gare ; ils vont concourir à Montauban. Le 25 : reçu une dépêche de Montauban : l'Orphéon a eu le premier prix, médaille grand modèle, félicitations du jury et du directeur. Ce soir, allé les chercher en musique à la gare: lanternes vénitiennes, feux de Bengale, arc de triomphe, Punch et bal champêtre aux Tilleuls.                                 



FIN de l’AGENDA

Deux anciens Réolais Philippe Girardeau et Francis Sanchez ont édité à partir des carnets de Jean une carte des lieux proches visités




0 comments:

Anciens articles