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La Réole au Moyen-Âge (cahiers du Réolais n°6)


La Réole au Moyen-âge
  Cahiers du Réolais n° 6

    Nous avons le plaisir de présenter à nos lecteurs, le premier d’une série d’articles extraits du travail encore inédit présenté en 1942 devant la faculté des Lettres de Toulouse comme diplôme d’Études Supérieures d’Histoire et Géographie par la fille de l’un de nos vice-présidents, Mme Jacqueline Thuau-Fortin.

    Cette étude renouvelle l’histoire de cette période pourtant si consciencieusement étudiée par Gauban dans son Histoire de La Réole. L’œuvre de Gauban reste toujours un instrument précieux pour tout travail sur La Réole, mais depuis 1873, le champ de nos connaissances s’est accru, la méthode historique s’est perfectionnée et des préoccupations nouvelles éclairent des événements autrefois laissés dans l’ombre.

    Ainsi, notre compréhension du passé s’enrichit-elle continuellement des apports des générations qui se succèdent.         

                                                                                                                        La rédaction.

LE MOYEN-ÂGE, BRILLANTE PÉRIODE DE L’HISTOIRE DE LA RÉOLE.

    La Réole n'est aujourd'hui qu'une petite ville peu importante dont le rayonnement ne s'étend guère au-delà d'une dizaine de kilomètres et qui,comme tant d’autres en France, n'a droit qu'au titre d'ancienne sous-préfecture déchue. Malgré son caractère rural, elle garde, en son bloc de maisons étroitement serrées et dans l’esprit de ses habitants, le caractère d'une véritable cité.

    Cette particularité, elle la doit en partie à sa situation géographique sur les bords de la Garonne, à sa position sur une grande ligne de chemin de fer, à sa proximité avec Bordeaux, mais surtout avant tout à son passé historique que l’on frôle ici à chaque pas. 

    Une simple visite de La Réole suffit à montrer la cohésion, l’unité d’une citée resserrée dans son enceinte fortifiée, réellement forgée par les siècles passés. On comprend alors, devant le nombre et l’ampleur de ses vieux monuments, l’importance et le prestige que dût avoir la ville au Moyen-âge.

    Cette période concentre en effet sur elle presque toute la partie importante de l’histoire de La Réole. Passé le XV° siècle, elle demeure encore très vivante, mais on n’assiste plus qu’aux contre-coups des grands événements où la ville ne joue plus de rôle différent de celui de n’importe quelle autre bourgade française. Avant le XIII° siècle, on a sur elle trop peu de renseignements précis.

    Vers 678, avait eu lieu la fondation de ce couvent de Bénédictins, dont la ville tire son nom : REGULA. Charlemagne en avait relevé les ruines. Enfin, à l’aurore du XI° siècle, l’existence de ce prieuré se révéla à nous par l'insubordination monastique dont fut victime, en 1004, Saint ABBON, abbé de FLEURY/Loire, venu y rétablir l'ordre. Le monastère continua à prospérer, tandis que les seigneurs environnants partaient pour la croisade et la ville, formée probablement sous l’égide du prieuré, se développa sans arrêt.

    Telles sont, pour autant qu’on puisse les affirmer, les grandes lignes des événements qui préludèrent à l’époque de la féodalité.

    Quiconque évoque le Moyen-âge, dans le Sud-Ouest de la France, pense aussitôt à la domination anglaise qui s’y implanta plus de 300 ans et aux luttes renouvelées qui mirent aux prises Français et Anglais en Guyenne, comme en Artois et en Normandie. Aussi peut-on se demander quel rôle une petite ville comme La Réole a pu jouer pendant cette longue rivalité et par quels faits on peut expliquer son importance, dont son aspect actuel témoigne encore.

LE SITE ET SON RÔLE STRATÉGIQUE

    L’histoire de La Réole est commandée en grande partie par la topographie du pays. Située sur un éperon rocheux, la ville domine de 25 mètres la Garonne et la plaine largement étalée dans le lit majeur du fleuve jusqu’aux coteaux qui, au-delà, vers le sud, ferment l’horizon. À l'est et à l'ouest, le plateau remonte en pente douce et la surplombe, mais elle en est séparée par deux petits affluents de la Garonne, qui ont, l’un et l’autre, creusé de profonds ravins : le Charros et le Pinpin. Vers le nord seulement, elle ne présente aucun fossé naturel, mais elle est rattachée aux coteaux par une bande de terre étroite et facile à défendre. Aussi, de quelque côté qu’on l’aborde, elle se hérisse et résiste.

    De plus, elle a une merveilleuse faculté de surveillance ; rien de ce qui se passe sur le fleuve, sur une dizaine de kilomètres, en amont et en aval, ne lui échappe. De même, la plaine et le coteau, qui lui font vis à vis, sont entièrement sous ses regards. Vers le nord, elle surplombe suffisamment pour observer les environs sur un large rayon.    

    La Réole possédait donc les conditions principales requises pour une place forte : une position isolée et escarpée, facile à tenir ; un point d'observation étendu qui permettait de prévoir les attaques et d’y remédier.

    Ce fut Henri II d'Angleterre qui, le premier, sut utiliser cette exceptionnelle valeur stratégique. Pour parer à une éventuelle attaque de PHILIPPE-AUGUSTE, il entreprit de fortifier l’Aquitaine, notamment la ville de La Réole, et ordonna, mais pas avant 1186, de construire un château fort dans les jardins du couvent. Il fit démolir et transporter l'église et les bâtiments plus à l'est, après avoir chassé les moines, non sans un véritable siège. 

    Il ne faut pas oublier enfin, pour esquisser cette première physionomie militaire de La Réole, l’enceinte qui enserrait la ville et le château dans le cadre du quadrilatère naturel. Ces murailles d’ailleurs étaient probablement antérieures ; un texte de la fin du XII° siècle parle des portes de la ville et d’un octroi qu’on y percevait sur le vin, octroi qui ne fait qu’enregistrer l’usage déjà ancien ; Henri II se contenta sans doute de réajuster l’ensemble des murs pour former un tout homogène.

    Plus tard, en 1224, Louis VIII de France fit élever l'imposante forteresse que l’on voit encore aujourd’hui : le CHÂTEAU DES QUAT’SOS ou DES QUATRE SŒURS, du nom de ses quatre tours dont trois seulement subsistent. Il renforçait considérablement les défenses de la ville sans toucher cependant aux murailles.

    Par suite, l'extension des faubourgs en dehors des murs, due à l’accroissement de la population, formait une masse gênante pour les batailles et trop exposée aux coups. Aussi dût-on faire une deuxième enceinte au cours du XIII° siècle, puis une troisième suivant ce que l'on appelle encore le chemin de ronde. Le Pinpin était dépassé et encadré à l’intérieur des murs. Des bastions s’élevaient aux points les plus vulnérables, notamment au sud-est et au nord-est.

    La Réole apparaissait comme une place forte redoutable. Amis ou ennemis des princes anglais, tous cherchaient à s’en emparer.

    La ville ne dut pas cependant son rôle militaire à sa seule position fortifiée, elle le dut encore aux conditions mi-géographiques, mi-historiques qui ont fait d’elle, au Moyen-âge, une ville frontière. Elle se trouve, en effet, à la limite du Bordelais et de l'Agenais, et clef de la Guyenne, est la première des villes protectrices de Bordeaux, étagées le long de la Garonne.     Elle a toujours subi le rayonnement du grand port voisin, et défendit autant qu’elle le put cette vallée de la Garonne dont le sort était en partie lié au sien. Sa prise entraîna la conclusion rapide d’un traité ou plus souvent encore la reddition de nombreuses places voisines. " En 1225, La Réole tomba par traîtrise et les bords de la Garonne petit à petit redevinrent anglais En 1374, sa chute " provoqua celle de Saint Macaire, Langon et quarante autres villes ou châteaux ".                              

    De plus, la ville pouvait, par sa position sur le fleuve, servir d’intermédiaire entre les pays du nord, Périgord et Limousin, et la mer, et ainsi attirait les convoitises de la turbulente et proche Gascogne qui cherchait à étendre jusque là son influence. Cette situation au point de jonction de plusieurs provinces n’était évidemment pas faite pour diminuer le prestige de La Réole.

    Tant que les rois d’Angleterre restèrent en possession de tous les fiefs des ducs d’Aquitaine, cette position ne fut pas très apparente ; le voisin était le Comte de Toulouse. Mais quand l’Anglais ainsi que l’hommage des comtés gascons d’Armagnac et d’Astarac eurent été cédés à Raymond VI de Toulouse, en 1196, il en fût tout autrement. 
    Cette fois le domaine des Plantagenets s’arrêtait à La Réole, devenue ainsi le véritable chien de garde des Bordelais. Désormais la ville ne cessa d’être la proie de toutes les invasions, surtout quand le roi de France devint maître des anciennes possessions toulousaines. Les deux grands rivaux français et anglais devenus voisins, La Réole était le premier enjeu de leurs luttes. Les seules époques tranquilles correspondirent à celles où l’Agenais lui servit de glacis protecteur. Il en fût ainsi avant 1196, puis de 1259 à 1293 et de 1345 à 1368.

    Il faut enfin noter que sa position sur le fleuve donnait à La Réole de belles facilités, non seulement pour s’assurer le monopole de certains entrepôts, mais aussi contrôler les cargaisons et imposer aux marchandises transportées de nombreux péages, sources de richesse. Cette puissance commerciale, efficace moyen de pression dans les guerres, fût aussi une source de conflits.

    Cette situation géographique est donc à la base de toute l’histoire de la ville. Elle sert d’indispensable toile de fond.  Elle explique l’intérêt qu’y ont porté les différents souverains, l’orgueil des habitants conscients de leur pouvoir, et leur habilité à profiter des événements, ainsi que la prospérité économique de la cité et son rayonnement.

                                                                                                       Jacqueline THUAU-FORTIN

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