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La Réole au début du XIX° siècle (Cahiers du Réolais 3-4-5)

                


Articles de Robert Aramburu
La Réole il y a 210 ans (1803-1813)
sous le premier Empire.


 
Cahiers du Réolais 3-4 et 5 

La Réole au début du XIX° siècle 
(Cahiers du Réolais n° 3)

Les archives municipales fournissent un certain nombre de documents qui permettent, en dépit de nombreuses lacunes, de nous faire une idée assez précise de l’existence de nos concitoyens d’il y a cent cinquante ans. Ces pièces s’échelonnent de l’An XI (1803 à 1813) et figurent dans la série F de l’inventaire communal.

 Les habitants et leurs occupations 

     On ne compte pas aujourd’hui dans cette ville plus de 3.800 habitants en y comprenant les femmes, les enfants et les vieillards.

    Neuf cents familles ont leur domicile dans cette commune ; quatre-vingt une personnes vivent de leurs revenus et de ce nombre, plus de la moitié en vit bien médiocrement. Il y a quatorze ménages qui cultivent leur propriété, cent sont occupés des terres d’autrui, soit comme fermiers, métayers, faisandiers ou vignerons ; environ deux cents individus de tous sexes se louent à la journée ou à l'année ; on évalue au quart le nombre de ceux qui se louent à l'année.

     Point de négociants, mais il existe soixante deux marchands tenant boutique. Il y a cent quatre vingt quatre artisans. Soit au total 246 personnes. Un rapport de 1812 chiffrera à deux cent trente le nombre des patentes (marchands et artisans) et à quarante celui des ouvriers et employés. Ce même document indique que cent trente neuf personnes sont mariniers en 1812 employées à la navigation, mais en 1803, on a seulement noté 4 mariniers propriétaires de bateaux.

    Il y a environ deux cents indigents ou qui mendient ou qui reçoivent des secours. On ne connaît point d’errants appartenant à la Commune. S’il en existe, le nombre en est petit. Cependant en 1812,  trois cents indigents sont assistés à domicile et il y a deux cents errants. Le paupérisme se serait donc accru de façon considérable. Ce fait est d’ailleurs à rapprocher de la diminution du nombre des patentés.

    Il y a treize hommes de lois, en comprenant ceux - cinq - déja qui composent le Tribunal et quatre notaires.

    En 1812, il existe six prêtres et un compte moral de juin 1808 nous apprend que " le culte continue à s’exercer sans trouble ; on a toujours pour MM. les Curés et desservants le respect qu’inspirent leur caractère ; ceux-ci se conduisent bien, si ce n’est M. Pouget, curé, qui fait fort bien le service intérieur de son église, mais manque de charité envers ses confrères et qui a besoin de l’autorité de ses supérieurs pour se plier à ce qu’exigent les convenances locales à l’égard des magistrats et du public ".

    Deux  médecins - il y en aura trois en 1812 - deux chirurgiens et deux sage-femmes viennent au secours de l’humanité souffrante. L'état sanitaire est satisfaisant, mais " le temps où les maladies font le plus de ravages est celui de l'été ou la fin de cette saison, qui est ordinairement très chaude ". 

    La petite vérole n'y a pas fait depuis longtemps de dégâts sensibles, l'inoculation y était connue depuis longtemps, mais elle ne pouvait pas être mise en pratique chez le peuple à cause du haut prix du salaire qu’exigeaient les inoculateurs.  Un rapport de 1807 indique que trente (trois?) individus ont été vaccinés, que "les gens de l’art sont assez zélés pour propager la vaccine, mais ils ne parviendraient qu’avec la persévérance et le temps à en faire adopter l’usage par les gens de la campagne toujours les derniers à mettre à profit les découvertes utiles et bienfaisantes". 

    Les curés des paroisses devraient particulièrement être chargés d’éclairer les peuples à cet égard, de concert avec les magistrats. En 1811, 63 personnes furent vaccinées.

    La commune, eu égard à sa population qui est de 3800 âmes a fourni un nombre considérable de militaires dans la Révolution (deux cent quinze). On compte environ quarante encore en activité, il y a neuf militaires retirés avec pension… dont la masse s’élève à la somme de 2.939 francs annuellement. Il n'existe plus de réquisitionnaires de 1793 ou ils sont en activité, ou retirés avec congé, ou amnistiés ou exemptés par le mariage. 

    Les conscrits de l'An XI et XII sont au nombre de soixante, y compris les infirmes.

La situation morale

    Le compte moral trimestriel du Maire au Sous-Préfet nous indique en avril 1806: "… relativement aux mœurs, elles paraissent s'être améliorées sous quelques rapports. Je serai moins fondé à le dire pour le trimestre actuel : il a été plus fertile en enfants nés hors mariage. Il en a produit deux, fruits d’un honteux dérèglement. Ce qui est beaucoup, eu égard aux trimestres précédents, mais peu comparativement aux temps antérieurs de 14 ou 15 ans ; encore faut-il ajouter que l’une des personnes à qui appartiennent ces enfants habite peu ma Commune. Néanmoins malgré que ce trimestre ait trompé mes espérances, j’estime toujours que les mœurs se sont améliorées, j’en tire la preuve : 

I° - de cette foule innombrable qui se porte dans le temple sacré de la religion avec une ferveur remarquable. 

2° - de ce que on ne trouve plus depuis longtemps sous notre halle, sur les portes de notre hospice d'enfants abandonnés, ce qui était fréquent autrefois. 

3° - de ce que on ne voit plus maintenant le mauvais exemple que donnait jadis la majorité des pères de famille en allant dans les cabarets à toutes les heures pour le repas.

4° - de ce que on ne voit plus les maisons de jeu journellement fréquentées comme elles l’étaient autrefois ; qu’il paraît que le goût de cet amusement innocent de la danse est le seul qui soit maintenu parmi les jeunes gens habitants de La Réole.

 5° - de ce que les cris poussés naguère contre l'usure ou un intérêt excessif s’apaisent insensiblement. 

    En juin 1808, " les mœurs sont toujours à peu près dans le même état, les enfants sont tenus dans la soumission et l’obéissance qu’ils doivent à leurs parents ….. Le taux de l’intérêt est celui fixé par la Loi. Il n’y a eu ni circulation de marchandises prohibées (depuis le blocus), ni de fausse monnaie ".

 Le compte du troisième trimestre de 1810 ne signale rien de spécial, sinon une curieuse réticence : "… quant aux mœurs, elles sont toujours à peu près dans le même état " et après avoir rayé : plutôt dominées par le vice chez certains individus qu’absolument bonnes, le Maire ajoute : " elles ne se sont point améliorées".

L'esprit public

    En 1806, les habitants de La Réole se font remarquer par une entière obéissance des lois et par tout l’amour et fidélité qu’inspire le chef de l'État. On ne peut donner d’autre meilleure preuve de sa Bonté, en 1808 " l’esprit public est si bon qu’il serait difficile de l’égarer ou de le pervertir. Tous propos contraires au bon ordre seraient bientôt proscrits et ses auteurs dénoncés aux tribunaux. Il ne s’est manifesté ni sédition ni révolte ".

    Mais le compte moral ne se borne pas à la situation générale ; le Maire y indique aussi les doléances des habitants : "Ils se plaignent du poids des impôts. Le plus grand nombre ne peut les acquitter qu’en faisant le sacrifice de ses besoins indispensables. Le manque de travail ajoute aux malheurs des circonstances et toutes les classes font des vœux pour cette paix qui doit retirer les arts de cet état de langueur qu’ils éprouvent, en ouvrant à l’agriculture et au commerce les canaux de la prospérité. Les impôts ne sont pesants et difficiles à acquitter que parce que l’industrie est sans vie et que le principal fruit de l’agriculture est dans un état de stagnation, faute de débouchés. S’ils peuvent être rendus à leur ancienne activité, les habitants de La Réole supporteront avec moins de peine le poids des charges publiques d’autant qu’une diminution serait le résultat de la Pa

    " Les subsistances n’ont point cessé d’abonder, le commerce en est très libre. Mais le défaut de nos anciens débouchés des colonies le rend si restreint qu’il existe une stagnation funeste aux propriétaires. Le prix du blé et celui du vin, principales ressources du pays n’est nullement proportionné avec les frais excessifs de culture, ce qui les appauvrit et les met dans la plus grande gêne pour acquitter l’impôt (compte de 1808) ".

    " Les conscrits de 1809 sont successivement partis, quelques uns du canton avaient abandonné leur chef de conduite en route, mais ils n’ont pas tardé à reconnaître cette erreur et à la réparer. Ces désobéissances momentanées, ayant donné à des rappels de remplacement, il en est résulté que le canton a fourni 12 hommes en sus du contingent fixé. Les pères de famille observent qu’à mesure que le conscrit rejoint, le remplacement devrait être congédié, ce serait conforme à l’esprit de la législation sur la conscription, autrement les conscrits solidaires et les communes sont sans intérêt à ce que les conscrits, qui ont désobéi, rejoignent ; les intéressés disent qu’on fait cher payer aux autres la faute passagère des … (illisible) que la publicité du tableau de mouvement ne sert qu’à convaincre que le mode qu’on suit, devient toujours plus désastreux pour l’agriculture en la privant de tous ses bras. "

    Enfin, le dossier contient une curieuse lettre du Sous-Préfet au Maire. Elle est datée du 22 décembre 1813 : " Monsieur, les circonstances deviennent chaque jour plus intéressantes et l’administration doit nécessairement avoir fait des remarques autant sur l’esprit public, la rentrée des contributions, les réquisitions, les appels des conscrits, etc..., sur l’agriculture, les mœurs, le culte… Cependant, le compte du dernier trimestre manquait de beaucoup d’éléments et M. le Préfet l’a remarqué…"  Nous ignorons la réponse faite par le Maire.

    À cette époque LAINE, député de Bordeaux, venait de lire au Corps Législatif un rapport sur les abus du Gouvernement et les troupes françaises avaient évacué l’Espagne, talonnées par Wellington

R. ARAMBOUROU 

La Réole au début du XIX° siècle (suite)
(Cahiers du Réolais n° 4)

La vie économique : activités rurales  

Production et revenus                                           

    En 1803, le territoire agricole de la commune s’étend sur 970 ha. " Il n'y a ni forêts, ni marais, ni étangs. La qualité des terres est généralement forte, un tiers des terres est à peu près de bonne qualité, le reste est médiocre. La partie qui borde la Garonne est grasse et fertile ". 

Il y a :     

36 ha de Bois qui produisent…….. 80 charrettes ou en argent ……….. 800 fr 

606 ha de Blé ……….  " ……… 3306 hl ……………...  "  ...……..... 59.508 fr

19 ha de Sorgho ……. "  ...…….. 107 hl ………………  "  ………...…  900 fr 

8 ha de légumes …..  "  ………..  32 hl ……………...   " . ………....…  582 fr

4 ha en ? … ……….  "  . .……. 500 K° ……………… " ..………......…  300 fr

6 ha en jardin ……… "  ………………………………………….......…  1.064 fr

132 ha en prairies ……  "  ..……. 1500 quintaux de foin ……………. 3.000 fr

159 ha en vignes …….  "   .…….. 1209 barriques ………………….. 12.546 fr

970 ha  ………………. "  ..…………………………………….....…….. 78.700 fr       

    " La commune ne produit que le quart de blé nécessaire à sa consommation annuelle ".
La culture du maïs ne devait pas être très développée encore à cette époque, puisqu’un rapport de 1807, nous en parle avec les pommes de terre et les haricots, c’est qu’il était compté pour légume et ne tenait pas à ce moment-là la place qu’il occupe dans l’agriculture locale. " La récolte de blé d’Espagne, ou maïs, a été abondante ( 1/3 en sus de l’année précédente ), ce qui, jointe au manque de numéraire et à défaut de circulation, a fait tomber ces denrées à très bas prix, on trouve à peine 1 fr 50 de l’hl de patates qui communément a valu 4 à 6 frs, quelquefois 9, et n’est jamais descendu au-dessous de 3 frs. La récolte des menus grains est nulle, la longue durée et la sécheresse de l’été l’a perdue. On ne cultive ici ni millet ni lentille… "

    La culture des arbres fruitiers est peu importante, le rapport de 1807 indique : " Il y a quelques pépinières peu conséquentes en arbres fruitiers, la plus étendue ne contient pas 4 ares de superficie ". La vigne s’est un peu accrue : 3 ha de vin rouge et blanc. Sa qualité est médiocre. Son prix moyen est de 12 à 15 frs la barrique… La qualité récoltée cette année ( 1807 ) présente un déficit d’environ 1/3. On pense que la qualité est meilleure ".

    Les animaux destinés à l’agriculture représentent un capital de 25 à 30.000 frs et un revenu présumé de 12 à 1400 frs ; il y a environ 400 bœufs, autant de vaches, 80 porcs, point de bêtes à laine, ni chèvres, 1000 paires de volaille…
    La commune n’ayant que la qualité des prairies nécessaire pour nourrir les bœufs destinés au labourage, on n’élève que des bêtes de ce genre. Il n’y a point de juments poulinières, point de brebis ni de ruche à miel. " En 1807, la qualité de foin récolté et les prix des animaux ont baissé de 1/3 sur l’année précédente.
    Les bœufs se vendent de 100 à 150 frs, les vaches de 90 à 130 frs, les moutons du pays 14 frs, les chevaux ordinaires 100 à 300 frs, mais cette année là, si la production de foin est inférieure à celle de 1806, elle représente cependant plus du double de la récolte de 1803, et le nombre des têtes de gros bétail a augmenté. Le même rapport mentionne l’usage des prairies artificielles où se cultivent : " la farouche, ou trèfle, et le fourrage qui produit une graine qu’on nomme vulgairement pezillon ".

Les conditions d’exploitation :

    Presque toutes les terres à blé et les vignobles sont donnés par les propriétaires à moitié profit… le nombre des charrues est partout égal à celui des métairies. Il est de 45 ...

    "Le prix des journées de travail suit ordinairement celui des denrées ; dans ce moment, il est beaucoup au-dessus. Le prix de la journée d’homme est de 1fr 60, celle des femmes et des enfants de 1 fr. Le prix des bêtes de somme et charrue est de 8 frs le jour ". En 1807, le prix de la journée est : du 1er novembre au 15 avril pour le journalier qui travaille à la bêche ou taille de vigne : 1 fr, pour le laboureur : 1fr 25 ; du 15 avril au 30 octobre, les prix sont respectivement de 1fr 50 et 1fr 75.

    Si en 1803, " on peut porter les bras employés à l’agriculture de 250 à 300 ", en septembre 1807, on a remarqué que le défaut de bras à obliger de réduire à deux le nombre des façons du blé qui sont pour l’ordinaire de 4 et 5, ce qui ne contribue pas peu à nous faire obtenir des récoltes très médiocres. Il en résulte de cette remarque que la proportion entre les bras disponibles et les travaux à faire est de moitié en moins.

    " Depuis longtemps, le genre de culture est le même… Il serait difficile de faire adopter des méthodes nouvelles aux gens de la campagne, les usages anciens seront toujours préférés ; d’ailleurs, pour faire des découvertes et des expérience en agriculture, il faut être grand possesseur de fonds et nous n’en avons pas. Il est vrai de dire aussi que les fonds sont aussi bien cultivés dans ce pays-ci qu’ils peuvent l’être. Le peu de produit des récoltes vient plutôt des intempéries des saisons que du défaut de culture… Les grêles et gelées détruisent fréquemment nos récoltes. Les pertes qu’elles ont causées l’année dernière ( 1806 ) peuvent s’élever à la moitié des revenus. Cette année, les pertes de cette nature vont au-delà du tiers. Il est encore une autre cause ici plus funeste aux récoltes, ce sont les brouillards qui règnent périodiquement pendant la floraison soit du blé soit de la vigne, qui chaque année perdent au moins une moitié de ces récoltes ".                                                                                                                              R. ARAMBOUROU

La Réole au début du XIX° siècle (suite)
(Cahiers du Réolais n° 5)

La vie économique : les activités urbaines

Les Fabriques: 
     " Quatre négociants y fabriquent des farines fines pour l’approvisionnement de Bordeaux, autrefois ils expédiaient pour les colonies et leurs ventes étaient considérables… Ces farines, quand le fabricant est assez délicat pour n’employer que du blé de côte, ont la juste réputation d’avoir beaucoup de corps. La qualité pourrait en être perfectionnée par un meilleur moulange (?) qu’on pourrait obtenir en rendant praticables les chemins de Monségur et de Sauveterre qui conduisent à la petite rivière appelée Drot, sur laquelle il y a quantité de bons moulins…
    Du Ier Vendémiaire ( 22 septembre 1802 ) au 1er Germinal ( 21 mars 1803 ), ces 4 fabriques à minot ont expédié environ 1500 quintaux de farine, dont 200 quintaux pour les colonies sur demande du Gouvernement ; mais depuis la circulation des bruits de guerre, ces fabriques sont tombées dans un état de stagnation ".

    " Les tanneries au nombre de 3 languissent d’une part, par la rareté de l’écorce ( tan ) qui provient de la cherté du bois et d’autre part, par le haut prix du cuir qui tient les fabricants en suspens. Il n’a pas été livré au travail ou à la préparation cette année ( 1803 ) que 150 cuirs de bœufs ou vaches et autant de cuirs de veaux ". Un compte rendu semestriel de 1807 déclare : " sur 4 tanneurs qui existent, dont les tanneries sont situées à l’ouest de la ville sur le Charros, deux, faute de moyens suffisants, ne préparent que des peaux de veau, les deux autres qui ont un peu plus de moyens mais dont les capitaux sont bornés et ne leur permettent pas d’étendre leur fabrication selon que le comporterait la localité, fabriquent du cuir fort et des veaux. Par an, 6 à 700 veaux et 200 à 260 cuirs forts. Ils ont débité, disent-ils, ces marchandises à perte, le prix des cuirs verts ayant haussé particulièrement la dernière foire de Bordeaux. On jugera de quelle importance sont ces tanneries en annonçant qu’elles n’occupent que 4 ouvriers, non compris les maîtres qui préparent eux-mêmes ".

    " Les mégissiers au nombre de 7 (1803 ) ont fabriqué 2.000 douzaines de peaux d’agneau ou mouton, y compris quelques chamois. Le haut prix des peaux vertes et des matières premières les a empêchés de faire davantage ".

    " Les coutelleries au nombre de 7, qui avant la révolution fournissaient de leurs ouvrages pour les colonies et autres pays de l’intérieur, languissent aujourd’hui, parce qu’elles n’ont plus les mêmes débouchés. Elles n’ont fabriqué cette année jusqu’au Ier Germinal, que 2.000 pièces de coutellerie de toute espèce, ce qui est bien inférieur ".

     " Nous avons quelques tisserands en grosse toile à l’usage du pays et plusieurs corderies qui, depuis l’heureux retour de la paix, ont pris de l’accroissement. Ces 9 corderies " ont fabriqué 1.000 quintaux tant en fil d'emballage qu’en fil propre au cordage nécessaire à la marine marchande et destinés au port de Bordeaux. C’est la seule partie qui, depuis la paix, se soit un peu améliorée.

    Enfin, il y quatre fabriques de peignes.

    " Ces fabriques emploient environ 50 personnes, elles travaillent sur un fond d’environ 160.000 frs et les bénéfices qu’obtiennent les fabricants peuvent s’élever de 18 à 20.000 frs… Le haut prix de la main-d’œuvre s’oppose à tout autre établissement manufacturier ".

Le commerce :

    " Il se tient à La Réole quatre foires principales par an, une foire par mois et un marché tous les samedis de chaque semaine. Dans les foires, il s’y vend des bestiaux de toute espèce, des porcs, des chevaux, ânes etc... et on y traite de plus comme sur les marchés pour les ventes de grains de toute espèce, chanvre, quincaillerie, oies, poules, dindes, volailles, œufs, etc... Les foires y attirent quelques étrangers, mais en bien petit nombre ".

    Un état  dressé dans le courant de 1790 nous indique les occupations et l'origine des " marchands et commerçants qui tiennent des bans ou étaux sur la place du marché " et fixe le montant des droits de plaçage par marché, 44 frs 60 au total pour 1986 commerçants, dont 147 sont domiciliés à La Réole.

Parmi les derniers, nombreux sont les marchands de denrées alimentaires : 63 (dont six boulangers, sept marchands de cochons frais et salés, quatre tripiers, douze marchands de poissons, sardines et morues, dix de fruits, six de fromage, six d'épicerie et de tabac, dix de sel, deux de café et de cassonade ), quarante sept marchands d'étoffe et mercerie, six quincailliers, quatre cloutiers, deux marchands de vaisselle, deux de verre, un de barils, trois de chapeaux. Des terres humides des vallées viennent les marchands de sabots : 10, dont 7 pour la vallée du Dropt, trois marchands de capes et droguets, de tortillons et boulangers. De Saint-Macaire et de ses environs viennent des colporteurs, des marchands d'étoffe ou de produits d’alimentation, au total de 11. Du côté de Sainte Bazeille et de Marmande, trois marchands d'étoffe et un forgeron, enfin de Sainte-Foy vient un marchand de livres, le seul qui tienne étal sur le marché.
    Le même règlement fixe le droit d'amarrage des bateaux chargés de graines, châtaignes ou autres denrées : au-dessus du pont 1 fr 50, au-dessous du pont 1 fr par marché. Enfin, chaque marchand de route, établi sur la place de la Tolérance, paiera pour chaque cochon ou mouton 6 deniers ou 2 centimes 1/2.        
    L’administration municipale dut délibérer à plusieurs reprises sur le refus de payer ces droits de place, refus opposé soit par des marchands qui prétendaient avoir traité directement avec le propriétaire de la maison à laquelle ils s’adossaient, soit par les marchands de cochon qui "se refusent obstinément sous divers prétextes à payer le prix de location et s’attroupèrent pour ne point payer… Il n’est pas d’injures qu’ils ne vomirent contre le fermier des places et l’Administration…, 

    ils se portèrent même envers le citoyen Dat, gendarme qui l’assistait, aux menaces les plus violentes ...". Le directoire exécutif de la commune délègue 4 commissaires pour faire payer les délinquants au prochain marché, les fait assister d'un détachement de la garde nationale et de la Gendarmerie et les autorise à saisir les marchandises des récalcitrants qu’ils pourront déférer, après procès verbal, au juge de paix en cas de menaces, injures ou violences.

    À côté de ces commerçants installés sur le marché, il y a ceux qui tiennent boutique. Alors qu’en 1812, le rôle des patentes comprend 200 marchands ou individus de diverses professions, ils ne sont que 62 en 1803… Drapiers, minotiers, ciriers, épiciers, pharmaciens, droguistes, merciers, orfèvres horlogers, quincailliers, marchands de fer, marchand de faïence, cristaux de verre.

    Point de libraire ! Fait hautement significatif ! Et pourtant en 1803, la municipalité déclare "parce qu’elle n’a pas voulu mettre de surcharge sur ses concitoyens, elle paie des instituteurs primaires. La liberté de pouvoir disposer d’un local dans le ci-devant bâtiment dit des Bénédictins lui donnerait la facilité d’y faire un établissement brillant pour un collège ou école ou école secondaire ". Source de profit sans doute bien plus que véritable intérêt pour les choses de l’esprit. Car le seul qui vende des livres est le marchand de Sainte-Foy qui vient sur le marché. On peut d’ailleurs se demander s’il ne serait pas protestant.

    Quant aux artisans, on y trouve  : " trois tanneurs, six bouchers, un armurier, deux selliers, quatre serruriers, huit couteliers, trois mégissiers, sept charpentiers, huit boulangers, quatre charrons, huit menuisiers, un tuilier, deux ferblantiers, quatre fabricants de peignes, deux maréchaux, un tamisier, trois chaudronniers, dix tonneliers, sept cordiers, deux plâtriers, un lainier, deux arpenteurs, deux tourneurs en bois, quatre perruquiers, deux cloutiers, deux épingliers, dix tailleurs d'habits, dix tailleurs de pierre ou maçons, dix huit cordonniers, quatre tisserands, deux vitriers, un éperonnier, deux peintres, vingt cabaretiers, quatre voituriers avec chevaux ou ânes, quatre mariniers propriétaires de bateaux ", soit 184 personnes. Un état de 1810 décompte 30 fabricants, 36 ouvriers exerçant des professions mécaniques et 4 personnes occupées dans diverses branches du négoce. Cette même année 1810, un autre état, fourni par le syndic des bateliers, dénombre pour La Réole 10 bateaux d’une capacité totale de transport de 162 tonneaux, comprenant outre leurs 10 maîtres, 39 hommes d’équipage. 

    Chaque homme y compris le patron, touche 10 frs pour la descente de La Réole à Bordeaux et 4 frs pour la remontée ; en outre chaque voyage nécessite une dépense de 3 frs par tête pour la nourriture.

    La circulation par voiture est peu importante ; on indique bien 4 voituriers en 1803, mais on ajoute aussitôt " avec chevaux ou ânes ". La Réole est pourtant assez favorisée par la convergence des routes : " La grande route de Bordeaux à Toulouse traverse le terrain de cette commune, celle de Bagas, de Sauveterre et de Monségur et de Duras viennent y aboutir. Mais les routes de Sauveterre et de Monségur, d’une utilité générale, sont impraticables pendant l’hiver. On ne peut précisément indiquer la somme nécessaire à cette réparation à cause de l’immensité des ouvrages ; il n’y a que l’ingénieur qui puissent la déterminer ".

    " Les marchands, les ouvriers, les propriétaires s’approvisionnent sur les marchés de la place. Les objets que l’on n’y trouve point, sont achetés à Bordeaux dans les magasins. Les marchands et négociants font venir les objets nécessaires à leur débit par voie de commission. Pas un seul ne fait le voyage de Paris et de Lyon, tous se rendent aux grandes foires de Bordeaux ".

    " La ville de La Réole étant le lieu ordinaire des approvisionnements de Bordeaux, tous les comestibles y sont assez chers. Le pain s’y vend actuellement ( novembre 1803 ) choine : 0 fr 40 le kilo, Cô ou 2me qualité 30 centimes, pain bis ou brun 20 centimes, le vin rouge d’un an 25 centimes, le litre de vin blanc de l’année 13 centimes, la viande de bœuf 1 fr le kilo, veau et mouton 1 fr 10, le cent de faissonats ou coterets se vend communément de 30 à 35 frs, le bois 9 frs l’estérée ( estarie ?), le bois de tonneau 20 frs environ, l’hectolitre de blé vaut 20 frs 56.

    À cette même époque, les salaires journaliers bien que fixés par le Préfet à 0 fr 75 sont de 1 fr ( novembre à mars ) et 1 fr 25 ( avril à octobre ). En 1810, le prix du pain cô a baissé de 2 centimes, mais la vie doit être dure pour les travailleurs. En calculant le temps de travail nécessaire pour gagner le salaire avec lequel on peut acheter les denrées utiles, nous trouvons :

                                                               en 1803                                                en 1950

1 hl de blé correspond à                  20 jours 1/2 de travail                      12 jours de travail

1 kg de pain Cô ( 2° qualité )            3 heures             "                           moins d’une heure

1l de vin rouge                                   2 heures 1/2                   "              moins d’une heure  

1kg de bœuf                                       1 journée (10 h) "                           6 à 7 h heures     "

    Ceux qui en 1803 rédigèrent la réponse au questionnaire du préfet, ont été frappés de la disparité qui existait alors entre les avantages du site et le peu de parti que ses habitants en tiraient.             
    " Quoique la ville de La Réole soit très avantageusement située pour les opérations d’un grand commerce ou de grandes manufactures par sa position près d’un grand fleuve et d’une ville capitale, il n’y a pas un seul établissement de ce genre, pas même une grande fortune ".        
La ruine du trafic colonial, conséquence des guerres de la révolution et de l'empire est, semble-t-il, la cause essentielle de cette stagnation si souvent déplorée par le Maire dans ses rapports au Préfet. 
    D’une économie de relation, ouverte sur l’outremer et l’étranger, on passe à une économie fermée, repliée sur elle même. La guerre a transformé les conditions économiques et avec elles, les conditions sociales et morales. La Réole cesse d’être une ville marchande et restreint son activité aux échanges de la campagne environnante. Cette campagne se suffit à peu près, ne peut que faire vivoter la ville, non la développer et se transformer avec elle.             Entre la Révolution qui clôt une période d'expansion économique et la Restauration qui en commence une autre, s'écoulent des années difficiles que l’organisation napoléonienne est incapable d’améliorer et peut-être même aggrave encore.  

                                                                                                R. ARAMBOUROU

Transcodage : Alain Lamaison - Corrections : Brigitte Bulik

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