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Souvenirs de Jean Poujardieu, enfant du Rouergue

Souvenirs de Jean Poujardieu né à La Réole le 10/11/1926, décédé à Mérignac le 07/07/2008

Souvenirs. Transmis par sa cousine Liliane Grillon 

Je me demande encore pourquoi ma première photo n'a pas été faite par le photographe familial, Mr. Augeyrolles, couché à plat ventre et nu comme un ver, mais réalisée par un certain Mr. Bonhomme à Bordeaux, assis dignement et affublé d'un péplum qui cache que j'étais un garçon. 


Je devais avoir un an, et les souvenirs de ma tendre enfance ne sont plus vraiment très nets. Ils ne reviennent à ma mémoire que vers l'âge de 5 ou 6 ans. 

La famille Poujardieu habitait le Rouergue, quartier de La Réole, séparé par la Garonne, mais relié par le pont suspendu. La descente desservait, à l'est, la route de Fontet, à l'ouest la route d'Auros. Le quartier : une longue route droite qui d'est en ouest de la Madone au Marégraphe, quittait à angle droit le bord de la Garonne pour s'enfoncer dans la campagne. 

À l'est donc, à la Madone, était érigée une grande statue de la Vierge où s'attardait en cantiques et prières, la procession des rogations conduite par Mr. le Curé afin de favoriser le climat pour de meilleures récoltes, poursuivait sa route par le chemin du Bigaïre en bénissant les champs et les vignes. 

Pour revenir en pays habité depuis la Madone, il fallait passer au coin de la route, devant la belle maison de Mme Courtois, où, pour la fête du Rouergue, nous allions préparer des guirlandes en découpant des papiers de toutes les couleurs que nous collons sur une ficelle avec de la colle faite d'eau et de farine ; puis devant celle de Mr. Mau, l'instituteur, celle de Béguier, le plâtrier, avant d'arriver devant la belle maison de Mlle Amoureux et son imposant magnolia. Puis, face au pont, se trouvait le café-épicerie Pareau, bien placé pour les gens qui cherchaient leur route, ne sachant pas s'il fallait aller à droite ou à gauche. 

De l'autre côté de la route, côté Garonne, c'était l'épicerie Germaine Moliner, puis le salon de coiffure de Séverin où je subis de longues attentes, les enfants passant toujours après les hommes. Passé la ruelle qui menait à la Garonne et à l'Aviron Réolais, c'était Hôtel-restaurant de la Bastide. Encore deux maisons, bâties en hauteur, et se présentait la digue qui nous protégeait des inondations. 

La partie de la rue ouest, route d'Auros, était davantage notre quartier. Côté Garonne, il y avait l'épicerie-articles de pêche et de chasse, de Mme Petiteau, avec son mari professeur d'Espagnol, puis la couturière Mme Dulin, la maison de Grand-Père Mathieu, le tabac-buvette de Mme Doux où chaque semaine j'achetais Tarzan magazine, la grande maison de Mr Duzan et son puits où l'été j'allais chercher l'eau fraîche pour les repas, un grand jardin, puis la maison Plateau, la grande maison Boutin, le passage donnant l'accès à la digue, la petite maison en briques rouges de Mme Garbay contiguë à celle des Canteranes, enfin c'était le séchoir à tabac de Grand-Père, l'atelier de sabotier de mon père, le jardin familial et celui de notre locataire avec les toilettes doubles en planches sous le noyer. Encore deux jardins et c'était le haut de la côte et la digue. 

Après quoi les champs, et de ce côté la villa de Mme Lanoire occupée par un scieur de long, et, revenant vers le pont, la maison Poujardieu avec la ruelle desservant les maisons Darcos, Sausaie, Berthon, le chai de Mr Boutin sous la maison des Denaules, le hangar de Mr Boutin et ses écuries. 

Sur la rue, Fléchaud "came de boy", (jambe de bois remplaçant celle perdue à Verdun pendant la guerre), les écuries et le tailleur Picon, la belle maison des Lauzun, maquignon, puis l'échoppe des Cazemajou, Clerdan, quelques maisons en retrait de la route et enfin la pharmacie Bernard où travaillait Tantine, puis le passage qui rejoignait le chemin du Bigaïre et les terres agricoles et desservait en même temps quelques habitations.
Voilà fait le tour de mon quartier natal. 

À cette époque, 1930, ma mère Yvonne, mon père Marcel, ma sœur Lucette, tantine Adrienne et moi-même formions la famille du 28, route d'Auros

Épicerie Poujardieu jusqu'en 1960

La maison était composée de l'épicerie de ma mère, d'une salle à manger-cuisine-séjour et d'une souillarde attenante, et, à l'étage, la chambre de mes parents donnant au nord sur la rue au dessus de l'épicerie, puis la chambre de ma sœur, un couloir central séparant la chambre de Tantine. Ce couloir était assez large pour y installer à l'étroit un lit napoléon lorsque j'ai été assez grand pour ne plus coucher dans la chambre de Tantine. 

J'étais pourtant bien dans la chambre de Tantine amputée d'un coin pour le passage de l'escalier, mais ce qu'il en restait devant la fenêtre, laissait place à mon petit lit. Cette chambre était douillette et d'autant plus qu'un lit et une armoire en merisier aux formes arrondies étaient venus remplacer les vieux meubles.. 

La cheminée derrière la tête de lit entretenait l'hiver une douce chaleur, grâce à la cuisinière en fonte du rez-de-chaussée. Cette magnifique cuisinière avait été fabriquée par Jean Dencausse, époux de Tantine Henriette, la sœur de Maman. 


La famille devenait complète lorsque mon grand-père paternel Mathieu arrivait le midi et le soir pour prendre ses repas à la maison, accompagné jusqu'à mi-route par sa chatte Isabelle, et portant dans les poches de sa redingote noire, un Frontignan du vin de sa vigne. Il habitait au n°5 en allant vers le pont. 

La maison était tout le temps en mouvement par le passage des clients de l'épicerie. Elle était en retrait de la route de 5 ou 6 mètres, pour laisser place à un parking en terre battue, limité à l'est par une borne en pierre et à l'ouest par le mur derrière lequel se trouvait le jardinet et la terrasse de la maison de Lucia, notre locataire. 

Chère bonne Lucia, grosse dame déjà bien âgée avec de grands poils blancs parsemant son visage, et qui m'a tant gâté. Elle travaillait à l'entrepôt des tabacs et me ramenait souvent une friandise qu'elle disait avoir trouvée dans une manoque, ensemble de feuilles d'un pied de tabac. 

Cher fond du Rouergue de mon enfance où je connaissais chacun et pour qui j'étais Jeannot.     Toutes les nouvelles, tous les potins, les problèmes des uns et des autres, du quartier et de La Réole, s'échangeaient à l'épicerie. Pour ses clients, ma mère avait une situation élevée par rapport à la plupart d'entre eux, ouvriers, petits employés, femmes de ménage, retraités, situation d'autant plus élevée derrière son comptoir surélevé d'une marche. Une bonne partie de sa clientèle faisait marquer sur le grand livre de comptes noir aux lignes bleues, et la paye de fin de mois rétablissait les comptes, sauf pour quelques uns qui avaient toujours un malheur en réserve pour repousser le règlement.      Mérotte craignait dès l'ouverture le matin que son premier client n'achète à crédit, car pour elle, il en serait de même pour tous les autres, mais c'était plus une question de calendrier qu'un mauvais sort.      Lorsque les gitans passaient avec leurs carrioles bariolées tirées par des chevaux faméliques, chacun les surveillait et, dans les campagnes, restait aux abords des poulaillers et des clapiers. Quand ils venaient à l'épicerie, j'étais mobilisé pour les observer car ils avaient la main leste, au moins de réputation.      On entrait de plain pied dans les 28 m2 du magasin, en face, une large marche surélevait le plancher du fond et de l'appartement. C'est sur cette espèce d'estrade que se trouvait le grand comptoir gris où ma mère servait ses clients.     Mon enfance s'est écoulée heureuse entre l'affection familiale, l'école, et les jeux avec les copains.      Le plus vieux, Popol Saussaie, toujours prêt à faire les quatre cent coups et les pires bêtises. Les frères Plateau Georges et André que l'on surnommait Guitou et Dédé ou kunkun car lorsqu'il venait à l'épicerie et qu'il ne voyait personne, il criait, "ya kunkun? “     Souvent les cousins Jacky et Marcou Pareau venaient nous rejoindre, puis Claude et Claudette Bordes, nos nouveaux locataires depuis le décès de Lucia, Saint-Espès devenu plus tard gendarme comme son père, mais colonel, Joussonne, Jeannot et Guitou Cardonne, les filles, plus âgées, Lucette, Linette Martin, Linette Clerdan, et j'en oublie. 

Jean 5e (croix) -1932- Mme Dieulivol

 Pour l'Ascension :      
10 heures, se préparait au bout des quais la procession sur l'eau qui allait pendant une demie heure, sous la conduite du curé, accompagné par ses paroissiens les plus fervents, bénir les eaux de la Garonne et, je suppose, les poissons les plus croyants, sur un gros bateau venu à cette occasion.          Le passage d'un cirque n'était pas le moindre événement, chaque année, PINDER, AMAR ou BOUGLIONE nous rendaient visite, des quais où était installé le chapiteau, partait la cavalcade vers tous les quartiers de la ville, parfois un clown s'en détachait pour venir déposer une affiche sur la vitrine de l'épicerie, ce qui nous donnait droit à un billet à tarif réduit.

Régulièrement, mon père m'y amenait et j'étais fasciné par le spectacle, avec souvent de grandes vedettes telles que le lutteur Rigoulot ou une championne de natation évoluant dans un aquarium. Reconnaissant dans un numéro de clown, celui qui était entré à l'épicerie, je me sentais tout fier d'avoir eu la visite d'un artiste. 

On ne manquait pas de distractions à La Réole, les courses de chevaux étaient importantes et le dimanche de l'Ascension voyait défiler un long ruban de spectateurs venant de la ville, passant devant la gare, pour descendre vers l'hippodrome de Mijéma, nous y allions parfois en famille, toujours avec mon père. Agrémenté de deux tribunes sous lesquelles les joueurs allaient prendre leurs paris, le terrain de course, grande boucle encadrée de barrières était parsemé d'obstacles, haies, fossés et murs où se déroulaient les épreuves, de trot, galop, sauts, auxquelles participaient les cavaliers des Gardes Mobiles de Frimont et les jockeys des villes avoisinantes.

Tribune de Mijéma ( de gauche à droite : Monique Becquet - fille d'Ernest ( maison familiale de Bagatelle, située à droite en montant vers Frimont); son époux André Eyrin ; Geneviève Fauchez et Jacqueline Fauchez). Année après la guerre.

    C'était aussi l'occasion de voir fleurir sur la pelouse les chapeaux et les belles robes des Réolaises qui nous promettaient l'été. Une année, un événement particulier s'était produit : apparu dans le ciel, un planeur, longue poutre de bois surmontée de grandes ailes, son pilote assis dans un siège en osier à l'avant, effectua quelques circonvolutions avant de poser son engin au milieu de la pelouse, c'était Mr Renaud, Président de l'aéroclub qui venait de réaliser cet exploit. 

Planeur : En 1927, Irène Fauchez - 4 ans - avait accompagné son papa à l'aérodrome de Floudès. Elle raconte qu'on lui avait demandé de récupérer une pièce du planeur (genre écrou ?) , car seule sa petite main pouvait l'attraper. Elle avait eu droit, en récompense, à s'asseoir dans le planeur !

Il y avait aussi les meetings d'aviation sur le terrain de Floudès, quel régal de voir évoluer ces monoplans, biplans, Poux du Ciel, avec des pilotes célèbres comme Marcel Doret qui nous faisait frissonner avec ses vrilles, loopings, tonneaux et rase mottes. Pendant le spectacle, un avion lâchait en altitude des petites boules noires et un frémissement passait dans la foule en voyant éclore les parachutes.    Construction de planeurs et d'avions modèles réduits, que nous faisions voler le dimanche sur le terrain d'aviation de Floudès, nous étions une bonne équipe de copains de tous âges, Hermen, Pasquaud, Molinaro, Venturini, Chabrat.

Edouard Molinaro en 1941

1941

    Vu l'initiation au vol à voile, interrompue trop tôt par la panne de la Panhard qui tractait le planeur, le même qui s'était posé sur l'hippodrome de Mijéma ; quelle sensation inoubliable de découvrir du ciel, la campagne et ses fermes, de voler dans la musique du vent à travers les haubans et d'admirer l'adresse du moniteur Mr Dussarp pour se poser le moins brutalement possible sur l'herbe du terrain d'aviation.     C'est ainsi qu'en 1942 j'étais désigné avec Molinaro et Venturini pour assister à Vichy alors capitale de la France, à l'exposition nationale de l'aviation    Mon enthousiasme pour les études secondaires, ne se développait pas, les longues études, le bac, n'étaient pas pour moi un enjeu perceptible et puis je n'étais pas encouragé par les bons résultats de mes bons camarades Pardiac, Constantin, Prades et les filles Kempf, Ribéra, Gauduchon et d'autres qui prenaient toutes les bonnes notes, les bonnes places, me reléguant dans les très moyens en fin de 4ème ; l'algèbre aussi devenait de plus en plus algébrique et je m'adaptais mal aux inconnues. 

Dès la 6e, réfugiée de je ne sais où, il y avait Michèle Kempf, belle comme une gravure de mode, au visage parfait, aux yeux bleus immenses, auréolée de longs cheveux blond ondoyants, grande, élégante ; il m'était très difficile de suivre avec attention les cours des professeurs alors que mon regard et mes pensées étaient fixés sur elle, cela me dérangeait dans mes études. Pourtant, j'étais déjà bien amoureux et depuis longtemps de ma voisine Claudette Bordes, toute en sourires sous sa coupe de cheveux bruns à la Jeanne d'Arc, toute en rondeurs jusqu'à ses joues délicieusement carminées, mais hélas elle avait trois ans de plus que moi, toutefois elle m'aimait bien. 

Jean Poujardieu

Parmi les bons copains du collège, je m'entendais particulièrement bien avec Mourgues devenu après son bac encaisseur pour la régie d'électricité de La Réole et Prades décédé vers les années 1960 dans un pays d'Afrique alors qu'il était administrateur.



        Notre trio était très aventureux, du moins pour aller camper en partant à vélo dans les bois d'Aillas, équipés d'une tente constituée de deux toiles de tentes héritées des soldats en débâcle, jointes au sommet par des boutons et boutonnières et installées à l'aide de piquets taillés à même les branches d'arbustes ; après un repas préparé sur un feu de camp : œufs durs, patates agrémentées de quelques boites de sardines et de chocolat, il nous avait été difficile de trouver le sommeil, malgré l'épais matelas de feuilles mortes, tant le hululement d'oiseaux qui devaient être énormes, des bruits suspects de craquements, de frôlements qui nous entouraient, la nuit fut longue et le lever du soleil nous délivra
    Une autre fois, Prades avait suggéré que nous campions sur le gravier en bordure de la Garonne, perplexes nous l'avions suivi après une partie de pêche, nous avions installé la tente sur les gros cailloux et malgré cartons et couvertures, il n'était pas possible de trouver une position sur un sol aussi chaotique, l'odeur de la vase était nauséabonde et les moustiques de plus en plus voraces et nombreux transformaient cette partie de plaisir en cauchemar.

    Après avoir subi cette épreuve quelques heures, je prenais la fuite pour rejoindre la maison et me fourrer dans mon lit douillet. Les copains firent de même après !

Souvenirs. Transmis par sa cousine Liliane Grillon



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