I - 1958 - Une culture abandonnée : le chanvre
(Manley-Bendall) Cahiers du Réolais n°33
II - 2025 - Le chanvre, une culture d'avenir ?
Le chanvre (Cannabis sativa) est une plante annuelle dioïque à l'état normal, à tiges dressées de 2 à 4 m de haut en moyenne, pouvant s'élever jusqu'à 6 à 10 m ; le diamètre à la base des tiges est de 20 à 30 mm ; la tige comporte, dans sa partie libérienne, les fibres. L'aire de culture est très étendue, des zones tempérées aux zones subtropicales. Son cycle de développement est très court, de 50 à 160 jours. La culture du chanvre est en régression. Essentiellement produit pour sa fibre (toiles, cordages), le chanvre a été fortement concurrencé par des fibres issues d'autres plantes (sisal, jute) et par les fibres synthétiques. La Chine, la Roumanie et l'Inde sont les premiers producteurs mondiaux. (Larousse)
Toutes les communes du Réolais avaient leurs chènevières placées dans les terrains "frais", auprès du Dropt ou des affluents, jamais sur les hauteurs, trop sèches et convenant mieux à la vigne.
Le grand intendant de Guyenne fut le protagoniste de cette culture dans sa généralité, et il y a seulement soixante-quinze ou quatre-vingt ans, chaque propriétaire "faisait son chanvre" comme de nos jours il "fait son vin". La production était limitée à ses besoins personnels ; en cas de surplus, celui-ci était vendu.
Plante annuelle, les semis se faisaient très drus, au printemps, de mars à mai, à la grande joie des oiseaux, friands de chènevis, et auxquels les enfants faisaient peur en attendant que la terre soit retournée. La récolte avait lieu de fin juillet à la mi-août; le rouissage suivant le plus tôt possible afin d'obtenir des chanvres très blancs.
Cette opération séparait la fibre textile ou chènevotte de la gomme résineuse qui la fixe à la tige.
Dans le Dropt ou la Garonne, les touffes de chanvre réunies en radeaux restaient maintenues sous l'eau par des poids pendant cinq ou six jours; cette fermentation microbienne dégageait la fibre du mucilage qui l'entoure. Puis on l'épandait sur un pré pour la sécher et la blanchir, en la retournant pendant quinze ou vingt jours.
Le Dropt, à courant continu malgré les écluses, enlevait assez vite ce qui pouvait offenser les narines de nos ancêtres, car l'odeur nauséabonde était jugée nocive, à tort d'ailleurs.
Le broyage, le teillage (enlèvement de l'écorce) et le peignage produisaient la filasse.
I - Une culture abandonnée : le chanvre
Cahiers du Réolais N° 33 - 1958
Le chanvre (Canabis sativa) était autrefois cultivé dans toute la région, et il y a un siècle encore, le Bordelais en était grand producteur.
M. de Tourny (1743-1747) encourage une industrie toute locale, mais qui s'avéra bientôt de première importance pour l'économie domestique. Toutes les communes du Réolais avaient leurs chènevières placées dans les terrains "frais", auprès du Dropt ou des affluents, jamais sur les hauteurs, trop sèches et convenant mieux à la vigne.
Le grand intendant de Guyenne fut le protagoniste de cette culture dans sa généralité, et il y a seulement soixante-quinze ou quatre-vingt ans, chaque propriétaire "faisait son chanvre" comme de nos jours il "fait son vin". La production était limitée à ses besoins personnels ; en cas de surplus, celui-ci était vendu.
Plante annuelle, les semis se faisaient très drus, au printemps, de mars à mai, à la grande joie des oiseaux, friands de chènevis, et auxquels les enfants faisaient peur en attendant que la terre soit retournée. La récolte avait lieu de fin juillet à la mi-août; le rouissage suivant le plus tôt possible afin d'obtenir des chanvres très blancs.
Cette opération séparait la fibre textile ou chènevotte de la gomme résineuse qui la fixe à la tige.
Dans le Dropt ou la Garonne, les touffes de chanvre réunies en radeaux restaient maintenues sous l'eau par des poids pendant cinq ou six jours; cette fermentation microbienne dégageait la fibre du mucilage qui l'entoure. Puis on l'épandait sur un pré pour la sécher et la blanchir, en la retournant pendant quinze ou vingt jours.
Le Dropt, à courant continu malgré les écluses, enlevait assez vite ce qui pouvait offenser les narines de nos ancêtres, car l'odeur nauséabonde était jugée nocive, à tort d'ailleurs.
Le broyage, le teillage (enlèvement de l'écorce) et le peignage produisaient la filasse.
A la veillée d'automne ou d'hiver, les femmes filaient les fibres sur fuseaux, les plus adroites au rouet, appareils qu'on ne trouve plus que rarement dans les familles. Puis le fil était mis en pelote et remis aux tisserands qui travaillaient à façon les diverses étoffes qu'on leur demandait : tissage sur métier Jacquart, à bras, que l'on voyait encore à la génération précédente.
Le fil de chanvre mélangé au fil de coton se muait en grisette pour pantalons et vêtements de travail. Le coton teint à l'indigo laissait de fortes empreintes sur la peau, et deux lavages de l'étoffe étaient nécessaires pour arrêter cette coloration. On mélangeait parfois chanvre et laine, on faisait alors des "cadis"(2).
Mais c'était surtout la toile pour draps et serviettes qui était prisée comme inusable.
Certains ménages possèdent encore des draps entièrement neufs, n'ayant pas été encore utilisés.
Le stock ancien étant plus que suffisant. On trouve des pelotes de fil dans des tiroirs; elles y font figure de fossiles, car on ne songe plus à les utiliser pour le tissage.
Les tisserands toiliers produisaient de la toile de " brin " faite du chanvre le plus fin, d'une aune de largeur et valant, à cette époque, 40 sous l'aune. Le " boisradis" était une seconde qualité à 30 sous l'aune; le "terlis " était une grosse toile pour les sacs. Les sergeurs fabriquaient les " cadis " très employés, les cordelats et des droguets de fil et de laine.
Au XVIII° siècle, le chanvre était cultivé un peu partout en France et, grâce à Tourny, dans les environs de Bordeaux, dans le Réolais et aussi en Agenais.
L'exportation en nature était interdite et la plus grande partie des "cherves"(3) reçues à Bordeaux était expédiée à Bayonne et à St-Jean-de-Luz.
Mais Bordeaux recevait également des chanvres de Navarre et un règlement de la Jurade défendait aux cordiers de mélanger les chanvres de Guienne avec ceux de Navarre, sous peine du fouet et de 300 sous d'amende.
1745 - 16 Mars. Ordonnance de l'Intendant afin que les chanvres soient mieux broyés ; il proclame la supériorité des chanvres de Guienne sur ceux de Bretagne à la suite d'expériences faites à Brest par la marine.
1746 19 Août : Vu l'épizootie en Périgord, défense de faire rouir le chanvre dans le Dropt.
1756 - Le chevalier de Vivens écrit : "Il est surprenant que la France ait besoin de chanvres étrangers" (Riga).
Pour peu qu'on ait voulu favoriser la culture dans notre province, où on l'entend très bien, on en recueillerait bientôt au-delà des besoins du royaume.... Le commerce qui en augmenterait la culture est le plus aisé de tous. Rien de si sûr que de spéculer sur le chanvre, la garde en est facile et paie l'intérêt de l'argent; ce serait surtout le long de la Garonne, dans les plaines qui sont si propres pour le chanvre, où l'on en ferait venir une prodigieuse quantité ".
1781 25 Oct. : Lettre de Versailles à l'Intendant de Bordeaux :
La marine royale consomme annuellement de 11 à 12 millions de livres de chanvre; la marine marchande aussi de grandes quantités; on est obligé d'en tirer une grande quantité du Nord et de faire passer des fonds considérables à l'étranger; la guerre rend cette importation difficile et dispendieuse.
D'où nécessité de développer la culture du chanvre. Il reste encore tant de terrains à dessécher et à défricher..! "
Et Latapie, inspecteur des manufactures, dans son rapport "L'état de la culture du chanvre en 1781, dans les élections de Guienne", dit : "Dans la généralité de Bordeaux, c'est dans les sud délégations de Marmande (dont faisait partie La Réole) et d'Agen, que l'on trouve les terrains les plus fertiles en chanvre; celle de Marmande recueille seule le tiers de tout le chanvre de la généralité
1°- parce que les terrains qui avoisinent la Garonne sont excellents,
2°- parce que les corderies de Tonneins et de La Réole qui sont au centre du pays, y procurent un débouché certain et rapide. Il n'y a que les bords des rivières que l'on puisse destiner à cette culture parce que cette plante exige de l'humidité des meilleurs fonts possibles... 40 mille quintaux manquent à la marine de Bordeaux en temps de guerre et il faut absolument faire le sacrifice de 1.600.000 livres en faveur de l'étranger et cela pour un seul port... Chaque arpent cultivé avec les engrais suffisants produit en Guienne, année moyenne, 8 quintaux de chanvre...
Au temps de Colbert, on disait que les chanvres de Bretagne étaient supérieurs à ceux du Nord, pour la force, mais que sous ce rapport ceux de Guienne valaient encore mieux...
1789-90 : Dans ses "Voyages en France"', Arthur Young, toujours impressionné par la fertilité de la moyenne Garonne, dit: "Dans le voisinage d'Agen, le chanvre donne 10 quintaux par carterée (1) à 40 livres par quintal ".
Monségur était lors du dénombrement de 1730, réputé pour la finesse de ses chanvres; ceux-ci étaient appréciés bien au-delà de la juridiction; la demande était justifiée par les besoins de la population à ure époque où la culture du coton n'avait pas l'importance mondiale qu'elle a aujourd'hui.
On comptait à ce moment "quatre blanchisseurs de toilles", cinq " filasseurs ", trente-et-un "tisserands d'étoffes", huit drapiers faiseurs - ce qui représentait un nombre considérable de travailleurs de chanvre dans un bourg de 1162 habitants.
Il n'y a pas très longtemps existaient encore des rouisseurs de profession. Les odeurs provenant du rouissage incommodaient les populations.
Nous lisons: "Il y a grande sécheresse depuis plusieurs mois, il y a fort peu d'eau dans le Dropt, où en semblable saison on met quantité de chanvre et les eaux sont complètement gâtées, on ne peut plus abreuver le bétail... Il y a lieu de défendre à toutes les personnes de quelque qualité ou profession qu'elles soient, de tremper le chanvre à peine de confiscation, de 50 livres d'amende et de prison.
Cet avis sera publié dans toutes les paroisses" (6 août 1705).
La défense de rouissage dans le Dropt est renouvelée en 1746, 1756 et 1764. Et la Maîtrise des Eaux et Forêts fait de même en 1782.
1790- Décembre. Le prix moyen de la filasse est, depuis dix ans, de 6 livres le quintal.
An III - Frimaire. Le Directoire de La Réole réquisitionne tout le chanvre brié ou non brié, le fil blanchi ou écru. Pour le chanvre non brié, il sera procédé au briage: cela " pour le service de la marine, le triomphe de la liberté et le maintien de la République ". Réquisitions renouvelées dans les années qui suivent.
An VI Une patente de tisserand est de 4 francs, et le titulaire pourra exercer sa profession sans trouble ni empêchement.
1802 Juin, Le commerce du chanvre, des grosses toiles et du fil entretient un marché important dans la ville de Monségur et des environs".
1812 Jurade. Il n'y a plus que 4 tisserands travaillant - quatre mois de l'année et gagnant 1fr50 par jour; les autres passent huit mois à la culture de la terre.
Deux fabricants de grosses toiles et cadis sont de simples ouvriers qui cordent et tissent à domicile; ils ont de 70 à 75 centimes par aune des étoffes qu'ils fabriquent; l'un gagne 300 francs, l'autre 100 francs seulement par an.
1822 - 22 juillet. Le procureur du Roi auprès du tribunal de La Réole informe que la prohibition du rouissage dans le Dropt provoque le plus grand mécontentement dans le canton de Monségur et que l'exaspération est telle qu'il craint que le bon ordre ne soit troublé Le juge de paix de Monségur ajoute : " les esprits sont excessivement montés, infiniment plus qu'il ne pourrait le dépeindre. Le chanvre est un objet de première nécessité et l'usage de faire rouir le chanvre dans le Dropt est immémorial.
Les paysans de cette contrée sont dans une honnête aisance, d'un caractère paisible et ne prononcent le nom du Roi qu'avec respect. Il est d'extrême urgence d'aviser ".
1825 Mars. Bénéficiant de chemins en bon état, "Sainte-Bazeille reçoit le chanvre, dont elle fait un commerce considérable ".
1838 - Dans la commune de La Réole, il y a 35 journaux cultivés en chanvre mais pour les besoins locaux seulement. En Septembre au marché : chanvre 1ère qualité, 50 francs les 50 kilos; 2ème qualité,
A Monségur et Sauveterre: 47 francs.
La statistique de l' arrondissement de La Réole donne pour la production totale : 800 hectolitres soit 150.000 kilos.
1840 - Statistique à la demande du maire de Monségur : les bords du Dropt, on cultive le chanvre avec plus de succès que sur la côte ; les chènevières y sont plus communes et cette culture est l'une des meilleures et des plus revenantes.
1853 - Dans le canton de Monségur, il y a 100 hectares cultivés en chanvre, ce qui, avec 5 hectos de graines par hectare, fait 500 hectolitres. Le prix moyen d'un hecto de grain est de 20 frs; le kilo de filasse est de 0.80 centimes. (Il n'y a pas de lin).
1857 Sept - A l'occasion du Comice agricole tenu à Monségur, l'on voit une machine pour briser le chanvre, œuvre de Pierre Raffé, du Puy, employée avec avantage et déjà l'objet d'une récompense au Comice de Sauveterre, l'année précédente.
1865 - J. Reclus dit (Comm. Mon. Hist. ): " le canton de Monségur produit beaucoup de chanvre. "
1870 - Après cette date, le chanvre fut la seule matière textile cultivée dans le Bordelais et employée surtout pour la corderie.
1877 : 50 livres de chanvre à 1,20 la livre font 60 francs.
1884 Juin - La surface affectée à la culture du chanvre, dans la commune de Monségur, est inférieure à 2 hectares.
Taillecavat, comme beaucoup d'autres communes du canton, avait des chènevières importantes et des tissages à main. Le nom du lieu- dit de Piquetuille viendrait de Pique Telle (toile) ; hameau où se réunissait les travailleurs autour de la source qui alimentait, avec d'autres points d'eau, les "gannes" fossés creusés à un mètre de profondeur sur deux ou trois de large, comme canaux d'irrigation et surtout pour le rouissage.
On voit souvent " Pique teulle ". (Ed. Lecourt).
Cours, il y a moins d'un siècle, avait une spécialité de grisettes.
1860 Roquebrune avait 10 hectares de chènevières avec un produit moyen de 3 hectos de grains à 25 francs l'hectolitre. Le chanvre produit en moyenne, par hectare, 700 kilos de filasse.
En 1874, à Sainte-Gemme, la récolte du chanvre excède de la moitié la consommation de la commune.
Il ne reste plus rien, dans le Réolais et le Monségurais, de cette ancienne industrie paysanne et artisanale du textile local. La culture intensive du coton dans le monde et la très grande industrie cotonnière du Nord et de l'Est ont porté un coup mortel à la culture du chanvre dans le Sud-Ouest.
Pendant la 2ème guerre mondiale (1939-44), les pouvoirs publics ont tenté de faire revivre, partout où cela était possible, la culture du chanvre et la propagande par radio a fait dresser bien des oreilles, mais ce renouveau n'a pas été réalisé, ici, malgré les hauts prix des textiles.
A Roquebrune et ailleurs, quelques semis ont été faits, vite abandonnés par suite du manque de main d'œuvre réservée aux travaux qui ont fait depuis longtemps la fortune de ce pays béni des Dieux maïs, seigle, tabac, vigne, blé... avec l'incomparable profusion des arbres fruitiers de l'Agenais, cette splendeur !...
Le fil de chanvre mélangé au fil de coton se muait en grisette pour pantalons et vêtements de travail. Le coton teint à l'indigo laissait de fortes empreintes sur la peau, et deux lavages de l'étoffe étaient nécessaires pour arrêter cette coloration. On mélangeait parfois chanvre et laine, on faisait alors des "cadis"(2).
Mais c'était surtout la toile pour draps et serviettes qui était prisée comme inusable.
Certains ménages possèdent encore des draps entièrement neufs, n'ayant pas été encore utilisés.
Le stock ancien étant plus que suffisant. On trouve des pelotes de fil dans des tiroirs; elles y font figure de fossiles, car on ne songe plus à les utiliser pour le tissage.
Les tisserands toiliers produisaient de la toile de " brin " faite du chanvre le plus fin, d'une aune de largeur et valant, à cette époque, 40 sous l'aune. Le " boisradis" était une seconde qualité à 30 sous l'aune; le "terlis " était une grosse toile pour les sacs. Les sergeurs fabriquaient les " cadis " très employés, les cordelats et des droguets de fil et de laine.
Au XVIII° siècle, le chanvre était cultivé un peu partout en France et, grâce à Tourny, dans les environs de Bordeaux, dans le Réolais et aussi en Agenais.
L'exportation en nature était interdite et la plus grande partie des "cherves"(3) reçues à Bordeaux était expédiée à Bayonne et à St-Jean-de-Luz.
Mais Bordeaux recevait également des chanvres de Navarre et un règlement de la Jurade défendait aux cordiers de mélanger les chanvres de Guienne avec ceux de Navarre, sous peine du fouet et de 300 sous d'amende.
1745 - 16 Mars. Ordonnance de l'Intendant afin que les chanvres soient mieux broyés ; il proclame la supériorité des chanvres de Guienne sur ceux de Bretagne à la suite d'expériences faites à Brest par la marine.
1746 19 Août : Vu l'épizootie en Périgord, défense de faire rouir le chanvre dans le Dropt.
1756 - Le chevalier de Vivens écrit : "Il est surprenant que la France ait besoin de chanvres étrangers" (Riga).
Pour peu qu'on ait voulu favoriser la culture dans notre province, où on l'entend très bien, on en recueillerait bientôt au-delà des besoins du royaume.... Le commerce qui en augmenterait la culture est le plus aisé de tous. Rien de si sûr que de spéculer sur le chanvre, la garde en est facile et paie l'intérêt de l'argent; ce serait surtout le long de la Garonne, dans les plaines qui sont si propres pour le chanvre, où l'on en ferait venir une prodigieuse quantité ".
1781 25 Oct. : Lettre de Versailles à l'Intendant de Bordeaux :
La marine royale consomme annuellement de 11 à 12 millions de livres de chanvre; la marine marchande aussi de grandes quantités; on est obligé d'en tirer une grande quantité du Nord et de faire passer des fonds considérables à l'étranger; la guerre rend cette importation difficile et dispendieuse.
D'où nécessité de développer la culture du chanvre. Il reste encore tant de terrains à dessécher et à défricher..! "
Et Latapie, inspecteur des manufactures, dans son rapport "L'état de la culture du chanvre en 1781, dans les élections de Guienne", dit : "Dans la généralité de Bordeaux, c'est dans les sud délégations de Marmande (dont faisait partie La Réole) et d'Agen, que l'on trouve les terrains les plus fertiles en chanvre; celle de Marmande recueille seule le tiers de tout le chanvre de la généralité
1°- parce que les terrains qui avoisinent la Garonne sont excellents,
2°- parce que les corderies de Tonneins et de La Réole qui sont au centre du pays, y procurent un débouché certain et rapide. Il n'y a que les bords des rivières que l'on puisse destiner à cette culture parce que cette plante exige de l'humidité des meilleurs fonts possibles... 40 mille quintaux manquent à la marine de Bordeaux en temps de guerre et il faut absolument faire le sacrifice de 1.600.000 livres en faveur de l'étranger et cela pour un seul port... Chaque arpent cultivé avec les engrais suffisants produit en Guienne, année moyenne, 8 quintaux de chanvre...
Au temps de Colbert, on disait que les chanvres de Bretagne étaient supérieurs à ceux du Nord, pour la force, mais que sous ce rapport ceux de Guienne valaient encore mieux...
1789-90 : Dans ses "Voyages en France"', Arthur Young, toujours impressionné par la fertilité de la moyenne Garonne, dit: "Dans le voisinage d'Agen, le chanvre donne 10 quintaux par carterée (1) à 40 livres par quintal ".
Monségur était lors du dénombrement de 1730, réputé pour la finesse de ses chanvres; ceux-ci étaient appréciés bien au-delà de la juridiction; la demande était justifiée par les besoins de la population à ure époque où la culture du coton n'avait pas l'importance mondiale qu'elle a aujourd'hui.
On comptait à ce moment "quatre blanchisseurs de toilles", cinq " filasseurs ", trente-et-un "tisserands d'étoffes", huit drapiers faiseurs - ce qui représentait un nombre considérable de travailleurs de chanvre dans un bourg de 1162 habitants.
Il n'y a pas très longtemps existaient encore des rouisseurs de profession. Les odeurs provenant du rouissage incommodaient les populations.
Nous lisons: "Il y a grande sécheresse depuis plusieurs mois, il y a fort peu d'eau dans le Dropt, où en semblable saison on met quantité de chanvre et les eaux sont complètement gâtées, on ne peut plus abreuver le bétail... Il y a lieu de défendre à toutes les personnes de quelque qualité ou profession qu'elles soient, de tremper le chanvre à peine de confiscation, de 50 livres d'amende et de prison.
Cet avis sera publié dans toutes les paroisses" (6 août 1705).
La défense de rouissage dans le Dropt est renouvelée en 1746, 1756 et 1764. Et la Maîtrise des Eaux et Forêts fait de même en 1782.
1790- Décembre. Le prix moyen de la filasse est, depuis dix ans, de 6 livres le quintal.
An III - Frimaire. Le Directoire de La Réole réquisitionne tout le chanvre brié ou non brié, le fil blanchi ou écru. Pour le chanvre non brié, il sera procédé au briage: cela " pour le service de la marine, le triomphe de la liberté et le maintien de la République ". Réquisitions renouvelées dans les années qui suivent.
An VI Une patente de tisserand est de 4 francs, et le titulaire pourra exercer sa profession sans trouble ni empêchement.
1802 Juin, Le commerce du chanvre, des grosses toiles et du fil entretient un marché important dans la ville de Monségur et des environs".
1812 Jurade. Il n'y a plus que 4 tisserands travaillant - quatre mois de l'année et gagnant 1fr50 par jour; les autres passent huit mois à la culture de la terre.
Deux fabricants de grosses toiles et cadis sont de simples ouvriers qui cordent et tissent à domicile; ils ont de 70 à 75 centimes par aune des étoffes qu'ils fabriquent; l'un gagne 300 francs, l'autre 100 francs seulement par an.
1822 - 22 juillet. Le procureur du Roi auprès du tribunal de La Réole informe que la prohibition du rouissage dans le Dropt provoque le plus grand mécontentement dans le canton de Monségur et que l'exaspération est telle qu'il craint que le bon ordre ne soit troublé Le juge de paix de Monségur ajoute : " les esprits sont excessivement montés, infiniment plus qu'il ne pourrait le dépeindre. Le chanvre est un objet de première nécessité et l'usage de faire rouir le chanvre dans le Dropt est immémorial.
Les paysans de cette contrée sont dans une honnête aisance, d'un caractère paisible et ne prononcent le nom du Roi qu'avec respect. Il est d'extrême urgence d'aviser ".
1825 Mars. Bénéficiant de chemins en bon état, "Sainte-Bazeille reçoit le chanvre, dont elle fait un commerce considérable ".
1838 - Dans la commune de La Réole, il y a 35 journaux cultivés en chanvre mais pour les besoins locaux seulement. En Septembre au marché : chanvre 1ère qualité, 50 francs les 50 kilos; 2ème qualité,
A Monségur et Sauveterre: 47 francs.
La statistique de l' arrondissement de La Réole donne pour la production totale : 800 hectolitres soit 150.000 kilos.
1840 - Statistique à la demande du maire de Monségur : les bords du Dropt, on cultive le chanvre avec plus de succès que sur la côte ; les chènevières y sont plus communes et cette culture est l'une des meilleures et des plus revenantes.
1853 - Dans le canton de Monségur, il y a 100 hectares cultivés en chanvre, ce qui, avec 5 hectos de graines par hectare, fait 500 hectolitres. Le prix moyen d'un hecto de grain est de 20 frs; le kilo de filasse est de 0.80 centimes. (Il n'y a pas de lin).
1857 Sept - A l'occasion du Comice agricole tenu à Monségur, l'on voit une machine pour briser le chanvre, œuvre de Pierre Raffé, du Puy, employée avec avantage et déjà l'objet d'une récompense au Comice de Sauveterre, l'année précédente.
1865 - J. Reclus dit (Comm. Mon. Hist. ): " le canton de Monségur produit beaucoup de chanvre. "
1870 - Après cette date, le chanvre fut la seule matière textile cultivée dans le Bordelais et employée surtout pour la corderie.
1877 : 50 livres de chanvre à 1,20 la livre font 60 francs.
1884 Juin - La surface affectée à la culture du chanvre, dans la commune de Monségur, est inférieure à 2 hectares.
Taillecavat, comme beaucoup d'autres communes du canton, avait des chènevières importantes et des tissages à main. Le nom du lieu- dit de Piquetuille viendrait de Pique Telle (toile) ; hameau où se réunissait les travailleurs autour de la source qui alimentait, avec d'autres points d'eau, les "gannes" fossés creusés à un mètre de profondeur sur deux ou trois de large, comme canaux d'irrigation et surtout pour le rouissage.
On voit souvent " Pique teulle ". (Ed. Lecourt).
Cours, il y a moins d'un siècle, avait une spécialité de grisettes.
1860 Roquebrune avait 10 hectares de chènevières avec un produit moyen de 3 hectos de grains à 25 francs l'hectolitre. Le chanvre produit en moyenne, par hectare, 700 kilos de filasse.
En 1874, à Sainte-Gemme, la récolte du chanvre excède de la moitié la consommation de la commune.
Il ne reste plus rien, dans le Réolais et le Monségurais, de cette ancienne industrie paysanne et artisanale du textile local. La culture intensive du coton dans le monde et la très grande industrie cotonnière du Nord et de l'Est ont porté un coup mortel à la culture du chanvre dans le Sud-Ouest.
Pendant la 2ème guerre mondiale (1939-44), les pouvoirs publics ont tenté de faire revivre, partout où cela était possible, la culture du chanvre et la propagande par radio a fait dresser bien des oreilles, mais ce renouveau n'a pas été réalisé, ici, malgré les hauts prix des textiles.
A Roquebrune et ailleurs, quelques semis ont été faits, vite abandonnés par suite du manque de main d'œuvre réservée aux travaux qui ont fait depuis longtemps la fortune de ce pays béni des Dieux maïs, seigle, tabac, vigne, blé... avec l'incomparable profusion des arbres fruitiers de l'Agenais, cette splendeur !...
MANLEY-BENDALL
(1) carterée : 2000 m²
(2) Cadis : Tissu de laine du genre de la bure ou de la flanelle.
(3) Cherves : chanvre
II - Le chanvre, une culture d'avenir ?
Face aux difficultés de la viticulture en Gironde, une poignée d'agriculteurs explorent une nouvelle voie : le chanvre, plante robuste, aux débouchés prometteurs, de l'alimentation à l'écoconstruction.
Une association a été créée il y a un an
Une association a été créée il y a un an
Linda Douifi Sud Ouest 15-09-2025
L.douifi@sudouest.fr
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Plusieurs agriculteurs et porteurs de projet ont assisté à une rencontre d'information autour du chanvre jeudi 11 septembre. Un rendez-vous organisé par la Chambre d'agriculture. L. D |
Lucie et Jérôme Taffin montrent, avec une pointe de fierté, une photo de leur champ verdoyant : 1,4 hectare de chanvre qu'ils ont semé pour la première fois au printemps der nier, dans leur exploitation de Lagorce près de Libourne (viticulture et élevage). Une culture encore balbutiante en Gironde, mais qui suscite déjà beaucoup d'attentes.
"Pour l'instant, aucun regret, confie Jérôme. Malgré la sécheresse du début d'été, ça a très bien résisté"
Sa fille Lucie, 21 ans, voit dans cette plante une voie d'avenir: "Elle correspond bien à notre exploitation familiale, demande peu d'eau, mais valorise bien la matière organique issue de notre élevage"
Les Taffin ne se sont pas lancés seuls. Comme d'autres agriculteurs du secteur, ils ont rejoint l'association Chanvre en Libournais, créée il y a un an. Objectif: structurer une nouvelle filière dans un territoire marqué par les arrachages de vignes et la chute de la valeur foncière.
Un marché en attente Au-delà de l'aspect économique, cette aventure est aussi une manière de rompre l'isolement. "Le collectif, c'est indispensable. Tout le monde n'a pas le matériel ni l'expérience, rappelle Lucie.
Grâce à l'association, on partage les semoirs, on s'entraide pour les récoltes. "Quand l'un flanche, un autre prend le relais". Dans un métier où la solitude est souvent pesante, l'entraide redevient centrale. Notamment pour les investissements nécessaires. À la présidence de l'association, on trouve Fabienne Krief, viticultrice et maire de Bayas. Comme beaucoup, elle a arraché une partie de ses
vignes. Pour elle, le chanvre représente "une plante adaptée au changement climatique, peu gourmande en eau, et qui trouve déjà ses marchés, mais aussi bien pour la graine alimentaire que pour la fibre utilisée dans l'écoconstruction".
Le chanvre cultivé dans le Libournais n'a rien à voir avec sa réputation sulfureuse.
Avec moins de 0,2% de THC (1), il est destiné à l'alimentation. - les graines riches en protéines intéressent restaurants collectifs, hôpitaux et maisons de retraite - et surtout à la construction écologique. La tige, une fois défibrée, fournit d'un côté la fibre, utilisée comme isolant, et de l'autre la "chènevotte", un granulat qui se mélange à la chaux ou à l'argile pour des enduits et des bétons. "Aujourd'hui, les professionnels du bâtiment attendent du chanvre local, assure Fabienne Krief.
Benoît Duret, tailleur de pierre à Lussac, fait venir plusieurs semi-remorques depuis le nord de la France pour restaurer des châteaux. L'idée est de "produire ici ce qu'on importe de loin."
L'enjeu du défibrage
Encore faut-il franchir un cap: atteindre la masse critique de surfaces cultivées. <<Pour qu'une unité de défibrage voie le jour, il faut entre 100 et 150 hectares par an », précise la présidente. Cette unité, estimée à 700 000 euros, permettrait de séparer la fibre de la chènevotte et de donner toute sa valeur ajoutée à la culture. Pour l'instant, la vingtaine d'adhérents de Chanvre en Libournais n'exploitent qu'une dizaine d'hectares.
L'an prochain, ils espèrent passer à 20. La paille, elle, peut être stockée en attendant. Des financements publics et privés soutiennent déjà l'initiative. Lisea, gestionnaire de la LGV, finance 50% du matériel, le Département suit également le projet. Une moissonneuse-batteuse d'occasion a ainsi pu être achetée collectivement, première pierre d'un équipement qui doit encore s'étoffer.
Pour l'heure, la Gironde ne compte qu'une seule association dédiée, mais d'autres pourraient émerger.
Un marché en attente Au-delà de l'aspect économique, cette aventure est aussi une manière de rompre l'isolement. "Le collectif, c'est indispensable. Tout le monde n'a pas le matériel ni l'expérience, rappelle Lucie.
Grâce à l'association, on partage les semoirs, on s'entraide pour les récoltes. "Quand l'un flanche, un autre prend le relais". Dans un métier où la solitude est souvent pesante, l'entraide redevient centrale. Notamment pour les investissements nécessaires. À la présidence de l'association, on trouve Fabienne Krief, viticultrice et maire de Bayas. Comme beaucoup, elle a arraché une partie de ses
vignes. Pour elle, le chanvre représente "une plante adaptée au changement climatique, peu gourmande en eau, et qui trouve déjà ses marchés, mais aussi bien pour la graine alimentaire que pour la fibre utilisée dans l'écoconstruction".

Avec moins de 0,2% de THC (1), il est destiné à l'alimentation. - les graines riches en protéines intéressent restaurants collectifs, hôpitaux et maisons de retraite - et surtout à la construction écologique. La tige, une fois défibrée, fournit d'un côté la fibre, utilisée comme isolant, et de l'autre la "chènevotte", un granulat qui se mélange à la chaux ou à l'argile pour des enduits et des bétons. "Aujourd'hui, les professionnels du bâtiment attendent du chanvre local, assure Fabienne Krief.
Benoît Duret, tailleur de pierre à Lussac, fait venir plusieurs semi-remorques depuis le nord de la France pour restaurer des châteaux. L'idée est de "produire ici ce qu'on importe de loin."
L'enjeu du défibrage
Encore faut-il franchir un cap: atteindre la masse critique de surfaces cultivées. <<Pour qu'une unité de défibrage voie le jour, il faut entre 100 et 150 hectares par an », précise la présidente. Cette unité, estimée à 700 000 euros, permettrait de séparer la fibre de la chènevotte et de donner toute sa valeur ajoutée à la culture. Pour l'instant, la vingtaine d'adhérents de Chanvre en Libournais n'exploitent qu'une dizaine d'hectares.
L'an prochain, ils espèrent passer à 20. La paille, elle, peut être stockée en attendant. Des financements publics et privés soutiennent déjà l'initiative. Lisea, gestionnaire de la LGV, finance 50% du matériel, le Département suit également le projet. Une moissonneuse-batteuse d'occasion a ainsi pu être achetée collectivement, première pierre d'un équipement qui doit encore s'étoffer.
Pour l'heure, la Gironde ne compte qu'une seule association dédiée, mais d'autres pourraient émerger.
D'où l'opération d'information menée par la Chambre d'agriculture de la Gironde et Chanvre du Libournais, jeudi 11 septembre à Chamadelle.
"Le marché est là, c'est à nous de nous organiser pour l'alimenter", résume Fabienne Krief.
"Le marché est là, c'est à nous de nous organiser pour l'alimenter", résume Fabienne Krief.
Dans un département où la viticulture peine à se relever, le chanvre apparaît comme une alternative crédible. Pas une solution miracle - la rotation impose de ne pas en ressemer sur la même parcelle avant cinq ans - mais une culture complémentaire, porteuse d'espoir et de solidarité. Chez les Taffin, la récolte de cette première campagne approche. "On va voir ce que ça donne, mais on est convaincus, assure Jérôme. C'est une plante robuste, pleine de débouchés."
Un pari sur l'avenir que partagent, désormais, une poignée d'agriculteurs girondins.(1) THC: le principe actif du cannabis qui entraine une dépendance.
Un pari sur l'avenir que partagent, désormais, une poignée d'agriculteurs girondins.(1) THC: le principe actif du cannabis qui entraine une dépendance.
- Chanvre ou CBD, deux cultures différentes
Si le chanvre et le CBD (cannabidiol, qui n'entraîne pas de dépendance) proviennent de la même plante, leurs cultures n'ont rien en commun. Le chanvre cultivé en Gironde l'est à forte densité (jusqu'à 100 pieds/m²) pour produire graines et fibres. Le CBD, lui, nécessite des variétés spécifiques, semées beaucoup plus clairsemées (4 pieds/m²). Les deux ne peuvent cohabiter: une pollinisation croisée ruinerait la teneur en CBD.
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