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Cahiers du Réolais - 01

Cahiers du Réolais par auteur  ICI   par article  ICI


LES AMIS DU VIEUX REOLAIS

EXTRAITS DES STATUTS
Article 2 - La Société a pour but de rechercher, conserver et faire connaître au moyen d'expositions, conférences, publications etc. tout ce qui, dans la région de La Réole se rapporte au passé au point de vue historique, géographique, littéraire, folklorique ou anecdotique, et ceci dans un but désintéressé.

Article 3 - La Société comprend :
a/ Des Membres d'Honneur (ce titre est accordé aux personnes qui se sont distinguées par les services rendus à la société ou dont le haut patronage est souhaitable. Aucune cotisation n'est exigée des Membres d'Honneur).
b/ Des membres actifs payant une cotisation annuelle.
c/ Des membres correspondants.
Article 6-Le montant des cotisations est fixé chaque année par l'Assemblée Générale, sur proposition du bureau (cotisations des membres actifs pour l'année 1949 : 120 Frs.)

Comité d'Honneur
Monsieur SOURBET, Député de la Gironde, Maire de Morizès
Monsieur le Sous-Préfet de l'Arrondissement
Monsieur le Maire de La Réole

Membres d'Honneur
Monseigneur Jean GUYOT, Evêque Auxiliaire de Coutances
M. M. Aussaresses à Bordeaux
le Général Boucard, Commandant Supérieur du Train, à Paris
le Professeur Pierre Broustet, de la Faculté de Médecine de Bordeaux
Georges Dupont, Directeur de l'Ecole Normale Supérieure
le Professeur Guyot, Professeur Honoraire Faculté de Médecine de Bx
Loirette, Archiviste Honoraire, à Bordeaux
Jean Merlaut, Ancien Bâtonnier, à Bordeaux
Guillaume Saget, Sculpteur, à Paris
Roger Simon, Président de Cour d'Appel

Bureau actif, élu pour l'année :
Président : Lucien Jamet
Vice-Présidents : Mlle Thérèse Nadaud (+1949), M. le Général Counilh
M. Vissières-Laporterie, Adjoint au Maire, M. Fontain
Secrétaire : M. Pierre Laville
Secrétaire Adjoint ; M. Henri Dubourdieu
Trésorier : M. Maurice Abadie
Archiviste et Conservateur Musée : M. Camille Biot
Sommaire
I - In Memoriam  Thérèse Nadeau 
La Procession sur l'eau (Sonnet), La Vieille Fontaine (Sonnet)
II - Essai sur la Population Réolaise
Renseignements divers
Cahiers de Doléances de la Commune de Loupiac-de-la-Réole 1789
Jean de La Réoule
Les Amis du Vieux Réolais : extraits des Statuts Administration

Le Bureau : Thérèse Nadeau, R. Arambourou,  G. Dumeste,  L. Jamet
Tous droits de reproduction réservés
Dépôt légal conformément à la loi.
Adresser manuscrits et communications au Rédacteur :
R.ARAMBOUROU à La Réole

I - IN MEMORIAM : THÉRÈSE NADEAU

    A peine notre Société venait-elle de constituer son Bureau, que nous apprenions avec une pénible surprise la disparition de notre première Vice-Présidente, Mlle. Thérèse NADEAU, qu'une brève maladie venait d'enlever à l'affection de ses parents et de ses amis.
    Mlle NADEAU était une personnalité sympathique de notre ville. Par son père, Président du Tribunal Civil, et son Grand-Père Jean Renou, Maire de La Réole à plusieurs reprises et pendant plus de quinze années consécutives, elle appartenait à une vieille famille de chez nous. Elle-même avait passé toute son existence à La Réole, où elle était connue de toute la population, et où tout le monde l’estimait parce qu'on avait pu, à maintes reprises, apprécier son bon cœur et son dévouement.
    Elle avait prouvé son dévouement d'abord au cours de la guerre 14-18 en servant comme infirmière bénévole dans nos hôpitaux militaires. Elle avait eu l'occasion de le montrer plus récemment en aidant à accueillir les repliés de l'Est et les réfugiés, en s'occupant avec zèle du Colis du Prisonnier et de toutes les œuvres de la Croix-Rouge. Elle accomplissait ces tâches avec une invariable bonne humeur, un optimisme jamais en défaut ce qui n'était pas un des moindres charmes de son caractère.
    Ceux qui la connaissaient plus intimement, savaient quelle finesse d'esprit et quelle érudition dissimulaient sa modestie naturelle. Elle connaissait à fond le passé de notre ville, son folklore, ses coutumes et quand on voulait préciser un détail sur quelques points d'histoire locale, on était sûr de trouver chez elle des renseignements précis et des documents de valeur. Présidente des "Réoulès", presque depuis les débuts de cette société, elle avait tenu, malgré les fatigues des voyages, à accompagner nos jeunes compatriotes dans toutes leurs sorties, partout où ils allèrent faire connaître danses et chants de notre terroir.
    Notre ville, notre fleuve, nos coteaux, nos paysages lui avaient inspiré des vers charmants pour lesquels elle avait obtenu de hautes récompenses aux Jeux Floraux d'Aquitaine.
    Elle fut une des premières à répondre à notre appel lorsqu'il fut question de fonder “Les Amis du Vieux Réolais” et se faisait une joie de participer aux travaux de notre société. Son concours, dans toutes nos manifestations, eut été précieux, et nous n'en ressentons que plus vivement sa perte.
    Il est légitime que soient consacrées à Thérèse NADEAU les premières feuilles de ces Cahiers auxquels elle eût si volontiers collaboré, et nous lui rendons un dernier hommage en publiant ici deux Sonnets inédits où se retrouve toute la délicatesse de pensée et d'expression de notre regrettée compatriote.
Le Bureau.

LA PROCESSION SUR L'EAU
Sur le fleuve où se mire un ciel bleu de printemps
Le bateau pavoisé glisse avec nonchalance ;
De sa corne effilée ainsi qu'un fer de lance
Tombé un long pavillon de la couleur du temps.

Sur la proue, abrité de grands volumes flottants,
Parmi les rameaux verts que la brise balance,
Jaillit le crucifix qui vers le ciel s'élance
Au-dessus des clergeons en habits éclatants.

Le fifre fait entendre avec des notes claires
Le plus aimé de tous nos vieux airs populaires
Aux purs accents gaulois, laudatifs et railleurs.

Et le vent qui l'emporte au lointain de la rive
Mêle en trainant sur l'eau les refrains gouailleurs,
Les souvenirs anciens à l'heure fugitive.

LA VIEILLE FONTAINE
Arrête toi, Passant, près de cette fontaine
Dont l'eau claire qui fuit au ruisseau chevrotant
Coule d'un bronze ancien, mascaron jabotant,
Comme on les ciselait naguère, en Aquitaine.

Ses degrés de granit s'ornent de marjolaine ;
Son bras de fer s'élève et s'abaisse en chantant ;
Sur la face que dore un soleil éclatant
On lit, presque effacés, une date lointaine.

Souvent, comme autrefois, une cruche à la main,
On voit une fillette au fin profil romain
Ecouter un galant alors que la nuit tombe,

Et la flèche d'Eros blesse un cœur tous les jours 
Près de la source claire ou s'ébat la colombe
L'Amour est d'aujourd'hui, de jadis, de toujours.
Thérèse Nadeau,
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ESSAI SUR LA POPULATION DE LA RÉOLE -

    A s'en tenir aux chiffres bruts, la population de La Réole s'est accrue de 20% de 1821 à 1946.
La guerre de 1870-71 et le phylloxéra ont légèrement ralenti un mouvement croissant jusqu'en 1901, celle de 1914-18 a brutalement accentué un mouvement descendant amorcé après 1901, enfin celle de 1939-45 a exagéré la lente reprise constatée entre 1921 et 1936.
    L'excédent des naissances sur les décès de 1946 à 1948 inclus doit assurer au prochain dénombrement un total au moins égal au précédent sinon supérieur.
    On pourrait donc être optimiste sur les perspectives de développement de la ville et à bon droit estimer que la guerre de 1939-1945 a largement compensé au seul point de vue numérique les pertes du premier conflit mondial Cette impression est-elle bien fondée ?
    Si nous comparons les résultats officiels des dénombrements de la population et l'effectif calculé en fonction des naissances et décès enregistrés par l'état civil au cours des mêmes périodes, nous voyons que sauf en 1831, 1841, 1861 et 1891 où il y a l'émigration, l'effectif constaté étant supérieur à l'effectif calculé il y a une importante arrivée de gens venus habiter La Réole.
Cette immigration apparente est responsable de l'accroissement général.

    De 1881 à 1936 l'origine des populations étant indiquées nous remarquons une progression constante du nombre des étrangers et des Français nés hors de la commune. Pour ces derniers le maximum est atteint en 1926. Il n'est pas sans intérêt de constater que parmi les immigrants issus du département de la Gironde (les plus nombreux) l'effectif des habitants originaires des communes de la rive gauche de la Garonne est plus important que celui de la rive droite pourtant légèrement supérieur jusqu'en 1906 : moins du tiers de la population est originaire de La Réole, en 1926.
    Si nous examinons maintenant la structure de cette population, trois remarques s'imposent à nous.
D'abord la répartition par âge des habitants nous montre de 1851 à 1946 une diminution des jeunes (jusqu'à 19 ans) et des adultes (de 20 à 59 ans) respectivement de 30 à 28% et de 56 à 54% du total et une nette augmentation du nombre des personnes de plus de 60 ans de 14 à 18%.
La population réolaise vieillit.

    Au cours de ces 95 ans, la proportion des éléments féminins passe de 51 à 55% et cet accroissement affecte toutes les catégories d'âge : les adultes et surtout les plus de 60 ans, ce qui est normal car la mortalité masculine est la plus forte, mais aussi les moins de 20 ans dont l'effectif féminin passe de 49,5 à 55%, ce qui n'est pas pour atténuer dans l'avenir l'écart dans la répartition par sexe.
Enfin le classement professionnel de la population fait apparaître des modifications non moins importantes: 61% de la population travaillait en 1851, 50% seulement en 1946. Si le nombre des rentiers et retraités est resté à peu prés stationnaire, celui des femmes et des enfants sans activité professionnelle est passé de 34,5 à 45,6 % traduisant une amélioration notable du niveau de vie, encore que la diminution considérable du nombre des domestiques de 164,6% indique que, si le sort des enfants s'est amélioré, celui de la femme a dû diminuer de l'accroissement de toutes les charges ménagères.

    Non moins significative est l'évolution des professions fonctionnaires et employés triplent leurs effectifs, mais les agriculteurs s'accroissent à peine d'un tiers, surtout les commerçants et artisans passent de 28 à 12,6% du total de la population active. Cette diminution est le symptôme le plus évident d'une concentration de ces professions et le fait est souligné par l'accroissement considérable du nombré des employés.
    La fortune est moins partagée qu'autrefois. Il est frappant de constater que l'ensemble fonctionnaires, commerçants et artisans et employés est presque identique à 95 ans de distance : le salarié de l'Etat ou d'un patron a donc remplacé le petit entrepreneur indépendant.
    Si nous envisageons enfin la répartition des habitants sur le territoire communal, nous constatons que pour les quartiers situés entre la Garonne et les rues Gambetta et Gabriel Chaigne d'une part, et d'autre part la rue de l'Abattoir à l'Ouest et le chemin de ronde à l'Est la population croît jusqu'en 1901, puis diminue ensuite.
    Au nord de cette première zone, en gros la vieille ville, le quartier à l'Ouest de l'avenue Carnot atteint son maximum en 1891, à l'Est seulement en 1911. Hors les murs le Rouergue décroît à partir de 1906 mais le territoire rural est en progrès, sauf dans la partie à l'Est de l'ensemble Justice Recluse.
    Le Mahon où il y a régression de 1891 à 1936 avec ensuite un brusque accroissement.

Quelles conclusions tirer de ces sondages?
    La population s'accroît alors que celle du canton diminue exprimant ainsi le rôle urbain de la Réole dont la croissance est due à l'exode rural. Mais cette augmentation est faible au regard de celle des autres villes du département de 1820 à 1946, alors que la Réole augmente de 20% ; Libourne s'accroît de 230% et Bordeaux de 284 %. C'est là le symptôme grave du déclin dans lequel sommeillent tant d'autres vieilles petites villes, simples et brèves haltes des ruraux dans leurs marches vers les grands centres urbains ; car la circulation intensifiée a accéléré ce mouvement très lent jadis de centre de transit, fonction normale d'une ville.
     Ce renouvellement de la population pose la question de l'absorption des immigrants, ou de l'altération progressive jusqu'à sa disparition, du caractère particulier de l'agglomération. Retenant peu, les éléments jeunes ne restent pas à la Réole et la proportion âgées augmente dangereusement pour l'équilibre biologique, économique et financier de la commune et de ses habitants dont les charges s'accroissent d'autant plus que le nombre des producteurs diminue par émigration et surtout par baisse de la natalité.
    Ainsi se trouve réalisé "ce fameux cycle infernal" dont le déficit budgétaire, l'équilibre des salaires et des prix ne sont que des aspects. Combien plus grave est la menace qui pèse sur l'existence même de l'espèce humaine simplement pour avoir essayé de mesurer la vie à l'aune de l'égoïsme individuel.
    Pourtant la nature semble contrebalancer ces calculs en faisant naître plus de filles que de garçons, accroissant ainsi les chances de maternité et opposant là comme dans tous les domaines au malthusianisme des hommes la grande loi universelle de la fécondité.
    Malgré tout, la répartition des habitants, par la décongestion du vieux noyau de peuplement et l'augmentation de la population hors des anciennes limites montre l'urbanisation de l'ensemble du territoire communal.


    Et cela est aussi un phénomène caractéristique de l'existence des villes à l'époque contemporaine.
Cette extension dans l'espace, l'immigration constante des ruraux, l'accroissement du nombre des salariés sont les caractères généraux des villes. Mais la faiblesse du développement numérique de la population, l'absence presque totale d'industrie moderne, la diminution des fonctions administratives depuis le transfert de la sous-préfecture à Langon montrent que la ville disparaît peu à peu, remplacée par un bourg rural.
    Brutalement, les faits sont là, bien différents sans doute des impressions éprouvées par les Réolais de vieille souche dont l'amour de leur petite patrie transpose la réalité qu'ils voient à travers leurs souvenirs.
    La question de la population est fondamentale, elle conditionné tout, du bien-être familial jusqu'à la paix.
De l'intérêt qu'on y porte dépend en définitive la vie ou la mort.
    Certes, la natalité s'est considérablement relevée. C'est la première fois depuis un siècle que pendant trois années consécutives le nombre des nouveau-nés dépasse celui des morts. Mais ne nous y trompons pas, chaque après-guerre apporte toujours un accroissement de naissances, celles qui n'ont pas pu avoir lieu au cours du conflit des naissances différées. L'avenir seul nous confirmera si ce mouvement est temporaire ou non, et si la volonté de vivre prendra enfin le pas sur les petits calculs égoïstes et mortels.

R. ARAMBOUROU

-:-DIVERS-:-

ARMOIRIES : Les armoiries de la Réole sont d'azur à la porte de ville flanquée de tours d'argent sommée de deux autres tours du même, le tout maçonné de sable et surmonté de trois fleurs de lys d'or rangées en chef, avec la légende :
URBS REGULA DUCATUS AQUITANIAE     
    Octave Gauban, dans son “Histoire de la Réole” (1873) attribue la concession de ces armoiries à Louis XIII, lorsque ce prince fit reconstruire le château des Quat ’Sos en 1224
Les fleurs de lys furent accordées en 1453 par Charles VII pour récompenser les Réolais de leur fidélité à la cause royale, lorsque la trahison du Sire de Lesparre rappela les Anglais en Guyenne.
    Ces armoiries furent confirmées le 3 Avril 1824, par lettres patentes de Louis XVIII dont l'original a été confié par la Municipalité au Musée de la ville.

POPULATION :  4.491 habitants. (Recensement de 1946) 
ALTITUDE : au perron de la Mairie 36 mètres, à la porte d'entrée de l'Hôpital: 49 mètres.
LATITUDE  : 44° 22′ 30″
LONGITUDE OUEST : 2° 22' 30"
Le méridien O de Greenwich passe un peu à l'Est de la ville.


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CAHIER DES PLAINTES ET DOLÉANCES DE LA PAROISSE DE LOUPIAC 
représentée par Pierre LABARDE et Pierre DUZAN, leurs députés pour être porté à l'Assemblée Générale devant M. le Grand SÉNÉCHAL de BAZAS le dix du courant.

Article 1.
Que les impositions royales soient réparties sur les trois ordres de l'Etat par proportion et égalité, et qu'elles soient comprises dans un seul et même rôle, pour être perçues sans le ministère d'huissier par un préposé établi dans chaque paroisse muni de pouvoirs, à aussi moins de frais qu'il sera possible.
Article 2.
Que les vingtièmes, capitations et industrie soient abolies de même que les droits sur les vins, viandes et sur les cuirs.
Article 3.
Que la corvée se fasse par les trois ordres de l'État par proportion et égalité sans distinction, et à portée des chantiers, le plus près possible des endroits.
Article 4.
Qu'il sera fait un arpentement général des biens pour être encadastrés afin de distinguer les fonds du 1º, 2º, 3º degré afin d'associer l'impôt avec proportion et égalité.
Article 5.
Que la dîme soit abolie, n'étant pas d'institution divine mais usurpée ; les curés pensionnés par proportion et suivant l'étendue de leurs paroisses et travaux spirituels.
Article 6.
Qu'il soit permis aux vassaux de se racheter de leurs rentes et agrier envers les seigneurs ou amortissement en payant un certain capital dans un long délai.
Article 7.
Que les Bureaux de Ferme soient transportés sur les frontières du royaume pour y être perçus les droits d'entrée et de sortie et le commerce libre dans l'intérieur
Article 8.
Que la justice s'expédie gratis et que lesdits procès ne puissent durer qu'un an en première instance.
Article 9.
Que la justice criminelle ne soit pas confiée à un seul officier, qu'il y ait au moins trois juges pour instruire les procès à cause des abus qu'un seul officier peut commettre,

Cahier de plaintes et doléances présenté par Pierre DUZAN et Pierre LABARDE députés par la paroisse de LOUPIAC pour se rendre au Sénéchal de BAZAS le 10 Mars 1789.
signé : DUZAN
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Ce cahier est accompagné du procès-verbal de nomination des délégués de la paroisse.

    Aujourd'hui 4 Mars 1789, par devant Nous Pierre DELOUSTAU, avocat au Parlement, Conseiller du Roi, Juge Royal en chef de la ville et Prévôté de La Réole, Commissaire à ce député par Monsieur le Grand Sénéchal de BAZAS, ont comparu en l'hôtel commun de la présente ville, 
    sieur Pierre LABARDE, agent de M. le Président de PECHARD, Pierre BROUSTET, François BROUSTET, Henri CONSTANT, Jean BARON, Pierre DUZAN et Jacques BOUCHE, Michel R..UT, autre FRANÇOIS BROUSTET et François PICON, 
    les tous habitants de la paroisse de LOUPIAC, en cette juridiction, tous nés français, ladite paroisse composée de soixante pieds de feux ; lesquels après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés qu'ils sont tenus de nommer en conformité des lettres du roi, ont unanimement et d'une commune voix nommé ledit sieur LABARDE, Agent et Pierre DUZAN, faiseur d'araires, qui ont accepté ladite commission et promis de s'en acquitter fidèlement.
    Ladite nomination ainsi faite, lesdits habitants ont en notre présence remis audit Pierre LABARDE et DUZAN, leurs députés, leur cahier afin de le porter à l'assemblée qui se tiendra à BAZAS le dix de ce mois devant Mr DE PIIS, Grand Sénéchal d'Épée du BAZADAIS, auxquels ils donnent pouvoir de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner le bien de l'Etat, la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans tout le royaume. De laquelle délibération et nomination octroyons acte avons signé.
signé: DELOUSTAU

    Il est intéressant de constater l'intérêt soulevé dans une petite paroisse du Réolais par la convocation des Etats Généraux de 1789 et de noter que dans le cahier de plaintes et de doléances, les revendications d'ordre local (perception des impôts, proximité des chantiers pour la corvée ...) se retrouvent parmi des revendications d'ordre plus général.
A noter également le petit nombre d'électeurs, 8, pour une population de 60 pieds de feux et qu'un seul délégué, Pierre DUZAN savait signer son nom.
A signaler que les descendants de Pierre DUZAN habitent actuellement à Loupiac de La Réole un lieu-dit "l'ARAYEY", mot patois signifiant "faiseur d'araires".
    G. DUMESTE
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-:-:-:-:-JEAN DE LA REOULE:-:-:-:-:-

LA STATUE :
    Faut-il voir dans le petit guerrier, moustachu, en uniforme de garde française, qui est de faction à l'angle du Turon et de la Rue des Frères Faucher, l'image d'un Réolais héroïque dont le nom exact et les exploits sont aujourd'hui perdus dans l'oubli ?
    C'est l'opinion de Dupin et Gauban, les deux érudits historiens de La Réole. Ils rapportent qu'en 1210, millésime gravé sur le socle de la statuette La Réole était en guerre avec Agen. Il se peut qu'un habitant de notre ville se soit rendu célèbre par son courage et ses faits d'armes au point que ses concitoyens reconnaissants lui aient élevé une statue.
    Placée aux limites de la ville, sur une Porte du Turon, face au levant d'où pouvaient venir les ennemis, cette statuette, en bois, y serait restée jusqu'en 1764, année où la Porte fut démolie.
    Comme elle tombait en vétusté, après cinq siècles d'existence, on la remplaça par une autre mais si l'on prit soin de reproduire la date de 1210, et peut-être le socle lui-même, l'image nouvelle fut celle d'un soldat de l'époque, sans que l'anachronisme parut choquant.
    Depuis lors, Jean de La Réoule, en son bel habit bleu, surveille la route d'Agen, pique en main et tricorne au chef.

    Aucune pièce de nos archives, aucune tradition locale qu'un chercheur comme Michel Dupin n'eut pas manqué de recueillir, n'a gardé le souvenir du soi-disant héros réolais.
Aussi est-on porté à se demander s'il ne s'agit pas d'un personnage imaginaire, comme semblerait l'indiquer par ailleurs son prénom si commun, quelque cousin des légendaires Jean de Nivelle ou Jean de la Lune?
    La vieille statue de bois primitive fût-elle placée sur la route du Turon en commémoration d'un fait d'armes ? Était-ce plus simplement une quelconque image, très antique, fixée sur la muraille lors de sa construction, et baptisée "Jean de La Réoule" par les habitants pour donner un visage et un corps au personnage de la chanson? On pense à la tête du "Moyssac" qui orne la façade de la vieille église de Moissac, et au buste de cette "Dame Carcas" si peu historique à l'entrée de la Cité de Carcassonne ...

    En l'absence de documents, il est impossible de choisir parmi des hypothèses diverses: Jean de La Réoule continue sa garde séculaire et ne se soucie point de savoir si le secret de son existence sera ou non percé un jour.

LA CHANSON :
Réel ou imaginaire nous retrouvons "Jean de La Réoule” dans une chanson très ancienne et très gaillarde.
    Il ne s'agit plus cette fois, d'un héros légendaire, statufié par ses concitoyens, mais plutôt d'un personnage un peu naïf, mari infortuné et dont chacun se gausse. 
    "Jean de La Réoule" est ce qu'on appelle une chanson de ”ville", ou chanson particulière à une communauté urbaine, créée par ses habitants, et complément habituel de toutes les manifestations collectives de la vie publique. Elle rentre par certains côtés dans le cycle des compositions populaires portant sur des types un peu ridicules ou singuliers, mais sympathiques cependant.
    L'air en est entraînant, les paroles alertes et légères. Tel qu'il nous a été transmis, le texte en est certainement incomplet. Le premier couplet, sans rapport avec les suivants, devait appartenir à une version primitive, chanson de mariniers, très probablement série de strophes où Jean de la Réoule faisait des réponses plaisantes ou grotesques aux questions saugrenues qui lui étaient posées. Dans cette version n'a été conservée qu'une strophe, la première sans doute, puisqu'on se rappelle toujours plus facilement le début d'une chanson, et l'on a brodé sur les autres strophes des variations qui ont complètement modifié l'ensemble.
    La préférence pour cette deuxième version, l'oubli presque total de la première, dut être favorisée par un fait local, sans qu'on puisse aujourd'hui en trouver trace. Mais il est facile d'imaginer quelque personnage connu de tous, un peu "idiot-de-village", que l'on prenait plaisir à faire enrager en lui serinant ces couplets moqueurs peut-être un ménage, mari benêt, femme simplette, dont une aventure fit du bruit en son temps, et fut pour les Réolais le prétexte de plaisanteries nombreuses.
Que nous voilà loin du vaillant guerrier auteur d'exploits étourdissants !

La première strophe de la chanson est la suivante :
Jean de La Réoule, moun amio, (bis)                      Jean de La Réole, mon ami, (bis)
A quale hore soun les mareyes?(bis)                       A quelle heure sont les marées? (bis)
-A queste neyt, à mige-neyt,                                    Cette nuit à minuit
A toute hore, à toute hore,                                      À toute heure, À toute heure
A queste neyt, à mige-neyt,                                    Cette nuit, à minuit,.
A toute hore de la neyt                                            À toute heure de le nuit

On chantait ensuite :
Jean de La Réoule, moun amic, (bis)                      Jean de La Réole, mon ami,
Ahl que ta femme est maou couhade (bis)              Ah! que ta femme est mal coiffée !
Mène-me là, te la couherey,                                     Amène-là moi, je te la coifferai
A l'oumbrette, à l'oumbrette,                                   A l'ombrette...
Mène-me là, te la couherey                                      Amène-là moi, je te la coifferai
A l'oumbrette daou perseguey.                                 A l'ombrette du pêcher.

    La femme de Jean de La Réoule était ensuite déclarée "maou cintade" (mal attifée), "maou justade" (mal ajustée),"maou jupade" et "maou caoussade", et on insistait toujours dans les mêmes termes, auprès de son mari, pour lui faire confier à un autre le soin de mieux l'attifer, l'ajuster, lui arranger sa jupe ou ses chaussures.
    A la strophe "Ah! que ta femme est maou couhade (mal coiffée), la malice populaire eut vite fait, vers la fin du XVIº siècle vraisemblablement, de substituer une variante "maou couyade" (mal...besognée), d'où est sortie une troisième version, qui est la version actuelle :

Jean de La Réoule, moun amic,                              Jean de La Réole, mon ami,
Ah! que ta femme es maou couyade!                    Ah! que ta femme est mal... besognée!
Mène-me là, te la couyerey,                                    Amène-la moi, etc…
A l'oumbrette, à l'oumbrette,
Mène-me lå, te la couyerey,
A l'oumbrette daou perseguey,

II
Puisque te trobes décidat,                                          Puisque te voilà décidé,
en douman matin à boune hore,                                 Viens demain matin de bonne heure,
Te la couyerey à ton agrat,                                         Je te la .... besognerai à ton gré,
A toun plesi et à la mode,                                          A ton plaisir et à la mode,
En puy li baillerey lou plec                                       Et puis je lui donnerai le pli etc... ...
De la couyure, de la couyure,
En puy li baillerey lou plec
De la couýure daous Réoules.

III
Tu quès un guerrier distinguat,                                  Toi qui es un guerrier distingué,
Counserbe lou fruyt de ta femme;                              Conserve le fruit de ta femme;
Hey tchaou que ne s'aborti pas                                  Prends garde qu'elle n'avorte pas,
Qu'harès une porte bien grande !                              Tu ferais une bien grande perte.
Car ère te pourte un gouyat,                                      Car elle te portera un fils,
Qu'hara la glouare, qu'hara la glouare,                      Qui fera la gloire, etc...
Car ère te pourte un gouyat                                       Car elle te portera un fils,
Qu'hara la glouare de la cioutat.                               Qui fera la gloire de la cité

IV
A la nechense de soun hill                                      A la naissance de son fils,
Quand celebreran lou bateyme,                              Quand on célèbrera le baptême,
Hey ourna la gleyze de lis,                                     Fais orner l'église de lys,
Maride lou d'amb une reyne,                                  Marie-le avec une reine.
Et la peis per lors règnera                                       Et désormais la paix règnera
Deden La Réoule, deden La Réoule,                     Dans La Réole...... etc.
Et la peis per lors règnera                                      Et désormais la paix règnera  
Deden La Réoule tent que bioura.                         Dans La Réole, tant qu'il vivra

    Avec les mariniers qui la chantaient en manœuvrant leur bateau, cette chanson remonta la Garonne et fut transportée bien loin des limites de notre ville.
    Nous la retrouvons d'abord à Toulouse où, jusqu'à la Révolution on l'entendait couramment dans les rues, à la rentrée des étudiants et des magistrats, vers la mi-octobre. 
    On raconte qu'un membre de la famille de Seguin, de La Réole, ayant acheté, au début du XVIII Siècle, une charge de Capitoul à Toulouse, fut accueilli, le jour de son entrée en fonctions, par l’orchestre de la ville jouant "Jean de La Réoule” preuve que cet air était déjà connu et populaire en Languedoc à cette époque. Plus on s'écarte de son point de départ, plus grandes sont les altérations que subit le texte. En languedocien, le premier couplet devient :

Jan de La Rioule es arribat                                 Jean de La Réole est arrivé
Amb uno grosso troupo d'azes,                          Avec un grand troupeau d'ânes,
D'ases, Messius, toutis cargats                          D'ânes, Messieurs, tous chargés
De canounyés et de meynades,                          De chanoines et de filles
D'azes, Messius, toutis cargats                          D'ânes, Messieurs, tous chargés
De canounyés et d'aboucats.                              De chanoines et d'avocats.

--------------
Dans le Lodévois, ce couplet est devenu :
Jan de La Riula est arrivat                              Jean de La Réole est arrivé
Amb una carga de balajas.                              Avec un chargement de balais.
Quan les vendès? Quinze dignès                     Combien les vendez-vous? Quinze deniers
Soun trop cadas, soun trop cadas!,                  Ils sont trop chers bis
Quan les vendès? Quinze dignès.                    Combien les vendez-vous? Quinze deniers
Soun trop cadas! Causissès.                             Ils sont trop chers.  Choisissez !

    Peut-on voir là autre chose qu'un dialogue entre un marchand de balais - la fabrication des balais fut toujours une importante industrie réolaise- et un acheteur éventuel qui s'amuse, pour obtenir un prix meilleur, à déprécier ce qu'on lui offre ? Là encore, la déformation locale doit provenir de la présence d'un individu particulier qui a servi de cible à l'esprit satirique des populations.
    Au contraire, le second couplet, concernant la femme du mari berné, est conservé presque intégralement dans la version toulousaine, et reproduit même dans les vers 5 et 6 la version réolaise la plus ancienne :

Jean de La Rioule, moun efant,                      Jean de La Réole, mon enfant,
Has ta femmo mal coufade;                           Tu as ta ferme mal coiffée;
Baillo-la mé, la couferei,                                Donne la moi, je te la coifferai etc ...
A touto ouro, à touto ouro,                             etc ...
Baillo-la mé, in coufereï,
A touto ouro de la neït.

    De Toulouse, la chanson gagna les localités voisines, et traversa même tout le Bas-Languedoc pour atteindre, par Castres (1) la région de Lodève et de Clermont l'Hérault. Du Bas-Languedoc, par déformations successives, elle atteint le Roussillon : de nos jours encore, à Perpignan, Céret, Prades et les villages d'alentour, on clôture les danses, les soirs de fête, par une sorte de quadrille ; parmi les morceaux exécutés à cette occasion, on peut entendre un "En Jean del Riu" qui n'est autre que notre "Jean de la Réoule".

    La musique est la même, mais les paroles sont réduites aux huit vers suivants qui comportent du reste des variantes :
En Jan del Riu n'es arribat Jan del Riu                        (Jean de la Réole) est arrivé
Amb una carga de monines;                                        Avec un chargement de singes;
En Jan del Riu es arribat                                             Jan del Riu est arrivé
Amb una carga d'escarbats.                                         Avec un chargement de scarabée.
N'ha comprat un biolon                                               Il a acheté un violon
Per fer balla las ninetes,                                              Pour faire danser les jeunes filles,
N'ha comprat un biolon                                              Il a acheté un violon
Per fer ballar les minyons.                                          Pour faire danser les garçons.

Le second vers est parfois "Amb un pot de confitura" ou" Amb una bota de vi ranci" (une bouteille de vin ranciot) et au lieu du quatrième vers, on peut dire: "Amb lou pot de rasinat" (le pot de raisiné) ou "Amb una bota de muscat" (une bouteille de vin muscat).


(1) Elle est citée dans les "chants populaires du pays castrais" d'Anacharsis Combes (Castres 1862).

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I - 1958 - Une culture abandonnée : le chanvre (Manley-Bendall) Cahiers du Réolais n°33 II - 2025 - Le chanvre, une culture d'avenir ? L...

1958 - Une culture abandonnée : le chanvre... 2025 - Le chanvre, culture d'avenir ?




I - 1958 - Une culture abandonnée : le chanvre
(Manley-Bendall) Cahiers du Réolais n°33
II - 2025 - Le chanvre, une culture d'avenir ?

Le chanvre (Cannabis sativa) est une plante annuelle dioïque à l'état normal, à tiges dressées de 2 à 4 m de haut en moyenne, pouvant s'élever jusqu'à 6 à 10 m ; le diamètre à la base des tiges est de 20 à 30 mm ; la tige comporte, dans sa partie libérienne, les fibres. L'aire de culture est très étendue, des zones tempérées aux zones subtropicales. Son cycle de développement est très court, de 50 à 160 jours. La culture du chanvre est en régression. Essentiellement produit pour sa fibre (toiles, cordages), le chanvre a été fortement concurrencé par des fibres issues d'autres plantes (sisal, jute) et par les fibres synthétiques. La Chine, la Roumanie et l'Inde sont les premiers producteurs mondiaux. (Larousse)

I - Une culture abandonnée : le chanvre
Cahiers du Réolais N° 33 - 1958
    Le chanvre (Canabis sativa) était autrefois cultivé dans toute la région, et il y a un siècle encore, le Bordelais en était grand producteur.
M. de Tourny (1743-1747) encourage une industrie toute locale, mais qui s'avéra bientôt de première importance pour l'économie domestique.
    Toutes les communes du Réolais avaient leurs chènevières placées dans les terrains "frais", auprès du Dropt ou des affluents, jamais sur les hauteurs, trop sèches et convenant mieux à la vigne.
    Le grand intendant de Guyenne fut le protagoniste de cette culture dans sa généralité, et il y a seulement soixante-quinze ou quatre-vingt ans, chaque propriétaire "faisait son chanvre" comme de nos jours il "fait son vin". La production était limitée à ses besoins personnels ; en cas de surplus, celui-ci était vendu.
    Plante annuelle, les semis se faisaient très drus, au printemps, de mars à mai, à la grande joie des oiseaux, friands de chènevis, et auxquels les enfants faisaient peur en attendant que la terre soit retournée. La récolte avait lieu de fin juillet à la mi-août; le rouissage  suivant le plus tôt possible afin d'obtenir des chanvres très blancs.
Cette opération séparait la fibre textile ou chènevotte de la gomme résineuse qui la fixe à la tige.
    Dans le Dropt ou la Garonne, les touffes de chanvre réunies en radeaux restaient maintenues sous l'eau par des poids pendant cinq ou six jours; cette fermentation microbienne dégageait la fibre du mucilage qui l'entoure. Puis on l'épandait sur un pré pour la sécher et la blanchir, en la retournant pendant quinze ou vingt jours.
    Le Dropt, à courant continu malgré les écluses, enlevait assez vite ce qui pouvait offenser les narines de nos ancêtres, car l'odeur nauséabonde était jugée nocive, à tort d'ailleurs.
    Le broyage, le teillage (enlèvement de l'écorce) et le peignage produisaient la filasse. 
A la veillée d'automne ou d'hiver, les femmes filaient les fibres sur fuseaux, les plus adroites au rouet, appareils qu'on ne trouve plus que rarement dans les familles. Puis le fil était mis en pelote et remis aux tisserands qui travaillaient à façon les diverses étoffes qu'on leur demandait : tissage sur métier Jacquart, à bras, que l'on voyait encore à la génération précédente.
    Le fil de chanvre mélangé au fil de coton se muait en grisette pour pantalons et vêtements de travail. Le coton teint à l'indigo laissait de fortes empreintes sur la peau, et deux lavages de l'étoffe étaient nécessaires pour arrêter cette coloration. On mélangeait parfois chanvre et laine, on faisait alors des "cadis"(2).
    Mais c'était surtout la toile pour draps et serviettes qui était prisée comme inusable.
Certains ménages possèdent encore des draps entièrement neufs, n'ayant pas été encore utilisés.
Le stock ancien étant plus que suffisant. On trouve des pelotes de fil dans des tiroirs; elles y font figure de fossiles, car on ne songe plus à les utiliser pour le tissage.
    Les tisserands toiliers produisaient de la toile de " brin " faite du chanvre le plus fin, d'une aune de largeur et valant, à cette époque, 40 sous l'aune. Le " boisradis" était une seconde qualité à 30 sous l'aune; le "terlis " était une grosse toile pour les sacs. Les sergeurs fabriquaient les " cadis " très employés, les cordelats et des droguets de fil et de laine.
    Au XVIII° siècle, le chanvre était cultivé un peu partout en France et, grâce à Tourny, dans les environs de Bordeaux, dans le Réolais et aussi en Agenais.
L'exportation en nature était interdite et la plus grande partie des "cherves"(3) reçues à Bordeaux était expédiée à Bayonne et à St-Jean-de-Luz.
    Mais Bordeaux recevait également des chanvres de Navarre et un règlement de la Jurade défendait aux cordiers de mélanger les chanvres de Guienne avec ceux de Navarre, sous peine du fouet et de 300 sous d'amende.
1745 - 16 Mars. Ordonnance de l'Intendant afin que les chanvres soient mieux broyés ; il proclame la supériorité des chanvres de Guienne sur ceux de Bretagne à la suite d'expériences faites à Brest par la marine.
1746 19 Août : Vu l'épizootie en Périgord, défense de faire rouir le chanvre dans le Dropt.
1756 - Le chevalier de Vivens écrit : "Il est surprenant que la France ait besoin de chanvres étrangers" (Riga).
    Pour peu qu'on ait voulu favoriser la culture dans notre province, où on l'entend très bien, on en recueillerait bientôt au-delà des besoins du royaume.... Le commerce qui en augmenterait la culture est le plus aisé de tous. Rien de si sûr que de spéculer sur le chanvre, la garde en est facile et paie l'intérêt de l'argent; ce serait surtout le long de la Garonne, dans les plaines qui sont si propres pour le chanvre, où l'on en ferait venir une prodigieuse quantité ".
1781 25 Oct. : Lettre de Versailles à l'Intendant de Bordeaux :
    La marine royale consomme annuellement de 11 à 12 millions de livres de chanvre; la marine marchande aussi de grandes quantités; on est obligé d'en tirer une grande quantité du Nord et de faire passer des fonds considérables à l'étranger; la guerre rend cette importation difficile et dispendieuse.
D'où nécessité de développer la culture du chanvre. Il reste encore tant de terrains à dessécher et à défricher..! "

    Et Latapie, inspecteur des manufactures, dans son rapport "L'état de la culture du chanvre en 1781, dans les élections de Guienne", dit : "Dans la généralité de Bordeaux, c'est dans les sud délégations de Marmande (dont faisait partie La Réole) et d'Agen, que l'on trouve les terrains les plus fertiles en chanvre; celle de Marmande recueille seule le tiers de tout le chanvre de la généralité
1°- parce que les terrains qui avoisinent la Garonne sont excellents,
2°- parce que les corderies de Tonneins et de La Réole qui sont au centre du pays, y procurent un débouché certain et rapide. Il n'y a que les bords des rivières que l'on puisse destiner à cette culture parce que cette plante exige de l'humidité des meilleurs fonts possibles... 40 mille quintaux manquent à la marine de Bordeaux en temps de guerre et il faut absolument faire le sacrifice de 1.600.000 livres en faveur de l'étranger et cela pour un seul port... Chaque arpent cultivé avec les engrais suffisants produit en Guienne, année moyenne, 8 quintaux de chanvre...
    Au temps de Colbert, on disait que les chanvres de Bretagne étaient supérieurs à ceux du Nord, pour la force, mais que sous ce rapport ceux de Guienne valaient encore mieux...
1789-90 : Dans ses "Voyages en France"', Arthur Young, toujours impressionné par la fertilité de la moyenne Garonne, dit: "Dans le voisinage d'Agen, le chanvre donne 10 quintaux par carterée (1) à 40 livres par quintal ".
    Monségur était lors du dénombrement de 1730, réputé pour la finesse de ses chanvres; ceux-ci étaient appréciés bien au-delà de la juridiction; la demande était justifiée par les besoins de la population à ure époque où la culture du coton n'avait pas l'importance mondiale qu'elle a aujourd'hui.
    On comptait à ce moment "quatre blanchisseurs de toilles", cinq " filasseurs ", trente-et-un "tisserands d'étoffes", huit drapiers faiseurs - ce qui représentait un nombre considérable de travailleurs de chanvre dans un bourg de 1162 habitants.
    Il n'y a pas très longtemps existaient encore des rouisseurs de profession. Les odeurs provenant du rouissage incommodaient les populations.
    Nous lisons: "Il y a grande sécheresse depuis plusieurs mois, il y a fort peu d'eau dans le Dropt, où en semblable saison on met quantité de chanvre et les eaux sont complètement gâtées, on ne peut plus abreuver le bétail... Il y a lieu de défendre à toutes les personnes de quelque qualité ou profession qu'elles soient, de tremper le chanvre à peine de confiscation, de 50 livres d'amende et de prison.
Cet avis sera publié dans toutes les paroisses
" (6 août 1705).
    La défense de rouissage dans le Dropt est renouvelée en 1746, 1756 et 1764. Et la Maîtrise des Eaux et Forêts fait de même en 1782.
1790- Décembre. Le prix moyen de la filasse est, depuis dix ans, de 6 livres le quintal.
An III - Frimaire. Le Directoire de La Réole réquisitionne tout le chanvre brié ou non brié, le fil blanchi ou écru. Pour le chanvre non brié, il sera procédé au briage: cela " pour le service de la marine, le triomphe de la liberté et le maintien de la République ". Réquisitions renouvelées dans les années qui suivent.
An VI Une patente de tisserand est de 4 francs, et le titulaire pourra exercer sa profession sans trouble ni empêchement.
1802 Juin, Le commerce du chanvre, des grosses toiles et du fil entretient un marché important dans la ville de Monségur et des environs".
1812 Jurade. Il n'y a plus que 4 tisserands travaillant - quatre mois de l'année et gagnant 1fr50 par jour; les autres passent huit mois à la culture de la terre.
    Deux fabricants de grosses toiles et cadis sont de simples ouvriers qui cordent et tissent à domicile; ils ont de 70 à 75 centimes par aune des étoffes qu'ils fabriquent; l'un gagne 300 francs, l'autre 100 francs seulement par an.
1822 - 22 juillet. Le procureur du Roi auprès du tribunal de La Réole informe que la prohibition du rouissage dans le Dropt provoque le plus grand mécontentement dans le canton de Monségur et que l'exaspération est telle qu'il craint que le bon ordre ne soit troublé Le juge de paix de Monségur ajoute : " les esprits sont excessivement montés, infiniment plus qu'il ne pourrait le dépeindre. Le chanvre est un objet de première nécessité et l'usage de faire rouir le chanvre dans le Dropt est immémorial.
    Les paysans de cette contrée sont dans une honnête aisance, d'un caractère paisible et ne prononcent le nom du Roi qu'avec respect. Il est d'extrême urgence d'aviser ".
1825 Mars. Bénéficiant de chemins en bon état, "Sainte-Bazeille reçoit le chanvre, dont elle fait un commerce considérable ".
1838 - Dans la commune de La Réole, il y a 35 journaux cultivés en chanvre mais pour les besoins locaux seulement. En Septembre au marché : chanvre 1ère qualité, 50 francs les 50 kilos; 2ème qualité,
A Monségur et Sauveterre: 47 francs.
    La statistique de l' arrondissement de La Réole donne pour la production totale : 800 hectolitres soit 150.000 kilos.
1840 - Statistique à la demande du maire de Monségur : les bords du Dropt, on cultive le chanvre avec plus de succès que sur la côte ; les chènevières y sont plus communes et cette culture est l'une des meilleures et des plus revenantes.
1853 - Dans le canton de Monségur, il y a 100 hectares cultivés en chanvre, ce qui, avec 5 hectos de graines par hectare, fait 500 hectolitres. Le prix moyen d'un hecto de grain est de 20 frs; le kilo de filasse est de 0.80 centimes. (Il n'y a pas de lin).
1857 Sept - A l'occasion du Comice agricole tenu à Monségur, l'on voit une machine pour briser le chanvre, œuvre de Pierre Raffé, du Puy, employée avec avantage et déjà l'objet d'une récompense au Comice de Sauveterre, l'année précédente.
1865 -  J. Reclus dit (Comm. Mon. Hist. ): " le canton de Monségur produit beaucoup de chanvre. "
1870 - Après cette date, le chanvre fut la seule matière textile cultivée dans le Bordelais et employée surtout pour la corderie.
1877 : 50 livres de chanvre à 1,20 la livre font 60 francs.
1884 Juin - La surface affectée à la culture du chanvre, dans la commune de Monségur, est inférieure à 2 hectares.
Taillecavat, comme beaucoup d'autres communes du canton, avait des chènevières importantes et des tissages à main. Le nom du lieu- dit de Piquetuille viendrait de Pique Telle (toile) ; hameau où se réunissait les travailleurs autour de la source qui alimentait, avec d'autres points d'eau, les "gannes" fossés creusés à un mètre de profondeur sur deux ou trois de large, comme canaux d'irrigation et surtout pour le rouissage.
On voit souvent " Pique teulle ". (Ed. Lecourt).
Cours, il y a moins d'un siècle, avait une spécialité de grisettes.
1860 Roquebrune avait 10 hectares de chènevières avec un produit moyen de 3 hectos de grains à 25 francs l'hectolitre. Le chanvre produit en moyenne, par hectare, 700 kilos de filasse.
En 1874, à Sainte-Gemme, la récolte du chanvre excède de la moitié la consommation de la commune.

    Il ne reste plus rien, dans le Réolais et le Monségurais, de cette ancienne industrie paysanne et artisanale du textile local. La culture intensive du coton dans le monde et la très grande industrie cotonnière du Nord et de l'Est ont porté un coup mortel à la culture du chanvre dans le Sud-Ouest.
    Pendant la 2ème guerre mondiale (1939-44), les pouvoirs publics ont tenté de faire revivre, partout où cela était possible, la culture du chanvre et la propagande par radio a fait dresser bien des oreilles, mais ce renouveau n'a pas été réalisé, ici, malgré les hauts prix des textiles.
    A Roquebrune et ailleurs, quelques semis ont été faits, vite abandonnés par suite du manque de main d'œuvre réservée aux travaux qui ont fait depuis longtemps la fortune de ce pays béni des Dieux maïs, seigle, tabac, vigne, blé...  avec l'incomparable profusion des arbres fruitiers de l'Agenais, cette splendeur !...
MANLEY-BENDALL

(1) carterée : 2000 m²
(2) Cadis : Tissu de laine du genre de la bure ou de la flanelle.
(3) Cherves : chanvre


II - Le chanvre, une culture d'avenir ?
Face aux difficultés de la viticulture en Gironde, une poignée d'agriculteurs explorent une nouvelle voie : le chanvre, plante robuste, aux débouchés prometteurs, de l'alimentation à l'écoconstruction.
    Une association a été créée il y a un an
Linda Douifi Sud Ouest 15-09-2025
L.douifi@sudouest.fr


Plusieurs agriculteurs et porteurs de projet ont assisté à une rencontre d'information autour du chanvre jeudi 11 septembre. Un rendez-vous organisé par la Chambre d'agriculture. L. D

    Lucie et Jérôme Taffin montrent, avec une pointe de fierté, une photo de leur champ verdoyant : 1,4 hectare de chanvre qu'ils ont semé pour la première fois au printemps der nier, dans leur exploitation de Lagorce près de Libourne (viticulture et élevage). Une culture encore balbutiante en Gironde, mais qui suscite déjà beaucoup d'attentes.
"Pour l'instant, aucun regret, confie Jérôme. Malgré la sécheresse du début d'été, ça a très bien résisté"
Sa fille Lucie, 21 ans, voit dans cette plante une voie d'avenir: "Elle correspond bien à notre exploitation familiale, demande peu d'eau, mais valorise bien la matière organique issue de notre élevage" 
    Les Taffin ne se sont pas lancés seuls. Comme d'autres agriculteurs du secteur, ils ont rejoint l'association Chanvre en Libournais, créée il y a un an. Objectif: structurer une nouvelle filière dans un territoire marqué par les arrachages de vignes et la chute de la valeur foncière.
    Un marché en attente Au-delà de l'aspect économique, cette aventure est aussi une manière de rompre l'isolement. "Le collectif, c'est indispensable. Tout le monde n'a pas le matériel ni l'expérience, rappelle Lucie.
    Grâce à l'association, on partage les semoirs, on s'entraide pour les récoltes. "Quand l'un flanche, un autre prend le relais". Dans un métier où la solitude est souvent pesante, l'entraide redevient centrale. Notamment pour les investissements nécessaires. À la présidence de l'association, on trouve Fabienne Krief, viticultrice et maire de Bayas. Comme beaucoup, elle a arraché une partie de ses
vignes. Pour elle, le chanvre représente "une plante adaptée au changement climatique, peu gourmande en eau, et qui trouve déjà ses marchés, mais aussi bien pour la graine alimentaire que pour la fibre utilisée dans l'écoconstruction".
    Le chanvre cultivé dans le Libournais n'a rien à voir avec sa réputation sulfureuse.
Avec moins de 0,2% de THC (1), il est destiné à l'alimentation. - les graines riches en protéines intéressent restaurants collectifs, hôpitaux et maisons de retraite - et surtout à la construction écologique. La tige, une fois défibrée, fournit d'un côté la fibre, utilisée comme isolant, et de l'autre la "chènevotte", un granulat qui se mélange à la chaux ou à l'argile pour des enduits et des bétons.  "Aujourd'hui, les professionnels du bâtiment attendent du chanvre local, assure Fabienne Krief.
    Benoît Duret, tailleur de pierre à Lussac, fait venir plusieurs semi-remorques depuis le nord de la France pour restaurer des châteaux. L'idée est de "produire ici ce qu'on importe de loin."

L'enjeu du défibrage
    Encore faut-il franchir un cap: atteindre la masse critique de surfaces cultivées. <<Pour qu'une unité de défibrage voie le jour, il faut entre 100 et 150 hectares par an », précise la présidente. Cette unité, estimée à 700 000 euros, permettrait de séparer la fibre de la chènevotte et de donner toute sa valeur ajoutée à la culture. Pour l'instant, la vingtaine d'adhérents de Chanvre en Libournais n'exploitent qu'une dizaine d'hectares.
    L'an prochain, ils espèrent passer à 20. La paille, elle, peut être stockée en attendant. Des financements publics et privés soutiennent déjà l'initiative. Lisea, gestionnaire de la LGV, finance 50% du matériel, le Département suit également le projet. Une moissonneuse-batteuse d'occasion a ainsi pu être achetée collectivement, première pierre d'un équipement qui doit encore s'étoffer.
Pour l'heure, la Gironde ne compte qu'une seule association dédiée, mais d'autres pourraient émerger. 
    D'où l'opération d'information menée par la Chambre d'agriculture de la Gironde et Chanvre du Libournais, jeudi 11 septembre à Chamadelle.
"Le marché est là, c'est à nous de nous organiser pour l'alimenter", résume Fabienne Krief. 
    Dans un département où la viticulture peine à se relever, le chanvre apparaît comme une alternative crédible. Pas une solution miracle - la rotation impose de ne pas en ressemer sur la même parcelle avant cinq ans - mais une culture complémentaire, porteuse d'espoir et de solidarité. Chez les Taffin, la récolte de cette première campagne approche. "On va voir ce que ça donne, mais on est convaincus, assure Jérôme. C'est une plante robuste, pleine de débouchés."
    Un pari sur l'avenir que partagent, désormais, une poignée d'agriculteurs girondins.(1) THC: le principe actif du cannabis qui entraine une dépendance.

- Chanvre ou CBD, deux cultures différentes
Si le chanvre et le CBD (cannabidiol, qui n'entraîne pas de dépendance) proviennent de la même plante, leurs cultures n'ont rien en commun. Le chanvre cultivé en Gironde l'est à forte densité (jusqu'à 100 pieds/m²) pour produire graines et fibres. Le CBD, lui, nécessite des variétés spécifiques, semées beaucoup plus clairsemées (4 pieds/m²). Les deux ne peuvent cohabiter: une pollinisation croisée ruinerait la teneur en CBD.

- Du chanvre est tiré un nombre important et toujours croissant de produits : fil, ficelle, tissu, papier (plus de 70 % de la production avant 1883), mais aussi matériaux de construction et d'isolation, carburant, plastiques, produits alimentaires, médicaments.

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